La séance, suspendue à treize heures vingt, est reprise à quatorze heures cinquante, sous la présidence de M. Georges Patient.
La séance est reprise.
Mes chers collègues, par lettre en date du 14 avril, le Gouvernement demande l’inscription à l’ordre du jour du mardi 18 mai, après-midi et soir, et, éventuellement, du mercredi 19 mai, après-midi, sous réserve de son dépôt et de sa transmission, du projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire.
En conséquence,
– d’une part, l’examen du projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique et du projet de loi organique modifiant la loi organique relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution est reporté au mercredi 19 mai, après-midi et soir, et, éventuellement, au jeudi 20 mai matin, à l’issue de l’examen des deux propositions de loi déjà inscrites à l’ordre du jour, après-midi et soir ;
– d’autre part, l’examen du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine des transports, de l’environnement, de l’économie et des finances est reporté au jeudi 20 mai, à la suite des textes déjà inscrits à l’ordre du jour, et, éventuellement, au vendredi 21 mai, matin et après-midi.
Acte est donné de ces demandes.
Nous pourrions fixer le délai limite pour le dépôt des amendements de séance sur le projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire au mardi 18 mai à 12 heures.
Y a-t-il des observations ?…
Il en est ainsi décidé.
Par ailleurs, par courrier en date du 14 avril, M. François Patriat, président du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, et, par courrier en date de ce jour, M. Claude Malhuret, président du groupe Les Indépendants – République et Territoires, demandent l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de résolution présentée par MM. Alain Richard et Joël Guerriau, en application de l’article 34-1 de la Constitution, en faveur de l’association de Taïwan aux travaux de plusieurs organisations internationales.
Nous pourrions inscrire ce texte, sous réserve du respect du délai d’information préalable du Gouvernement, en complément de l’ordre du jour du jeudi 6 mai après-midi.
Comme il est d’usage lors de l’examen des propositions de résolution, les interventions des orateurs des groupes vaudront explications de vote sur le texte.
Y a-t-il des observations ?…
Il en est ainsi décidé.
Enfin, à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, en accord avec le Gouvernement et le groupe Écologiste – Solidarités et territoires, et après consultation de l’ensemble des groupes politiques, le débat sur le thème : « Les enjeux nationaux et internationaux de la future PAC » serait désormais inscrit à l’ordre du jour du mardi 4 mai, le soir et le débat sur le thème : « Contrat de relance et de transition écologique, ne pas confondre vitesse et précipitation » serait désormais inscrit à l’ordre du jour du mercredi 5 mai en dernier point de l’ordre du jour de l’après-midi.
Y a-t-il des observations ?…
Il en est ainsi décidé.
Nous reprenons la discussion de la proposition de loi d’expérimentation visant à favoriser le retour à l’emploi des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA).
Je rappelle que la discussion générale a été close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
I. – Pour une durée de quatre ans à compter de la parution du décret mentionné au VII, une expérimentation visant à favoriser le retour à l’emploi des bénéficiaires du revenu de solidarité active est mise en place dans les départements volontaires. La liste des départements retenus pour participer à l’expérimentation est fixée par arrêté du ministre chargé de l’action sociale.
II. – Peut bénéficier du dispositif prévu par la présente loi toute personne volontaire, bénéficiaire du revenu de solidarité active depuis au moins un an, inscrite sur la liste des demandeurs d’emploi et domiciliée dans un département participant à l’expérimentation mentionnée au I du présent article.
III. – Par dérogation aux articles L. 262-2 et L. 262-3 du code de l’action sociale et des familles, les revenus professionnels perçus par les bénéficiaires de l’expérimentation mentionnée au I du présent article dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée d’une durée d’un an ou à durée indéterminée sont exclus pendant une période maximale de douze mois du montant des ressources déterminant l’éligibilité au revenu de solidarité active et servant au calcul de cette allocation, selon des modalités et dans la limite d’un plafond fixés par décret.
Pendant la même période, le bénéfice de la prime d’activité mentionnée à l’article L. 841-1 du code de la sécurité sociale est suspendu pour les bénéficiaires de l’expérimentation mentionnée au I du présent article.
Dans le cadre de cette même expérimentation, par dérogation au premier alinéa de l’article L. 3123-7 du code du travail et aux dispositions conventionnelles en vigueur prévoyant une durée plus longue, les bénéficiaires de ladite expérimentation peuvent être embauchés dans le cadre d’un contrat de travail prévoyant une durée de travail hebdomadaire minimale de quinze heures. Ils peuvent conclure un contrat à durée déterminée au titre du 1° de l’article L. 1242-3 du même code.
IV. – Les articles L. 121-4 et L. 262-26 du code de l’action sociale et des familles ne sont pas applicables à la décision d’un département de participer à l’expérimentation prévue par la présente loi. Les charges supplémentaires pour les départements résultant du III du présent article font l’objet d’une compensation financière par l’État dans les conditions applicables au financement du revenu de solidarité active.
V. – Au plus tard dix-huit mois avant le terme de l’expérimentation mentionnée au I, les conseils départementaux des départements sélectionnés pour l’expérimentation dressent le bilan de l’expérimentation dans un rapport. Ce rapport précise la situation individuelle des bénéficiaires de l’expérimentation avant leur entrée dans le dispositif, évalue leur situation à la sortie du dispositif, présente l’évolution du nombre de bénéficiaires du revenu de solidarité active ainsi que celle du nombre d’emplois non pourvus dans le département au cours de la période expérimentale et décrit les dépenses occasionnées par le dispositif.
VI. – Au plus tard douze mois avant le terme de l’expérimentation mentionnée au I, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de l’expérimentation afin de déterminer les conditions appropriées pour son éventuelle généralisation. Ce rapport évalue l’impact du dispositif sur le retour à l’emploi des bénéficiaires du revenu de solidarité active, sur l’appariement entre l’offre et la demande de travail ainsi que sur les finances publiques.
VII
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en tant que sénateur de l’Allier et conseiller départemental de ce département pendant vingt-cinq ans, je tiens à vous présenter ma position sur le texte que nous examinons.
Comme cela a été rappelé lors de la discussion générale, cette proposition de loi est issue des travaux du conseil départemental de l’Allier, lequel est à l’origine de cette initiative et l’a partagée avec l’ensemble des parlementaires du département. L’objectif est de favoriser le lien entre l’économie et l’insertion en permettant, plus qu’aujourd’hui, le cumul du RSA et d’un salaire via un nouveau dispositif.
Les départements ont toujours été attentifs à la situation des entreprises et au maintien de l’emploi. Ils sont bien souvent déjà à l’origine de politiques volontaristes et nécessaires qui ont largement structuré les démarches des publics en insertion.
C’est pourquoi cette expérimentation offre un nouveau cadre qui encourage la reprise d’activité des bénéficiaires du RSA, tout en répondant aux besoins des entreprises. Il faut savoir que, dans mon département, le nombre de foyers bénéficiaires du RSA s’élève à environ 10 000. En parallèle, le nombre d’offres d’emploi est quasiment identique. Ainsi, cette expérimentation aura tout son sens.
Le département est un échelon de proximité indispensable. Il finance le RSA, en partie sur ses fonds propres et en partie sur les contributions fournies par l’État. Face aux difficultés rencontrées, il me semble pertinent de soutenir les expérimentations visant à limiter, à terme, la hausse du nombre de bénéficiaires du RSA, en leur offrant une étape progressive vers le monde du travail. Tel est l’objectif de cette expérimentation. Ces démarches sont d’autant plus pertinentes qu’elles émanent directement des acteurs de terrain.
Pour toutes ces raisons, je soutiens cette proposition de loi afin d’accompagner cette initiative et de lui donner toutes ses chances.
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.
L’amendement n° 2 rectifié bis, présenté par M. Savary, Mme Gruny, M. Mouiller, Mme Deseyne, MM. Bonne et Belin, Mmes Belrhiti et Berthet, MM. Bonhomme, Bouchet, Bouloux, Brisson, Cardoux et Charon, Mme Chauvin, MM. Courtial et Cuypers, Mme L. Darcos, M. de Legge, Mmes Delmont-Koropoulis, Deromedi, Di Folco, Dumont et Estrosi Sassone, M. B. Fournier, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, M. Gremillet, Mme Imbert, MM. Karoutchi et Laménie, Mme Lassarade, MM. D. Laurent et Lefèvre, Mmes Malet, M. Mercier et Micouleau, MM. Milon, Pellevat et Piednoir, Mmes Pluchet, Puissat et Raimond-Pavero, MM. Rapin, Sautarel et Savin et Mme Schalck, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1, seconde phrase
Compléter cette phrase par les mots :
précisant le nombre de bénéficiaires relevant de cette expérimentation
II. – Alinéa 2
Supprimer les mots :
depuis au moins un an
La parole est à M. René-Paul Savary.
Cet amendement, largement évoqué en commission, tend à ouvrir le dispositif à l’ensemble des bénéficiaires du RSA, notamment à ceux qui sont les plus proches de l’employabilité, ce qui ne se résume pas à plus ou moins un an de chômage.
On sait par expérience que les bénéficiaires de RSA se divisent schématiquement en trois grands groupes : ceux qui sont victimes d’accidents de la vie, notamment de problèmes de chômage, qui ne sont pas éloignés de l’employabilité, mais qui ont besoin d’un accompagnement pour retrouver l’emploi ; ceux qui en sont beaucoup plus éloignés, pour lesquels le département sait mener des actions d’insertion plutôt tournées vers l’insertion professionnelle, parce qu’ils ont besoin d’une formation plus adaptée et d’un accompagnement pour retourner à l’emploi, étant plus loin dans le parcours ; enfin, un troisième bloc rassemble ceux qui doivent bénéficier d’un accompagnement social en vue de l’insertion, le moment n’étant pas venu de leur proposer un retour à l’emploi, avec des actions bien ciblées que savent également mettre en œuvre les départements.
Pour que les expérimentations soient valables, il faut ouvrir le plus largement possible le dispositif et ne pas le limiter à ceux qui perçoivent le RSA depuis une certaine durée. Ce point constitue la deuxième partie de cet amendement.
La première partie vise, quant à elle, à contingenter le nombre de bénéficiaires, afin d’échapper, d’abord, à l’article 40 de la Constitution, mais aussi parce que, dans la négociation avec l’État, il faudra avancer un nombre de bénéficiaires. L’État ne va pas compenser en se contentant d’ouvrir le carnet de chèques, il dira éventuellement qu’il en finance 100, 200 ou 300, selon les départements, même si, maintenant que le Gouvernement a fait part de son avis défavorable, nous avons des raisons d’être inquiets !
Alors devra s’ouvrir une discussion sur les critères pour que cette expérimentation puisse être généralisée, avec de gros départements urbains, ceux qui sont au-dessus d’un million d’habitants, des départements intermédiaires, entre 300 000 habitants et un million d’habitants, ou des départements ruraux, de moins de 300 000 habitants. Cette discussion, madame la ministre, doit se tenir avec l’Assemblée des départements de France (ADF), qui peut très bien représenter les différents départements, et doit permettre de fixer des critères éventuellement généralisables.
Tel est le but de cet amendement.
Cette proposition de loi prévoit effectivement une condition d’un an d’ancienneté dans le RSA pour bénéficier du dispositif ; la commission a considéré que des conditions plus souples seraient préférables.
Des personnes bénéficiant du RSA depuis moins d’un an peuvent, comme l’a dit René-Paul Savary, se trouver en situation d’exclusion et c’est peut-être parmi elles que l’on parviendra à trouver des personnes motivées et volontaires pour entrer dans le dispositif prévu par cette proposition de loi.
Cet amendement tend à laisser plus de latitude aux départements pour identifier ces personnes ; son application nécessitera bien, à mon sens, des échanges avec l’ADF. En tout état de cause, la commission a émis un avis favorable.
Sur le fond, nous sommes d’accord et nous partageons l’objectif d’aider et d’insérer les personnes les plus éloignées de l’emploi, notamment certains bénéficiaires du RSA, mais l’idée est aussi de faire en sorte que les dispositifs d’insertion soient proposés au plus tôt dans le parcours de la personne qui commence à bénéficier du RSA ; à défaut, nous manquerions la cible que nous souhaitons tous atteindre. Moins l’ancienneté dans le RSA est élevée, plus on a de chances de parvenir à une insertion sociale.
En revanche, nous n’approuvons ni la forme du dispositif ni l’expérimentation proposée, c’est pourquoi je m’en remets à la sagesse du Sénat.
Nous avions déposé le même amendement, mais nous n’avions pas vu venir l’article 40 de la Constitution !
Nous estimons effectivement que, quand on est bénéficiaire du RSA, on est déjà dans des dispositifs de minima sociaux depuis un moment : avant le RSA, on a bénéficié de l’allocation de solidarité spécifique (ASS) et, encore avant, on a été au chômage. Quand on arrive au RSA, on est déjà éloigné de l’emploi depuis un moment et on est déjà en grande difficulté. Cette règle d’ancienneté ne nous paraît donc pas opportune et, si ce dispositif devait exister, il devrait, selon nous, s’appliquer immédiatement, dès lors que quelqu’un est bénéficiaire du RSA.
Nous avons eu cette discussion en commission ; à mon sens, cet amendement vient améliorer le texte.
Je partage les propos de René-Paul Savary s’agissant de la « segmentation », même si ce mot n’est peut-être pas le plus approprié. En tout état de cause, si une segmentation était nécessaire, la durée dans le RSA ne me semblerait pas être le critère pertinent.
Par ailleurs, une expérimentation me semble devoir être contingentée. Nous voterons cet amendement.
Comme je le disais en discussion générale, en élargissant le dispositif aux bénéficiaires du RSA sans condition de durée, à la différence de « territoires zéro chômeur de longue durée », vous lui ôtez sa spécificité et vous supprimez l’intérêt de l’évaluation en favorisant l’effet d’aubaine qui pourrait en résulter.
Vous souhaitez inclure les personnes dès leur entrée dans le RSA, c’est-à-dire celles qui sont les plus proches de l’employabilité, mais les entreprises trieront elles-mêmes et choisiront, de fait, les bénéficiaires les plus proches de l’employabilité.
Surtout, en 2020, le nombre de bénéficiaires du RSA a augmenté de 9 %. Que recouvre ce chiffre ? D’abord, les personnes qui n’ont pas pu sortir du RSA, parce que l’activité s’est en partie effondrée. Il a été prouvé que ces personnes seraient sorties du RSA en temps normal. Cette expérimentation n’a donc aucun intérêt pour elles, qui ont été bloquées dans le RSA en raison de la conjoncture économique. Les entreprises les emploieront.
Ces 9 % d’augmentation incluent aussi les nouveaux entrants dans le RSA. Les concernant, je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous : les nouveaux publics, les indépendants, par exemple, ne sont pas toujours passés par une période longue de chômage et d’ASS. C’est faux. Une grande partie d’entre eux pourront rebondir si l’activité repart.
Enfin, l’augmentation du nombre de bénéficiaires du RSA s’explique aussi par le fait que beaucoup d’entre eux trouvent, certes, un emploi, mais un emploi précaire. Or quand l’activité s’effondre, que les contrats à durée déterminée et les temps partiels contraints ne sont plus accessibles, en effet, ceux qui y avaient accès auparavant se retrouvent bloqués dans le RSA.
Élargir le dispositif prévu dans cette proposition de loi, en disant aux entreprises de prendre les plus employables, c’est-à-dire les publics nouveaux que je viens d’évoquer, provoquerait un effet d’aubaine allant à l’encontre de la bonne évaluation d’un dispositif spécifique.
Notez que je me contente ici d’apporter un éclairage sur un mécanisme que je ne trouve pas pertinent par ailleurs.
Nous n’allons pas reprendre la discussion que nous avons eue en commission des affaires sociales ; à mon sens, il faut louer l’initiative de cette proposition de loi, qui vient du terrain.
Si c’est pour ne pas aller dans le sens des initiatives de terrain, alors, madame, il ne faut pas siéger au Sénat ! Il faut siéger à l’Assemblée nationale, où l’on voit que nos collègues sont complètement déconnectés de la réalité. Vous pourrez ainsi débattre sur des idées.
À mon sens, la proposition de notre collègue Claude Malhuret correspond à une pratique de son département de l’Allier. C’est une initiative qui est bonne à prendre, pourquoi ne pas l’appliquer ? Nous verrons ensuite.
La proposition de René-Paul Savary consiste à ouvrir le dispositif à tous les bénéficiaires du RSA. Il s’agit d’une expérimentation, allons-y et arrêtons de débattre pour ne rien dire !
Je prends la parole pour soutenir cet amendement et indiquer qu’il tend à améliorer l’objet de l’expérimentation, que, d’une façon générale, nous soutenons.
Je voudrais aussi réagir à l’intervention de notre collègue de la commission affaires sociales, qui nous explique que le plus important, c’est l’efficacité de l’évaluation. Écoutez, pour moi, le plus important, c’est l’efficacité de l’expérimentation, qui permet à des gens de retrouver du boulot ! C’est là le point essentiel.
On nous indique que, grâce à cet élargissement, des personnes peut-être moins éloignées de l’emploi pourraient retrouver du travail. Mais je suis très heureux de cela ! On a le sentiment d’une déconnexion complète et je suis vraiment atterré par ce type de propos.
Tout d’abord, madame la ministre, je vous remercie de votre avis de sagesse ; il signifie que cette proposition de loi, contrairement à ce que vous avez affirmé dans la discussion générale, constitue une réponse adaptée à certains publics qui rencontrent des difficultés.
Je voudrais dire ensuite à Mme Poncet Monge que ce n’est pas l’entreprise qui va « trier » les bénéficiaires du RSA. C’est le travailleur social qui, pour ces publics, est en lien avec le collaborateur de Pôle emploi, qui va proposer des personnes susceptibles d’être accompagnées pour travailler dans l’entreprise. C’est ainsi.
Il ne s’agit donc pas d’offrir un effet d’aubaine à l’entreprise, mais de donner un choix aux personnes concernées, une possibilité de s’en sortir. C’est pour cela qu’il me semble important d’ouvrir le dispositif à tous les bénéficiaires susceptibles de trouver une sortie au travers de cette expérimentation.
Je souscris également à cet amendement, même si j’ai moi-même déposé des amendements qui ne sont pas tous repris par notre collègue rapporteur Daniel Chasseing, et je soutiendrai cette expérimentation.
Ma chère collègue, vous avez évoqué les indépendants, qui, selon vous, rebondiront de toute façon. Vous allez voir ce qui se passera quand on enlèvera la perfusion de l’État ; cela va être très compliqué et je ne sais pas comment ils rebondiront.
Tout le monde rencontrera des difficultés à un moment ou un autre ; élargir le dispositif aux publics qui sont peut-être les moins éloignés ne veut pas dire que les plus éloignés n’auront pas leur place.
En revanche, je défends l’entreprise, que je connais bien. Pour elle, il n’est pas facile de recevoir des publics très éloignés de l’emploi et ce n’est pas non plus son rôle.
Mme Cathy Apourceau-Poly proteste.
L’expérimentation visant à essayer de remettre les gens au travail, c’est vraiment l’essentiel. À ce titre, son élargissement me semble normal, c’est pourquoi je soutiens la proposition de notre collègue René-Paul Savary.
Je dirais, enfin, à Mme Poncet Monge que nous avons la possibilité de faire des stages en entreprise. C’est très intéressant, quand on arrive au Sénat.
Protestations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.
J’ai bien compris les propos de Mme Poncet Monge et il me semble que ces réactions sont très discourtoises. On a le droit d’avoir un avis différent du vôtre ! Mme Poncet Monge a un avis complètement opposé au vôtre, comme moi, d’ailleurs, qui suis également complètement opposée à ce que vous proposez. Pour autant, on n’a pas le droit de faire preuve de mépris à l’égard d’une collègue qui, elle, peut dire ce qu’elle pense.
J’ai apprécié l’intervention de M. Savary, qui est resté courtois, les autres interventions m’ont semblé discourtoises à l’égard de notre collègue. On peut ne pas être d’accord, mais on doit rester correct les uns vis-à-vis des autres !
Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, GEST et RDSE.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 14 rectifié, présenté par Mmes Jacquemet, Doineau, Berthet, Puissat, Demas et Billon, M. Lefèvre, Mme Paoli-Gagin, M. Hingray, Mmes Gruny, de La Provôté, Gosselin et Guidez, M. Longeot, Mme Sollogoub, M. Courtial, Mme Vérien, MM. Moga et Chauvet, Mme F. Gerbaud, M. Saury, Mme Gatel, M. Kern, Mmes N. Goulet et Herzog, MM. Levi, Delahaye, Louault, S. Demilly, Folliot, Cadic, P. Martin, Canevet et Delcros, Mmes Vermeillet et Loisier, M. Lafon, Mmes Létard et Morin-Desailly et MM. Laugier, Le Nay et Prince, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
an,
insérer les mots :
ayant signé le contrat d’engagements réciproques prévu à l’article L. 262-35 du code de l’action sociale et des familles,
La parole est à Mme Annick Jacquemet.
Dans la rédaction proposée dans le texte de la commission, peuvent bénéficier de cette expérimentation les personnes volontaires bénéficiaires du revenu de solidarité active privées d’emploi depuis un an ou moins et domiciliées dans les départements participant à l’expérimentation.
Le présent amendement vise à apporter une précision et à imposer un nouveau critère pour pouvoir y prétendre : avoir obligatoirement signé en amont un contrat d’engagements réciproques (CER). L’établissement de ce contrat permet l’énumération des engagements réciproques des parties en termes d’insertion professionnelle et formalise la mise en œuvre du projet d’insertion.
Comme pour le projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE), le CER consacre des droits et obligations qui lient bénéficiaires et collectivités. Il précise, notamment, les actes positifs et répétés de recherche d’emploi que le bénéficiaire s’engage à accomplir. Il permet donc d’être sûr de la bonne foi et de la motivation des personnes volontaires pour cette expérimentation.
Au niveau national, le taux de contractualisation atteint seulement 52 %, un chiffre bien trop faible, alors même qu’il s’agit d’une obligation.
Lors de l’examen des amendements de séance en commission des affaires sociales, le 14 avril, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, avec une justification qui peut évidemment sembler recevable : cette obligation figure déjà dans la loi.
S’assurer que ceux qui auront l’opportunité d’entrer dans ce dispositif ont souscrit à leurs obligations me semble toutefois relever du bon sens. Tel est l’objet de cet amendement. Comme disait Talleyrand, « si cela va sans le dire, cela ira encore mieux en le disant ».
Cet amendement vise à faire de la signature d’un contrat d’engagements réciproques (CER) une condition nécessaire pour bénéficier du dispositif.
Cette proposition nous semble un peu problématique, car elle exclut les bénéficiaires du RSA suivis par Pôle emploi, dont il arrive pourtant, comme c’est le cas dans l’Allier, qu’ils représentent la majorité des allocataires.
Le CER ne concerne que les bénéficiaires du RSA qui sont orientés vers un organisme autre que Pôle emploi. En effet, les allocataires orientés vers Pôle emploi élaborent, pour leur part, un projet personnalisé d’accès à l’emploi.
Par ailleurs, si l’on ne peut que déplorer le faible taux de contractualisation, la conclusion d’un CER est déjà obligatoire pour les personnes concernées.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement, mais Mme Annick Jacquemet indique que le taux de contractualisation est faible dans son département – 52 % – comme dans d’autres. Je souhaiterais connaître l’avis du Gouvernement sur ce point.
Je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
Cette condition relative à la signature d’un contrat d’engagements réciproques est déjà prévue dans le code de l’action sociale et des familles. L’anomalie qui reste à corriger, c’est le faible taux de signature. Y remédier est d’ailleurs un des objectifs fixés tant dans la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté que dans la contractualisation avec les départements.
On ne saurait imputer cette charge à l’allocataire du RSA, qui n’est pas toujours responsable de cette situation ; sa motivation n’a parfois rien à voir là-dedans.
Cette obligation est en tout cas satisfaite par le code de l’action sociale et des familles. Il me paraît superfétatoire d’y ajouter une clause.
Je tiens à dire que des expérimentations sur le RSA se font sur tous les territoires, mais qu’évidemment elles diffèrent selon la couleur des conseils départementaux. Dans la métropole de Lyon, nous expérimentons le RSA pour les moins de 25 ans. Je vous renvoie à l’analyse que j’ai développée ce matin : ce n’est pas une réflexion hors sol.
Quant à l’expérience professionnelle, mes chers collègues, je vous souhaite d’en avoir une aussi longue que la mienne…
Dans un contrat, il y a deux parties. Le premier contrat d’engagements est signé avec le conseil général ou la métropole. Alors que le premier entretien d’accompagnement a lieu en moyenne, au niveau national, soixante-dix-huit jours après la signature, je pose la question : qui ne tient pas ses engagements ? Qui ne respecte pas les droits et devoirs afférents au contrat ? Il faut commencer par s’interroger sur ce chiffre – 52 % – et résoudre le problème qu’il révèle !
Pour ce qui est du contrat d’engagement avec l’entreprise, j’espère que des amendements seront adoptés pour formaliser l’engagement que prend l’entreprise.
Voilà ce que je voulais souligner, au-delà du fait, déjà relevé par Mme la ministre, que cet amendement est satisfait – vous voyez, mes chers collègues, que j’ai appris le vocabulaire du Sénat !
Sourires.
René-Paul Savary l’a bien expliqué : les bénéficiaires du RSA sont, si je puis dire – l’expression n’est pas très jolie – « classés » dans diverses catégories. Lorsqu’un demandeur est orienté vers Pôle emploi, c’est que les travailleurs sociaux qui gèrent son dossier savent qu’il est en mesure de reprendre immédiatement un emploi ; ceux qui sont orientés vers les travailleurs sociaux sont ceux pour lesquels on a décelé un certain nombre d’« inconvénients » les empêchant d’entrer immédiatement dans l’emploi et justifiant qu’ils bénéficient d’un accompagnement social.
Cela étant posé, pour ceux qui prennent un emploi, signer un contrat de travail, c’est un engagement. Je ne vois donc pas en quoi y ajouter la signature d’un contrat d’engagements réciproques améliorerait les choses. Le contrat de travail, c’est un engagement !
Cette clause me semble superfétatoire, sans compter qu’elle est teintée de sous-entendus : s’agissant des bénéficiaires du RSA, il en faudrait toujours plus en matière d’engagements… C’est à mon avis complètement inutile.
J’entends bien, madame la ministre, que mon amendement est satisfait. Sur le terrain et en pratique, on se rend compte néanmoins que tel n’est pas du tout le cas : 52 % en moyenne – et je n’ai pas inventé ce chiffre –, cela signifie que certains départements sont en dessous. D’autres sont au-dessus, c’est vrai ; reste que l’application sur le terrain de ce dispositif me paraît largement insuffisante.
Madame Lubin, vous dites qu’un contrat de travail sera signé avec l’entreprise ; certes, mais les CER, eux, doivent être signés en amont, dès que la personne bénéficiaire du RSA entre dans ce processus d’insertion.
Même s’il est satisfait, je maintiens mon amendement, monsieur le président.
Je soutiendrai cet amendement.
Il a été déposé par quelqu’un qui, voilà six mois, était encore première vice-présidente du conseil départemental du Doubs chargée de l’action sociale et qui a pu, à ce titre, constater les défaillances existant sur le terrain.
J’ai bien entendu ce que vous dites, mais un contrat engage les deux parties. Et le dispositif proposé par le biais de cet amendement a le grand intérêt d’engager la partie qui doit accompagner le bénéficiaire du RSA à tout mettre en œuvre pour l’aider. Quant au bénéficiaire du RSA, il doit également tâcher d’honorer sa part du contrat. Ces deux engagements sont très complémentaires.
L’idée, ici, est vraiment d’accompagner le bénéficiaire du RSA. Je reprends ce que vous disiez : si des défaillances sont à déplorer, c’est parce qu’on prend les gens trop tard ; ils finissent par tomber dans des dérives et ont du mal à se réinsérer. Il faut que nous les y aidions et, de ce point de vue, ces contrats sont importants.
Je voterai donc cet amendement, car le contrat d’engagements réciproques concerne les deux parties : celui qui doit essayer de s’en sortir et celui qui a le devoir de l’accompagner. Retrouver une activité professionnelle, quand on le peut, c’est le meilleur remède à tous les maux de notre société.
Chacun ici sait – on le sait en tout cas lorsqu’on a siégé dans un conseil départemental – que l’accompagnement et le contrôle existent déjà. Tous les mois ou tous les deux mois, selon les pratiques, les comités locaux d’insertion se réunissent avec les acteurs représentant les associations, les entreprises, les élus.
Et les bénéficiaires qui ne remplissent pas leurs devoirs sont rappelés à l’ordre par des mesures éducatives, voire par des sanctions financières. Je ne vois donc pas en quoi cet amendement apporte quoi que ce soit de nouveau.
Il y a encore six mois, j’étais à Pôle emploi en tant qu’employée. Quand nous recevons des personnes bénéficiaires du RSA, nous signons avec elles un PPAE, c’est-à-dire un projet d’accompagnement.
Il existe aussi un accompagnement dit global ; dans le cadre de ce dispositif, des travailleurs sociaux aident les personnes bénéficiaires du RSA à préparer leur retour à l’emploi.
Un certain nombre de choses sont déjà actées dans les entretiens de Pôle emploi, via les PPAE que je viens d’évoquer notamment. Y ajouter encore quelque chose, cela me semble trop. Ne peut-on pas plutôt travailler sur le contenu du projet d’accompagnement signé avec Pôle emploi et avec le travailleur social ?
J’entends ce que nous a dit Annick Jacquemet – elle nous l’avait dit hier en commission. Le taux de contractualisation est effectivement insuffisant ; vous êtes alertée sur ce problème, madame la ministre, et il doit être réglé – tel est le sens de cet amendement.
Mais je ne vois pas l’intérêt de réintroduire dans les textes des dispositions qui y figurent déjà : nous sommes là pour légiférer vraiment. Quand quelque chose ne fonctionne pas, on a beau le répéter quinze fois dans la loi, le résultat reste le même.
Je maintiens donc l’avis défavorable émis par la commission ; en revanche, que vos remarques soient prises en compte me semble important.
Cet amendement est le fruit d’une réflexion intéressante. Nous sommes tous interpellés sur cette question : pourquoi les contrats d’engagements réciproques, qui devraient théoriquement être signés partout, ne le sont-ils pas ? On se dit que certains ne font pas leur boulot, et en tout cas que quelque chose cloche.
Mais les choses sont bien plus compliquées que cela ; il faut beaucoup d’humilité dans l’approche de ce problème.
Votre amendement vient un petit peu tôt, ma chère collègue : nous vous proposerons tout à l’heure de créer, avec l’avis favorable de M. le rapporteur, un dispositif de tutorat au sein de l’entreprise.
La personne choisie, une personne bien ciblée, travaillera en collaboration avec le travailleur social du département et avec le conseiller de Pôle emploi qui suit le bénéficiaire, puisqu’il s’agit d’allocataires automatiquement inscrits à Pôle emploi, par définition proches de l’employabilité.
L’inscription à Pôle emploi fait d’ailleurs partie des obligations qui peuvent être inscrites dans le contrat – il s’agit alors d’un engagement d’insertion professionnelle –, comme peut l’être un engagement aux soins en vue de recouvrer la santé quand la personne est très éloignée de l’emploi – ce qui est en jeu, alors, c’est plutôt l’insertion sociale.
Si l’on tient compte de la création du tutorat, je ne vois pas de valeur ajoutée dans le maintien du contrat d’engagements réciproques. Je m’associe à mes collègues : retirez votre amendement plutôt que de vous exposer au risque d’un vote négatif alors que nous partageons la même philosophie.
Je suis saisi de deux amendements et d’un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 12, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
1° Supprimer les mots :
d’une durée d’un an ou à durée indéterminée
2° Remplacer les mots :
une période maximale de douze mois
par les mots :
la durée de ce contrat
La parole est à Mme Monique Lubin.
Dans le texte qui nous est proposé, il est prévu que le bénéficiaire du RSA qui trouve un emploi soit éligible au dispositif de l’alinéa 3 si le contrat de travail est d’une durée minimale d’un an ou est un CDI.
Nous trouvons cette disposition tout à fait contre-productive : précisément, lorsqu’on est durablement éloigné de l’emploi, a fortiori si s’applique ce que vous avez prévu, donc s’il faut être au RSA depuis au minimum un an pour être éligible, lorsqu’on est, donc, fort durablement privé d’emploi, si je puis dire, il paraît difficile que le retour à l’emploi se fasse immédiatement via un CDD d’un an, sans parler d’un CDI. Il faut souvent y aller plutôt par petites touches et commencer par des contrats plus courts.
Le texte dans son état actuel ne nous convient pas.
L’amendement n° 6 rectifié bis, présenté par Mme Gruny, MM. Cuypers et Savin, Mme Deseyne, M. Lefèvre, Mme Delmont-Koropoulis, M. Rapin, Mme M. Mercier, MM. Bascher et Bonne, Mmes Dumont et Lassarade, MM. D. Laurent, Burgoa et Calvet, Mmes Garriaud-Maylam, Thomas, Chauvin, Micouleau et Demas, M. Bouloux, Mme Deromedi, MM. Cardoux, Panunzi, Bacci, Sautarel et Pointereau, Mme Drexler, MM. Laménie et Babary, Mme Muller-Bronn et MM. Bonhomme et B. Fournier, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
douze mois
par les mots :
six mois
La parole est à Mme Pascale Gruny.
Il s’agit d’autoriser, pour les bénéficiaires de l’expérimentation créée par l’article 1er, le cumul des revenus professionnels avec le RSA pendant une période maximale de six mois, au lieu de douze.
L’expérience du terrain révèle, chez beaucoup de personnes qui touchent de petits salaires dans les entreprises, une incompréhension eu égard à toutes les aides auxquelles elles n’ont pas droit parce qu’elles sont salariées. Pour ce qui est de donner aux bénéficiaires du RSA la possibilité de percevoir des revenus supplémentaires pendant un certain temps, bien entendu, nous sommes d’accord. Mais je demande à limiter la durée de la période pendant laquelle ce cumul est possible.
J’étais député quand Martin Hirsch a créé le RSA ; je lui avais recommandé, à l’époque, de travailler plutôt en additionnant toutes les aides que peuvent recevoir les personnes sans emploi et en comparant avec ce que touchent les salariés qui perçoivent de faibles salaires.
Il arrive que la différence soit si minime qu’il vaudrait mieux que ces derniers restent chez eux, non pas bien sûr du point de vue de la dignité humaine, mais d’un point de vue financier. J’ai reçu beaucoup de courriers en ce sens : « Si je pars malgré tout travailler, me dit-on, c’est parce que j’en ai besoin à titre personnel et pour des raisons de reconnaissance sociale, mais je perds de l’argent en y allant »…
Le sous-amendement n° 15, présenté par M. Malhuret, est ainsi libellé :
Amendement n° 6, alinéa 5
Remplacer le mot :
six
par le mot :
neuf
La parole est à M. Claude Malhuret.
Je comprends très bien les arguments qui viennent d’être exposés. La proposition de loi initiale permettait de sécuriser la reprise d’activité en accompagnant pendant un an les bénéficiaires du RSA qui retournent à l’emploi. L’amendement n° 6 rectifié bis vise à réduire cette période à six mois seulement, la période actuellement prévue par le droit commun étant de trois mois.
Je comprends l’argument ; si j’ai présenté cette proposition de loi sous la forme d’une expérimentation, c’est bien d’ailleurs parce qu’aucun d’entre nous n’est détenteur de la vérité, que seule l’expérimentation pourra nous révéler.
Je vous propose donc, madame Gruny, un compromis entre votre position et la mienne, pour porter la période de cumul à neuf mois plutôt que douze.
L’amendement n° 12 de Mme Lubin ouvre le bénéfice du dispositif à des CDD de toute durée, en excluant les CDI.
Si le dispositif de cette proposition de loi cible les personnes engagées dans le cadre d’un CDD d’un an ou d’un CDI, c’est à dessein : il ne s’adresse pas aux travailleurs saisonniers. Il s’agit, par le biais de cette expérimentation, d’encourager une inscription dans l’emploi durable avec le soutien des entreprises, et non de donner une prime aux contrats courts.
Il s’agirait, si le sous-amendement n° 15 est voté, d’autoriser le cumul du RSA et de revenus professionnels pendant neuf mois. Une telle proposition en faveur de l’emploi durable est inédite.
L’amendement n° 6 rectifié bis de Pascale Gruny vise quant à lui à limiter à six mois la durée de ce cumul et de la suspension corrélative de la prime d’activité.
Je rappelle que le droit actuel permet un cumul pendant trois mois des revenus professionnels avec le RSA. L’adoption de cet amendement reviendrait à ne prolonger que de trois mois cette possibilité de cumul.
Dans un esprit de compromis, Claude Malhuret a proposé neuf mois. La commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° 6 rectifié bis sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 15.
Différentes durées sont proposées : la proposition de loi prévoit un an ; une proposition de réduction à six mois est versée au débat ; M. Malhuret essaie de trouver le juste milieu en suggérant neuf mois.
Sur le principe du cumul, de toute façon, nous ne sommes pas d’accord. Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements et ce sous-amendement.
Le dispositif envisagé dans cette proposition de loi ne garantit en rien que les allocataires du RSA qui en relèveraient auraient plus de chances de s’insérer définitivement à la sortie du dispositif.
Je crains également que ce que vous proposez ne soulève un autre sujet, celui de l’effet de seuil à la sortie du dispositif, avec de possibles pertes de revenus, y compris une fois la prime d’activité réactivée.
En outre, des inégalités seraient créées entre salariés d’une entreprise travaillant pourtant sur un même poste.
Le risque est enfin, à mon avis, d’inscrire durablement les personnes bénéficiaires du RSA dans des contrats limités dans le temps.
Voilà nos inquiétudes. La prime d’activité répond largement à l’exigence d’incitation financière ; elle n’est d’ailleurs pas réservée aux bénéficiaires du RSA. Et pour avoir longtemps discuté avec des allocataires, je peux vous dire que la solution qu’ils plébiscitent consiste à sortir du RSA…
L’activité, pour eux, c’est la dignité. Ils préfèrent largement ne pas dépendre du RSA. Je pense que nous pouvons trouver un autre système d’insertion sociale avec la prime d’activité, dont le montant a de surcroît été revalorisé : c’est à mon avis le meilleur vecteur de suivi social.
C’est davantage dans cette direction qu’il faut agir, celle que vous proposiez, madame la sénatrice, avec des contrats d’engagement beaucoup plus larges. Voilà pourquoi je suis défavorable à ce type d’amendements.
Je suis évidemment d’accord avec le magnifique plaidoyer que vient de faire Mme Gruny à propos des gens qui travaillent sans gagner suffisamment, ceux qui sont payés au SMIC notamment. J’entends votre plaidoyer, et j’espère que nous serons au coude-à-coude pour relever les salaires. Oui, aujourd’hui, il faut relever les salaires de tous ceux qui, gagnant le SMIC, ont du mal à joindre les deux bouts ! J’étais vraiment heureuse de vous entendre tenir ces propos, ma chère collègue, et je n’ai désormais aucun doute quant à votre présence à nos côtés lorsque, demain, des propositions de loi allant dans ce sens seront discutées.
Je rappelle que le RSA, c’est 564 euros par mois ! Peut-on vivre avec 564 euros par mois ? Je ne le pense pas. Ce ne sont pas ces malheureux, ces pauvres – il faut le dire –, qui sont au RSA, qui ont trop ; ce sont bien plutôt ceux qui gagnent le SMIC, qui sont aussi, pour certains, des travailleurs pauvres, qui n’ont pas assez.
À mon tour, avant la mise aux voix de l’amendement n° 12 présenté au nom de notre groupe par Monique Lubin, de défendre l’idée que cette expérimentation, si elle peut être soutenue, ne doit pas être restreinte aux contrats d’une durée minimale d’un an. Cette limitation passerait résolument à côté de l’objectif visé, qui est de favoriser le retour à l’emploi.
Il peut en effet être utile de permettre un coup de pouce, via le cumul du RSA et des revenus de l’emploi, pour des durées d’emploi bien plus réduites. J’en veux pour preuve les initiatives lancées par le conseil départemental de Loire-Atlantique, qui permet déjà ce cumul pour des activités saisonnières bien connues dans ce département : maraîchage, agriculture, logistique, alimentation. La carotte nantaise, la mâche, bientôt le muguet… : tous les emplois afférents représentent 5 % de l’offre totale, soit 5 000 annonces dans mon département.
On connaît ces offres, qui sont parfois recensées comme des emplois ne trouvant pas preneur : il y a là un vivier d’offres d’emploi qu’il convient d’accompagner sans restriction. Si l’on empêche les allocataires du RSA, dans l’expérimentation que vous présentez, de cumuler l’emploi avec des revenus saisonniers perçus sur une durée de moins d’un an, on échouera à répondre aux besoins en emplois et à produire l’effet « coup de pouce à l’insertion » recherché.
Certains parcours, on le sait – cela a été dit –, sont ainsi faits qu’ils ne sont pas linéaires : de courtes durées d’emploi se succèdent dans l’attente d’un emploi plus pérenne.
La première chose à faire, c’est combattre les idées fausses et ne pas les alimenter. Dire que lorsqu’on reprend un emploi on perd de l’argent, qu’en la matière il existe une incitation négative, voilà une idée fausse. La Drees et tous ceux qui analysent cette question disent que ce n’est pas vrai ; ça l’est encore moins depuis que la prime d’activité a été revalorisée à la suite – je le rappelle – du mouvement des « gilets jaunes ».
Il faut donc commencer par mener la bataille idéologique en disant que lorsqu’une personne au RSA reprend un emploi elle ne perd pas d’argent, toutes prestations sociales – aides au logement, etc. – comprises. Parfois des aides départementales s’ajoutent au tableau, mais rien n’empêche un département de les maintenir.
Deuxième idée fausse : la personne au RSA ferait un calcul purement économique. On retrouve l’acteur économique de l’analyse libérale, qui se dit que cela ne vaut pas le coup de reprendre un emploi, qu’il vaut mieux rester bénéficiaire de cette allocation, que celle-ci permet de vivre suffisamment bien, comme cela a été dit. Voilà une nouvelle idée fausse, pour ce qui concerne en tout cas l’immense majorité des allocataires du RSA.
Combattre ces deux idées – on perd de l’argent en reprenant le travail ; les allocataires du RSA s’y installent par confort –, c’est une vraie bataille idéologique. Il faut se garder de bâtir des expérimentations à partir d’idées fausses, sinon tout est biaisé.
Par ailleurs, ne fermons pas la porte aux CDI ! Cette proposition me paraît incroyable : en plus d’ouvrir le dispositif aux allocataires depuis moins d’un an, voilà qu’on le fermerait à ceux qui obtiendraient un CDI ? Autant revenir aux contrats courts, qui prospèrent aujourd’hui : 10 % des bénéficiaires de la prime d’activité sont au RSA – je l’ai dit. Ils finissent par être cantonnés à des allers-retours entre contrats courts et arrêt de l’activité ; pendant la crise, comme je l’ai dit, ils ont été bloqués dans le dispositif.
Je ne suis donc pas pour supprimer l’éligibilité des CDI au dispositif ;…
… je suis pour que l’expérimentation se fasse dans le cadre de contrats les plus longs possible.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Le sous-amendement est adopté.
L ’ amendement est adopté.
Madame la ministre, mes chers collègues, je vous rappelle que cette proposition de loi est inscrite dans le cadre de l’espace réservé au groupe Les Indépendants – République et Territoires, limité à une durée de quatre heures. Je me verrai dans l’obligation de suspendre la séance à seize heures dix ; je vous invite donc à la concision pour la discussion des sept amendements restants.
L’amendement n° 3 rectifié, présenté par M. Savary, Mme Gruny, M. Mouiller, Mme Deseyne, MM. Bonne et Belin, Mmes Belrhiti et Berthet, MM. Bonhomme, Bouchet, Bouloux, Brisson, Cardoux et Charon, Mme Chauvin, MM. Courtial et Cuypers, Mme L. Darcos, M. de Legge, Mmes Delmont-Koropoulis, Deromedi, Di Folco, Dumont et Estrosi Sassone, M. B. Fournier, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, M. Gremillet, Mme Imbert, MM. Karoutchi et Laménie, Mme Lassarade, MM. D. Laurent et Lefèvre, Mmes Malet, M. Mercier et Micouleau, MM. Milon, Pellevat et Piednoir, Mme Raimond-Pavero, MM. Rapin, Sautarel et Savin et Mme Schalck, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
La prime d’activité versée par l’État vient en déduction du montant du revenu de solidarité active versé par le département.
La parole est à M. René-Paul Savary.
Cet amendement tend à proposer une autre solution que celle des compensations de l’État, à savoir le maintien de la prime d’activité déduite du montant du RSA.
Compte tenu de ce que vient de dire M. le président, je vais volontiers le retirer. Néanmoins, madame la ministre, vos propos ne laissent pas de m’inquiéter : la position défavorable que vous avez exprimée sur cette proposition de loi préjuge mal de la compensation versée aux départements, pour laquelle aucune perspective d’amélioration n’est à espérer.
Quant à l’idée – elle devrait être en discussion dans le projet de loi 4D, s’il nous arrive un jour – de recentraliser le dispositif avec l’argent des départements, elle ne me paraît pas non plus une avancée significative : un coût sera toujours imputé aux départements. Là encore, la copie est à revoir.
Néanmoins, monsieur le président, comme je l’ai annoncé, je retire mon amendement.
L’amendement n° 3 rectifié est retiré.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 8 rectifié bis est présenté par Mme Gruny, MM. Lefèvre et Savin, Mme Delmont-Koropoulis, M. Rapin, Mmes Deseyne et M. Mercier, MM. Bascher et Bonne, Mmes Dumont et Lassarade, MM. D. Laurent, Burgoa et Calvet, Mmes Garriaud-Maylam et Thomas, M. Cuypers, Mmes Chauvin, Micouleau et Demas, MM. Bouloux, Husson, Cardoux, Panunzi, Bacci et Sautarel, Mme Drexler, MM. Laménie et Babary, Mme Muller-Bronn et MM. Bonhomme et B. Fournier.
L’amendement n° 13 est présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Pascale Gruny, pour présenter l’amendement n° 8 rectifié bis.
Il s’agit de supprimer la dérogation prévoyant une durée de travail hebdomadaire minimale de quinze heures. Pour l’employeur comme pour le salarié, une durée de quinze heures n’est pas suffisante pour juger de leur capacité à travailler ensemble.
Il s’agit de surcroît d’une durée dérogatoire par rapport à la durée minimale légale de travail du salarié à temps partiel.
Cette dérogation ne me semble donc pas justifiée.
Nous sommes par essence complètement opposés à toute dérogation au droit du travail.
Le législateur a adopté le principe d’une durée de travail hebdomadaire minimale de vingt-quatre heures. Nous ne souhaitons pas qu’un quelconque dispositif prévoie un seuil inférieur. D’abord, parce qu’une telle mesure pourrait créer des effets d’aubaine pour certains employeurs. Ensuite, parce que nous ne voulons pas de sous-contrats pour des sous-salariés.
L’amendement n° 4 rectifié bis, présenté par M. Savary, Mme Gruny, M. Mouiller, Mme Deseyne, MM. Bonne et Belin, Mmes Belrhiti et Berthet, MM. Bonhomme, Bouchet, Bouloux, Brisson, Cardoux et Charon, Mme Chauvin, MM. Courtial et Cuypers, Mme L. Darcos, M. de Legge, Mmes Delmont-Koropoulis, Deromedi, Di Folco, Dumont et Estrosi Sassone, M. B. Fournier, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, M. Gremillet, Mme Imbert, MM. Karoutchi et Laménie, Mme Lassarade, MM. D. Laurent et Lefèvre, Mmes Malet, M. Mercier et Micouleau, MM. Milon, Pellevat et Piednoir, Mmes Puissat et Raimond-Pavero, MM. Rapin, Sautarel et Savin et Mme Schalck, est ainsi libellé :
Alinéa 5, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
pendant neuf mois au plus
La parole est à M. René-Paul Savary.
Je partage une partie des propos de Monique Lubin ainsi que certaines propositions de Pascale Gruny. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé cet amendement intermédiaire.
La dérogation de quinze heures doit être limitée dans le temps pour éviter de fabriquer des travailleurs pauvres. Initialement, j’avais proposé une durée de six mois, mais il m’a été demandé de la rectifier. J’ai donc prévu neuf mois, ce qui permet de répondre aux besoins de certains bénéficiaires. Notre amendement reflète une position assez consensuelle au sein de la commission des affaires sociales.
Mettre ces personnes au travail quinze heures par semaine représente une première étape. Cependant, il ne faut pas qu’elle dure trop longtemps. La deuxième étape est de passer à vingt-quatre heures. Nous espérons tous que cela débouchera sur un emploi définitif à temps complet, avec un CDI, mais il faut y aller progressivement. C’est l’intérêt de cet amendement.
L’amendement n° 5 rectifié bis, présenté par M. Savary, Mme Gruny, M. Mouiller, Mme Deseyne, MM. Bonne et Belin, Mmes Belrhiti et Berthet, MM. Bonhomme, Bouchet, Bouloux, Brisson, Cardoux et Charon, Mme Chauvin, MM. Courtial et Cuypers, Mme L. Darcos, M. de Legge, Mmes Delmont-Koropoulis, Deromedi, Di Folco, Dumont et Estrosi Sassone, M. B. Fournier, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, M. Gremillet, Mme Imbert, MM. Karoutchi et Laménie, Mme Lassarade, MM. D. Laurent et Lefèvre, Mmes Malet, M. Mercier et Micouleau, MM. Milon, Pellevat et Piednoir, Mmes Puissat et Raimond-Pavero, MM. Rapin, Sautarel et Savin et Mme Schalck, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Lorsque l’employeur est une entreprise de plus de cinquante salariés, il désigne pour chaque bénéficiaire un tuteur parmi les salariés qualifiés de l’entreprise.
La parole est à M. René-Paul Savary.
Il s’agit de proposer un tutorat dans les entreprises de plus de cinquante salariés. En effet, il sera peut-être plus difficile de désigner un tuteur dans les petites entreprises, même si celles-ci devront bien nommer un responsable, qui sera, à défaut, le chef d’entreprise.
Ce tutorat a pour but d’accompagner le bénéficiaire du RSA dans la mise en valeur de ses capacités professionnelles. Chacun a des capacités qu’il s’agit de découvrir. Un tuteur pourra peut-être permettre à un certain nombre des bénéficiaires de révéler plus rapidement leurs compétences. C’est en tout cas ce que nous espérons tous profondément.
La commission a émis un avis défavorable sur les amendements n° 8 rectifié bis et 13. En revanche, elle a émis un avis favorable sur l’amendement n° 4 rectifié bis de M. Savary, qui vise à limiter à neuf mois la durée de quinze heures, et sur l’amendement n° 5 rectifié bis du même auteur sur le tutorat.
Par principe, nous sommes plutôt défavorables à toute dérogation concernant les CDD, en vertu de la loi que nous avons votée relative à la sécurisation des parcours professionnels. Prévoir une possibilité de déroger à la norme n’est pas une mesure protectrice pour les salariés. Cela risquerait d’accroître la précarité des travailleurs, ce qui n’est pas le but recherché par la proposition de loi. Néanmoins, je m’en remets à la sagesse du Sénat sur ces amendements.
S’agissant du tutorat, je suis tout à fait favorable à tout ce qui peut relever de l’accompagnement dans les démarches d’insertion, tant pour les jeunes que pour les bénéficiaires du RSA ou d’autres publics. Pour autant, la mesure proposée ferait peser une charge sur l’entreprise, que celle-ci compte d’ailleurs moins ou plus de cinquante salariés. En effet, le tutorat n’est pas un dispositif neutre. En outre, il doit reposer sur le volontariat. Je ne suis pas sûre qu’il puisse, à ce stade, être imposé par la loi.
Je retire mon amendement n° 8 rectifié bis au profit de l’amendement n° 4 rectifié bis de M. Savary.
La disposition prévue par l’amendement n° 5 rectifié bis, que j’ai cosigné, aura effectivement un coût pour l’entreprise, mais désigner un tuteur est indispensable si l’on veut que ces personnes très éloignées de l’emploi réussissent. Elles ont vraiment besoin d’être coachées, prises par la main, pour parvenir à conserver leur emploi.
L’amendement n° 8 rectifié bis est retiré.
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Nous soutenons tout à fait ce que vient de dire Mme la ministre sur ces mesures dérogatoires, qui, pour le dire vite, ne vont pas dans le bon sens.
Je voudrais rappeler un certain nombre de données chiffrées relatives aux femmes.
En France, si les femmes représentent aujourd’hui environ 48 % de la population active, elles sont toujours aussi nombreuses à occuper des emplois précaires : 82 % des salariés à temps partiel et deux tiers des travailleurs pauvres sont des femmes. En dépit de quarante ans de lois sur l’égalité professionnelle, celle-ci n’est toujours pas réalisée. Ce constat appellerait des mesures fortes afin que l’égalité professionnelle ne reste pas un vœu pieux. Pourtant, les dernières réformes du code du travail n’ont fait que fragiliser l’édifice législatif en faveur de l’égalité professionnelle.
Le recours de plus en plus massif au temps partiel par les entreprises pénalise en premier lieu les femmes, qui restent les principales variables d’ajustement de l’organisation du temps de travail. Ainsi, 78 % des salariés en temps partiel sont des femmes et 31 % des femmes salariées sont à temps partiel, contre seulement 7 % des hommes. Quant au temps partiel subi, il concerne 32 % des femmes travaillant à temps partiel.
Plutôt que de favoriser les mini-boulots de quinze heures par semaine, comme nous y encourage cette proposition de loi, il faudrait davantage encadrer le temps partiel imposé, qui demeure une cause importante de persistance des inégalités salariales entre les femmes et les hommes et une source de précarité professionnelle pour les femmes salariées.
L’amendement n° 13, qui vise à supprimer la limite minimale de quinze heures, va dans le bon sens, mais il est largement insuffisant puisqu’il ne tend pas à renforcer l’encadrement des dérogations à la durée minimale de vingt-quatre heures. C’est pourquoi nous nous abstiendrons sur cet amendement, d’autant que, comme l’a dit ma collègue Cathy Apourceau-Poly, nous sommes fondamentalement opposés à la proposition de loi.
Il faudrait que nous soyons tous d’accord pour remédier aux inégalités croissantes entre les femmes et les hommes, que je tenais à évoquer une fois encore ici.
Je serai brève, parce que je veux que l’examen de la proposition de loi puisse aller à son terme dans le cadre de cette niche.
Je ne reprendrai pas tous les arguments qui ont été évoqués concernant cette dérogation aux vingt-quatre heures hebdomadaires. Seulement, si la durée est de quinze heures pendant neuf mois, je ne vois pas très bien comment gravir la marche suivante, à savoir passer à vingt-quatre heures pour trois mois au maximum si le contrat est de douze mois. Si ce n’est pas possible, il y aura une perte de revenu. Il ne faudrait pas, comme l’a dit Mme la ministre, que le dispositif soit contre-productif.
Si une personne ne peut travailler que quinze heures, le dispositif d’insertion par l’activité économique permettrait d’ajuster la quotité de temps de travail aux possibilités de travail que peut accomplir cette personne à un moment donné, compte tenu des facteurs qui la freinent et qui ne relèvent pas uniquement de sa seule bonne volonté. Je suis donc opposée à cette dérogation.
En revanche, je suis tout à fait favorable au tutorat, mais, comme cela a été dit, 80 % des entreprises qui recruteront des salariés sont des PME-PMI. Elles ne seront donc pas concernées. C’est dommage, car cette mesure doit relever d’un l’engagement propre, spécifique, de l’entreprise, qui doit être mis en parallèle avec les engagements demandés au salarié.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement est adopté.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 9 rectifié bis, présenté par Mme Gruny, M. Savary, Mmes Deromedi et Deseyne, MM. Lefèvre et Savin, Mme Delmont-Koropoulis, M. Rapin, Mme M. Mercier, MM. Bascher et Bonne, Mmes Dumont et Lassarade, MM. D. Laurent, Burgoa et Calvet, Mmes Garriaud-Maylam et Thomas, M. Cuypers, Mmes Chauvin, Micouleau et Demas, MM. Bouloux, Belin, Panunzi, Cardoux, Bacci, C. Vial, Sautarel et Pointereau, Mme Drexler, M. Laménie, Mme Muller-Bronn et MM. Bonhomme et B. Fournier, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
En cas de rupture du contrat de travail à l’initiative du bénéficiaire de ladite expérimentation, celui-ci voit son revenu de solidarité active suspendu, sauf motif valable, sur décision du président du conseil départemental.
La parole est à Mme Pascale Gruny.
Si vous en êtes d’accord, monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement n° 10 rectifié bis.
J’appelle donc en discussion l’amendement n° 10 rectifié bis, présenté par Mme Gruny, MM. Milon et Savary, Mme Deseyne, MM. Cuypers, Lefèvre et Savin, Mme Delmont-Koropoulis, M. Rapin, Mme M. Mercier, MM. Bascher et Bonne, Mmes Dumont et Lassarade, MM. D. Laurent, Burgoa et Calvet, Mmes Garriaud-Maylam, Thomas, Chauvin, Micouleau et Demas, MM. Belin, Bacci et Pointereau, Mme Drexler, M. Laménie, Mme Muller-Bronn et M. Bonhomme, et ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les bénéficiaires de ladite expérimentation s’engagent à rester dans l’entreprise dans laquelle ils sont embauchés en contrat à durée indéterminée pendant une durée minimale de deux ans.
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
L’amendement n° 9 rectifié bis vise à responsabiliser le bénéficiaire du RSA en l’incitant à rester en activité professionnelle. Si celui-ci prend l’initiative de rompre son contrat de travail, il verra son revenu de solidarité active suspendu pendant le temps où il a bénéficié de son salaire et du RSA. C’est une situation que l’on rencontre souvent.
L’amendement n° 10 rectifié bis tend à appliquer une clause de dédit-formation. On le sait, les entreprises s’investissent largement dans les dispositifs d’alternance et d’apprentissage. Or il arrive parfois qu’à la fin de son contrat le salarié parte travailler dans une autre entreprise ; l’entreprise d’origine perd alors tout le bénéfice de l’investissement qu’elle a mis dans la formation.
J’ai souhaité présenter mes amendements, mais je les retire tous les deux, car je sais que la commission y sera défavorable. Comme je ne reprendrai pas la parole, j’annonce d’ores et déjà que je voterai la proposition de loi.
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.
Les amendements n° 9 rectifié bis et 10 rectifié bis sont retirés.
Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
L ’ article 1 er est adopté.
I. – La charge résultant pour l’État de la présente loi est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
II. – La charge résultant pour les collectivités territoriales de la présente loi est compensée, à due concurrence, par l’augmentation de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. –
Adopté.
Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, nous observons toujours avec attention les propositions qui permettent d’améliorer l’insertion des bénéficiaires de minima sociaux. Dans tous les départements dans lesquels nous sommes aux responsabilités – je tiens à le dire –, nous pilotons des initiatives en ce sens.
Nous ne pouvons pas accepter le discours que nous entendons depuis la création du RSA, qui n’a pas beaucoup varié depuis lors et qui consiste à stigmatiser ses bénéficiaires. Puisque les pauvres – il faut bien appeler un chat un chat ! – vivent de ce qu’on veut bien leur donner, il faut qu’ils le méritent en faisant, comme je l’ai entendu ce matin, des travaux d’intérêt général. Je rappelle tout de même que les travaux d’intérêt général sont pour les délinquants !
Je constate aussi que, depuis quelque temps, c’est la fête à la maison ! Il y a peu, on nous a proposé de supprimer les allocations familiales pour ces parents indignes qui ne sont plus capables de s’occuper de leurs enfants. Aujourd’hui, j’ai entendu que, si un bénéficiaire du RSA était obligé de quitter un travail qu’il avait accepté, même si c’est parce qu’il est malade, on allait aussi lui supprimer le RSA…
Franchement, mes chers collègues, je ne sais pas s’il y a des périodes qui sont plus propices à ce genre de retours en arrière, mais tout cela me désole.
Pour en revenir à la proposition de loi, nous sommes foncièrement opposés aux régressions sur le temps de travail et à ces quinze heures. Pour ces raisons, nous voterons contre ce texte.
Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.
Nous arrivons au terme de l’examen de cette proposition de loi. Si nous partageons tous ici, je le pense, la volonté d’améliorer la vie de nos concitoyens, nous sommes, pour notre part, plus que mitigés sur l’efficacité des mesures qui nous sont proposées ici. Les débats l’ont bien montré, nous avons des visions complètement opposées.
Nous sommes opposés à ce texte, d’une part, pour ce qu’il contient et, d’autre part, évidemment, pour ce qu’il révèle en termes de méthode. Une fois de plus, nous pensons que cette proposition de loi ne vise qu’à stigmatiser les plus pauvres de notre société.
Nous ne pouvons accepter de casser encore davantage le code du travail avec des sous-contrats à temps partiel de quinze heures. Nous ne pouvons pas non plus accepter l’idée que des personnes seraient au RSA parce qu’elles manqueraient d’initiative ou parce que le droit du travail serait trop rigide. Nous ne pouvons accepter de rêver qu’il y aurait du travail qui attendrait et que des personnes ne voudraient malheureusement pas l’effectuer.
Il faut regarder la pauvreté en face. Or l’Observatoire national de la pauvreté a été supprimé par le Gouvernement il y a un an et demi et l’association ATD Quart Monde ne siège plus au CESE depuis quelques semaines. C’est regrettable ! Ce n’est pas en cassant le thermomètre qu’on fait baisser la température !
Nous voterons donc contre ce texte, et nous continuerons, pour notre part, à lutter pour l’amélioration des droits des travailleurs.
Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.
Soyons clairs, ce texte ne va pas révolutionner les choses. Nous devons donc faire preuve d’une grande humilité.
Même si, dans notre discussion il y a beaucoup de postures politiques, ce qui est normal, notre assemblée est aussi là pour ça, je crois néanmoins que notre volonté partagée est de trouver des nouvelles voies pour aider des personnes à sortir de leurs difficultés.
Sourires sur les travées du groupe CRCE.
… dans notre approche. Ayant présidé un département pendant quinze ans, comme un certain nombre d’entre nous, je peux vous dire que j’ai appris à revoir mes certitudes.
Il faut trouver, dans la mesure du possible, et c’est bien là la difficulté, les moyens d’orienter les personnes qui rencontrent des difficultés. Ce matin, quelques-uns de nos collègues ont participé à la réunion de la délégation sénatoriale à la prospective : la prospective, c’est une culture de projet, pas des certitudes.
Si cette proposition de loi permet d’aider quelques personnes à retourner vers l’emploi, tant mieux !
Et puisque l’on évoque la dignité de ces personnes, je crois que c’est justement pour cela qu’elles doivent avoir des droits et des devoirs.
Si on leur explique bien les choses, on parvient à avancer et à les sortir des difficultés.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, notre groupe votera cette proposition de loi.
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.
Nous voterons aussi cette proposition de loi. Je n’ai rien vu dans ce texte de culpabilisant pour les allocataires du RSA. Comme l’ont clairement dit dans leurs interventions le président Malhuret et le rapporteur, cette proposition de loi relève de la logique de la main tendue, c’est-à-dire faire en sorte de lever les freins, qui sont d’ailleurs nombreux, au retour à l’emploi des allocataires du RSA.
Depuis la loi créant le RMI, suivie de celle sur le RSA, se pose la question, à la fois, de l’insertion et de la solidarité active. Nous voulons tendre la main à quelques personnes pour leur permettre de retrouver la dignité d’avoir un travail, parce que le travail est une valeur qui nous tient à cœur : nous voulons aider ces personnes qui ont des talents, mais qui sont en difficulté ou plus fragiles.
Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP.
Ce matin, madame la ministre, vous avez évoqué le RUA, le revenu universel d’activité. Dans cette proposition de loi, nous proposons un RUA temporaire, avec la perspective d’un emploi durable, certes pas pour tous – cela a été dit – mais pour certains, ce qui n’est déjà pas mal. Le RUA facilitera l’accès des bénéficiaires aux aides, mais ne favorisera pas forcément l’insertion, comme le fait ce texte.
Je m’étonne que certains ne votent pas la proposition de loi, car elle permettra d’améliorer la situation économique de nombreuses personnes vivant sous le seuil de pauvreté. Je rappelle que quinze heures de travail représentent tout de même 1 025 euros. Nous espérons qu’après la période de neuf mois il sera possible de passer à vingt-quatre heures, voire plus, pour pouvoir atteindre 1 300 euros. Il s’agit donc d’une mesure généreuse, sociale, valorisant l’effort des personnes qui vont vers l’emploi et permettant une synergie entre l’économie et l’insertion.
Le dispositif que nous proposons ne s’appliquera pas à tous et ne sera pas la panacée, mais il constituera un plus pour les personnes qui sont au RSA.
Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.
Je voudrais très chaleureusement remercier Mme la présidente de la commission des affaires sociales, Catherine Deroche, ainsi que Philippe Mouiller, qui était au banc ce matin en tant que vice-président de la commission.
Je remercie notre rapporteur, Daniel Chasseing, pour l’ensemble de son travail sur ce sujet très important. Même si cette proposition de loi n’apporte pas de changement fondamental, elle constitue – je l’espère – un petit pas dans la bonne direction, comme le disait René-Paul Savary.
Je remercie tous nos collègues qui ont, aujourd’hui et les jours précédents, travaillé sur cette proposition de loi. Je suis conscient que les positions sont divergentes et, parfois, radicalement opposées, mais chacun les a exprimées dans le respect des opinions des uns et des autres ; j’y suis très sensible.
Si ce texte est adopté et si nos collègues députés y donnent une suite favorable, c’est l’expérimentation qui nous dira si nous sommes ou non allés dans la bonne direction. Avec mon collègue Bruno Rojouan, je souhaite bon courage à notre département de l’Allier, ainsi qu’à tous les départements qui pourront se lancer dans cette première expérimentation.
(Sourires.) J’espère qu’ultérieurement le Gouvernement acceptera une expérimentation, surtout à l’approche de la loi 4D, qui donnera de nouveau l’occasion d’une discussion importante entre le Gouvernement et les collectivités locales. Les centaines de milliers de nos concitoyens qui sont aujourd’hui au RSA le valent bien !
Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes U C et Les Républicains.
Enfin, je vous remercie, madame la ministre, malgré les réticences que vous avez exprimées. §
Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures dix.
L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, l’examen de la proposition de résolution, en application de l’article 34-1 de la Constitution, invitant le Gouvernement à envisager la poursuite de la procédure de ratification du CETA, présentée par M. Fabien Gay et plusieurs de ses collègues (proposition n° 249 rectifiée).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Fabien Gay, auteur de la proposition de résolution.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si nous sommes réunis dans cet hémicycle pour évoquer le CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement – accord économique et commercial global), ce n’est malheureusement pas sur l’initiative du Gouvernement. Non, chers collègues, c’est le groupe CRCE qui vous y invite, et ce pour la deuxième fois après le débat que nous avons organisé ici même, en novembre 2018, un an après la mise en application provisoire de cet accord !
Depuis trois ans, des parlementaires de presque tous les groupes qui composent cet hémicycle ont demandé au Gouvernement des précisions sur ce traité et sa date de ratification. Nous pensons que le Sénat a été assez patient. C’est la raison pour laquelle nous avons pris cette initiative.
Cela étant, je veux que chacun entende une chose : en tant que groupe minoritaire et d’opposition, nous n’avons que deux niches par an, c’est-à-dire l’équivalent de quatre textes. Vous avouerez que c’est peu, car, comme vous, mes chers collègues, nous fourmillons d’idées – pas les mêmes, j’en conviens. Pourtant, nous avons décidé de prendre nos responsabilités et de consacrer à ce texte un de nos rares espaces. Nous ne nous résignons pas comme vous à ce déni démocratique constaté et évident.
Puisque nous sommes empêchés de débattre par le Gouvernement, le groupe CRCE met son espace à votre disposition avec cette proposition de résolution invitant le Gouvernement à envisager la poursuite de la procédure de ratification du CETA. De nombreux collègues nous ont interpellés sur cette formulation quelque peu alambiquée. Je souhaite vous en expliquer les raisons en toute transparence.
Notre proposition a dû être remaniée trois fois avant que le Gouvernement, fort tatillon sur la manière dont nous osions nous adresser à lui, ne daigne l’accepter et en valider la mise à l’ordre du jour dans cette niche parlementaire. Certes, c’est au Gouvernement et non au Parlement que revient l’initiative de la procédure de ratification, et nous savons que le Parlement ne peut pas enjoindre le Gouvernement. Pourtant, avec cette proposition de résolution, nous cherchions non pas à empiéter sur ses pouvoirs, mais à faire respecter nos institutions, la Constitution, le processus démocratique et la compétence du Sénat, qui, je le rappelle, n’est ni optionnelle ni consultative.
Il est tout de même assez surprenant, monsieur le ministre, que le Gouvernement, qui bafoue le droit du Parlement, s’insurge lorsque celui-ci ose lui rappeler de respecter notre institution et la Constitution. En somme, non seulement nous ne sommes pas consultés, mais en plus rogne-t-on sur toute proposition que nous faisons.
Peut-être que ces trois refus visaient à nous faire abandonner. Raté ! C’était mal connaître notre volonté et notre détermination. Si cette proposition de résolution vous déplaisait tant, il eût été plus aisé et plus clair, plutôt que d’ergoter sur sa formulation, de donner directement au bureau du Sénat le calendrier de la procédure de ratification du CETA !
Je rappelle également, puisque cela semble nécessaire, l’article 53 de notre Constitution, qui dispose que ces traités « ne peuvent être approuvés ou ratifiés qu’en vertu d’une loi ». La ratification est de fait soumise au vote du Parlement ; un Parlement qui, en France, est bicaméral.
En agissant de la sorte, force est de constater que le Gouvernement donne l’impression de considérer que l’avis, les débats et le vote de la Haute Assemblée n’importent guère ; seule compterait donc pour lui l’Assemblée nationale sous la Ve République ?
Le Parlement est sans cesse contourné ou malmené. C’est le révélateur d’une crise plus profonde de nos institutions. Depuis 2017, date à laquelle je suis devenu parlementaire, je n’ai connu que la procédure accélérée. D’ailleurs, j’aurais bien du mal à expliquer la procédure normale à cette tribune, puisque je ne sais pas en quoi consiste la deuxième lecture, dont on m’a pourtant dit qu’elle était très utile pour bien rédiger la loi…
Mme Cécile Cukierman et M. Mathieu Darnaud s ’ esclaffent.
Autre fait : notre président, M. Larcher, l’a rappelé il y a quelques jours, 51 % des textes ont été ratifiés par ordonnance, ce qui est inédit depuis la guerre d’Algérie. Or ces ordonnances doivent ensuite être ratifiées par le Parlement ; la procédure est donc, au bout du compte, deux fois plus longue… Derrière le prétexte de la recherche d’efficacité ou de rapidité, c’est donc bien le débat au Parlement qui vous contrarie et que vous voulez empêcher.
Enfin, alors que nous traversons une crise inédite, avec la covid-19, nous pensons que la démocratie et le débat parlementaire sont une des solutions de la sortie de crise, alors que, de votre côté, vous considérez a contrario que le Parlement est un obstacle. La prolongation, depuis un an, de l’état d’urgence et les pouvoirs que celui-ci vous confère montrent malheureusement qu’une gestion de crise centralisée, concentrée dans les seules mains de l’exécutif, n’est pas gage d’efficacité ni de réussite. Le comble a été atteint quand vous nous avez invités à débattre des mesures à prendre sur le troisième confinement, alors que tout avait été annoncé, la veille, à la télévision, par le Président de la République.
Une République dans laquelle le Gouvernement, voire le Président de la République, déciderait seul et où le Parlement validerait tout, sans rien dire, sans discuter, sans critiquer est-elle bien la République que nous voulons ?
Selon nous, il n’est pas souhaitable de jouer ainsi avec nos institutions, car cela renforce la défiance de nos concitoyens, qui peuvent légitimement se poser la question : si le Gouvernement ne respecte pas la Constitution et les institutions, à quoi sert-il de voter ?
En outre, entre l’Union européenne, les citoyens français et la question démocratique, il y a déjà une histoire. Tout le monde se le rappelle, en 2005, après un débat éclairé, populaire et citoyen, le peuple français avait rejeté massivement le traité constitutionnel, finalement imposé par un vote du Parlement, deux ans plus tard. Cette meurtrissure dans le cœur des Français renforce, chez ces derniers, l’idée que l’Union européenne est une instance technocratique, éloignée de leurs préoccupations et antidémocratique. Cela nourrit le fatalisme et le désespoir et explique, en partie, la montée de l’extrême droite partout en Europe.
Avec le CETA, ce n’est pas le vote des Français qui n’est pas respecté, c’est celui des sénatrices et des sénateurs qui est empêché. De bout en bout, l’histoire de ce traité pourrait se résumer en un mot : opacité ; opacité pendant les sept longues années de négociations et opacité, ensuite, dans sa mise en œuvre. En effet, cet accord est entré en vigueur de façon provisoire, il y a maintenant plus de trois ans, le 21 septembre 2017, mais c’est un « provisoire » qui dure et qui concerne, tout de même, 90 % du traité, à savoir les compétences exclusives de l’Union européenne.
Rien que le principe de cette entrée en application avant que les États membres aient accepté ou non la ratification du traité doit soulever des interrogations, d’autant que ce traité, dit « de deuxième génération », devrait donner lieu à un large débat parlementaire et citoyen. En effet, si, comme tout accord de libre-échange, ce traité fait tomber les barrières tarifaires et douanières, c’est surtout sur la levée des barrières non tarifaires que nous devrions échanger : remise en cause de nos normes sociales et environnementales ainsi que de nos services publics, mais aussi mise en place de tribunaux d’arbitrages privés, qui permettront, demain, à des entreprises d’attaquer des États au nom du profit !
La crise de la covid-19 a démontré que tout nous invite à repenser le monde différemment, à repenser les échanges, la circulation des marchandises et des capitaux, la relocalisation de nos modes de production ou encore la question de notre souveraineté, notamment alimentaire.
Pour notre part, nous pensons que ces traités, hier dangereux, sont à présent caducs ; ils ne répondent plus aux enjeux d’aujourd’hui. Plutôt que d’instaurer une compétition internationale et la mise en concurrence des travailleurs, à coups de mesures visant à être le moins-disant social et environnemental, il serait urgent de réfléchir à la mise en commun, au partage et à la sortie, en dehors du secteur marchand, de certains biens et services, comme l’avait indiqué le Président Macron, en mars 2020.
Le CETA devait être soumis à ratification par le Parlement dans un délai d’un an à compter de son entrée en vigueur provisoire. Un an ! Cela fait trois ans que nous attendons !
Monsieur le ministre, de quoi avez-vous peur ? Il est vrai qu’à l’Assemblée nationale, où le gouvernement auquel vous appartenez détient pourtant une majorité écrasante, le vote pour la ratification n’a recueilli que 266 voix contre 213 et 74 abstentions… Il se chuchote, ici ou là, que vous ne l’inscrivez pas à l’ordre du jour du Sénat, parce que vous auriez peur d’un vote contre ; il est vrai que cet accord ne fait pas l’unanimité, et c’est un euphémisme. Néanmoins, pour ma part, je n’ose y croire, car je ne peux imaginer qu’un gouvernement ne soumette au vote des parlementaires que des textes dont il serait certain d’emporter l’adoption et que, en cas de doute, plutôt que d’affronter le débat avec des arguments, il préfère contourner l’obstacle. En sport, cela s’appellerait un forfait, et ce serait un terrible aveu de faiblesse de la part de l’exécutif.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, nous n’avons pas cherché à lancer, aujourd’hui, un débat sur le CETA lui-même, sur sa pertinence et ses fondements idéologiques, bien que ce débat soit nécessaire. Vous connaissez notre opposition à ce traité, mais nous respectons tous ceux qui y sont favorables.
Même si nous traversons une pandémie et que les urgences sont nombreuses, cette question traverse la société, comme l’a montré l’exigence, exprimée par la Convention citoyenne pour le climat, d’un moratoire sur ces traités de libre-échange, d’autant que la pandémie n’empêche pas le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre, de démanteler EDF ni de réformer l’assurance chômage…
Il y a donc urgence à débattre, surtout qu’il serait inconcevable que le Président Macron prenne, le 1er janvier prochain, la présidence du Conseil de l’Union européenne sans avoir respecté, dans son propre pays, la procédure de ratification d’un traité d’une telle importance.
Mes chers collègues, voilà toutes les raisons qui nous pousseront à adopter, à l’unanimité, je pense, cette proposition de résolution.
Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, GEST et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Henri Cabanel applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la Lettonie, le 23 février 2017, puis la Lituanie, le Danemark, Malte, l’Espagne, la Croatie, la Tchéquie, le Portugal, l’Estonie, la Suède, la Finlande, la Roumanie, la Slovaquie, l’Autriche et, enfin, le Luxembourg, en mai 2020 : tous ces pays ont engagé, selon leurs dispositions institutionnelles propres, le processus de ratification du CETA. Même le Royaume-Uni, alors que son départ était acté, l’a fait en 2018. Comme chacun le sait, le parlement de Chypre a voté contre, mais sa décision n’a pas été notifiée aux institutions européennes.
En France – pays fondateur de l’Union européenne –, alors même que l’article 53 de la Constitution précise explicitement que le Parlement, c’est-à-dire les deux chambres, doit ratifier l’accord, alors que le processus européen de ratification, du fait du caractère mixte de cet accord, prévoit également cette ratification par le Parlement, alors, enfin, que le Gouvernement avait lui-même engagé la procédure accélérée, en 2019, sur le projet de loi de ratification de ce traité, le Sénat attend toujours et encore de savoir quand et comment il pourra se saisir du sujet. Cette situation est paradoxale, puisque, rappelons-le, c’est la France, certes sous le précédent quinquennat, celui de François Hollande, qui a obtenu que les parlements nationaux soient impérativement saisis. Ainsi, le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre, manque à son devoir.
Le CETA est, rappelons-le, un accord qui n’est pas anodin et qui concerne – mon collègue Fabien Gay l’a souligné – des champs entiers de notre économie, de notre environnement et de notre vie, comme la santé animale et végétale, les télécommunications, l’alimentation, la concurrence ou encore l’accès aux marchés publics. Alors, pourquoi ce silence « assourdissant » ? Pourquoi n’avez-vous pas inscrit le texte, adopté par l’Assemblée nationale et transmis le 23 juillet 2019, à notre ordre du jour ? Pourquoi le Gouvernement, qui a engagé la procédure accélérée, reste-t-il aujourd’hui silencieux ? Pourquoi, enfin, notre chambre en est-elle réduite à adopter des propositions de résolution demandant, « gentiment », comme l’a dit Fabien Gay, au Gouvernement que nous puissions débattre d’un sujet aussi important que le CETA afin, en gros, d’assurer notre mission fondamentale, légiférer ?
À ces questions, plusieurs réponses sont possibles ou probables. Un manque de temps ? C’était possible au début, mais, un an et demi après le débat à l’Assemblée nationale, on peut penser que ce n’est pas la vraie raison. L’encombrement législatif, trop de textes ? Certes, c’est possible que ce soit le cas depuis mars 2020, mais avant cette date ? En outre, à l’Assemblée nationale, le CETA a occupé une réunion de commission et seulement deux séances publiques ; on a connu textes plus encombrants… Reste une option : l’oubli volontaire qui arrange. Je m’explique.
Pour le Président de la République, le CETA « va dans le bon sens » – ce sont ses mots, il l’a affirmé publiquement – ; le Gouvernement a soutenu la ratification du traité à l’Assemblée nationale, dans des conditions compliquées, certes, mais il l’a fait ; enfin, le grand mouvement présidentiel – La République En Marche – annonce sur son site internet « trois raisons de ratifier le CETA ». Dès lors, quel intérêt le Gouvernement aurait-il à engager un débat dont l’issue lui semble incertaine et, par conséquent, à porter, à l’échelon européen, la responsabilité du rejet d’un accord qu’il a soutenu et qu’il continue de soutenir ?
Voilà pourquoi je remercie le groupe CRCE d’avoir inscrit à l’ordre du jour cette proposition de résolution et de nous obliger à faire un peu d’archéologie, afin de retrouver les positions, sur le CETA, du Président de la République et du Gouvernement, qui est – je l’indiquais précédemment – très silencieux.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain va bien entendu voter cette proposition de résolution, mais nous regrettons l’obligation qui nous est faite de demander au Gouvernement de respecter nos institutions et la démocratie.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà trois ans que le CETA est entré en vigueur provisoirement ; voilà pourtant trois ans que le Sénat attend d’avoir à exprimer sa position sur le sujet, lors d’un vote solennel ; et voilà trois ans que le Gouvernement lui refuse ce droit…
Le CETA divise, vous le savez. Ce ne sont ni l’équilibre global de l’accord ni les relations historiques avec nos compatriotes canadiens qui sont en jeu. Ce qui est en jeu, c’est le fait de sanctionner, dans chaque accord de libre-échange, toujours les mêmes acteurs : certaines de nos filières agricoles. Ce qui est en jeu, c’est notre capacité à protéger notre agriculture des importations déloyales, qui risquent de nous faire perdre notre souveraineté alimentaire. Ce qui est en jeu, c’est notre crédibilité politique à tenir des engagements fermes que vous avez pris en matière de respect de nos normes. Or vos réponses peinent à convaincre, car cet accord, on le sait, n’apporte aucune garantie sur la conformité aux normes européennes des produits alimentaires importés.
Vous nous rétorquez chaque fois qu’il n’y a aucun problème, que, grâce aux organismes certificateurs et aux limites maximales de résidus prévues dans la réglementation européenne, il n’y a aucun risque et que tout est garanti : ceinture et bretelles ; aucune faille ! Sauf une : personne ne vous croit…
Pour illustrer mon propos, je voudrais vous raconter une petite histoire.
Il était une fois, au sein de l’Union européenne, un consommateur qui souhaita manger, en quantité, de petites graines de sésame. Pour en retrouver dans son pain, son houmous, ses biscuits, il importa massivement ces graines d’Inde. Mais, tout à coup, en 2020, lors d’un contrôle de routine, des résidus d’une substance strictement interdite en Europe depuis 1991 – l’oxyde d’éthylène – furent retrouvés sur ces graines, à des taux mille fois supérieurs, en agriculture conventionnelle, et cinq mille fois supérieurs, en agriculture biologique, à la norme acceptée.
Inquiètes d’un tel écart, les autorités lancèrent un vaste programme de retrait et de rappel des produits. On se rendit alors compte que le problème était très vaste, car il concernait des produits contenant des graines importées non seulement d’Inde, mais également de nombreux pays dans le monde, et ce depuis 2018 au moins.
Comment toutes ces graines avaient-elles pu entrer, comme par magie, en Europe, sans que le problème soit visible, durant tout ce temps ?
Premièrement, il n’y avait pas suffisamment de tests aléatoires pour identifier les risques ; comment cela serait-il possible, avec un budget dédié aux contrôles ne dépassant pas, en France, 50 centimes pour 1 000 euros de denrées alimentaires introduites ? Difficile, dès lors, de repérer des dépassements de limites maximales de résidus !
Deuxièmement, les contrôles douaniers avaient déjà repéré des anomalies sur les résidus de pesticides en provenance d’Inde, puisque 20 % des denrées indiennes aléatoirement contrôlées en 2018 présentaient des anomalies, mais, même quand nous savons, nous ne faisons rien pour inverser la donne.
Troisièmement, sur les 1 500 substances actives interdites à l’échelon européen, seules 600 sont effectivement contrôlées. Les importations de denrées dans l’Union européenne sont donc indemnes de 900 substances, car, tout simplement, nous ne les recherchons pas !
Comme toute bonne histoire, celle-ci n’a pas de fin, car l’alerte se poursuit aujourd’hui. Alors, prévoir des LMR, oui, mais à condition que celles-ci soient contrôlées !
Si nous ne parvenons pas à contrôler les graines de sésame indiennes, comment pouvez-vous affirmer, monsieur le ministre, que nous serons capables de le faire pour tous les produits canadiens ? Comment pouvez-vous nous assurer, la main sur le cœur, qu’aucune denrée végétale canadienne importée ne méconnaîtra la réglementation européenne, sans même parler des OGM ou des autres substances actives qui sont autorisées au Canada et non en Europe ? Comment pouvez-vous garantir que la viande canadienne respectera nos normes de production, alors que certaines farines animales y sont autorisées et que la traçabilité ne recouvre pas le même champ ? Vous ne le pouvez pas et, pourtant, vous le faites !
Tout le problème est que, en multipliant, d’un côté, les interdictions et les surtranspositions en France, tout en ouvrant largement, de l’autre, nos frontières à des denrées importées sur lesquelles vous n’avez aucun contrôle, vous sacrifiez tout simplement notre agriculture.
Voilà la vérité, et c’est justement pour éclipser celle-ci que vous refusez d’avoir le débat au Sénat.
M. Laurent Duplomb. Je ne peux l’accepter. C’est pourquoi je voterai, ainsi que – je vous l’annonce, monsieur le ministre – la totalité du groupe Les Républicains, pour la proposition de résolution invitant le Gouvernement à inscrire ce projet de loi à notre ordre du jour.
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, SER et CRCE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien sûr, le Sénat doit étudier le projet de loi autorisant la ratification du CETA, qui lui a été transmis le 23 juillet 2019. En plus d’être une nécessité constitutionnelle, c’est indissociable de notre démocratie parlementaire. Dans notre pays, le bicamérisme traduit la chance qui est donnée à l’équilibre, à la précision et à la qualité des débats. C’est notre système ; il doit être respecté.
La discussion de ce projet de loi au Sénat sera un moment décisif pour la France et pour l’Union européenne. L’enjeu est de taille, dans un processus où l’assentiment des vingt-sept pays de l’Union européenne est nécessaire pour l’application complète de l’accord. Rappelons-nous le veto de la Wallonie, en 2016, et le vote, l’été dernier, du parlement chypriote…
C’est également un moment décisif pour notre partenaire canadien. La conclusion d’un accord de commerce avec cet allié historique fut le fruit d’un projet dessiné ensemble et négocié pendant sept années.
Nous partageons l’objectif de cette proposition de résolution, en ce que celle-ci vise à demander que le Sénat puisse étudier ce texte. Ce que nous partageons moins, en revanche, ce sont les arguments qui nous poussent à la même conclusion.
Sur la forme, le retard pris dans le processus de ratification en France est dû à différentes situations, qui ne sont pas toutes le fait du Gouvernement.
La principale, qui marque malheureusement toujours notre quotidien, est la pandémie mondiale de covid-19.
Cette crise a bouleversé le calendrier parlementaire et les priorités législatives ; on ne peut pas dire le contraire.
Sur le fond, nous sommes en présence d’un accord dit « de nouvelle génération ». L’une des particularités de cet accord réside dans sa forme mixte. Ainsi, il se trouve être applicable à 90 %, mais cela concerne uniquement, rappelons-le, les sujets pour lesquels l’Union européenne a la compétence exclusive.
En réaction à l’affirmation que ces négociations seraient antidémocratiques, revenons sur certains faits.
Le mandat de négociation de la Commission européenne a été adopté par les États membres ; certaines de ses parties ont été rendues publiques. L’accord a ensuite été signé en 2016, notamment par le président du Conseil européen, constitué des chefs d’État ou de gouvernement des États membres, qui sont élus. Le chef de l’État français d’alors ne s’y est pas opposé, expliquant que les conditions posées par la France avaient été respectées. Le CETA a ensuite été ratifié par le Parlement européen, élu au suffrage universel direct.
Nous sommes conscients que la stratégie commerciale de l’Union européenne est largement perfectible. Après les négociations compliquées avec le Royaume-Uni, la Commission européenne propose de revoir cette stratégie. Des axes cruciaux ont ainsi été dégagés. Deux d’entre eux ont particulièrement retenu notre attention : la lutte contre la concurrence déloyale et le respect des accords de Paris sur le climat au sein des futurs accords internationaux. Nous ne pouvons que souscrire à ces deux demandes émanant des Européens eux-mêmes. Les valeurs et les intérêts des peuples européens doivent être préservés et défendus.
Des craintes concernant le CETA s’expriment. Il faudra des clarifications et des assurances. Surtout, nous devrons rester vigilants par rapport à la mise en œuvre de cet accord et ne pas faiblir. Nos règles sont différentes dans certains secteurs, notamment en matière alimentaire et agricole. L’harmonisation des normes n’est pas prévue pour tirer ces normes vers le bas, et elle ne doit pas le faire.
Il est crucial que les règles européennes soient protégées, tout comme nos consommateurs. Pour l’heure, le rapport de 2018 de l’inspection générale des finances, cité dans l’exposé des motifs de cette proposition de résolution, révèle que la viande bovine canadienne, ne respectant pas les normes, n’est presque pas exportée vers l’Union européenne ; les quotas ne sont quasiment pas déployés. En revanche, l’Union enregistre une hausse des exportations de nombreux produits, comme le fromage, dont la France est l’un des principaux producteurs. D’après Eurostat, le volume d’exportation de l’Union européenne vers le Canada a fait un bond de 7 %.
Le risque réel, que nous ne pouvons pas ignorer, repose sur le règlement des différends entre autorités publiques et investisseurs. La Commission européenne a travaillé sur ce mécanisme, afin de réduire la possibilité de problèmes à l’avenir. La Cour de justice de l’Union européenne qualifie cet outil, dans son avis du 30 avril 2019, de « compatible avec le droit de l’Union européenne ». Néanmoins, nous devons rester vigilants ; il serait inadmissible qu’une multinationale s’attaque aux règles européennes ou à celles d’un État membre, simplement parce que ces règles entraveraient son commerce.
Enfin – j’en terminerai par là –, le 25 mars dernier, le comité conjoint de l’accord commercial entre l’Union européenne et le Canada a rendu des conclusions sur le volet économique du CETA. Celui-ci aurait des effets positifs dans la pandémie que nous traversons.
Ainsi, pour le moment, il semble que l’accord apporte plus de points positifs à l’Union européenne qu’au Canada, mais son application n’en est qu’à son début.
Nous entendons les craintes et nous en partageons certaines. C’est pourquoi le groupe Les Indépendants se tient prêt à avoir, au moment voulu, un débat constructif et pertinent sur le projet de loi autorisant la ratification du CETA. Toutefois, avant cela, nos forces devraient peut-être se concentrer sur la gestion de la pandémie et sur la préparation de notre sortie de crise. Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie nos collègues du groupe CRCE d’avoir inscrit la présente proposition de résolution à l’ordre du jour de notre assemblée. Leur texte est limpide ; la présentation qu’en a faite notre collègue Fabien Gay l’est tout autant.
J’imagine, monsieur le ministre, que le banc des ministres ne doit pas être – une fois n’est pas coutume – très confortable. Il faut dire que votre position est indéfendable.
Voilà quatre ans que le Parlement européen a validé le CETA. Voilà bientôt deux ans que l’Assemblée nationale a adopté le texte, et nous attendons toujours que vous daigniez soumettre au Sénat le projet de loi autorisant la ratification de cet accord.
Pour imposer un rythme de navette effréné à l’examen de textes électoralistes saccageant la République et instaurant un État policier, il y a du monde ; pour organiser des débats en application de l’article 50-1 de la Constitution et nous consulter sur des mesures déjà actées par le Président de la République, il y a encore du monde ; mais, pour soumettre un accord international à la ratification, de valeur constitutionnelle, de la chambre haute, là, il n’y a plus personne !
Le Gouvernement ne cesse de nous assurer du respect qu’il a pour notre chambre – le Premier ministre l’a fait, hier encore, à cette tribune –, mais, comme le disait le poète Pierre Reverdy, « il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour ». Refuser de soumettre la ratification du CETA à l’autorisation du Sénat est une nouvelle occasion manquée de témoigner de son respect à la représentation nationale. De même, l’absence, à ce banc, du ministre de l’Europe et des affaires étrangères cet après-midi, loin de témoigner de l’amour, démontre son indifférence, voire un certain mépris à notre endroit.
De quoi le Gouvernement a-t-il peur ? Que le Sénat rejette le CETA ? De remettre dans l’actualité un sujet totalement anachronique, un accord du XXe siècle, un traité du monde d’avant le covid, un symbole de la mondialisation qui paupérise les peuples et détruit l’environnement ? Ou bien les deux à la fois ?
Nous pouvons comprendre cette peur. Alors que la crise a mis à nu des failles béantes de la mondialisation, alors qu’elle a mis en lumière notre besoin criant de résilience et de souveraineté, le CETA ressemble plus que jamais au sparadrap du capitaine Haddock…
Nos agriculteurs ne s’en sortent plus. Lactalis veut supprimer, sur ses bouteilles, l’indication de provenance du lait ; le pauvre ministre de l’agriculture en perd ses bras, et vous voulez continuer à l’affliger ? Le Canada autorise les farines animales et certains OGM ; la concurrence internationale tire les prix vers le bas et réduit, comme une peau de chagrin, le revenu des agriculteurs ; nos normes sociales et environnementales sont piétinées au profit des multinationales, dont les pouvoirs sont élargis au point d’empêcher les États de légiférer pour protéger les peuples et la planète.
Donner encore davantage de pouvoir aux intérêts privés au détriment de l’intérêt général, est-ce vraiment là votre vision du monde, monsieur le ministre ?
Alors que l’Assemblée nationale examine le projet de loi Climat, qui demeure très en deçà des engagements de la France en matière de réduction des gaz à effet de serre, vous faites un énième pied de nez à la Convention citoyenne pour le climat, avec un énième joker. Il ne reste décidément pas grand-chose des 149 propositions de cette convention…
On est ainsi passé du « sans filtre » à un filtre jauni, encrassé de renoncements, tout cela pour préserver un traité incompatible avec l’accord de Paris, alors que, dans le même temps, le Président de la République refuse de signer, et c’est heureux, un traité de libre-échange avec le Mercosur, au motif que le Brésil ne respecte pas l’accord de Paris. Décidément, le « en même temps » fait des nœuds au cerveau, même aux intelligences supérieures.
Cet aveuglement vous empêche de concentrer vos efforts pour corriger les fragilités du pays : relocaliser la production économique, notamment agricole ; protéger notre économie, tout particulièrement nos agriculteurs, de la concurrence déloyale du marché ; renforcer la puissance publique face aux intérêts privés prédateurs ; engager la transition écologique, notamment agroécologique ; protéger les emplois ainsi que les salaires et instaurer un revenu paysan digne de ce nom ; et développer une économie de circuits courts et de vente directe, loin des multinationales agronomiques, qui exploitent les agriculteurs et sont les principales responsables de la plus grave et de la plus morbide épidémie qui touche la planète : l’obésité.
S’il était un exemple de l’hypocrisie totale de votre politique faussement écologique, le voilà sous nos yeux. Le « greenwashing » a de beaux jours devant lui…
Au moins, en matière de démocratie, les choses sont claires. Emmanuel Macron pense que la France a besoin d’un monarque, et son mépris du Parlement, de la Convention citoyenne pour le climat, des syndicats agricoles, des ONG et du peuple ne surprend personne. Ce qui est nouveau, c’est que cette soif de pouvoir absolu ne parvient même pas à respecter le cadre et l’usage quasi monarchique de la Constitution de la Ve République. Comment voulez-vous que les Français vous fassent à nouveau confiance en 2022 ?
Le groupe écologiste votera, naturellement et des deux mains, en faveur de cette proposition de résolution.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux tout d’abord indiquer que la demande formulée par le groupe CRCE est légitime, même si je sens que, derrière cela, se cache un autre débat, qui porte non pas sur la procédure de ratification mais sur le texte même du CETA.
Il y a peut-être une logique, mais nous débattons aujourd’hui d’une proposition de résolution demandant l’inscription du texte à l’ordre du jour, nous ne nous discutons pas du contenu même du CETA, …
… même s’il faudra dire un certain nombre de choses à son sujet. Cela s’appelle « avancer masqué », comme disait Descartes.
Cela fait quatre ans et demi que l’accord a été signé avec le Canada. Ce traité a été approuvé par le Parlement européen en 2017 et ratifié par le Sénat canadien la même année. Par ailleurs, vous l’avez rappelé à juste titre, l’Assemblée nationale en a autorisé la ratification, il y a deux ans.
Je veux rappeler que le cas du CETA n’est pas isolé. Ainsi, jusqu’à il y a deux heures, l’accord de partenariat stratégique avec le Japon n’avait pas été inscrit à l’ordre du jour des assemblées pendant trois ans et demi. De même, l’accord entre la France et l’Australie, qui a été signé voilà quatre ans, n’est toujours pas ratifié. En réalité, la liste de textes qui ne sont pas inscrits à l’ordre du jour est longue.
Au reste, la France n’est pas le seul État membre qui ne se soit pas prononcé sur le CETA. M. Temal nous a dressé la liste des pays qui l’avaient ratifié. Je l’en remercie, mais, si onze États l’ont ratifié, cela signifie que seize ne l’ont pas fait ! L’Allemagne n’a même pas commencé la procédure de ratification.
Sur le fond, le Sénat dispose de nombreux éléments d’informations pour se prononcer de façon éclairée.
L’étude d’impact qui a été annexée au projet de loi de ratification est très complète. Elle fait référence au rapport de la commission Schubert, relatif à l’impact du CETA sur l’environnement, le climat et la santé, ainsi qu’au rapport d’étude du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii) sur les aspects macroéconomiques.
Parmi les autres documents, on peut citer la décision du Conseil constitutionnel déclarant le CETA conforme à la Constitution et la décision de la Cour de justice de l’Union européenne, que notre collègue Colette Mélot a citée.
Dans la lettre qu’elle a adressée aux sénateurs le 5 mars 2020, l’ambassadrice du Canada en France revient sur les dispositions de l’accord et rappelle que « les agriculteurs canadiens doivent se conformer aux normes du marché importateur, en l’occurrence celui de l’Union européenne ». Cependant, le flux d’importation de viande bovine entre le Canada et l’Union européenne est très faible. Ce n’est pas un cas de force majeure.
Le Canada a ouvert ses marchés publics dans les secteurs où l’expertise française est reconnue. Les effets positifs de la mise en œuvre du CETA militent en faveur de la poursuite du processus de ratification.
L’excédent commercial européen s’est accru : il s’est élevé à 17, 6 milliards d’euros en 2019, contre 15, 7 milliards d’euros en 2018. L’excédent commercial de la France est quant à lui passé de 26 millions d’euros en 2017 à 650 millions d’euros en 2019. Autrement dit, il a été multiplié par trente ! Le CETA a donc des effets absolument indiscutables.
En dépit de ces bons résultats, il est nécessaire de résoudre les problèmes d’exécution et d’interprétation de l’accord. Parmi les problèmes qui demeurent figurent les modalités d’octroi des contingents d’accès au marché canadien des fromages, lequel est important pour la France, l’accès au marché des vins et spiritueux au Canada, lui aussi important pour la France, et la protection effective des indications géographiques de tous nos produits.
Il est par ailleurs nécessaire de poursuivre l’évaluation du CETA au regard de l’accord de Paris. Le Président de la République s’est engagé : il a déclaré n’avoir « aucun tabou » et être prêt à abandonner le CETA « si l’évaluation montre qu’il n’est pas conforme à la trajectoire de l’accord de Paris ».
Pour toutes ces raisons, mon groupe s’abstiendra sur la proposition de résolution.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je le dis sans détour, le débat d’aujourd’hui n’aurait jamais dû exister. Nous aurions dû depuis longtemps, dans cet hémicycle, dire oui ou non au CETA, comme cela est prévu depuis 2016 : le CETA étant « mixte », il requiert l’unanimité et doit par conséquent être ratifié par le Parlement de chacun des États membres de l’Union européenne. Or il n’y a eu qu’un seul vote, à l’Assemblée nationale, en juillet 2019 : on y a recensé 266 voix pour, 213 voix contre et 74 abstentions.
Pendant ce temps, depuis septembre 2017, un CETA provisoire a été mis en place, le Canada ayant posé l’exigence que l’on n’attende pas la validation par les parlements nationaux. Or le provisoire n’est pas censé durer des années ! De qui se moque-t-on ? La situation revient à nier le Sénat, à nier le bicamérisme, à nier notre démocratie, alors que M. le Premier ministre nous a assurés, dans la déclaration qu’il a prononcée à cette tribune hier, qu’il faisait le contraire.
Pourquoi la Haute Assemblée est-elle ainsi privée de vote ? Qu’est-ce qui bloque ?
À cet égard, je remercie très sincèrement notre collègue Fabien Gay de placer cette situation grotesque sous les projecteurs. Sa proposition de résolution « invite » – le mot est faible, puisque cela est obligatoire – le Gouvernement à envisager la poursuite de la procédure de ratification du CETA.
Nous devons exiger le vote du Sénat. En effet, les conclusions nuancées de la commission Schubert, mise en place en 2017 pour évaluer les enjeux environnementaux et sanitaires du CETA, avaient conduit le Gouvernement à élaborer, la même année, un plan d’action pour sa mise en œuvre. Celui-ci contenait des engagements ambitieux sur le rôle du Parlement. C’est sans doute oublié !
Les enjeux ne sont pas anodins. Le CETA, document de plus de 2 000 pages, comprend des mesures d’accès réciproque des parties à leurs marchés. Au-delà de la baisse ou de la levée des droits de douane, il est question de la réduction des obstacles non tarifaires, de l’assouplissement de l’accès aux marchés publics ou encore d’harmonisation des règles en matière de propriété intellectuelle.
Depuis 2017, les accords de libre-échange dits « de nouvelle génération » ne se limitent pas à des dispositions de nature commerciale relevant exclusivement de la compétence de l’Union européenne. Ces accords intègrent également de nombreuses clauses portant notamment sur l’investissement, la coopération réglementaire ou le développement durable, certaines de ces clauses relevant de la compétence des États membres.
Autre problème soulevé par cette absence de ratification : l’accord de partenariat stratégique (APS) n’est lui non plus toujours pas promulgué par le Canada, bien qu’il ait été approuvé en 2017 par le Parlement européen, en même temps que le CETA. Le gouvernement canadien attend la fin du processus de ratification des États membres de l’Union européenne. On parle peu de cet accord, qui n’a pas cristallisé l’opposition en 2016. Pourtant, il est majeur, car il rassemble le volet politique. Il aborde les valeurs partagées, par exemple les questions de développement durable, la bonne gouvernance fiscale et le rôle de l’OMC.
La proposition de résolution de notre collègue Fabien Gay que nous examinons aujourd’hui est primordiale : elle vise à demander l’inscription à l’ordre du jour du Sénat du projet de loi de ratification du CETA. Nous le savons, une partie de notre assemblée va s’y opposer. Même mes collègues socialistes, qui, lors d’un débat dans cet hémicycle, avaient soutenu cet accord, signé par l’ancien Président de la République François Hollande, ont changé d’avis. Tant mieux ! Il en va de même, d’ailleurs, de la majorité des députés européens Les Républicains et UDI, qui ont voté en faveur de cet accord au Parlement européen.
La proposition de résolution souligne également que l’accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne affecte de manière notable la politique agricole. En outre, la question environnementale n’est pas suffisamment prise en compte. La Convention citoyenne pour le climat a d’ailleurs demandé au Gouvernement de dénoncer l’application provisoire du texte de libre-échange tant que l’accord de Paris n’y serait pas intégré, alors qu’il figure au sein de l’APS.
Cet accord comporte des incohérences dont il nous faut débattre. Nous devons nous exprimer à ce sujet, poser les questions qui fâchent, comme son impact réel sur notre agriculture. Si les chiffres fournis témoignent d’une hausse des exportations européennes globales vers le Canada et les États-Unis de 15 % en 2018, nous devons objectiver ces données en 2021, plus particulièrement pour l’agriculture, qui paie souvent le prix cher de ces accords internationaux. N’oublions pas, chers collègues, que se dessine le Mercosur, sur le même modèle que le CETA.
La gouvernance de l’Union européenne montre bien ses limites politiques : la Commission décide, les accords sont appliqués et les Parlements des États membres ratifient plus tard… ou pas.
Nos agriculteurs sont toujours sacrifiés sur l’autel d’accords internationaux qui bénéficient, certes, à d’autres secteurs français.
Il est de notre devoir moral d’imposer ce débat au Sénat. Même si le résultat ne correspond pas à la ligne directrice de la Commission européenne, le groupe du RDSE votera pour cette proposition de résolution.
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes SER, CRCE, GEST et UC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 23 juillet 2019, l’Assemblée nationale a examiné en urgence, en fin de session extraordinaire, le projet de loi de ratification du CETA. Deux ans plus tard, quatre ans après sa signature, ce texte n’est toujours pas inscrit à l’ordre du jour du Sénat.
Pourquoi un tel déni ? Comment justifier le silence du Gouvernement qui accompagne cette non-inscription ? Le Gouvernement a-t-il l’intention de contourner définitivement le vote de notre chambre en jouant la carte de l’application provisoire indéfinie, puisque aucun délai légal de ratification ne s’impose à la France ? Ne s’agit-il pas, du même coup, de rendre caduque, à terme, la notion même d’accord « mixte », ce qui permettrait à de futurs accords d’échapper à la ratification parlementaire nationale ?
Après tout, pourquoi s’embarrasser d’un vote du Sénat qui pourrait être défavorable et d’un retour incertain devant l’Assemblée nationale ? C’est le raisonnement que semble faire le Gouvernement. Est-ce acceptable ? À l’évidence, non, et je veux citer les raisons majeures qui appellent cette discussion dans notre assemblée.
La première est l’impératif démocratique, largement souligné par notre collègue Fabien Gay. Les chefs d’État européens et la Commission européenne ont malheureusement pris de fâcheuses habitudes de contournement démocratique des parlements comme des mobilisations citoyennes. Dès lors, comment s’étonner du désaveu populaire ?
La deuxième raison tient évidemment au contenu du CETA. Cet accord est d’une très grande importance. Il s’inscrit dans la lignée d’une libéralisation effrénée des échanges, qui se paie en abaissement des normes, en délocalisations industrielles massives, en dépendance accrue de notre pays dans des secteurs essentiels, comme l’agriculture, mais aussi la pharmacie et le médicament ou le numérique.
Continuer à appliquer des accords comme celui du CETA sans ratification ni évaluation n’est pas responsable.
La révolution écologique, nous le savons, n’est plus une option. Cependant, elle soulève d’énormes défis de transition. La relocalisation de nos productions et un renforcement de nos services publics sont indispensables pour répondre à la crise que nous traversons.
Dans ces conditions, l’évitement de l’exécutif sur ce sujet révèle un embarras manifeste et problématique. D’ailleurs, le Président de la République avait déjà sorti son joker pour évincer la proposition de la Convention citoyenne pour le climat qui s’opposait au CETA…
Il est pourtant devenu évident que la mondialisation financière sans garde-fous, tournée vers la compétitivité à tout prix et bâtie sur le dogme de la concurrence libre et non faussée est, dans bien des domaines, responsable de l’incapacité de nombreux États, dont la France, à faire face aux nouveaux défis d’avenir : la réduction des inégalités, le climat, la pandémie… – il y en a bien d’autres.
Les accords de libre-échange comme le CETA et, demain, le Mercosur nous désarment face aux défis qui s’aiguisent, au lieu de reconstruire les conditions productives, sociales et environnementales pour les relever.
Le CETA ouvre la voie à une nouvelle génération d’accords de libre-échange qui s’étend désormais aux barrières non tarifaires et qui touche tous les domaines : l’environnement, l’agriculture, les protections sociales, les réglementations sanitaires, les investissements, les marchés publics. Il s’agit de tirer toujours vers le bas les normes sociales et environnementales.
La commission Schubert, qui a conduit une analyse indépendante du CETA, a souligné le « manque d’ambition » environnementale du traité. De fait, le CETA continuera d’entraîner une augmentation des émissions liées au fret transatlantique, l’encouragement de la concurrence des pratiques d’agriculture les plus intensives, contraires aux objectifs affichés par l’Europe, la mise en berne des normes protectrices du climat et de l’environnement.
J’ajoute enfin qu’aux dangers déjà évidents s’additionnent désormais ceux que révèle dramatiquement la pandémie.
Nous avons besoin de coopération et non d’exacerbation de la concurrence. Nous avons besoin de reconquérir de la souveraineté, en alliant la protection de normes nationales exigeantes et de coopérations fondées sur la promotion de biens communs, et non de productions rentables à tout prix, quoi qu’il en coûte.
Le débat sur les vaccins et la libération des brevets en est un bel exemple. L’OMC discute d’ailleurs actuellement de nouvelles règles permettant de mieux relever ces défis pour toute la planète et pour toute l’humanité. Est-ce le moment de pousser dans ce sens ou, au contraire, de laisser prospérer les logiques moins-disantes et ultraconcurrentielles d’accords comme le CETA ?
Mes chers collègues, c’est en tout cas le moment, quelles qu’aient été au départ nos positions sur le CETA et quelles qu’elles soient encore aujourd’hui, d’avoir ensemble un débat approfondi, respectant les prérogatives du Parlement. Ensemble, nous pouvons demander au Gouvernement de répondre à cette exigence en votant la proposition de résolution que le groupe CRCE vous soumet aujourd’hui.
Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, GEST et RDSE.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, par cette proposition de résolution, nos collègues du groupe CRCE nous invitent à rappeler au Gouvernement qu’il serait temps de mener à son terme la procédure de ratification du CETA. En France, celui-ci a été voté par 266 députés en juillet 2019, mais, depuis, il n’a toujours pas été soumis à l’approbation du Sénat. Nous sommes impatients, monsieur le ministre, d’en connaître les motifs, car nous ne pouvons imaginer que vous vous satisfaisiez de la situation actuelle, avec un traité en vigueur seulement partiellement et pour une durée indéterminée.
Par ses tergiversations, le Gouvernement donne aujourd’hui le sentiment de craindre le Parlement, comme s’il n’était pas prêt à assumer les conséquences de ce traité dans les territoires.
Pour beaucoup de centristes, qui pensent que l’avenir de la France passe par une Europe plus démocratique, plus unie et plus forte, la procédure choisie, qui écarte le référendum et relègue les parlements nationaux à des chambres d’enregistrement, porte déjà en elle-même préjudice à l’ambition européenne. Par son défaut de transparence, elle détériore la confiance des citoyens en leurs institutions.
Au-delà de la légitime demande de démocratie et de respect des procédures de ratification qui vous est faite aujourd’hui, il y a une dimension plus pragmatique et plus politique, qui plaide pour un débat rapide au Sénat et sur laquelle, vous l’avez compris, nous aimerions vous entendre, monsieur le ministre : il s’agit de la pertinence de ce traité dit « de deuxième génération », mais finalement déjà dépassé dans un monde post-covid et d’urgence climatique.
Depuis un an, en effet, nous mesurons chaque jour combien la souveraineté économique, alimentaire, numérique et médicale, l’urgence climatique et le bilan carbone sont devenus de nouvelles priorités. Ces réalités n’avaient pas la même acuité voilà quinze ans, lors des négociations du CETA.
Aujourd’hui, ces défis sont devant nous, et nous sommes en droit de nous interroger : est-il bien cohérent de supprimer des droits de douane, alors que, dans le même temps, nous envisageons d’imposer des taxes carbone aux frontières ? Alors que la France et l’Europe imposent à leur production des écoschémas, des circuits courts de la ferme à la fourchette, un Green Deal, des analyses du cycle de vie, des normes RSE, une lutte contre la déforestation, devons-nous continuer à laisser entrer des produits qui ne répondent pas à ces critères pour respecter les contreparties de traités ?
À l’heure de l’urgence climatique, le commerce international peut-il encore consister à importer ce que nous ne voulons pas pour vendre ce que nous voulons exporter ? Le moment est-il bien choisi pour lever tout obstacle aux investissements étrangers, alors que l’enjeu de souveraineté économique n’a jamais été aussi stratégique ? Faut-il soumettre nos États aux arbitrages de tribunaux spécifiques visant à protéger « les attentes légitimes des investisseurs internationaux », et non les intérêts des citoyens, à l’heure où l’on plaide pour plus de régulation et pour un retour des États, notamment dans les secteurs numérique, alimentaire, de la santé et de l’environnement ?
Toutes ces interrogations pressantes, auxquelles nous n’avons pas encore de réponses, se heurtent non pas au principe des échanges internationaux, mais aux modalités de ce traité. Elles justifient un débat urgent, que vous ne pouvez ni éluder ni repousser. L’avenir d’un projet européen crédible et d’un commerce ouvert ne se fera pas en occultant les questionnements des parlements nationaux ni même en se contentant de regarder dans le rétroviseur les bilans chiffrés de ces trois dernières années.
Ces impératifs nouveaux, qui ont surgi en quelques mois, modifient en profondeur et dans la durée les réalités économiques, commerciales et sociétales à venir. Ils nous obligent à nous adapter, car, nous le savons tous, gouverner, c’est prévoir, d’autant qu’ils s’inscrivent dans l’urgence : l’urgence de neutraliser les changements climatiques, l’urgence de la relance économique et de l’emploi dans les territoires, l’urgence de faire renaître l’espoir chez nos concitoyens.
Par respect pour les peuples et pour le pouvoir de représentation qu’ils ont confié au Parlement, par respect pour l’Europe et pour la procédure de ratification choisie, pour la cohérence des politiques publiques et la résilience de nos économies, le groupe Union Centriste soutiendra cette proposition de résolution.
Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux à mon tour remercier nos collègues du groupe CRCE de leur initiative. Voilà effectivement vingt et un mois que l’Assemblée nationale a voté, à une courte majorité, la ratification du CETA, accord mixte conclu entre l’Union européenne et le Canada qui nécessite la ratification des États membres. Voilà vingt et un mois que nous attendons que le Gouvernement l’inscrive à l’ordre du jour du Sénat et trois ans et demi que cet accord dit « de nouvelle génération » systémique vit sous sa forme provisoire, créant un précédent fâcheux.
Comme mon collègue Rachid Temal l’a exprimé justement, nous vivons là un déni et une aberration démocratiques. C’est une mauvaise manière faite au Sénat, mais c’est surtout une manière qui renforce encore la défiance de nos concitoyens à l’égard de ces accords commerciaux aujourd’hui dépassés.
Ces accords sont dépassés, parce que le monde a changé. La mondialisation libérale et l’accélération des échanges ont, certes, généré de la croissance et permis de développer de nouveaux secteurs, mais elles se sont aussi malheureusement traduites par un accroissement des inégalités territoriales et sociales ainsi que par la destruction de pans entiers de nos économies, laissant des millions de travailleurs européens sur le carreau, sans parler de l’exploitation des travailleurs de nombreux pays du tiers-monde, sous-traitants des multinationales qui nous offrent des produits à bas prix.
Ces accords sont dépassés, parce que la mutation numérique de nos économies a ouvert de nouveaux espaces de croissance, mais aussi de dérégulation, permettant à des multinationales de dicter leur loi, d’accumuler les profits et d’échapper à l’impôt.
Ces accords sont dépassés par l’accélération du changement climatique, la perte de biodiversité, la dégradation de l’environnement, qui mettent en péril l’avenir de l’humanité et interrogent nos modèles de développement.
Enfin, ces accords sont dépassés par l’essor de la Chine, lequel change fondamentalement l’ordre économique et politique mondial, bouleversant concurrence et gouvernance. À cet égard, l’accord entre la Chine et les quatorze pays de la zone indopacifique conclu en novembre dernier dans la région la plus dynamique du monde illustre le déplacement du centre de gravité dans les rapports de force mondiaux et l’accélération de la régionalisation des marchés.
La pandémie de la covid-19 a mis en lumière ces phénomènes en exacerbant les tensions et a permis une prise de conscience accélérée de leurs conséquences économiques et sociales et de leur incidence en matière de dépendance stratégique.
Face à cette situation, l’Union européenne n’a d’autre choix que de redéfinir ses relations internationales et ses échanges commerciaux, de nous protéger sans nous isoler ni nous replier. Elle doit se servir de sa position d’acteur commercial majeur pour défendre un modèle de développement commercial équitable et durable et ne pas se trouver marginalisée dans la bataille politique, stratégique et commerciale que se livrent les États-Unis et la Chine.
L’Union européenne doit être motrice pour réformer l’Organisation mondiale du commerce, restaurer le multilatéralisme, redéfinir des règles communes et installer de nouvelles instances d’arbitrage. Nous devons porter à l’échelle internationale un niveau d’exigence élevé et promouvoir les normes et standards européens, tout en révisant ceux-ci à la hausse.
Les accords commerciaux bilatéraux ou multilatéraux doivent dorénavant inclure la lutte contre le dérèglement climatique, la défense de nos normes sanitaires et environnementales, le respect des droits de l’homme, la protection des travailleurs et un devoir de vigilance de nos entreprises et de celles des pays tiers, qui devront respecter des exigences sociales élevées.
La Commission européenne a récemment présenté sa feuille de route pour redéfinir sa politique commerciale. Si celle-ci ouvre des perspectives positives, elle ne va pas au bout de la démarche. La redéfinition de la finalité de ces accords ne tire pas toutes les leçons des interrogations et des doutes qui traversent les opinions publiques européennes.
Si, sous l’impulsion de la France, lors du quinquennat précédent, des progrès ont été réalisés sur la transparence des négociations, il faut aller plus loin et permettre un débat démocratique pour s’assurer que la politique commerciale est au service du bien commun.
La Commission évoque la réforme de l’OMC et de plus grandes exigences dans les différents domaines que j’ai cités, mais l’objectif d’une « autonomie stratégique ouverte » laisse perplexe. Elle ne remet pas en cause le dogme libéral au bénéfice du juste échange et ne prévoit pas de stratégie de relocalisation et de rapatriement des chaînes de valeur.
Au-delà, c’est la question de la nature juridique de ces accords qui est posée. Celle de la compétence exclusive de la Commission européenne, celle de la durée des mandats de négociation – vingt ans pour le Mercosur… –, celle, pour les rares accords mixtes, de l’absence de date butoir de ratification sont également posées.
La gestion de la mise en œuvre de ces accords, leur contrôle a posteriori, les engagements contraignants assortis d’éventuelles sanctions et de clauses de revoyure afin d’en assurer le contrôle démocratique se posent tout autant.
Nous avons besoin aujourd’hui d’une pause, d’un moratoire sur les négociations et d’une redéfinition démocratique des critères environnementaux, sociaux, fiscaux et de droits humains, qui doivent être au cœur des échanges. Ces critères doivent être ambitieux et remettre les accords commerciaux au service d’un modèle de développement équitable et durable qui serve d’outil au bénéfice d’une Europe géopolitique.
La France, monsieur le ministre, aura, à ce titre, une responsabilité particulière, puisque la présidence française devra faire aboutir les négociations sur la nouvelle stratégie commerciale entre les États membres. Les conditions seront alors réunies pour clarifier en premier lieu au niveau national les termes du débat autour de la politique commerciale commune.
C’est à l’aune de ces remarques que, le jour venu, si le Gouvernement en décide, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain se prononcera sur le CETA. Nous espérons que cette inscription à l’ordre du jour du Sénat viendra très vite, raison pour laquelle nous voterons la proposition de résolution du groupe CRCE.
Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST, ainsi que sur des travées du groupe UC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, signé le 30 octobre 2016 par le Canada et l’Union européenne et ses États membres, le CETA a été approuvé par le Parlement européen en février 2017.
Le CETA est un accord commercial bilatéral de libre-échange « de nouvelle génération ». Il ne se contente pas de réduire les seuls droits de douane, mais tente de diminuer toutes les entraves au commerce. Ainsi, outre la baisse des droits de douane, le CETA prévoit la protection des appellations d’origine contrôlée européennes, l’assouplissement de la mobilité professionnelle ou encore l’ouverture des marchés publics canadiens. Le CETA, c’est aussi la modification de quotas, dont l’augmentation des importations de viande canadienne vers l’Europe.
Certaines de ses dispositions relèvent de la compétence exclusive de l’Union européenne et d’autres des États membres, ce qui implique sa ratification par les parlements des vingt-sept États membres. Quatre ans plus tard, seuls treize pays européens l’ont ratifié. Le parlement chypriote s’est opposé à cette ratification l’été dernier, ce qui a justifié l’ouverture de négociations. Refusant d’attendre, le Conseil de l’Union européenne a néanmoins autorisé l’application provisoire des dispositions du CETA relevant de la compétence exclusive de l’Union. Ainsi, 90 % des dispositions de l’accord sont entrées en vigueur le 21 septembre 2017, sans que le Parlement français se soit jamais prononcé.
En France, le processus de ratification n’a été amorcé qu’à l’été 2019, avec le dépôt à l’Assemblée nationale d’un projet de loi de ratification. Le 23 juillet, après plusieurs jours d’âpres débats et l’opposition marquée du monde agricole, ce texte a finalement été adopté à une courte majorité, par 266 voix contre 213. Au moins, il y a eu débat. Tous les groupes ont pu s’exprimer. Depuis, plus rien !
Le débat au Sénat a été annoncé pour octobre puis décembre 2019. Nous l’attendons encore… Avec mes collègues de la commission des affaires économiques, nous étions prêts. Nous avions même désigné notre rapporteur pour avis.
Deux ans après sa ratification par les députés, quatre ans après son entrée en vigueur, le Sénat n’a toujours pas eu à se prononcer. Qu’attend-on ? Le Président de la République a rejeté l’appel de la Convention citoyenne pour le climat à renégocier le CETA. A-t-il peur que nous n’imitions nos collègues chypriotes ?
Le Sénat doit pouvoir débattre et s’exprimer sur cet accord, qui peut interroger en matière de sécurité sanitaire, de qualité des produits importés, mais aussi de préservation du modèle agricole français. Le Sénat doit pouvoir débattre et s’exprimer sur l’opportunité d’un tel accord, dont les négociations ont débuté en 2009, dans une société qui n’avait pas pleinement conscience des enjeux climatiques. Le débat est d’autant plus indispensable qu’un audit de la Commission européenne de mai 2020 a confirmé certaines craintes : traçabilité défaillante du bétail, conflits d’intérêts potentiels des vétérinaires chargés d’évaluer le respect des règles sanitaires…
La proposition de résolution que nous examinons aujourd’hui invite le Gouvernement à permettre ce débat. Nous partageons ce souhait. Une fois n’est pas coutume, je tiens à féliciter nos collègues du groupe CRCE de leur initiative.
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà maintenant près de deux ans, l’Assemblée nationale ratifiait l’accord économique et commercial global, dit CETA. Cet accord entre l’Union européenne et le Canada organise les aspects tarifaires des échanges de biens et de services, la régulation des investissements et des droits de propriété intellectuelle.
Le groupe CRCE nous propose d’adopter une résolution invitant le Gouvernement à envisager la poursuite du processus parlementaire de ratification du CETA. Nous sommes favorables à cette démarche. Elle offrirait au Sénat l’opportunité d’approuver à son tour cet accord historique de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada.
Approuvé par l’Union européenne, le CETA est mis en œuvre depuis plus de quatre ans et présente déjà des résultats très positifs pour la France. Je vais y revenir.
Mes chers collègues, le groupe CRCE pointe ici un défaut démocratique. Mais, en ce qui concerne les droits de l’homme, j’ai déjà pu constater, dans cet hémicycle, que le groupe CRCE était plus Maduro que Trudeau.
Vives exclamations sur les travées du groupe CRCE.
La lecture de l’exposé des motifs de leur proposition de résolution le démontre : le libre-échange, décidément, ça ne passe pas, serait, selon eux, « à l’origine d’une “mondialisation malheureuse” pour les peuples ». Leur document prétend que le CETA répond aux seuls intérêts des multinationales. C’est faux ! Sur les 10 000 entreprises françaises qui exportent, 8 000 sont des PME.
Je ne dispose pas du temps nécessaire…
… pour pointer toutes les approximations, les exagérations ou les nombreuses élucubrations offensantes sur les réglementations canadiennes dans l’exposé des motifs. Ces propos relèvent du « Canada bashing », et je le regrette.
Si cet accord de libre-échange non ratifié est déjà entré en vigueur provisoirement, c’est parce que plus de 90 % des dispositions relèvent des compétences exclusives de l’Union européenne.
En fait, ce qui irrite profondément le groupe CRCE, comme d’autres, c’est tout simplement que l’Union européenne fonctionne – et cela n’est pas nouveau !
Les faits sont têtus : l’accord de libre-échange conclu entre le Canada et l’Union européenne s’avère déjà très bénéfique pour la France. Nos exportations ont progressé de 24 % dans les trois premières années : 63 % pour les fromages, 96 % pour les produits de boulangerie, 16 % pour les vins et boissons et plus de 30 % pour les cosmétiques, le textile et l’habillement.
Grâce au CETA, nos entreprises, multinationales ou TPE-PME, peuvent accéder pleinement aux marchés publics fédéraux canadiens, bien au-delà des règles auparavant en vigueur dans le cadre de l’OMC. On observe déjà de nombreux succès : EDF avec le développement de parcs éoliens en Alberta ou encore Vinci avec la construction d’une usine de traitement des eaux en Colombie-Britannique ou d’une autoroute en Alberta.
Pour Pierre Touzel, conseiller des Français de l’étranger à Vancouver, le CETA est une chance inouïe de mettre l’Europe au centre du jeu dans l’Ouest canadien, qui a un fort tropisme pour l’Asie.
De son côté, Marc Albert Cormier, élu de Toronto, témoigne que nos compatriotes de l’Ontario accèdent désormais à des produits issus de l’agroalimentaire français à des coûts abordables dans les grandes surfaces et magasins spécialisés et que nombre d’entre eux bénéficient également de l’accord dans le cadre de leur emploi.
François Lubrina, élu de Montréal, célèbre des succès remportés dans sa ville par Vinci pour le tunnel Louis-Hyppolyte-La Fontaine ou Alstom avec le contrat du métro léger.
Quand j’écoute nos élus du Canada, je réalise que le CETA s’affirme comme un accélérateur de croissance et de création d’emplois. Il permet aussi d’offrir le mieux-disant au consommateur en termes de normes et de qualité, car le Canadien partage avec l’Européen le souci d’une consommation saine et durable.
Cet accord d’échange n’est pas qu’un simple accord commercial. Il concrétise l’amitié entre l’Europe et le Canada.
Vous l’avez justement dit dans les médias, monsieur le ministre, le CETA est un bon accord.
M. Olivier Cadic. Sa ratification serait un signal fort avant que la France n’occupe la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne en janvier 2022.
Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’ont souligné plusieurs orateurs, le CETA est de nature mixte : une large partie de l’accord, sur le volet commercial, relève de la compétence exclusive de l’Union européenne, en application de l’article 3 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, mais une autre partie, relative au volet « investissements », relève des compétences partagées entre l’Union et les États membres. À ce titre, cet accord doit être ratifié par les États membres et, donc, en France par le Parlement. C’est cette compétence exclusive de l’Union sur une partie du CETA qui a permis son entrée en vigueur à titre provisoire, à partir du 21 septembre 2017.
Il n’y a pas d’ambiguïté quant à la portée du processus de ratification de cet accord par les parlements nationaux. Ils ne sont pas saisis d’un morceau de texte, mais bien de l’ensemble. Si le processus de ratification échoue dans l’un des États membres, l’accord ne pourra pas continuer à s’appliquer. Lorsqu’il a autorisé la signature de l’accord, le Conseil a en effet précisé la portée de l’application provisoire et adopté une déclaration, inscrite au procès-verbal, affirmant que, si la ratification de l’accord économique et commercial global avec le Canada « échoue de façon définitive en raison d’une décision prononcée par une Cour constitutionnelle, ou à la suite de l’aboutissement d’un autre processus constitutionnel et d’une notification officielle par le gouvernement de l’État concerné, l’application provisoire devra être et sera dénoncée ». Encore faut-il que les parlements puissent se prononcer. Et c’est là le cœur de notre débat.
Le projet de loi autorisant la ratification de cet accord a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 3 juillet 2019, le Gouvernement engageant au même moment la procédure accélérée. De fait, la procédure a été rapide à l’Assemblée nationale, puisque le projet de loi y a été adopté le 23 juillet suivant, à une courte majorité. Depuis lors, plus rien ! Le Gouvernement oublie méthodiquement d’inscrire ce projet de loi à l’ordre du jour du Sénat, empêchant ainsi la poursuite du processus de ratification. Monsieur le ministre, seriez-vous gêné ? Et, dans ce cas, pourquoi ?
Les services de la direction générale du Trésor et du Secrétariat général des affaires européennes, que j’ai interrogés récemment, m’ont affirmé que l’application provisoire du CETA est bénéfique pour la France. Douteriez-vous de vos données ou de votre capacité de conviction ? Sinon, pourquoi refuser la reprise du processus de ratification ?
La ratification n’est pas une option, la démocratie n’est jamais une option. Un débat exigeant est toujours plus utile que des tentatives de contournement qui alimentent les suspicions et les rancœurs.
Il ne faut pas se le cacher : oui, le CETA est contesté par certaines filières, notamment la filière bovine, évoquée par mon collègue Laurent Duplomb. Oui, la Commission européenne a pu paraître, par le passé, trop naïve et trop lente lorsqu’il s’agissait de protéger les entreprises européennes face aux pratiques déloyales de certains États.
Premier importateur et exportateur mondial, premier partenaire commercial de soixante-quatorze pays dans le monde, l’Union européenne est assurément une puissance commerciale. Pourtant, elle n’en a pas suffisamment tiré les conséquences politiques par le passé. Elle n’a pas suffisamment exploité ses atouts et n’a pas été assez vigilante concernant le respect de la mise en œuvre des accords conclus.
Ces faiblesses semblent en voie d’être corrigées. Le titre de la communication, présentée le 18 février dernier par la Commission européenne, pourrait nous le faire penser : « Une politique commerciale ouverte, durable et ferme. »
Oui, il faut assurer un meilleur suivi de la mise en œuvre des accords et lutter avec fermeté contre les pratiques déloyales. Oui, la politique commerciale de l’Union doit venir en appui de ses intérêts géopolitiques et doit contribuer à l’affirmation de l’autonomie stratégique de l’Union. Ouvert ne veut pas dire naïf.
Je souscris également à l’approche consistant à intégrer davantage la politique commerciale et les politiques intérieures de l’Union, en particulier la politique de la concurrence et la politique industrielle. Je l’ai encore dit la semaine dernière au commissaire Valdis Dombrovskis.
En conclusion de sa communication, la Commission européenne souligne vouloir « favoriser un débat éclairé sur la politique commerciale » en approfondissant les contacts qu’elle entretient avec la société civile et les partenaires sociaux, mais sans mentionner les parlements nationaux.
Monsieur le ministre, le Parlement n’est pas l’adversaire du Gouvernement ni de la Commission sur ces sujets commerciaux. L’adversaire, c’est la méfiance, voire la défiance, qui peut s’installer chez nos concitoyens. Nous pouvons vous aider à la réduire si nous sommes correctement informés et associés. Alors, aidez-nous à le faire et poursuivons le processus de ratification.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, RDSE, SER et CRCE.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, Jean-Yves Le Drian est en Inde.
En tant que ministre du commerce extérieur, ma présence me semble suffisamment légitime pour représenter le Gouvernement et évoquer cette question commerciale importante.
J’ai écouté avec attention chacune de vos interventions. Elles soulèvent des questions importantes sur le CETA, et je vous remercie de me donner l’opportunité d’y répondre. Je suis bien évidemment en permanence à la disposition du Sénat pour discuter, échanger et partager les informations du Gouvernement sur cet accord dans le cadre d’auditions ou de réunions ad hoc – je le fais également lors des réunions du comité de suivi de la politique commerciale, dont font partie les sénateurs Yung, Marie et Cadic. Je suis toujours à l’écoute du Parlement en général et du Sénat en particulier.
J’ai été un peu étonné des prises de position de certains sénateurs socialistes, cet accord ayant été signé en octobre 2016, sous le quinquennat de François Hollande.
De même, l’opposition de fond de certains sénateurs Les Républicains à cet accord me semble en contradiction avec l’ADN économique de cette grande famille politique de la droite républicaine.
Pour autant, je souhaite absolument prendre le temps nécessaire pour vous convaincre de la pertinence de la procédure suivie par le Gouvernement et de l’importance que revêtent les accords commerciaux pour l’économie de notre pays.
Je rappelle que nous avions obtenu, voilà trois ans, une renégociation extrêmement significative avant d’apposer notre signature, sous la précédente mandature. Nous avons encore perfectionné cet accord dès les premiers jours de la présidence d’Emmanuel Macron, en lançant le processus qui a abouti au plan d’action CETA.
Je voudrais tout d’abord revenir sur ce processus de ratification. Comme vous l’avez souligné, le CETA est un accord mixte dont la majorité des dispositions relève de la compétence exclusive de l’Union européenne. Il en comprend d’autres qui relèvent d’une compétence européenne, mais exercée de manière partagée entre l’Union et ses États membres. Certaines dispositions consacrées à la protection des investissements relèvent de cette compétence dite mixte.
C’est donc ce premier volet qui justifie la ratification par les parlements des vingt-sept États membres, dont la France, conformément aux articles 52 et 53 de la Constitution. Comme vous le savez, le projet de loi autorisant le Gouvernement à ratifier l’accord a été approuvé par l’Assemblée nationale le 23 juillet 2019. Le Sénat sera bien évidemment amené à se prononcer sur ce projet de loi.
En ce qui concerne l’état d’avancement du processus de ratification dans les États membres, regardons où en sont nos partenaires : à l’heure actuelle, quinze États ont ratifié le CETA et douze ne l’ont pas encore fait, dont la France, puisque le processus n’est pas arrivé à son terme.
Nous ne sommes donc pas en retard. Certains États membres, comme l’Allemagne, n’ont pas même encore saisi leur parlement.
Vous voyez donc, monsieur le sénateur Gay, qu’il n’y a pas du tout de déni démocratique, …
… mais un respect scrupuleux du cadre de ratification des accords commerciaux entre l’Union et les pays tiers.
Donc, je vous en prie, pas de leçons de démocratie. Le temps de légiférer viendra, et le Sénat débattra.
Comme vous l’avez également souligné, l’accord est appliqué partiellement et à titre provisoire depuis septembre 2017. Cette application provisoire ne remet pas en cause les compétences du Parlement ni la légitimité démocratique de cet accord, et ce pour trois raisons : d’abord, l’application à titre provisoire ne concerne que les dispositions qui relèvent de la compétence exclusive de l’Union ; ensuite, le Conseil constitutionnel a confirmé que l’application provisoire est conforme à notre Constitution dans sa décision du 31 juillet 2017 ; enfin, l’application provisoire n’a été autorisée par le Conseil de l’Union qu’à la suite de l’approbation de l’accord par le Parlement européen, le 15 février 2017. Ce régime d’application provisoire est donc prévu par le droit international.
L’application provisoire du CETA nous permet également de suivre très précisément les effets économiques, sanitaires, environnementaux et climatiques de l’accord, conformément au plan d’action mis en place par le Gouvernement dès 2017 et dont nous rendons compte au Parlement de manière régulière. Là encore, une nouvelle fois, je suis à la disposition du Sénat.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, comme l’a très bien démontré M. Cadic voilà quelques instants, nous avons besoin de libre-échange. Nous avons besoin d’accords et d’échanges commerciaux pour notre économie.
Dans un moment comme celui que nous traversons, alors que nous devons relancer notre économie, nous allons avoir plus que jamais besoin d’échanger, d’exporter nos productions fabriquées en France. Il est donc très important de regarder la réalité économique de cet accord.
M. Franck Riester, ministre délégué. M. Cadic a cité quelques chiffres, je vais vous en donner d’autres, car le premier bilan de cet accord avec le Canada est très positif.
M. Laurent Duplomb en doute.
Je sais que, parfois, les faits vous dérangent, que la réalité économique vous dérange, mais cet accord s’est bien révélé positif depuis sa mise en œuvre.
Sur le plan économique, entre 2016 et 2019, nos échanges de biens avec le Canada ont augmenté de près de 1 milliard d’euros, avec une hausse de 24 % de nos exportations et une balance commerciale positive pour la France d’un montant record de 650 millions d’euros en 2019. En 2018, notre excédent commercial de biens était de 341 millions d’euros ; en 2017, avant la mise en œuvre de cet accord, nous étions à l’équilibre.
On le sait très bien, mécaniquement, lorsqu’il y a moins de tarifs douaniers et moins de quotas, il y a plus d’exportations, …
… d’autant que nous avons de bons produits agricoles et industriels. Prenons l’exemple des produits agricoles, soit notre premier poste d’exportation : grâce au CETA, ce secteur bénéficie d’importantes baisses de droits de douane canadiens et certaines de nos indications géographiques sont protégées.
Et que constate-t-on ? Que nos exportations dans ce secteur ont continué de progresser, même pendant la crise sanitaire. Les Canadiens achètent bien plus nos vins et nos fromages qu’avant le CETA : 18 % de hausse pour les vins et 77 % pour le fromage – élu de Coulommiers et ancien maire de cette ville, les exportations de fromages me tiennent particulièrement à cœur.
Le CETA contribue à les valoriser et à mieux les protéger, notamment quand ils relèvent d’une appellation protégée. Grâce à cet accord, quarante-deux IGP françaises sont protégées au Canada.
Ainsi, en 2020, malgré les restrictions liées à la crise sanitaire, le vin demeure le premier produit exporté au Canada, à hauteur de 391 millions d’euros, au même niveau qu’en 2019.
Je soulignais l’importance de la baisse des tarifs douaniers pour faciliter le commerce :…
… les surtaxes américaines de 25 % sur les vins et spiritueux français, dans le cadre du contentieux Boeing-Airbus, se sont traduites par des centaines de millions d’euros de pertes pour nos exportateurs. Soyons conscients de l’importance de ces accords commerciaux.
Nous le savons aussi, le CETA suscite des questions légitimes et des préoccupations qui méritent d’être regardées de près.
Les enjeux sanitaires sont toujours au cœur des préoccupations du Gouvernement et de son action. Je tiens donc à rappeler que seuls les produits qui respectent les normes sanitaires européennes à l’importation peuvent être exportés vers l’Union européenne et entrer sur le marché intérieur et, donc, en France.
Exclamations sur les travées des groupes CRCE et SER.
Le CETA, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, à l’instar de tous les accords commerciaux, ne remet aucunement en cause ce principe ni le niveau élevé de nos normes. Cela est vrai des farines animales comme des OGM.
Il ne faut pas confondre accords commerciaux et normes européennes à l’entrée du marché européen.
On ne dit pas qu’il ne faut pas conclure d’accords, mais qu’il faut mettre en place des contrôles !
Nous sommes d’ailleurs très attentifs et vigilants quant à la qualité du système de contrôle canadien.
Avec Julien Denormandie, nous avons interpellé la Commission européenne lorsqu’elle a publié un rapport pointant des marges de progression dans le système canadien de traçabilité de la viande bovine pour lui demander de travailler avec Ottawa à rehausser le niveau d’exigence canadien. Je suis également intervenu en personne auprès de mon homologue canadienne pour souligner l’importance de cette question.
Jusqu’à présent, aucun défaut de conformité majeure sur la qualité des produits canadiens n’a été constaté.
Exclamations sur les travées des groupes CRCE, SER et Les Républicains.
J’ajoute que notre action en matière de respect des normes sanitaires européennes ne se limite pas au CETA. Nous avons demandé à la Commission européenne d’y porter une attention particulière dans le cadre de la révision de la politique commerciale de l’Union. Vous pouvez compter sur ma pleine mobilisation pour continuer à défendre cette position à Bruxelles.
Par ailleurs, et d’une façon générale, je vous rappelle que la France soutient à Bruxelles la mise en place de clauses miroirs dont vous savez pertinemment qu’elles permettent d’appliquer aux produits importés les mêmes normes de production que dans l’Union européenne, lorsque cela est pertinent et scientifiquement justifié, pour atteindre nos objectifs sanitaires et environnementaux. C’est ce que nous faisons depuis longtemps en interdisant, par exemple, l’importation de produits issus d’animaux nourris aux hormones depuis 1996 ou encore en imposant à nos partenaires de respecter les règles européennes en matière d’abattage de bovins.
En janvier 2022 au plus tard, monsieur Duplomb, nous n’accepterons plus les importations dans l’Union européenne de produits issus d’animaux élevés avec des antibiotiques comme facteur de croissance pour lutter contre le phénomène mondial d’antibiorésistance.
Je voudrais également revenir sur certaines filières agricoles sensibles pour lesquelles nous faisons un suivi régulier approfondi, à savoir les viandes de bœuf, de porc et de volaille, ainsi que l’éthanol et le sucre. À l’heure actuelle, les quantités exportées depuis le Canada vers l’Union et la France sont très faibles : 104 tonnes pour la viande de bœuf en France en 2019, dont seulement 45 tonnes ont profité des réductions tarifaires du CETA. C’est une goutte d’eau par rapport à la production française de 1, 45 million de tonnes.
Le CETA n’a donc pas eu, à ce jour, l’effet déstabilisateur que certains lui prédisaient, …
… parce qu’il ne s’oppose en rien à ce que nous appliquions nos règles d’entrée sur les marchés européens et français, qui précisent que cette viande doit avoir été nourrie sans hormones.
Nous restons malgré tout vigilants : un quatrième rapport du comité ad hoc de suivi est en cours de préparation et comprendra les chiffres de 2020. Il sera bien évidemment communiqué au Parlement.
Sur le plan environnemental et climatique, l’étude d’impact réalisée par le Cepii en 2019 souligne clairement que l’impact du CETA sur les émissions de CO2 sera extrêmement limité, tant au niveau français qu’à l’échelle mondiale.
À l’inverse, le CETA a permis d’initier des coopérations nouvelles avec nos partenaires canadiens. Nous partageons des combats communs dans le cadre du partenariat bilatéral de 2018 sur la lutte contre le changement climatique. Nous travaillons notamment sur les échanges de technologies vertes, sur la réduction des émissions du transport maritime ou encore sur la finance verte.
J’entends des préoccupations concernant la protection du droit à réguler. Je vais être très clair : notre droit à réguler ne sera pas remis en cause par le CETA. Une coopération réglementaire existe dans le cadre de cet accord, mais elle est de nature volontaire. Aucune décision modifiant le cadre réglementaire de l’Union ne peut y être adoptée : il s’agit d’une prérogative souveraine du législateur européen. Cette coopération ne peut donc en aucun cas conduire à des normes moins strictes en matière sanitaire, sociale ou environnementale. Elle doit au contraire permettre d’améliorer leur mise en application.
Par ailleurs, comme vous le savez, la France accorde une grande importance à la transparence des réunions du comité mixte et des sous-comités sectoriels du CETA. Ainsi, les agendas et comptes rendus des réunions sont publiés sur le site de la direction générale du commerce. En outre, la Commission consulte régulièrement les États membres, mais aussi la société civile, sur les sujets traités dans ces enceintes.
Enfin, le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États du CETA, qui a été évoqué voilà quelques instants, n’a plus rien à voir avec l’ancien dispositif d’arbitrage privé Investor-S tate D ispute S ettlement (ISDS), qui a suscité de nombreuses critiques légitimes. Ce mécanisme a été réformé pour devenir une quasi-juridiction : l’Investment Court System (ICS). Il sera ainsi fait appel à des juges permanents, au sein d’un tribunal de première instance et d’un organe d’appel inédit, qui devront se plier à des règles éthiques strictes.
On m’a interpellé sur ce sujet, monsieur le sénateur, j’y réponds.
Ce nouveau système garantit explicitement le droit à réguler des États. Le CETA reflète sur ce terrain les réformes ambitieuses portées par la France, qui s’inscrivent également dans le soutien apporté à la création sur le long terme d’une cour multilatéral d’investissements.
De plus, conformément aux engagements pris par le Gouvernement devant le Parlement et à la demande de la France, l’Union européenne et le Canada ont agréé, en janvier dernier, des textes complémentaires pour garantir le droit à réguler des États, notamment dans le domaine climatique. Ce veto climatique s’appliquera à l’ensemble de nos politiques publiques en matière non seulement climatique, mais aussi sanitaire, sociale ou culturelle, par exemple.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, comme vous le savez, notre approche en matière de politique commerciale n’est pas dogmatique, mais fondée sur des faits. Les chiffres et indicateurs montrent aujourd’hui que le CETA bénéficie à nos entreprises, à nos agriculteurs, et qu’il n’a aucun impact négatif sur le plan sanitaire ou environnemental.
M. Fabien Gay s ’ esclaffe.
Je souhaite également rappeler que le Gouvernement a été proactif dès les premiers jours de l’entrée en vigueur provisoire de l’accord avec la mise en place du plan d’action CETA, qui visait trois objectifs : assurer une application exemplaire de l’accord ; accélérer son action contre le changement climatique ; renforcer l’ambition environnementale, sanitaire, sociale de la politique commerciale européenne.
Dans ce cadre, comme le Président de la République l’a rappelé, nous avons beaucoup travaillé ensemble – Gouvernement et Parlement – pour améliorer le suivi de cet accord et en évaluer mieux les effets.
Ce plan d’action contient également de nombreuses propositions que la France porte au niveau européen et dont plusieurs sont aujourd’hui reprises par la Commission. Une proposition sera faite par la Commission européenne pour la mise en place d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières afin de lutter contre les fuites de carbone.
Le poste de procureur commercial européen en charge de la bonne application des règles en matière de commerce international et du respect des engagements pris par nos partenaires a été créé l’été dernier – il s’agit du français Denis Redonnet.
Dans son Pacte vert pour l’Europe, la Commission a repris la demande portée par la France de faire de l’accord de Paris une clause essentielle des futurs accords commerciaux. Nous devons bien évidemment aller encore plus loin. C’est le sens du travail que nous avons réalisé avec les Pays-Bas depuis un an, ce qui a contribué à faire bouger les lignes, et de notre contribution à la revue de la politique commerciale en cours.
Nous poursuivrons notre action pour une meilleure prise en compte du développement durable dans la politique européenne dans la perspective de notre présidence du Conseil de l’Union au premier semestre de 2022.
À cet égard, je souhaite rappeler notre mobilisation et l’action de la France concernant le projet d’accord de l’Union avec le Mercosur, que certains d’entre vous ont évoqué et que nous ne pouvons, je le répète, soutenir en l’état. Nous aurons besoin de nouvelles garanties tangibles, vérifiables et applicables au regard de l’accord et de ses conséquences sur l’environnement et le climat. À défaut, nous ne pourrons soutenir cet accord. Nous l’avons très clairement dit à nos partenaires européens.
Vous voyez que nous ne sommes pas dogmatiques en matière d’accords de libre-échange.
Pour conclure, et pour en revenir au CETA et à l’objet de cette proposition de résolution, j’indique que le projet de loi autorisant la ratification de l’accord poursuivra bien évidemment son chemin parlementaire au Sénat.
Mais ne nous précipitons pas par principe. (Rires et applaudissements ironiques sur les travées des groupes CRCE, SER et Les Républicains.)
Comme l’a indiqué le Président de la République devant la Convention citoyenne pour le climat en juin dernier, nous continuons d’évaluer l’accord, notamment au regard de son impact sur le plan climatique.
M. Franck Riester, ministre délégué. Mais ne nous précipitons pas par principe.
Rires et applaudissements ironiques sur les travées des groupes CRCE, SER et Les Républicains.
M. Franck Riester, ministre délégué. À cet égard, l’année 2021 sera particulièrement cruciale avec la tenue, en fin d’année, de la COP26. Nous attendons une ambition climatique accrue de tous les États parties à l’accord de Paris pour amplifier nos efforts de lutte contre le dérèglement climatique.
Comme l’a indiqué le Président de la République devant la Convention citoyenne pour le climat en juin dernier, nous continuons d’évaluer l’accord, notamment au regard de son impact sur le plan climatique.
Mme Colette Mélot et M. Richard Yung applaudissent.
M. Franck Riester, ministre délégué. À cet égard, l’année 2021 sera particulièrement cruciale avec la tenue, en fin d’année, de la COP26. Nous attendons une ambition climatique accrue de tous les États parties à l’accord de Paris pour amplifier nos efforts de lutte contre le dérèglement climatique.
La discussion générale est close.
Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.
Mme Colette Mélot et M. Richard Yung applaudissent.
Mes chers collègues, je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explication de vote.
Je mets aux voix la proposition de résolution.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Vote sur l’ensemble
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
Mes chers collègues, je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explication de vote.
Je mets aux voix la proposition de résolution.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.
Le scrutin a lieu.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 115 :
Nombre de votants344Nombre de suffrages exprimés309Pour l’adoption309Le Sénat a adopté.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, UC et Les Républicains. – M. Henri Cabanel applaudit également.
Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 115 :
Nombre de votants344Nombre de suffrages exprimés309Pour l’adoption309Le Sénat a adopté.
La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante.
Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, UC et Les Républicains. – M. Henri Cabanel applaudit également.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, de la proposition de loi visant à garantir effectivement le droit à l’eau par la mise en place de la gratuité sur les premiers volumes d’eau potable et l’accès pour tous à l’eau pour les besoins nécessaires à la vie et à la dignité, présentée par Mme Marie-Claude Varaillas, M. Gérard Lahellec et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 375, résultat des travaux de la commission n° 504, rapport n° 503).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, auteure de la proposition de loi.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en 2006, la loi sur l’eau et les milieux aquatiques, la LEMA, affirmait à son article 1er l’existence d’un droit à l’eau, en indiquant que « l’usage de l’eau appartient à tous et chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d’accéder à l’eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous ».
En 2010, l’ONU a adopté une résolution prévoyant que « le droit à une eau potable, salubre et propre est un droit fondamental essentiel au plein exercice du droit à la vie ».
En 2015, les États membres des Nations unies ont adopté les objectifs 2030 de développement durable, qui placent le droit humain d’accès à l’eau potable, à l’assainissement et à l’hygiène au cœur des dix-sept objectifs de développement durable.
En décembre 2020, l’Union européenne a publié une directive qui vise « à améliorer l’accès aux eaux destinées à la consommation humaine » et qui prévoit l’obligation pour les États membres de mettre en œuvre le principe de l’accès à l’eau potable pour tous.
Le droit à l’eau est donc clairement défini et reconnu en droit positif. Pourtant, aujourd’hui, ce droit demeure largement fictif, puisque aucun instrument légal ne permet de garantir concrètement son exercice et que l’accès de tous à ce service de première nécessité reste empreint de grandes inégalités tarifaires, qualitatives et spatiales. Les faits sont têtus : selon la Fondation Abbé-Pierre, l’eau reste inabordable pour 1, 2 million de personnes branchées au réseau de distribution ; plus de 140 000 personnes environ ne sont pas raccordées à un réseau de distribution d’eau.
Face à cette situation, les associations sont très engagées pour aller au-delà des déclarations d’intention. Il existe par ailleurs un certain nombre d’initiatives parlementaires qui ont été examinées par l’Assemblée nationale et le Sénat. Malheureusement, le Sénat, à l’époque, avait totalement vidé de sa substance cette initiative. Nous remettons donc aujourd’hui l’ouvrage sur le métier.
Certes, et certains de mes collègues nous l’ont rappelé en commission, il existe déjà des outils pour aider les plus fragiles à payer leur facture d’eau. La loi Brottes a ainsi permis une expérimentation de tarification sociale, qui s’applique jusqu’au 15 avril 2021 – c’est aujourd’hui ! –, et l’article 15 de la loi Engagement et proximité de l’automne dernier a pérennisé dans la loi cette boîte à outils : chèque eau, allocation eau, tarification sociale et gratuité. Pour autant, le caractère optionnel de ce dispositif, en réalité assez peu utilisé par les collectivités, ne permet pas de garantir effectivement le droit à l’eau.
Si nous considérons qu’il s’agit d’un droit universel, l’État doit adopter les mécanismes législatifs adéquats. Pour cette raison, nous proposons la mise en œuvre d’un dispositif universel d’accès applicable en tout point du territoire et pour chacun, qu’il soit raccordé ou non, permettant l’égalité de tous nos concitoyens devant la loi et dans leurs droits.
Pour cela, nous demandons la mise en place d’une gratuité dont le niveau est à définir. Je vous le rappelle, nous nous gardons bien de définir le niveau de gratuité, en indiquant seulement ce qui est nécessaire à la dignité humaine. Ainsi, nous estimons que nous pourrions établir cette gratuité pour tous à cinq litres par personne et par jour, ce qui représenterait un coût largement acceptable pour le service public local, quel qu’en soit le mode de gestion. Ces cinq litres correspondent à une nécessité vitale. Le coût de cette mesure serait lissé entre les usagers selon un principe de solidarité.
Pour le dire clairement, le budget des collectivités n’est pas impacté, car leur participation au budget de l’eau est clairement limitée, ne pouvant aller au-delà de 2 % de l’ensemble des redevances. Leurs moyens ne sont nullement affectés par cette proposition de loi. Il s’agit donc d’un principe de solidarité au sein même des usagers.
Par ailleurs, pour répondre à la nécessité de permettre l’accès à l’eau de toutes les personnes qui n’ont ni compteur ni accès, nous souhaitons la mise en place d’une obligation, à la charge des collectivités locales, de permettre l’accès à la ressource pour les plus démunis par des fontaines, sanitaires et douches publics. La plupart d’entre elles le prévoient, et la charge financière ainsi créée doit être compensée, comme le permet notre proposition de loi, par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement.
Les collectivités peuvent également solliciter la DETR (dotation d’équipement des territoires ruraux) ou la DSIL (dotation de soutien à l'investissement local). On rappellera dans ce cadre que les préfets, pour l’engagement de ces crédits, ont reçu la directive, à la suite d’une circulaire ministérielle de 2020, de prioriser la mise aux normes des équipements sanitaires ou des travaux sur les réseaux d’assainissement. Notons également qu’un certain nombre de collectivités s’engagent déjà dans cette voie sans attendre la loi, puisqu’il s’agit bien d’une question de respect de la dignité humaine.
Je me permets de faire quatre remarques pour préciser l’opportunité politique d’adopter ce texte.
Premièrement, la révision de la directive Eau de l’Union européenne nous pousse à définir des modalités d’accès pour les populations qui n’ont pas d’accès physique à l’eau. Si ce n’est fait aujourd’hui, il faudra, à l’avenir, en tenir compte.
Ainsi, l’article 16 de cette directive comprend des mesures fortes telles que l’évaluation de la proportion de la population n’ayant pas accès à l’eau potable et l’encouragement à installer des fontaines gratuites dans les villes et les lieux publics, à favoriser la fourniture d’eau du robinet dans les restaurants, les cantines et les services de restauration. Il engage également les États à prendre toutes mesures nécessaires pour assurer l’accès à l’eau potable pour les groupes vulnérables et marginalisés. Je vous le rappelle, le droit européen s’impose. Faute de transposition, la France sera condamnée. Comment le pays des droits de l’homme peut-il assumer d’être en retard sur un tel sujet ?
Deuxièmement, la crise sanitaire que nous traversons nous oblige à repenser la question de l’accès à l’eau et à l’assainissement, pour des questions de santé et de salubrité. Les gestes barrières nécessitent l’accès à l’eau. Le « quoi qu’il en coûte » doit, dans ce domaine aussi, prévaloir. Le Gouvernement a ainsi pris, le 27 mars 2020, des dispositions pour que les préfets et les collectivités locales assument leurs responsabilités en la matière et veillent notamment à ce que soit garanti l’accès à l’eau, à des sanitaires, à des douches et à des laveries. Cela doit perdurer. La sixième puissance mondiale doit pouvoir financer les équipements nécessaires à la dignité de nos concitoyens.
L’argument d’un risque de gaspillage de la ressource n’est pas justifié, alors que la consommation moyenne constatée est de cent quarante litres par jour et par personne. Comme le préconisent les associations pour la défense du droit à l’eau, il pourrait s’agir de la mise à disposition de cinq litres gratuits pour tout le monde et de quarante litres par jour pour les personnes non raccordées.
Prévoir un décret pris en Conseil d’État, après avis du Comité national de l’eau, pour définir le niveau de gratuité laisse une marge de définition assez large. C’est un choix affirmé de notre part d’avoir prévu une telle souplesse, afin de permettre une mise en place progressive des mécanismes de gratuité.
Plus globalement, je veux répondre à l’argument récurrent selon lequel cette proposition de loi porterait atteinte à la libre administration des collectivités. En effet, il n’en est rien. La compétence « eau et assainissement » n’est pas retirée aux collectivités ; la liberté de l’organiser selon leur choix non plus. La gratuité que nous proposons est donc un socle qui n’empêche nullement les collectivités en question de compléter ce dispositif par l’un des outils de l’article 15 de loi Engagement et proximité.
Par ailleurs, pour contrer l’idée selon laquelle ce texte serait contraire au principe de libre administration des collectivités, nous précisons que cette idée s’appuie uniquement sur le fait que de nouvelles contraintes seraient posées. En cela, elle ne caractérise pas une atteinte à la libre administration. En effet, le Conseil constitutionnel a déjà jugé, notamment pour ce qui concerne la loi SRU, qui impose aux collectivités la construction de logements sociaux, qu’une telle contrainte était acceptable. Ainsi, les conditions d’intervention du législateur ont été précisées dans la décision du 7 décembre 2000. Il a été indiqué que les obligations et les charges auxquelles la loi assujettit les collectivités territoriales ou leurs groupements doivent répondre à « des exigences constitutionnelles » ou concourir à « des fins d’intérêt général ». Nous pouvons tous le comprendre, la fin d’intérêt général de garantir à tous l’accès à l’eau justifie dans des proportions raisonnables l’intervention du législateur.
Sur le fond, nous voulons opposer le modèle de la gratuité et, donc, de la solidarité à celui de la marchandisation, non pas de manière dogmatique, mais en instaurant une part de gratuité, quitte à l’élargir par la suite.
Sans aller jusqu’à faire du droit à l’eau un droit opposable à l’image du droit au logement opposable, le DALO, il convient de définir un cadre légal pour donner corps et contenu à ce droit défini comme un droit fondamental par l’ONU. Il convient donc pour partie de s’extraire de la notion d’« aide aux ménages », dont la dimension caritative est trop réductrice, pour s’orienter vers celle d’un droit directement applicable à l’ensemble de nos concitoyens et, donc, universel.
C’est dans ce cadre que la notion et l’outil de la gratuité sont des leviers puissants, à la fois d’égalité sociale et territoriale, ainsi que d’universalité. En effet, cela place le débat non pas sur le terrain de l’accompagnement social de personnes en difficulté, mais bien sur celui de l’affirmation d’un droit de portée générale et universelle, conformément à l’esprit de la LEMA et des engagements internationaux de la France.
Discussion et retrait d’une proposition de loi
Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – M. Hervé Gillé applaudit également.
L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, la discussion de la proposition de loi visant à garantir effectivement le droit à l’eau par la mise en place de la gratuité sur les premiers volumes d’eau potable et l’accès pour tous à l’eau pour les besoins nécessaires à la vie et à la dignité, présentée par Mme Marie-Claude Varaillas, M. Gérard Lahellec et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 375, résultat des travaux de la commission n° 504, rapport n° 503).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, auteure de la proposition de loi.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en 2006, la loi sur l’eau et les milieux aquatiques, la LEMA, affirmait à son article 1er l’existence d’un droit à l’eau, en indiquant que « l’usage de l’eau appartient à tous et chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d’accéder à l’eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous ».
En 2010, l’ONU a adopté une résolution prévoyant que « le droit à une eau potable, salubre et propre est un droit fondamental essentiel au plein exercice du droit à la vie ».
En 2015, les États membres des Nations unies ont adopté les objectifs 2030 de développement durable, qui placent le droit humain d’accès à l’eau potable, à l’assainissement et à l’hygiène au cœur des dix-sept objectifs de développement durable.
En décembre 2020, l’Union européenne a publié une directive qui vise « à améliorer l’accès aux eaux destinées à la consommation humaine » et qui prévoit l’obligation pour les États membres de mettre en œuvre le principe de l’accès à l’eau potable pour tous.
Le droit à l’eau est donc clairement défini et reconnu en droit positif. Pourtant, aujourd’hui, ce droit demeure largement fictif, puisque aucun instrument légal ne permet de garantir concrètement son exercice et que l’accès de tous à ce service de première nécessité reste empreint de grandes inégalités tarifaires, qualitatives et spatiales. Les faits sont têtus : selon la Fondation Abbé-Pierre, l’eau reste inabordable pour 1, 2 million de personnes branchées au réseau de distribution ; plus de 140 000 personnes environ ne sont pas raccordées à un réseau de distribution d’eau.
Face à cette situation, les associations sont très engagées pour aller au-delà des déclarations d’intention. Il existe par ailleurs un certain nombre d’initiatives parlementaires qui ont été examinées par l’Assemblée nationale et le Sénat. Malheureusement, le Sénat, à l’époque, avait totalement vidé de sa substance cette initiative. Nous remettons donc aujourd’hui l’ouvrage sur le métier.
Certes, et certains de mes collègues nous l’ont rappelé en commission, il existe déjà des outils pour aider les plus fragiles à payer leur facture d’eau. La loi Brottes a ainsi permis une expérimentation de tarification sociale, qui s’applique jusqu’au 15 avril 2021 – c’est aujourd’hui ! –, et l’article 15 de la loi Engagement et proximité de l’automne dernier a pérennisé dans la loi cette boîte à outils : chèque eau, allocation eau, tarification sociale et gratuité. Pour autant, le caractère optionnel de ce dispositif, en réalité assez peu utilisé par les collectivités, ne permet pas de garantir effectivement le droit à l’eau.
Si nous considérons qu’il s’agit d’un droit universel, l’État doit adopter les mécanismes législatifs adéquats. Pour cette raison, nous proposons la mise en œuvre d’un dispositif universel d’accès applicable en tout point du territoire et pour chacun, qu’il soit raccordé ou non, permettant l’égalité de tous nos concitoyens devant la loi et dans leurs droits.
Pour cela, nous demandons la mise en place d’une gratuité dont le niveau est à définir. Je vous le rappelle, nous nous gardons bien de définir le niveau de gratuité, en indiquant seulement ce qui est nécessaire à la dignité humaine. Ainsi, nous estimons que nous pourrions établir cette gratuité pour tous à cinq litres par personne et par jour, ce qui représenterait un coût largement acceptable pour le service public local, quel qu’en soit le mode de gestion. Ces cinq litres correspondent à une nécessité vitale. Le coût de cette mesure serait lissé entre les usagers selon un principe de solidarité.
Pour le dire clairement, le budget des collectivités n’est pas impacté, car leur participation au budget de l’eau est clairement limitée, ne pouvant aller au-delà de 2 % de l’ensemble des redevances. Leurs moyens ne sont nullement affectés par cette proposition de loi. Il s’agit donc d’un principe de solidarité au sein même des usagers.
Par ailleurs, pour répondre à la nécessité de permettre l’accès à l’eau de toutes les personnes qui n’ont ni compteur ni accès, nous souhaitons la mise en place d’une obligation, à la charge des collectivités locales, de permettre l’accès à la ressource pour les plus démunis par des fontaines, sanitaires et douches publics. La plupart d’entre elles le prévoient, et la charge financière ainsi créée doit être compensée, comme le permet notre proposition de loi, par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement.
Les collectivités peuvent également solliciter la DETR (dotation d’équipement des territoires ruraux) ou la DSIL (dotation de soutien à l’investissement local). On rappellera dans ce cadre que les préfets, pour l’engagement de ces crédits, ont reçu la directive, à la suite d’une circulaire ministérielle de 2020, de prioriser la mise aux normes des équipements sanitaires ou des travaux sur les réseaux d’assainissement. Notons également qu’un certain nombre de collectivités s’engagent déjà dans cette voie sans attendre la loi, puisqu’il s’agit bien d’une question de respect de la dignité humaine.
Je me permets de faire quatre remarques pour préciser l’opportunité politique d’adopter ce texte.
Premièrement, la révision de la directive Eau de l’Union européenne nous pousse à définir des modalités d’accès pour les populations qui n’ont pas d’accès physique à l’eau. Si ce n’est fait aujourd’hui, il faudra, à l’avenir, en tenir compte.
Ainsi, l’article 16 de cette directive comprend des mesures fortes telles que l’évaluation de la proportion de la population n’ayant pas accès à l’eau potable et l’encouragement à installer des fontaines gratuites dans les villes et les lieux publics, à favoriser la fourniture d’eau du robinet dans les restaurants, les cantines et les services de restauration. Il engage également les États à prendre toutes mesures nécessaires pour assurer l’accès à l’eau potable pour les groupes vulnérables et marginalisés. Je vous le rappelle, le droit européen s’impose. Faute de transposition, la France sera condamnée. Comment le pays des droits de l’homme peut-il assumer d’être en retard sur un tel sujet ?
Deuxièmement, la crise sanitaire que nous traversons nous oblige à repenser la question de l’accès à l’eau et à l’assainissement, pour des questions de santé et de salubrité. Les gestes barrières nécessitent l’accès à l’eau. Le « quoi qu’il en coûte » doit, dans ce domaine aussi, prévaloir. Le Gouvernement a ainsi pris, le 27 mars 2020, des dispositions pour que les préfets et les collectivités locales assument leurs responsabilités en la matière et veillent notamment à ce que soit garanti l’accès à l’eau, à des sanitaires, à des douches et à des laveries. Cela doit perdurer. La sixième puissance mondiale doit pouvoir financer les équipements nécessaires à la dignité de nos concitoyens.
L’argument d’un risque de gaspillage de la ressource n’est pas justifié, alors que la consommation moyenne constatée est de cent quarante litres par jour et par personne. Comme le préconisent les associations pour la défense du droit à l’eau, il pourrait s’agir de la mise à disposition de cinq litres gratuits pour tout le monde et de quarante litres par jour pour les personnes non raccordées.
Prévoir un décret pris en Conseil d’État, après avis du Comité national de l’eau, pour définir le niveau de gratuité laisse une marge de définition assez large. C’est un choix affirmé de notre part d’avoir prévu une telle souplesse, afin de permettre une mise en place progressive des mécanismes de gratuité.
Plus globalement, je veux répondre à l’argument récurrent selon lequel cette proposition de loi porterait atteinte à la libre administration des collectivités. En effet, il n’en est rien. La compétence « eau et assainissement » n’est pas retirée aux collectivités ; la liberté de l’organiser selon leur choix non plus. La gratuité que nous proposons est donc un socle qui n’empêche nullement les collectivités en question de compléter ce dispositif par l’un des outils de l’article 15 de loi Engagement et proximité.
Par ailleurs, pour contrer l’idée selon laquelle ce texte serait contraire au principe de libre administration des collectivités, nous précisons que cette idée s’appuie uniquement sur le fait que de nouvelles contraintes seraient posées. En cela, elle ne caractérise pas une atteinte à la libre administration. En effet, le Conseil constitutionnel a déjà jugé, notamment pour ce qui concerne la loi SRU, qui impose aux collectivités la construction de logements sociaux, qu’une telle contrainte était acceptable. Ainsi, les conditions d’intervention du législateur ont été précisées dans la décision du 7 décembre 2000. Il a été indiqué que les obligations et les charges auxquelles la loi assujettit les collectivités territoriales ou leurs groupements doivent répondre à « des exigences constitutionnelles » ou concourir à « des fins d’intérêt général ». Nous pouvons tous le comprendre, la fin d’intérêt général de garantir à tous l’accès à l’eau justifie dans des proportions raisonnables l’intervention du législateur.
Sur le fond, nous voulons opposer le modèle de la gratuité et, donc, de la solidarité à celui de la marchandisation, non pas de manière dogmatique, mais en instaurant une part de gratuité, quitte à l’élargir par la suite.
Sans aller jusqu’à faire du droit à l’eau un droit opposable à l’image du droit au logement opposable, le DALO, il convient de définir un cadre légal pour donner corps et contenu à ce droit défini comme un droit fondamental par l’ONU. Il convient donc pour partie de s’extraire de la notion d’« aide aux ménages », dont la dimension caritative est trop réductrice, pour s’orienter vers celle d’un droit directement applicable à l’ensemble de nos concitoyens et, donc, universel.
C’est dans ce cadre que la notion et l’outil de la gratuité sont des leviers puissants, à la fois d’égalité sociale et territoriale, ainsi que d’universalité. En effet, cela place le débat non pas sur le terrain de l’accompagnement social de personnes en difficulté, mais bien sur celui de l’affirmation d’un droit de portée générale et universelle, conformément à l’esprit de la LEMA et des engagements internationaux de la France.
M. Gérard Lahellec, rapporteur de la commission de l ’ aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en préambule, je souhaite rappeler la conviction qui a animé et guidé mon travail de rapporteur. Dans la mesure où il s’agit du premier texte que je suis chargé de rapporter, pour m’inscrire dans le sujet qui nous intéresse, je me jette à l’eau…
Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – M. Hervé Gillé applaudit également.
Sourires.
Au terme des auditions que j’ai menées, il m’est apparu avec la force de l’évidence que l’accès à l’eau potable et à l’assainissement est un droit vital, dont dépendent la survie, mais aussi la santé, l’hygiène et la dignité de toute femme et de tout homme. Des publications scientifiques ont nourri le débat public de données alarmantes et de chiffres vertigineux. Il y a là un sujet dont personne ne peut se désintéresser, qui s’aggrave et m’apparaît à certains égards comme le « défi du siècle ».
La relative abondance de l’eau en France nous empêche parfois de percevoir l’urgence d’agir et les effets de l’exclusion de l’eau. Nous considérons un robinet ou une fontaine comme un élément banal qui ne retient plus l’attention. En effet, loin est le temps où l’eau était à aller chercher plus qu’elle ne venait pas à nous.
Figurez-vous que je suis né à quatre kilomètres du bourg de Plufur, un petit village des Côtes-d’Armor. Quand j’étais petit, mes petits camarades qui habitaient au bourg allaient jusqu’au robinet du village pour pouvoir avoir de l’eau. L’enfant que j’étais en avait aisément conclu que l’eau « courante » était celle que l’on obtenait en courant très vite.
M. Gérard Lahellec, rapporteur de la commission de l ’ aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en préambule, je souhaite rappeler la conviction qui a animé et guidé mon travail de rapporteur. Dans la mesure où il s’agit du premier texte que je suis chargé de rapporter, pour m’inscrire dans le sujet qui nous intéresse, je me jette à l’eau…
Sourires.
Ces robinets n’en constituaient pas moins un véritable service public de l’eau, auquel chacun avait accès… plus ou moins rapidement.
Au terme des auditions que j’ai menées, il m’est apparu avec la force de l’évidence que l’accès à l’eau potable et à l’assainissement est un droit vital, dont dépendent la survie, mais aussi la santé, l’hygiène et la dignité de toute femme et de tout homme. Des publications scientifiques ont nourri le débat public de données alarmantes et de chiffres vertigineux. Il y a là un sujet dont personne ne peut se désintéresser, qui s’aggrave et m’apparaît à certains égards comme le « défi du siècle ».
La relative abondance de l’eau en France nous empêche parfois de percevoir l’urgence d’agir et les effets de l’exclusion de l’eau. Nous considérons un robinet ou une fontaine comme un élément banal qui ne retient plus l’attention. En effet, loin est le temps où l’eau était à aller chercher plus qu’elle ne venait pas à nous.
Figurez-vous que je suis né à quatre kilomètres du bourg de Plufur, un petit village des Côtes-d’Armor. Quand j’étais petit, mes petits camarades qui habitaient au bourg allaient jusqu’au robinet du village pour pouvoir avoir de l’eau. L’enfant que j’étais en avait aisément conclu que l’eau « courante » était celle que l’on obtenait en courant très vite.
Nouveaux sourires.
Sourires.
N’oublions pas que si, aujourd’hui, nous sommes nombreux à bénéficier de l’eau courante, obtenue sans courir, tel n’est pas le cas de tous, en particulier des plus démunis. Par ailleurs, certaines régions connaissent, certains étés, de plus en plus fréquemment, un stress hydrique qui conduit au rationnement de la ressource.
Avec l’air, l’eau est en effet la ressource vitale, essentielle à la vie et aux activités économiques. Sans un accès sécurisé à une eau potable de bonne qualité, l’être humain reste tributaire de la satisfaction de ce besoin : pas de dignité possible, pas de développement durable, pas de justice sociale, pas d’accès aux fruits de la croissance ! Je suis convaincu qu’il ne se trouve personne dans cet hémicycle pour s’opposer à l’idée que l’eau potable est un bien commun dont aucun être humain ne devrait être exclu. C’est aussi ce que j’ai perçu au sein de la commission lors de nos débats.
Des progrès ont déjà été accomplis, venant du législateur, mais aussi des élus locaux, des instances internationales et d’initiatives portées par des ONG.
Le droit à l’eau progresse ; il se constitutionnalise dans certains pays ; il est reconnu par l’Organisation des Nations unies. Des pays et des collectivités ont d’ores et déjà instauré la gratuité des premiers volumes.
La prise de conscience existe également au niveau européen : la nouvelle directive européenne sur l’eau potable, de décembre 2020, en constitue un parfait exemple.
Nous n’arrivons donc pas sur un terrain vierge de toute avancée. Je ne vous demande pas d’être révolutionnaires ni d’aller à l’encontre de vos sensibilités politiques : il s’agit simplement de parfaire l’œuvre déjà accomplie, dans un esprit humaniste.
Ce droit est reconnu, proclamé et consacré. Mais il y a le droit et il y a le fait. Or le droit, insuffisamment opposable et trop souvent déclaratoire, ne reflète pas le fait.
Aujourd’hui, 2, 2 milliards d’êtres humains n’ont toujours pas un accès sécurisé à l’eau potable.
Notre pays n’est pas épargné par certaines formes de précarité en eau. Il y a les « exclus de l’eau » : 1, 4 million de Français métropolitains, les personnes sans domicile fixe ou vivant dans des habitats de fortune. Il existe aussi les « précaires en eau », à savoir les ménages consacrant plus de 3 % de leur budget à payer leurs factures d’eau. Ils représentent, selon les associations que j’ai entendues, plus de 1 million de personnes. Voilà pour ce qui est de l’écart entre le droit et le fait.
Le législateur n’est pas resté insensible à cette question et a essayé, compte tenu de l’écart existant, de rendre le droit plus effectif.
La loi Brottes de 2013 a interdit les coupures d’eau des ménages pour impayés et a mis en œuvre une expérimentation de tarification sociale de l’eau. À la différence des aides curatives, ponctuelles, partielles et non automatiques, les aides préventives s’appliquent dès lors que le foyer satisfait aux critères prédéfinis et prennent la forme soit d’une tarification intégrant une première tranche dite sociale universelle, soit d’une allocation eau. La ville de Rennes a, par exemple, instauré, pour tous, une première tranche gratuite de dix mètres cubes.
La loi Engagement et proximité de 2019 a pérennisé ces possibilités et mis à la disposition des collectivités qui le souhaitent une boîte à outils destinée à favoriser l’accès à l’eau de tous.
Face à ce constat, il est nécessaire de consolider les acquis en garantissant de manière encore plus effective le droit d’accès à l’eau.
L’eau n’a pas de prix, mais elle a un coût, qui est celui de son acheminement, de son traitement et de son assainissement. Les services de l’eau, industriels et commerciaux, reposent sur une logique de tarification à l’usager bénéficiaire, et non sur un financement par l’impôt. En vertu de la libre administration des collectivités territoriales, les communes et EPCI qui en assurent la distribution sont libres de mettre en œuvre des politiques locales en vue de favoriser l’accès de l’eau aux populations précaires ou marginalisées.
J’ai entendu les propos de certains de mes collègues au cours de l’examen du texte en commission. Selon eux, la gratuité d’une ressource rare n’est pas une bonne idée, parce qu’elle inciterait au gaspillage et véhiculerait une pédagogie contraire aux nécessités de notre temps. Tel n’est pas l’esprit de ce texte ! Il instaure uniquement la gratuité d’une volumétrie essentielle, indispensable à la vie et à la dignité. Le surplus, au-delà ce qui est nécessaire pour étancher sa soif et pourvoir à son hygiène, continuerait bien entendu à faire l’objet d’une facturation à l’usager, pour ne pas remettre en cause l’équilibre financier des collectivités gestionnaires ou délégantes.
J’achèverai mon propos en citant la directive européenne sur l’eau potable, qui enjoint aux États européens l’installation d’« équipements dans les espaces publics, lorsque cela est techniquement réalisable ». Le texte que nous examinons aujourd’hui est l’occasion d’en commencer la transposition et de garantir véritablement un droit à l’eau pour tous en France. Le bloc communal serait responsable de la mise en œuvre de cette noble mission, au plus près des besoins, en vertu du principe constitutionnel de subsidiarité.
La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable n’a pas adopté cette proposition de loi. À titre personnel, vous l’aurez compris, j’y suis toutefois favorable. La France pourrait s’enorgueillir d’avoir mis fin, par des mesures simples et de bon sens, aux situations de pauvreté et de précarité en eau.
Ces robinets n’en constituaient pas moins un véritable service public de l’eau, auquel chacun avait accès… plus ou moins rapidement.
Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – M. Hervé Gillé applaudit également.
Nouveaux sourires.
N’oublions pas que si, aujourd’hui, nous sommes nombreux à bénéficier de l’eau courante, obtenue sans courir, tel n’est pas le cas de tous, en particulier des plus démunis. Par ailleurs, certaines régions connaissent, certains étés, de plus en plus fréquemment, un stress hydrique qui conduit au rationnement de la ressource.
Avec l’air, l’eau est en effet la ressource vitale, essentielle à la vie et aux activités économiques. Sans un accès sécurisé à une eau potable de bonne qualité, l’être humain reste tributaire de la satisfaction de ce besoin : pas de dignité possible, pas de développement durable, pas de justice sociale, pas d’accès aux fruits de la croissance ! Je suis convaincu qu’il ne se trouve personne dans cet hémicycle pour s’opposer à l’idée que l’eau potable est un bien commun dont aucun être humain ne devrait être exclu. C’est aussi ce que j’ai perçu au sein de la commission lors de nos débats.
Des progrès ont déjà été accomplis, venant du législateur, mais aussi des élus locaux, des instances internationales et d’initiatives portées par des ONG.
Le droit à l’eau progresse ; il se constitutionnalise dans certains pays ; il est reconnu par l’Organisation des Nations unies. Des pays et des collectivités ont d’ores et déjà instauré la gratuité des premiers volumes.
La prise de conscience existe également au niveau européen : la nouvelle directive européenne sur l’eau potable, de décembre 2020, en constitue un parfait exemple.
Nous n’arrivons donc pas sur un terrain vierge de toute avancée. Je ne vous demande pas d’être révolutionnaires ni d’aller à l’encontre de vos sensibilités politiques : il s’agit simplement de parfaire l’œuvre déjà accomplie, dans un esprit humaniste.
Ce droit est reconnu, proclamé et consacré. Mais il y a le droit et il y a le fait. Or le droit, insuffisamment opposable et trop souvent déclaratoire, ne reflète pas le fait.
Aujourd’hui, 2, 2 milliards d’êtres humains n’ont toujours pas un accès sécurisé à l’eau potable.
Notre pays n’est pas épargné par certaines formes de précarité en eau. Il y a les « exclus de l’eau » : 1, 4 million de Français métropolitains, les personnes sans domicile fixe ou vivant dans des habitats de fortune. Il existe aussi les « précaires en eau », à savoir les ménages consacrant plus de 3 % de leur budget à payer leurs factures d’eau. Ils représentent, selon les associations que j’ai entendues, plus de 1 million de personnes. Voilà pour ce qui est de l’écart entre le droit et le fait.
Le législateur n’est pas resté insensible à cette question et a essayé, compte tenu de l’écart existant, de rendre le droit plus effectif.
La loi Brottes de 2013 a interdit les coupures d’eau des ménages pour impayés et a mis en œuvre une expérimentation de tarification sociale de l’eau. À la différence des aides curatives, ponctuelles, partielles et non automatiques, les aides préventives s’appliquent dès lors que le foyer satisfait aux critères prédéfinis et prennent la forme soit d’une tarification intégrant une première tranche dite sociale universelle, soit d’une allocation eau. La ville de Rennes a, par exemple, instauré, pour tous, une première tranche gratuite de dix mètres cubes.
La loi Engagement et proximité de 2019 a pérennisé ces possibilités et mis à la disposition des collectivités qui le souhaitent une boîte à outils destinée à favoriser l’accès à l’eau de tous.
Face à ce constat, il est nécessaire de consolider les acquis en garantissant de manière encore plus effective le droit d’accès à l’eau.
L’eau n’a pas de prix, mais elle a un coût, qui est celui de son acheminement, de son traitement et de son assainissement. Les services de l’eau, industriels et commerciaux, reposent sur une logique de tarification à l’usager bénéficiaire, et non sur un financement par l’impôt. En vertu de la libre administration des collectivités territoriales, les communes et EPCI qui en assurent la distribution sont libres de mettre en œuvre des politiques locales en vue de favoriser l’accès de l’eau aux populations précaires ou marginalisées.
J’ai entendu les propos de certains de mes collègues au cours de l’examen du texte en commission. Selon eux, la gratuité d’une ressource rare n’est pas une bonne idée, parce qu’elle inciterait au gaspillage et véhiculerait une pédagogie contraire aux nécessités de notre temps. Tel n’est pas l’esprit de ce texte ! Il instaure uniquement la gratuité d’une volumétrie essentielle, indispensable à la vie et à la dignité. Le surplus, au-delà ce qui est nécessaire pour étancher sa soif et pourvoir à son hygiène, continuerait bien entendu à faire l’objet d’une facturation à l’usager, pour ne pas remettre en cause l’équilibre financier des collectivités gestionnaires ou délégantes.
J’achèverai mon propos en citant la directive européenne sur l’eau potable, qui enjoint aux États européens l’installation d’« équipements dans les espaces publics, lorsque cela est techniquement réalisable ». Le texte que nous examinons aujourd’hui est l’occasion d’en commencer la transposition et de garantir véritablement un droit à l’eau pour tous en France. Le bloc communal serait responsable de la mise en œuvre de cette noble mission, au plus près des besoins, en vertu du principe constitutionnel de subsidiarité.
La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable n’a pas adopté cette proposition de loi. À titre personnel, vous l’aurez compris, j’y suis toutefois favorable. La France pourrait s’enorgueillir d’avoir mis fin, par des mesures simples et de bon sens, aux situations de pauvreté et de précarité en eau.
Monsieur le président, monsieur le vice-président de la commission Chevrollier, monsieur le rapporteur Lahellec, madame la sénatrice Varaillas, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi qui est soumise à votre examen vise à garantir le droit à l’eau par la mise en place de la gratuité sur les premiers volumes d’eau potable et l’accès pour tous à l’eau pour les besoins nécessaires à la vie et à la dignité.
En France, l’eau est un bien commun de la Nation et son usage appartient à tous. Notre droit consacre d’ores et déjà cet objectif. Le code de l’environnement établit que « chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d’accéder à l’eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous ».
L’accès à l’eau pour tous est évidemment un objectif que je partage et auquel le Gouvernement souscrit pleinement. À cet égard, les articles 19 et 19 bis du projet de loi Climat et résilience, qui sera bientôt examiné dans cet hémicycle, viendront renforcer notre ambition.
Au cœur de la crise sanitaire actuelle, la notion même de service public de l’eau a pris tout son sens. Je salue ici les collectivités et les entreprises qui ont assuré la continuité, en rassurant très vite les Français sur la qualité et la sécurité de l’eau du robinet. Toutefois, aujourd’hui encore, en 2021, 235 000 personnes sont privées d’un accès permanent à l’eau. Ce n’est pas acceptable, et nul ne peut s’y résoudre. Nous avons encore du travail pour assurer à chacun l’accès à l’eau potable et à l’assainissement.
C’est pour répondre à cet objectif que le Gouvernement a lancé la réforme de la gouvernance des services publics d’eau potable et d’assainissement en Guadeloupe. Votre assemblée a récemment adopté une proposition de loi tendant à en poser le cadre. En application de cette réforme, un établissement public local sera créé au 1er septembre 2021. Il veillera à la continuité du service et réalisera tous les investissements nécessaires au bon fonctionnement et à la modernisation des réseaux. Il était temps de répondre à ce besoin essentiel, que nous nous devons d’assurer à tous les Guadeloupéens.
Dans le même temps, le Gouvernement mobilise 300 millions d’euros du plan France Relance, pour sécuriser et moderniser les infrastructures de distribution d’eau potable, d’assainissement et de gestion des eaux pluviales. Les agences de l’eau et l’OFB en assurent le pilotage. Ces crédits sont déjà largement engagés, ce qui montre bien la mobilisation des collectivités sur cette mission fondamentale.
Si la ressource en eau est un bien public inaliénable, l’accès à ce bien repose sur un service rendu, qui a un coût.
En France, le prix de l’eau qui est facturé à l’usager correspond au prix du service comprenant le prélèvement, le traitement, la distribution et les réseaux. Il est fixé localement par la collectivité – la commune ou l’intercommunalité – ou par le syndicat d’eau potable auquel elle a confié l’organisation du service.
Les collectivités organisatrices peuvent choisir d’exploiter directement le service dont elles ont la responsabilité en régie ou d’en déléguer l’exploitation à un opérateur privé.
Au 1er janvier 2017, le prix moyen du service de l’eau potable et d’assainissement était de 4, 08 euros TTC par mètre cube, ce qui correspond à une dépense moyenne de 40, 80 euros par mois, soit environ 1, 4 % du budget moyen des dépenses des ménages. Toutefois, n’oublions jamais nos concitoyens les plus démunis. Le Gouvernement a ainsi facilité la mise en place des tarifications sociales et incitatives, de même que des mesures d’économies d’eau.
Dans le cadre de la loi Brottes de 2013, qui a interdit la pratique des coupures d’eau pour une résidence principale, même en cas d’impayés, une expérimentation a été menée auprès de cinquante collectivités en vue de tester différentes politiques sociales en faveur de l’accès à l’eau. Cette expérimentation a montré l’importance du principe de subsidiarité. En fonction de ses caractéristiques et des enjeux qui lui sont propres, chaque collectivité participante a pu mettre en place des mesures spécifiques et adaptées à son territoire et à son organisation.
En raison de ce succès, les mesures sociales en faveur de l’accès à l’eau ont été élargies à l’ensemble des collectivités et pérennisées dans la loi Engagement et proximité de 2019. Les collectivités sont donc déjà en mesure de mettre en place des dispositifs qui font l’objet de la présente proposition de loi, comme la définition de tarifs tenant compte de la composition ou des revenus du foyer, l’attribution d’aides au paiement des factures, ou encore des mesures favorisant les économies d’eau.
La possibilité de rendre les premiers mètres cubes gratuits existe déjà, mais, on le sait, cette gratuité est à observer avec précaution, car elle peut avoir un effet contraire à nos objectifs de bonne gestion de la ressource et de maîtrise des consommations.
Ces réflexions ont été largement portées au moment de l’organisation, en 2019, des Assises de l’eau. Ces points de vigilance y ont été largement établis.
J’en reste persuadée, un travail important est à réaliser pour un meilleur accès à l’eau potable. La clé ne réside pas, je crois, dans une modification de la loi, comme nous y invite cette proposition de loi, mais plutôt dans la mobilisation, large et active, des outils qui sont déjà à la disposition des collectivités.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez compris, si je suis défavorable à cette proposition de loi, je soutiens ce combat, cet engagement pour la dignité humaine. Je vous remercie d’avoir porté ce débat dans cet hémicycle, même si je ne vous rejoins pas sur la forme et émets donc un avis défavorable sur ce texte.
Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – M. Hervé Gillé applaudit également.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avant d’aborder le fond du texte, je voudrais faire deux remarques.
Ma première remarque vise à rebondir sur ce que M. le rapporteur rappelait : autrefois, il fallait aller à l’eau ; aujourd’hui, c’est l’eau qui vient à nous – il suffit d’ouvrir le robinet. Je ne voudrais pas être un oiseau de mauvais augure, mais je crains malheureusement qu’il faille aussi nous interroger sur le caractère durable de cette facilité d’accès.
Je viens d’un département, l’Ardèche, où nous nous interrogeons beaucoup sur la ressource, et de nombreux départements font ou devraient faire de même. Si nous sommes tous convaincus que l’eau est plus que jamais un bien commun, nous devons aussi nous interroger sur la question de la ressource.
Ma seconde remarque rejoint la philosophie de ce texte : nous l’avons maintes fois dit au Sénat, nous devons tout mettre en œuvre pour offrir aux élus des territoires la capacité de gérer l’eau en proximité, en leur permettant, s’ils le souhaitent, de conserver cette compétence au niveau des communes ou des syndicats de communes – je suis sûr que nous reviendrons sur ce sujet lors des débats sur le projet de loi 4D. La gestion de l’eau répond en effet davantage à des logiques de bassins versants qu’à des logiques intercommunales.
Malheureusement, depuis l’obligation faite à de nombreuses communes par la loi NOTRe de transférer l’eau et l’assainissement aux intercommunalités, nous avons assisté inexorablement à une augmentation du prix de l’eau. Alors, oui, il faut qu’il y ait une tarification sociale et peut-être un renforcement des droits, mais, le préalable, c’est la disponibilité et le coût de la ressource.
Le groupe Les Républicains ne cesse de le réaffirmer : laissons les élus libres de gérer comme ils le souhaitent cette compétence singulière. Dans certaines communes françaises, nos concitoyens ne payent pas l’eau, car elle vient directement des sources communales gérées en proximité. Bien sûr, il faut répondre aux contraintes et aux normes, mais il faut laisser les élus le faire en bonne intelligence pour garantir à nos concitoyens de pouvoir accéder à l’eau à un prix raisonnable.
J’en viens maintenant à ce droit que vous souhaitez voir renforcé, mes chers collègues.
Nous partageons une volonté commune : l’eau est un bien commun, une nécessité dont l’accès doit être garanti à chacune et chacun de nos concitoyens. Je crains malheureusement – je le dis avec beaucoup d’humilité – que votre texte ne soit insuffisamment expertisé. Il manque une étude d’impact, et je ne crois pas que les collectivités n’auront rien à payer. Le fait d’offrir des points d’accès à l’eau dans une commune engendrera nécessairement des coûts pour la collectivité. Cela ne nous gêne pas dans l’absolu, mais ce texte, qui traite d’un sujet essentiel, aurait sans doute mérité une réflexion plus approfondie, notamment au sujet des seuils.
Comme nous l’avons fait lors de l’examen de la loi Engagement et proximité, nous devrons peut-être approfondir ce droit d’accès à l’eau pour tous dans le texte 4D. Nous y serons attentifs, car, comme vous, nous considérons plus que jamais l’eau comme un bien commun auquel nos concitoyens doivent avoir accès le plus largement possible.
Monsieur le président, monsieur le vice-président de la commission Chevrollier, monsieur le rapporteur Lahellec, madame la sénatrice Varaillas, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi qui est soumise à votre examen vise à garantir le droit à l’eau par la mise en place de la gratuité sur les premiers volumes d’eau potable et l’accès pour tous à l’eau pour les besoins nécessaires à la vie et à la dignité.
En France, l’eau est un bien commun de la Nation et son usage appartient à tous. Notre droit consacre d’ores et déjà cet objectif. Le code de l’environnement établit que « chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d’accéder à l’eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous ».
L’accès à l’eau pour tous est évidemment un objectif que je partage et auquel le Gouvernement souscrit pleinement. À cet égard, les articles 19 et 19 bis du projet de loi Climat et résilience, qui sera bientôt examiné dans cet hémicycle, viendront renforcer notre ambition.
Au cœur de la crise sanitaire actuelle, la notion même de service public de l’eau a pris tout son sens. Je salue ici les collectivités et les entreprises qui ont assuré la continuité, en rassurant très vite les Français sur la qualité et la sécurité de l’eau du robinet. Toutefois, aujourd’hui encore, en 2021, 235 000 personnes sont privées d’un accès permanent à l’eau. Ce n’est pas acceptable, et nul ne peut s’y résoudre. Nous avons encore du travail pour assurer à chacun l’accès à l’eau potable et à l’assainissement.
C’est pour répondre à cet objectif que le Gouvernement a lancé la réforme de la gouvernance des services publics d’eau potable et d’assainissement en Guadeloupe. Votre assemblée a récemment adopté une proposition de loi tendant à en poser le cadre. En application de cette réforme, un établissement public local sera créé au 1er septembre 2021. Il veillera à la continuité du service et réalisera tous les investissements nécessaires au bon fonctionnement et à la modernisation des réseaux. Il était temps de répondre à ce besoin essentiel, que nous nous devons d’assurer à tous les Guadeloupéens.
Dans le même temps, le Gouvernement mobilise 300 millions d’euros du plan France Relance, pour sécuriser et moderniser les infrastructures de distribution d’eau potable, d’assainissement et de gestion des eaux pluviales. Les agences de l’eau et l’OFB en assurent le pilotage. Ces crédits sont déjà largement engagés, ce qui montre bien la mobilisation des collectivités sur cette mission fondamentale.
Si la ressource en eau est un bien public inaliénable, l’accès à ce bien repose sur un service rendu, qui a un coût.
En France, le prix de l’eau qui est facturé à l’usager correspond au prix du service comprenant le prélèvement, le traitement, la distribution et les réseaux. Il est fixé localement par la collectivité – la commune ou l’intercommunalité – ou par le syndicat d’eau potable auquel elle a confié l’organisation du service.
Les collectivités organisatrices peuvent choisir d’exploiter directement le service dont elles ont la responsabilité en régie ou d’en déléguer l’exploitation à un opérateur privé.
Au 1er janvier 2017, le prix moyen du service de l’eau potable et d’assainissement était de 4, 08 euros TTC par mètre cube, ce qui correspond à une dépense moyenne de 40, 80 euros par mois, soit environ 1, 4 % du budget moyen des dépenses des ménages. Toutefois, n’oublions jamais nos concitoyens les plus démunis. Le Gouvernement a ainsi facilité la mise en place des tarifications sociales et incitatives, de même que des mesures d’économies d’eau.
Dans le cadre de la loi Brottes de 2013, qui a interdit la pratique des coupures d’eau pour une résidence principale, même en cas d’impayés, une expérimentation a été menée auprès de cinquante collectivités en vue de tester différentes politiques sociales en faveur de l’accès à l’eau. Cette expérimentation a montré l’importance du principe de subsidiarité. En fonction de ses caractéristiques et des enjeux qui lui sont propres, chaque collectivité participante a pu mettre en place des mesures spécifiques et adaptées à son territoire et à son organisation.
En raison de ce succès, les mesures sociales en faveur de l’accès à l’eau ont été élargies à l’ensemble des collectivités et pérennisées dans la loi Engagement et proximité de 2019. Les collectivités sont donc déjà en mesure de mettre en place des dispositifs qui font l’objet de la présente proposition de loi, comme la définition de tarifs tenant compte de la composition ou des revenus du foyer, l’attribution d’aides au paiement des factures, ou encore des mesures favorisant les économies d’eau.
La possibilité de rendre les premiers mètres cubes gratuits existe déjà, mais, on le sait, cette gratuité est à observer avec précaution, car elle peut avoir un effet contraire à nos objectifs de bonne gestion de la ressource et de maîtrise des consommations.
Ces réflexions ont été largement portées au moment de l’organisation, en 2019, des Assises de l’eau. Ces points de vigilance y ont été largement établis.
J’en reste persuadée, un travail important est à réaliser pour un meilleur accès à l’eau potable. La clé ne réside pas, je crois, dans une modification de la loi, comme nous y invite cette proposition de loi, mais plutôt dans la mobilisation, large et active, des outils qui sont déjà à la disposition des collectivités.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez compris, si je suis défavorable à cette proposition de loi, je soutiens ce combat, cet engagement pour la dignité humaine. Je vous remercie d’avoir porté ce débat dans cet hémicycle, même si je ne vous rejoins pas sur la forme et émets donc un avis défavorable sur ce texte.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avant d’aborder le fond du texte, je voudrais faire deux remarques.
Ma première remarque vise à rebondir sur ce que M. le rapporteur rappelait : autrefois, il fallait aller à l’eau ; aujourd’hui, c’est l’eau qui vient à nous – il suffit d’ouvrir le robinet. Je ne voudrais pas être un oiseau de mauvais augure, mais je crains malheureusement qu’il faille aussi nous interroger sur le caractère durable de cette facilité d’accès.
Je viens d’un département, l’Ardèche, où nous nous interrogeons beaucoup sur la ressource, et de nombreux départements font ou devraient faire de même. Si nous sommes tous convaincus que l’eau est plus que jamais un bien commun, nous devons aussi nous interroger sur la question de la ressource.
Ma seconde remarque rejoint la philosophie de ce texte : nous l’avons maintes fois dit au Sénat, nous devons tout mettre en œuvre pour offrir aux élus des territoires la capacité de gérer l’eau en proximité, en leur permettant, s’ils le souhaitent, de conserver cette compétence au niveau des communes ou des syndicats de communes – je suis sûr que nous reviendrons sur ce sujet lors des débats sur le projet de loi 4D. La gestion de l’eau répond en effet davantage à des logiques de bassins versants qu’à des logiques intercommunales.
Malheureusement, depuis l’obligation faite à de nombreuses communes par la loi NOTRe de transférer l’eau et l’assainissement aux intercommunalités, nous avons assisté inexorablement à une augmentation du prix de l’eau. Alors, oui, il faut qu’il y ait une tarification sociale et peut-être un renforcement des droits, mais, le préalable, c’est la disponibilité et le coût de la ressource.
Le groupe Les Républicains ne cesse de le réaffirmer : laissons les élus libres de gérer comme ils le souhaitent cette compétence singulière. Dans certaines communes françaises, nos concitoyens ne payent pas l’eau, car elle vient directement des sources communales gérées en proximité. Bien sûr, il faut répondre aux contraintes et aux normes, mais il faut laisser les élus le faire en bonne intelligence pour garantir à nos concitoyens de pouvoir accéder à l’eau à un prix raisonnable.
J’en viens maintenant à ce droit que vous souhaitez voir renforcé, mes chers collègues.
Nous partageons une volonté commune : l’eau est un bien commun, une nécessité dont l’accès doit être garanti à chacune et chacun de nos concitoyens. Je crains malheureusement – je le dis avec beaucoup d’humilité – que votre texte ne soit insuffisamment expertisé. Il manque une étude d’impact, et je ne crois pas que les collectivités n’auront rien à payer. Le fait d’offrir des points d’accès à l’eau dans une commune engendrera nécessairement des coûts pour la collectivité. Cela ne nous gêne pas dans l’absolu, mais ce texte, qui traite d’un sujet essentiel, aurait sans doute mérité une réflexion plus approfondie, notamment au sujet des seuils.
Comme nous l’avons fait lors de l’examen de la loi Engagement et proximité, nous devrons peut-être approfondir ce droit d’accès à l’eau pour tous dans le texte 4D. Nous y serons attentifs, car, comme vous, nous considérons plus que jamais l’eau comme un bien commun auquel nos concitoyens doivent avoir accès le plus largement possible.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’eau est un enjeu pour de nombreuses régions du monde, y compris en France. Les situations de stress hydrique sont de plus en plus fréquentes et provoquent des tensions. Cela a un impact sur les populations et sur de nombreux territoires.
Si l’eau recouvre une surface importante de notre planète et travaille à son équilibre, elle est surtout une part cruciale du corps humain. N’oublions jamais que nous sommes nous-mêmes constitués à 60 % d’eau. L’accès à l’eau et sa qualité sont donc indispensables à la vie.
Cette proposition de loi, dont nous saluons l’esprit, évoque dans l’exposé des motifs l’objectif n° 6 de développement durable proposé par les Nations unies, consacré à l’eau et à l’assainissement. Encore un tiers de l’humanité n’a pas accès à un assainissement convenable en matière d’eau, et la gestion durable de cette ressource n’est pour le moment pas assurée comme il le faudrait dans de nombreuses parties du monde.
En France, nous avons la chance d’avoir accès à une eau de bonne qualité au robinet grâce à des réseaux et des systèmes d’assainissement efficaces. Cependant, environ 1 % de la population n’est pas raccordée à un approvisionnement public en eau potable. Ce n’est pas acceptable.
Nous connaissons les sujets tels que le vieillissement des infrastructures dans certains de nos territoires, ou encore l’adaptation des réseaux à de nouveaux enjeux comme le changement climatique. Le directeur général de Suez rappelait il y a quelques jours que l’investissement dans l’eau et l’assainissement s’élevait à hauteur de 6, 5 milliards d’euros par an. Il a même ajouté que les besoins allaient nécessiter une multiplication par deux des investissements.
Une nouvelle fois, la crise que nous traversons a mis en exergue le caractère indispensable de l’hygiène et de l’accessibilité à l’eau potable. L’accès à l’eau et sa constante amélioration, notamment pour les personnes les plus vulnérables, sont des objectifs à atteindre sur l’ensemble du territoire. Le Sénat travaille de manière régulière sur le sujet.
Les discussions autour du texte en commission ont fait ressortir ce point. Encore récemment, lors de l’adoption de la loi Engagement et proximité, le système de tarification sociale de l’eau a été renforcé et étendu. Ainsi, il existe déjà des possibilités pour les collectivités territoriales de moduler les tarifs pour permettre un accès à l’eau et à l’assainissement pour le plus grand nombre. Nos élus locaux, fins connaisseurs de leurs territoires, endossent des responsabilités importantes sur ce sujet.
La gratuité des premiers volumes d’eau, qui est l’objet de l’article 3 de cette proposition de loi, fait partie des possibilités offertes aux territoires dans la gestion du prix de l’eau. Il est important sur ce sujet que les collectivités puissent mettre en place les outils qui sont le plus appropriés en fonction des besoins de leur population et des contraintes auxquelles elles doivent faire face.
Comme cela a déjà été souligné, les dispositions imaginées dans cette proposition de loi ne semblent pas répondre à la flexibilité requise ni aux avancées qui ont déjà eu lieu au niveau local.
Nous soutenons l’objectif d’un accès pour tous à l’eau potable de qualité, mais nous pensons que des outils existent et qu’il faut d’abord une bonne application des règles en vigueur. Il convient de laisser le temps et l’espace aux collectivités d’utiliser et de mettre en place les possibilités qui leur sont données afin d’améliorer l’accès à l’eau et à l’assainissement pour tous nos concitoyens, en fonction des spécificités locales.
Pour ces raisons, le groupe Les Indépendants s’abstiendra sur cette proposition de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’accès à l’eau est un droit fondamental et élémentaire. L’eau est un bien commun qui ne peut être accaparé et dont l’accès doit être garanti à chacun et chacune. La question du droit à l’accès à l’eau pour toutes et tous est donc un enjeu essentiel, et nous souhaitons rappeler, avec le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, combien cette question mêle étroitement à la question écologique de préservation des ressources les enjeux de justice sociale et de santé publique.
L’eau est un patrimoine commun, mais aussi un patrimoine partagé, qui vient à manquer. Elle est également une ressource précieuse qu’il faut protéger. Seulement 44 % des eaux de surface étaient évaluées en bon ou très bon état en 2015.
La préservation et l’accès aux ressources en eau potable sont des questions écologiques cruciales, à l’heure où le dérèglement climatique et l’augmentation des catastrophes naturelles représentent un obstacle en plus qui privera les populations les plus vulnérables de cette ressource.
Dans le monde, ce sont près de 2, 2 milliards de personnes qui sont encore privées d’accès à l’eau, et plus de la moitié de la population mondiale n’a pas accès à un assainissement sûr.
La France n’échappe pas à cette problématique grave. On estime à environ 300 000 le nombre de personnes privées d’un accès à un réseau d’eau, à des toilettes et à des douches. Un million de ménages précaires sont dans la difficulté pour payer leur facture d’eau. Alors, où est le droit fondamental de l’accès à l’eau potable et à une hygiène de qualité ? Comment garantir un besoin aussi vital pour chacune et chacun ? C’est bien l’objet de cette proposition de loi que de combler cette inégalité, et nous remercions son auteure ainsi que l’ensemble du groupe CRCE.
La prise de conscience mondiale sur ce sujet est grandissante. Dix ans après l’ONU, qui proclamait que l’eau est un droit humain fondamental, l’Union européenne, en décembre 2020, a publié une directive qui vise à « améliorer l’accès aux eaux destinées à la consommation humaine » et qui contient l’obligation pour les États membres de mettre en œuvre le principe de l’eau potable pour tous. La directive dispose ainsi que « les États prennent les mesures nécessaires pour améliorer ou préserver l’accès de tous aux eaux destinées à la consommation humaine, en particulier des groupes vulnérables et marginalisés ».
Des mesures à la hauteur des ambitions de la directive doivent être prises dans le cadre de sa transposition. Cette proposition de loi pourrait en constituer un très bon commencement. La directive devra tôt ou tard être transposée en droit français. Alors, saisissons l’opportunité et permettons au Parlement de se positionner sur le texte et d’en dessiner les contours.
Prévoir dans le code de la santé publique que chacun doit avoir accès à l’eau potable et à l’assainissement, prévoir aussi la mise à disposition gratuite d’équipements au plus près des populations : autant de premiers pas vers la garantie concrète de ce droit.
Une aide préventive pour les ménages, afin que la facture d’eau ne dépasse pas 3 % de leurs ressources, est aussi de nature à répondre à l’esprit et aux objectifs de la directive. En effet, même si l’on salue les dispositifs sociaux mis en place en droit français ces dernières années, on ne peut que déplorer le fait que les aides soient conditionnées à l’existence de compteurs individuels et que le montant moyen des allocations reste dérisoire.
Par ailleurs, des craintes ont été exprimées sur les nouvelles charges que la gratuité des premiers mètres cubes et la mise à disposition des équipements pourraient induire pour les collectivités. Cependant, la mise en place de la gratuité va permettre de diminuer le nombre d’impayés d’eau et, donc, de décharger les centres communaux d’action sociale et les fonds de solidarité pour le logement. Les collectivités pourraient mettre à disposition les équipements sanitaires et de distribution d’eau dans des bâtiments publics ou appartenant à des associations subventionnées. Ils pourraient aussi être financés par une tarification sociale progressive de l’eau.
Le droit fondamental d’accès à l’eau doit être garanti pour toutes et tous, car il s’agit de la satisfaction de besoins élémentaires nécessaires à la bonne santé publique. Thomas Sankara disait : « Il faut choisir entre le champagne pour quelques-uns et l’eau potable pour tous ! » C’est vrai, me semble-t-il, et c’est l’un des enjeux majeurs de l’humanité pour les années à venir. On a parfois l’impression que les mots de « justice sociale », souvent prononcés ici, résonnent un peu dans le vide.
Pour garantir que chaque individu ait accès à ce bien commun de l’humanité, et au vu des enjeux renforcés par l’urgence écologique, il est nécessaire d’avancer contre l’accaparement des ressources en eau par des intérêts privés dans une logique de profit, au détriment de l’intérêt général. C’est pourquoi le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires soutiendra cette proposition de loi.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’eau est un enjeu pour de nombreuses régions du monde, y compris en France. Les situations de stress hydrique sont de plus en plus fréquentes et provoquent des tensions. Cela a un impact sur les populations et sur de nombreux territoires.
Si l’eau recouvre une surface importante de notre planète et travaille à son équilibre, elle est surtout une part cruciale du corps humain. N’oublions jamais que nous sommes nous-mêmes constitués à 60 % d’eau. L’accès à l’eau et sa qualité sont donc indispensables à la vie.
Cette proposition de loi, dont nous saluons l’esprit, évoque dans l’exposé des motifs l’objectif n° 6 de développement durable proposé par les Nations unies, consacré à l’eau et à l’assainissement. Encore un tiers de l’humanité n’a pas accès à un assainissement convenable en matière d’eau, et la gestion durable de cette ressource n’est pour le moment pas assurée comme il le faudrait dans de nombreuses parties du monde.
En France, nous avons la chance d’avoir accès à une eau de bonne qualité au robinet grâce à des réseaux et des systèmes d’assainissement efficaces. Cependant, environ 1 % de la population n’est pas raccordée à un approvisionnement public en eau potable. Ce n’est pas acceptable.
Nous connaissons les sujets tels que le vieillissement des infrastructures dans certains de nos territoires, ou encore l’adaptation des réseaux à de nouveaux enjeux comme le changement climatique. Le directeur général de Suez rappelait il y a quelques jours que l’investissement dans l’eau et l’assainissement s’élevait à hauteur de 6, 5 milliards d’euros par an. Il a même ajouté que les besoins allaient nécessiter une multiplication par deux des investissements.
Une nouvelle fois, la crise que nous traversons a mis en exergue le caractère indispensable de l’hygiène et de l’accessibilité à l’eau potable. L’accès à l’eau et sa constante amélioration, notamment pour les personnes les plus vulnérables, sont des objectifs à atteindre sur l’ensemble du territoire. Le Sénat travaille de manière régulière sur le sujet.
Les discussions autour du texte en commission ont fait ressortir ce point. Encore récemment, lors de l’adoption de la loi Engagement et proximité, le système de tarification sociale de l’eau a été renforcé et étendu. Ainsi, il existe déjà des possibilités pour les collectivités territoriales de moduler les tarifs pour permettre un accès à l’eau et à l’assainissement pour le plus grand nombre. Nos élus locaux, fins connaisseurs de leurs territoires, endossent des responsabilités importantes sur ce sujet.
La gratuité des premiers volumes d’eau, qui est l’objet de l’article 3 de cette proposition de loi, fait partie des possibilités offertes aux territoires dans la gestion du prix de l’eau. Il est important sur ce sujet que les collectivités puissent mettre en place les outils qui sont le plus appropriés en fonction des besoins de leur population et des contraintes auxquelles elles doivent faire face.
Comme cela a déjà été souligné, les dispositions imaginées dans cette proposition de loi ne semblent pas répondre à la flexibilité requise ni aux avancées qui ont déjà eu lieu au niveau local.
Nous soutenons l’objectif d’un accès pour tous à l’eau potable de qualité, mais nous pensons que des outils existent et qu’il faut d’abord une bonne application des règles en vigueur. Il convient de laisser le temps et l’espace aux collectivités d’utiliser et de mettre en place les possibilités qui leur sont données afin d’améliorer l’accès à l’eau et à l’assainissement pour tous nos concitoyens, en fonction des spécificités locales.
Pour ces raisons, le groupe Les Indépendants s’abstiendra sur cette proposition de loi.
Applaudissements sur des travées du groupe CRCE. – M. Hervé Gillé applaudit également.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’accès à l’eau est un droit fondamental et élémentaire. L’eau est un bien commun qui ne peut être accaparé et dont l’accès doit être garanti à chacun et chacune. La question du droit à l’accès à l’eau pour toutes et tous est donc un enjeu essentiel, et nous souhaitons rappeler, avec le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, combien cette question mêle étroitement à la question écologique de préservation des ressources les enjeux de justice sociale et de santé publique.
L’eau est un patrimoine commun, mais aussi un patrimoine partagé, qui vient à manquer. Elle est également une ressource précieuse qu’il faut protéger. Seulement 44 % des eaux de surface étaient évaluées en bon ou très bon état en 2015.
La préservation et l’accès aux ressources en eau potable sont des questions écologiques cruciales, à l’heure où le dérèglement climatique et l’augmentation des catastrophes naturelles représentent un obstacle en plus qui privera les populations les plus vulnérables de cette ressource.
Dans le monde, ce sont près de 2, 2 milliards de personnes qui sont encore privées d’accès à l’eau, et plus de la moitié de la population mondiale n’a pas accès à un assainissement sûr.
La France n’échappe pas à cette problématique grave. On estime à environ 300 000 le nombre de personnes privées d’un accès à un réseau d’eau, à des toilettes et à des douches. Un million de ménages précaires sont dans la difficulté pour payer leur facture d’eau. Alors, où est le droit fondamental de l’accès à l’eau potable et à une hygiène de qualité ? Comment garantir un besoin aussi vital pour chacune et chacun ? C’est bien l’objet de cette proposition de loi que de combler cette inégalité, et nous remercions son auteure ainsi que l’ensemble du groupe CRCE.
La prise de conscience mondiale sur ce sujet est grandissante. Dix ans après l’ONU, qui proclamait que l’eau est un droit humain fondamental, l’Union européenne, en décembre 2020, a publié une directive qui vise à « améliorer l’accès aux eaux destinées à la consommation humaine » et qui contient l’obligation pour les États membres de mettre en œuvre le principe de l’eau potable pour tous. La directive dispose ainsi que « les États prennent les mesures nécessaires pour améliorer ou préserver l’accès de tous aux eaux destinées à la consommation humaine, en particulier des groupes vulnérables et marginalisés ».
Des mesures à la hauteur des ambitions de la directive doivent être prises dans le cadre de sa transposition. Cette proposition de loi pourrait en constituer un très bon commencement. La directive devra tôt ou tard être transposée en droit français. Alors, saisissons l’opportunité et permettons au Parlement de se positionner sur le texte et d’en dessiner les contours.
Prévoir dans le code de la santé publique que chacun doit avoir accès à l’eau potable et à l’assainissement, prévoir aussi la mise à disposition gratuite d’équipements au plus près des populations : autant de premiers pas vers la garantie concrète de ce droit.
Une aide préventive pour les ménages, afin que la facture d’eau ne dépasse pas 3 % de leurs ressources, est aussi de nature à répondre à l’esprit et aux objectifs de la directive. En effet, même si l’on salue les dispositifs sociaux mis en place en droit français ces dernières années, on ne peut que déplorer le fait que les aides soient conditionnées à l’existence de compteurs individuels et que le montant moyen des allocations reste dérisoire.
Par ailleurs, des craintes ont été exprimées sur les nouvelles charges que la gratuité des premiers mètres cubes et la mise à disposition des équipements pourraient induire pour les collectivités. Cependant, la mise en place de la gratuité va permettre de diminuer le nombre d’impayés d’eau et, donc, de décharger les centres communaux d’action sociale et les fonds de solidarité pour le logement. Les collectivités pourraient mettre à disposition les équipements sanitaires et de distribution d’eau dans des bâtiments publics ou appartenant à des associations subventionnées. Ils pourraient aussi être financés par une tarification sociale progressive de l’eau.
Le droit fondamental d’accès à l’eau doit être garanti pour toutes et tous, car il s’agit de la satisfaction de besoins élémentaires nécessaires à la bonne santé publique. Thomas Sankara disait : « Il faut choisir entre le champagne pour quelques-uns et l’eau potable pour tous ! » C’est vrai, me semble-t-il, et c’est l’un des enjeux majeurs de l’humanité pour les années à venir. On a parfois l’impression que les mots de « justice sociale », souvent prononcés ici, résonnent un peu dans le vide.
Pour garantir que chaque individu ait accès à ce bien commun de l’humanité, et au vu des enjeux renforcés par l’urgence écologique, il est nécessaire d’avancer contre l’accaparement des ressources en eau par des intérêts privés dans une logique de profit, au détriment de l’intérêt général. C’est pourquoi le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires soutiendra cette proposition de loi.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons une proposition de loi visant à garantir effectivement le droit à l’eau par la mise en place de la gratuité sur les premiers volumes d’eau potable et l’accès pour tous à l’eau pour les besoins nécessaires à la vie et à la dignité. Ce texte est discuté quelques semaines après la journée mondiale de l’eau, un événement qui nous a rappelé l’importance du défi que représente la préservation de ce bien essentiel et fondamental pour les années à venir.
L’eau, c’est la vie, et les enjeux sont considérables. Les dommages environnementaux, associés aux changements climatiques, sont à l’origine des crises liées à l’eau que nous observons dans le monde. Les inondations, la sécheresse et la pollution sont aggravées par la dégradation de la végétation, des sols, des rivières et des lacs.
L’objectif de développement durable n° 6 a été adopté par les États membres des Nations unies à l’horizon de 2030. Il a notamment pour cible de réduire de moitié la proportion d’eaux usées non traitées et d’augmenter considérablement le recyclage et la réutilisation. L’accès à l’eau potable et à l’assainissement est reconnu comme un droit de l’homme depuis 2010. Pourtant, près de 2, 2 milliards d’êtres humains n’ont toujours pas accès aujourd’hui à des services d’alimentation domestique en eau potable gérés en toute sécurité et près de 2, 6 millions meurent chaque année de maladies liées à l’eau, l’une des premières causes de mortalité au monde.
L’accès à l’eau et à l’assainissement est un enjeu social, environnemental, mais aussi économique. En France, depuis quinze ans, le cadre juridique a évolué. Il permet aux collectivités locales et à leurs établissements publics d’adapter leurs politiques tarifaires.
L’article 1er de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques de 2006 dispose que « l’usage de l’eau appartient à tous et chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d’accéder à l’eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous ».
En 2013, la loi Brottes a ouvert la possibilité pour les collectivités locales de mettre en œuvre l’expérimentation pour une tarification sociale de l’eau. Cette loi a d’ailleurs montré l’importance du principe de subsidiarité dans ce domaine.
La loi Engagement et proximité de 2019 a quant à elle introduit pour toutes les collectivités la possibilité de mettre en place les mesures sociales en faveur de l’accès à l’eau de leur choix. Toutes les collectivités ont donc déjà la faculté de mettre en place un éventail de mesures sans souffrir de l’ingérence de l’État.
Pourtant, selon l’OMS, en 2019, 1, 4 million de Français n’avaient pas d’accès à une eau « sanitairement sécurisée », 1 million de nos concitoyens consacraient plus de 3 % de leur budget mensuel à l’eau et 235 000 personnes étaient des « exclus de l’eau ».
Sur ce point, la directive européenne sur l’eau potable de décembre 2020 dispose que les États européens devront se doter « d’équipements intérieurs et extérieurs dans les espaces publics, […] d’une manière qui soit proportionnée à la nécessité de telles mesures et compte tenu des conditions locales spécifiques ». J’appelle de mes vœux une transposition rapide de cette directive.
Nous connaissons ici les réalités de la gestion locale. Si l’eau n’a pas de prix, elle a un coût… La loi NOTRe a accéléré les transferts des compétences « eau » et « assainissement » aux EPCI. Quels en sont les premiers enseignements ? Un litre sur cinq d’eau traitée et mise en distribution en France est perdu. C’est l’équivalent de la consommation de 18, 5 millions d’habitants. En cause, un sous-investissement important dans des réseaux de distribution vieillissants. Les transferts ont permis de disposer d’une meilleure connaissance des réseaux d’eau potable et d’assainissement collectif. Au rythme actuel des investissements, le renouvellement théorique s’établit à plus de cent cinquante ans, pour un budget annuel de 1, 5 milliard d’euros. C’est insuffisant !
Concrètement, la gestion passera par des moyens supplémentaires en gestion patrimoniale, en recherche de fuites, en réparation et renouvellement des conduites, ce qui affectera le prix de ces services. Avec le réchauffement climatique, plusieurs territoires sont exposés à des phénomènes de stress hydrique : l’eau est rare.
L’accès gratuit aux premiers mètres cubes d’eau et à l’assainissement est un exercice difficile. Je l’ai dit, les collectivités locales et leurs établissements ont toute latitude pour mettre en place une tarification différenciée, en proposant notamment les premiers mètres cubes, qu’on appelle souvent « l’eau vitale », à des tarifs très bas.
Pour y avoir travaillé sur ma communauté de communes du Pays des Abers, je vous assure que l’exercice tient de la quadrature du cercle. La compétence y est exercée en régie directe depuis 2018, pour un territoire d’un peu plus de 40 000 habitants. Nous avons mis en place une tarification très faible sur les premiers mètres cubes et des tarifs progressifs sur les mètres cubes suivants. Plus on consomme, plus le mètre cube coûte cher.
Comment concilier tarification sociale, équilibre économique et préservation de la ressource ? Toucher à l’un des paramètres provoque un déséquilibre global.
L’alimentation en eau potable et l’assainissement sont des compétences des collectivités territoriales, qu’elles gèrent selon le principe de libre administration. Faisons leur confiance et laissons-les gérer leurs services en fonction des réalités de leurs territoires. Il ne peut y avoir de réponse unique et centralisée à tant de situations particulières. Le principe de subsidiarité doit prévaloir.
Applaudissements sur des travées du groupe CRCE. – M. Hervé Gillé applaudit également.
Pour toutes ces raisons, mon groupe ne votera pas favorablement pour le texte.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons une proposition de loi visant à garantir effectivement le droit à l’eau par la mise en place de la gratuité sur les premiers volumes d’eau potable et l’accès pour tous à l’eau pour les besoins nécessaires à la vie et à la dignité. Ce texte est discuté quelques semaines après la journée mondiale de l’eau, un événement qui nous a rappelé l’importance du défi que représente la préservation de ce bien essentiel et fondamental pour les années à venir.
L’eau, c’est la vie, et les enjeux sont considérables. Les dommages environnementaux, associés aux changements climatiques, sont à l’origine des crises liées à l’eau que nous observons dans le monde. Les inondations, la sécheresse et la pollution sont aggravées par la dégradation de la végétation, des sols, des rivières et des lacs.
L’objectif de développement durable n° 6 a été adopté par les États membres des Nations unies à l’horizon de 2030. Il a notamment pour cible de réduire de moitié la proportion d’eaux usées non traitées et d’augmenter considérablement le recyclage et la réutilisation. L’accès à l’eau potable et à l’assainissement est reconnu comme un droit de l’homme depuis 2010. Pourtant, près de 2, 2 milliards d’êtres humains n’ont toujours pas accès aujourd’hui à des services d’alimentation domestique en eau potable gérés en toute sécurité et près de 2, 6 millions meurent chaque année de maladies liées à l’eau, l’une des premières causes de mortalité au monde.
L’accès à l’eau et à l’assainissement est un enjeu social, environnemental, mais aussi économique. En France, depuis quinze ans, le cadre juridique a évolué. Il permet aux collectivités locales et à leurs établissements publics d’adapter leurs politiques tarifaires.
L’article 1er de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques de 2006 dispose que « l’usage de l’eau appartient à tous et chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d’accéder à l’eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous ».
En 2013, la loi Brottes a ouvert la possibilité pour les collectivités locales de mettre en œuvre l’expérimentation pour une tarification sociale de l’eau. Cette loi a d’ailleurs montré l’importance du principe de subsidiarité dans ce domaine.
La loi Engagement et proximité de 2019 a quant à elle introduit pour toutes les collectivités la possibilité de mettre en place les mesures sociales en faveur de l’accès à l’eau de leur choix. Toutes les collectivités ont donc déjà la faculté de mettre en place un éventail de mesures sans souffrir de l’ingérence de l’État.
Pourtant, selon l’OMS, en 2019, 1, 4 million de Français n’avaient pas d’accès à une eau « sanitairement sécurisée », 1 million de nos concitoyens consacraient plus de 3 % de leur budget mensuel à l’eau et 235 000 personnes étaient des « exclus de l’eau ».
Sur ce point, la directive européenne sur l’eau potable de décembre 2020 dispose que les États européens devront se doter « d’équipements intérieurs et extérieurs dans les espaces publics, […] d’une manière qui soit proportionnée à la nécessité de telles mesures et compte tenu des conditions locales spécifiques ». J’appelle de mes vœux une transposition rapide de cette directive.
Nous connaissons ici les réalités de la gestion locale. Si l’eau n’a pas de prix, elle a un coût… La loi NOTRe a accéléré les transferts des compétences « eau » et « assainissement » aux EPCI. Quels en sont les premiers enseignements ? Un litre sur cinq d’eau traitée et mise en distribution en France est perdu. C’est l’équivalent de la consommation de 18, 5 millions d’habitants. En cause, un sous-investissement important dans des réseaux de distribution vieillissants. Les transferts ont permis de disposer d’une meilleure connaissance des réseaux d’eau potable et d’assainissement collectif. Au rythme actuel des investissements, le renouvellement théorique s’établit à plus de cent cinquante ans, pour un budget annuel de 1, 5 milliard d’euros. C’est insuffisant !
Concrètement, la gestion passera par des moyens supplémentaires en gestion patrimoniale, en recherche de fuites, en réparation et renouvellement des conduites, ce qui affectera le prix de ces services. Avec le réchauffement climatique, plusieurs territoires sont exposés à des phénomènes de stress hydrique : l’eau est rare.
L’accès gratuit aux premiers mètres cubes d’eau et à l’assainissement est un exercice difficile. Je l’ai dit, les collectivités locales et leurs établissements ont toute latitude pour mettre en place une tarification différenciée, en proposant notamment les premiers mètres cubes, qu’on appelle souvent « l’eau vitale », à des tarifs très bas.
Pour y avoir travaillé sur ma communauté de communes du Pays des Abers, je vous assure que l’exercice tient de la quadrature du cercle. La compétence y est exercée en régie directe depuis 2018, pour un territoire d’un peu plus de 40 000 habitants. Nous avons mis en place une tarification très faible sur les premiers mètres cubes et des tarifs progressifs sur les mètres cubes suivants. Plus on consomme, plus le mètre cube coûte cher.
Comment concilier tarification sociale, équilibre économique et préservation de la ressource ? Toucher à l’un des paramètres provoque un déséquilibre global.
L’alimentation en eau potable et l’assainissement sont des compétences des collectivités territoriales, qu’elles gèrent selon le principe de libre administration. Faisons leur confiance et laissons-les gérer leurs services en fonction des réalités de leurs territoires. Il ne peut y avoir de réponse unique et centralisée à tant de situations particulières. Le principe de subsidiarité doit prévaloir.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le droit d’accéder à l’eau potable est inscrit dans la résolution de l’assemblée générale de l’Organisation des Nations unies du 28 juillet 2010 comme un droit fondamental « essentiel à la pleine jouissance de la vie et à l’exercice de tous les droits de l’homme ». Chaque être humain a droit à un approvisionnement en eau potable suffisant pour vivre dans la dignité, à un coût abordable pour les usages personnels et domestiques.
Ne laisser personne de côté, c’est l’esprit du texte examiné aujourd’hui. Son article 2 vise à instaurer un nouvel article dans le code de la santé publique, selon lequel les collectivités territoriales ou les établissements publics de coopération intercommunale prennent les mesures pour satisfaire gratuitement les besoins élémentaires en eau potable et en assainissement des personnes qui ne disposent pas d’un raccordement au réseau. Ces collectivités sont également tenues d’installer et d’entretenir des équipements de distribution gratuite d’eau potable, des douches gratuites pour celles de plus de 15 000 habitants, ou encore des toilettes publiques gratuites pour les communes de plus de 3 500 habitants.
Le droit à l’eau est déjà inscrit dans notre droit positif, à l’article L. 210-1 du code de l’environnement. La loi Brottes, en 2013, a interdit les coupures d’eau pour les résidences principales en cas de non-paiement des factures, ou encore la réduction du débit d’eau. Toutefois, au quotidien, force est de constater qu’il y a un fossé entre les principes et la réalité, et près de 1 million de Français rencontrent des difficultés à payer leur facture d’eau.
Dans le passé, plusieurs propositions de loi ont tenté, sans succès, de garantir ce droit à l’eau. Celle que nous examinons prévoit la gratuité des premiers mètres cubes et me replonge plusieurs années en arrière. Jeune maire élu à Péret, en 1983, la tarification forfaitaire et bon marché comprenait l’abonnement et cinquante mètres cubes, complétée par une facturation complémentaire pour la consommation au-delà de ce volume. Cette facturation étant par la suite devenue illégale, j’ai dû me résoudre à appliquer une tarification à la consommation dès les premiers mètres cubes, mais également à augmenter le prix de l’eau, car on m’a imposé l’équilibre financier du service.
Aujourd’hui, nous n’avons pas beaucoup progressé à force de politiques de gribouille dans ce domaine, un pas en avant, deux pas en arrière. De très fortes inégalités territoriales persistent, quel que soit le mode de gestion choisi – en régie municipale ou par une société privée en délégation de service public –, et 235 000 Français sont privés d’un accès permanent à l’eau.
Une étude sur le prix de l’eau, publiée en 2018 par UFC-Que Choisir, a passé au crible 1 000 factures de collectivités territoriales représentatives, y compris en zone rurale. Elle révèle des écarts énormes, traduisant parfois des réalités géographiques, mais aussi des dérives en matière de gouvernance de la gestion de l’eau.
Cette question est préoccupante, même si de nombreux services de l’eau sont exemplaires. Les Français ne sont pas égaux face au prix du mètre cube d’eau, qui varie entre 2, 68 et 8, 46 euros. Ce grand écart frappe aussi la région Sud-Ouest, où la fourchette va de 2, 94 à 7, 07 euros. Parfois, le prix du mètre cube peut atteindre celui d’une bouteille de vin !
Ce prix du mètre cube n’est pas le seul facteur à prendre en compte. L’accès à l’eau comporte des coûts d’abonnement, de remboursement d’emprunts, de location de compteur ou encore de télérelevé. Ce service est aujourd’hui défini comme un service public industriel et commercial, avec un équilibre financier obligatoire.
On peut souhaiter qu’un jour l’eau soit considérée à l’échelle internationale comme un bien pour tous, et non comme un service industriel et commercial. Il n’empêche qu’il n’y a pas d’eau gratuite, quel que soit le mode de distribution choisi. La proposition de loi prévoit d’ailleurs, à son article 4, de compenser ce coût. Si l’usager ne paie pas, c’est le contribuable qui devra payer, à moins de mettre des bassines sur les terrasses et dans les jardins pour récupérer l’eau de pluie.
Nous avons besoin de rationaliser la gouvernance du secteur et de choisir clairement une politique sociale de l’eau ambitieuse et lisible à long terme, sans oublier le contrôle et l’évaluation, absolument indispensables.
C’est pourquoi, même si les membres du groupe du RDSE soutiennent les intentions louables de ses auteurs, ils ne voteront pas la présente proposition de loi.
Pour toutes ces raisons, mon groupe ne votera pas favorablement pour le texte.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte que nous examinons se propose de rendre effectif le « droit à l’eau » par la mise en œuvre de deux mesures concrètes : premièrement, l’installation dans l’espace public par les communes et les EPCI compétents de fontaines, douches et sanitaires à disposition du public ; deuxièmement, l’instauration de la gratuité des premiers mètres cubes d’eau consommés par les ménages.
Le but visé par ce présent texte est tout à fait légitime : l’accès à l’eau, et à une eau de qualité, nécessaire à l’hydratation et à l’hygiène, doit en effet être considéré comme primordial. Il en va de même du droit à l’assainissement. Ce droit a été reconnu par plusieurs textes de droit international et européen. Récemment encore, une directive européenne du 16 décembre 2020 a affirmé le droit de tous à l’eau potable, fixé de nouvelles exigences de qualité et prévu également des mesures d’information du public sur l’eau qu’il consomme.
En France, le législateur a consacré dans la loi du 30 décembre 2006 « le droit d’accéder à l’eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous ».
Pour rendre ce droit effectif, des mesures destinées aux ménages ayant du mal à régler leurs factures d’eau ont été mises en place.
Premièrement, la loi du 7 février 2011 permet aux collectivités et EPCI compétents de verser des subventions au Fonds de solidarité pour le logement afin de financer des aides versées en cas de cumul d’impayés. Par ailleurs, les impayés ne donnent plus lieu à une coupure d’eau, comme cela était le cas auparavant.
Deuxièmement, le législateur a introduit en 2013 la possibilité pour des collectivités de mettre en place une tarification sociale de l’eau à titre expérimental.
Enfin, la loi Engagement et proximité de 2019 a élargi cette faculté à l’ensemble des collectivités. La tarification sociale inscrite par le législateur dans le code général des collectivités territoriales – il faut le souligner – offre beaucoup de latitude aux conseils municipaux et communautaires en ce qui concerne les modalités d’application. Les élus locaux peuvent choisir entre des tarifs tenant compte de la composition ou des revenus du foyer, l’attribution d’une aide au paiement des factures d’eau ou encore une aide à l’accès à l’eau.
On constate que l’instauration d’une aide préventive réclamée par le présent texte est déjà possible pour les collectivités qui le souhaitent. Par exception, la tarification sociale peut-être financée sur le budget général, à condition de ne pas dépasser 2 % du budget spécialisé « eau ».
Une proposition de loi semblable dans ses objectifs à celle que nous examinons aujourd’hui avait été votée par les députés en 2016, mais elle n’avait pas convaincu les sénateurs. Hélas, à l’instar de la proposition de loi de 2016, le texte que nous examinons présente à notre avis d’importants défauts.
En ce qui concerne la gratuité de l’eau potable nécessaire aux besoins élémentaires prévue par l’article 1er, plusieurs questions se posent.
Premièrement, quelle serait l’articulation de cette gratuité avec la tarification sociale inscrite dans la loi et déjà mise en place dans de nombreuses communes ? La présente proposition de loi ne mentionne ni ces aides existantes ni leur articulation avec la gratuité qu’elle prévoit d’instaurer. La superposition de ces deux dispositifs d’aide ne nous paraît ni d’une grande efficacité ni d’une grande lisibilité pour nos concitoyens.
Deuxièmement, se pose la question du financement. L’eau et l’assainissement doivent faire l’objet de budgets annexes, « étanches » – si j’ose dire – par rapport au budget général des collectivités et de leurs EPCI, sauf exception, comme celle qui est prévue par la loi Engagement et proximité que j’ai évoquée. L’absence d’étude d’impact ainsi que l’imprécision quant à la quantité d’eau concernée ne permettent pas d’avoir une idée précise du manque à gagner que les gestionnaires de service public d’eau devront combler.
De plus, la dotation globale de fonctionnement ne peut abonder ces budgets « eau » et « assainissement ». Dès lors, quoi qu’en dise l’article 4 du présent texte, il ne fait guère de doute que la gratuité instaurée créera un manque à gagner que les collectivités gestionnaires devront compenser par une augmentation de la facture d’eau des usagers.
J’en viens à la deuxième mesure proposée dans ce texte. L’article 2 prévoit la création de toilettes publiques gratuites dans les communes de plus de 3 500 habitants et de douches gratuites dans les communes de plus de 15 000 habitants. Le financement de ces installations repose sur les municipalités et les EPCI compétents.
Je déplore l’absence d’information, tant sur le nombre actuel de ces installations dans les communes concernées que sur les besoins estimés des populations pour ce genre d’infrastructures. Il est ainsi difficile d’évaluer l’effort financier à réaliser. Au fond, ne serait-il pas préférable de faire confiance à l’échelon local pour satisfaire les besoins de sa population en eau dans l’espace public ?
Dans la commune de 1 000 habitants dont j’ai eu l’honneur d’être maire, nous avons déjà des toilettes publiques gratuites et accessibles aux handicapés. Je connais de nombreuses communes d’une taille inférieure au seuil retenu par la présente proposition de loi qui ont fait de même sans qu’il soit besoin de légiférer.
Comme l’avait fait le groupe Union Centriste lors de l’examen du présent texte en 2017, je déplore que les outre-mer, où la question de l’eau et de l’assainissement est si différente de la métropole, ne bénéficient pas d’un régime adapté à leurs spécificités dans le présent texte. Autre regret : l’absence de mesures d’information et de sensibilisation à destination du public, notamment des plus jeunes, autour de l’eau et de l’assainissement.
Mes chers collègues, du fait des raisons que j’ai évoquées précédemment, le groupe Union Centriste ne votera pas ce texte. Nous estimons que la législation actuelle assure en grande partie l’effectivité du droit à l’eau de l’ensemble de nos concitoyens et présente de plus l’avantage de laisser aux élus locaux une liberté de choix bienvenue quant aux modalités d’application de la tarification sociale de l’eau.
Des améliorations devront sans doute être envisagées. Il faudrait en premier lieu pouvoir dénombrer mieux que ce n’est le cas aujourd’hui celles et ceux qui ont des difficultés à accéder à l’eau potable et connaître avec plus de précision leurs besoins en eau, tant dans l’espace public que privé. Reste que l’ajout d’un mécanisme préventif supplémentaire, incertain quant à ses conséquences, particulièrement rigide et uniforme dans son application, et qui conduirait inéluctablement à créer un manque à gagner pour les collectivités gestionnaires, ne nous semble pas souhaitable.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le droit d’accéder à l’eau potable est inscrit dans la résolution de l’assemblée générale de l’Organisation des Nations unies du 28 juillet 2010 comme un droit fondamental « essentiel à la pleine jouissance de la vie et à l’exercice de tous les droits de l’homme ». Chaque être humain a droit à un approvisionnement en eau potable suffisant pour vivre dans la dignité, à un coût abordable pour les usages personnels et domestiques.
Ne laisser personne de côté, c’est l’esprit du texte examiné aujourd’hui. Son article 2 vise à instaurer un nouvel article dans le code de la santé publique, selon lequel les collectivités territoriales ou les établissements publics de coopération intercommunale prennent les mesures pour satisfaire gratuitement les besoins élémentaires en eau potable et en assainissement des personnes qui ne disposent pas d’un raccordement au réseau. Ces collectivités sont également tenues d’installer et d’entretenir des équipements de distribution gratuite d’eau potable, des douches gratuites pour celles de plus de 15 000 habitants, ou encore des toilettes publiques gratuites pour les communes de plus de 3 500 habitants.
Le droit à l’eau est déjà inscrit dans notre droit positif, à l’article L. 210-1 du code de l’environnement. La loi Brottes, en 2013, a interdit les coupures d’eau pour les résidences principales en cas de non-paiement des factures, ou encore la réduction du débit d’eau. Toutefois, au quotidien, force est de constater qu’il y a un fossé entre les principes et la réalité, et près de 1 million de Français rencontrent des difficultés à payer leur facture d’eau.
Dans le passé, plusieurs propositions de loi ont tenté, sans succès, de garantir ce droit à l’eau. Celle que nous examinons prévoit la gratuité des premiers mètres cubes et me replonge plusieurs années en arrière. Jeune maire élu à Péret, en 1983, la tarification forfaitaire et bon marché comprenait l’abonnement et cinquante mètres cubes, complétée par une facturation complémentaire pour la consommation au-delà de ce volume. Cette facturation étant par la suite devenue illégale, j’ai dû me résoudre à appliquer une tarification à la consommation dès les premiers mètres cubes, mais également à augmenter le prix de l’eau, car on m’a imposé l’équilibre financier du service.
Aujourd’hui, nous n’avons pas beaucoup progressé à force de politiques de gribouille dans ce domaine, un pas en avant, deux pas en arrière. De très fortes inégalités territoriales persistent, quel que soit le mode de gestion choisi – en régie municipale ou par une société privée en délégation de service public –, et 235 000 Français sont privés d’un accès permanent à l’eau.
Une étude sur le prix de l’eau, publiée en 2018 par UFC-Que Choisir, a passé au crible 1 000 factures de collectivités territoriales représentatives, y compris en zone rurale. Elle révèle des écarts énormes, traduisant parfois des réalités géographiques, mais aussi des dérives en matière de gouvernance de la gestion de l’eau.
Cette question est préoccupante, même si de nombreux services de l’eau sont exemplaires. Les Français ne sont pas égaux face au prix du mètre cube d’eau, qui varie entre 2, 68 et 8, 46 euros. Ce grand écart frappe aussi la région Sud-Ouest, où la fourchette va de 2, 94 à 7, 07 euros. Parfois, le prix du mètre cube peut atteindre celui d’une bouteille de vin !
Ce prix du mètre cube n’est pas le seul facteur à prendre en compte. L’accès à l’eau comporte des coûts d’abonnement, de remboursement d’emprunts, de location de compteur ou encore de télérelevé. Ce service est aujourd’hui défini comme un service public industriel et commercial, avec un équilibre financier obligatoire.
On peut souhaiter qu’un jour l’eau soit considérée à l’échelle internationale comme un bien pour tous, et non comme un service industriel et commercial. Il n’empêche qu’il n’y a pas d’eau gratuite, quel que soit le mode de distribution choisi. La proposition de loi prévoit d’ailleurs, à son article 4, de compenser ce coût. Si l’usager ne paie pas, c’est le contribuable qui devra payer, à moins de mettre des bassines sur les terrasses et dans les jardins pour récupérer l’eau de pluie.
Nous avons besoin de rationaliser la gouvernance du secteur et de choisir clairement une politique sociale de l’eau ambitieuse et lisible à long terme, sans oublier le contrôle et l’évaluation, absolument indispensables.
C’est pourquoi, même si les membres du groupe du RDSE soutiennent les intentions louables de ses auteurs, ils ne voteront pas la présente proposition de loi.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie Marie-Claude Varaillas et les membres du groupe CRCE de cette proposition de loi, qui nous permet de porter à nouveau dans l’hémicycle la question du droit à l’eau, un droit essentiel quant à l’évolution duquel nous restons, en France, bien timides.
Le droit à l’eau pour tous : posons enfin ce principe universel ! Le texte que nous examinons affirme un droit à l’eau potable et à l’assainissement pour chacun, c’est-à-dire le droit de disposer d’une quantité d’eau qui, chaque jour, permette de répondre aux besoins élémentaires et d’accéder à des équipements pour assurer le minimum d’hygiène et de dignité d’un être humain. Car c’est bien de notre humanité qu’il est question et d’un bien collectif, d’un bien commun indispensable à la vie.
Ce texte prévoit également l’obligation, pour les collectivités territoriales et établissements publics de coopération intercommunale, d’assurer l’installation et l’entretien d’équipements permettant la distribution d’eau potable, ainsi que de toilettes et de douches publiques d’accès gratuit en fonction de certains seuils démographiques.
Il fixe enfin la gratuité d’un volume d’eau potable minimum pour l’alimentation et l’hygiène de chaque individu.
Une proposition de loi socialiste visant les mêmes grands principes et soutenue par plusieurs groupes de gauche et du centre avait été examinée dans le cadre d’une niche du groupe écologiste en février 2017. Démantelée article par article par la majorité sénatoriale de l’époque, qui y était opposée, elle n’avait pu aboutir.
Pourtant, depuis 1992, la loi reconnaît la ressource en eau comme faisant partie du patrimoine commun de la Nation. La loi Brottes du 15 avril 2013 a permis l’expérimentation d’une tarification sociale de l’eau pour cinq ans, ouvrant la voie à la définition de tarifs adaptés aux difficultés de certains foyers. Elle prévoyait notamment l’attribution d’aides au paiement des factures d’eau ou d’une aide à l’accès à l’eau. En avril 2018, nos collègues Monique Lubin et Éric Kerrouche déposaient une proposition de loi visant à proroger cette expérimentation.
Nous constatons toutefois que peu de syndicats des eaux ont totalement mis en œuvre le dispositif. Le système de prise en charge de ces besoins en eau pour les individus et les familles en situation de précarité reste complexe et montre ses limites.
Envisager la gratuité de la ressource en eau encadrée par la loi est donc une solution qui pourrait se révéler moins onéreuse que le coût du traitement social actuel. Je vous invite à y réfléchir, mes chers collègues.
Malgré ces dispositions législatives, auxquelles s’ajoute l’interdiction des coupures d’eau et de réduction du débit, le droit à l’eau n’est pas effectivement garanti et ne parvient pas à être consacré pleinement dans notre pays. C’est pourtant avec le soutien de la France qu’il y a plus de dix ans, en juillet 2010, l’assemblée générale des Nations unies adoptait une résolution reconnaissant le droit à l’eau potable et à l’assainissement comme un droit fondamental essentiel à la pleine jouissance de la vie et à l’exercice de tous les droits de l’homme. Certains pays, comme l’Uruguay et la Slovénie, l’ont déjà introduit dans leur Constitution.
Depuis, la Cour de justice de l’Union européenne a considéré que l’accès à l’eau potable est un enjeu majeur en termes de santé, de développement et d’environnement. N’oublions pas que ce droit compte parmi les dix-sept objectifs 2030 de développement durable adoptés par les États membres des Nations unies.
De nombreuses associations, organisations humanitaires, caritatives et environnementales nous interpellent depuis de nombreuses années. La fondation France Libertés et la Coalition Eau en sont les fers de lance.
Dans le monde, 2, 2 milliards d’êtres humains ne disposent pas d’accès sécurisé à l’eau potable et 4, 2 milliards à l’assainissement. Plus de 2, 6 millions de personnes, dont une majorité d’enfants en bas âge, meurent chaque année de maladies liées à la consommation d’une eau impropre.
Dans notre pays, nous avons la chance de disposer d’un système de traitement et d’assainissement de l’eau qui permet à 99 % de nos compatriotes de bénéficier d’un accès à l’eau potable. En 2019, l’OMS estimait pourtant que, en métropole, 1, 4 million de Français ne disposaient pas d’un accès direct et sécurisé à l’eau potable.
Par ailleurs, un rapport de la Fondation Abbé-Pierre sur le mal-logement estime à 143 000 le nombre de personnes sans domicile fixe vivant dans des abris ou des bidonvilles, à environ 208 000 celui de gens du voyage mal logés et à 24 000 celui de personnes hébergées dans des foyers de migrants : autant d’individus concernés par la pauvreté en eau. De plus, 1 million de familles ne sont pas en capacité de régler leur facture d’eau.
Nous ne pouvons ignorer ces chiffres. L’accès à l’eau pour des populations déjà fragilisées et souvent fortement marginalisées est vital, humainement mais aussi socialement. Quelle insertion sociale, scolaire et professionnelle est possible pour ces personnes si ce droit fondamental n’est pas respecté par notre République ? C’est une simple question de dignité et d’égalité.
La crise sanitaire actuelle met en lumière l’importance vitale de l’hygiène pour prévenir et endiguer les maladies. Les autorités recommandent de manière répétée de se laver les mains. Comment répondre à cette exigence quand on est privé d’accès à l’eau ? Garantir à tous un droit à l’eau dans ce contexte, n’est-ce pas aussi nous protéger tous ?
Ceux qui s’opposent à la gratuité de l’eau, vitale et enjeu de santé publique, s’opposeraient-ils aussi à la gratuité des vaccins ? La covid-19 a bousculé nos habitudes, mais aussi nos schémas de gestion des finances publiques et des ressources pour envisager une solidarité, un partage comme cela ne s’était pas produit dans notre pays depuis plusieurs décennies.
L’eau en partage, l’eau accessible à tous, doit être posée comme un principe fondateur et indiscutable de notre vivre ensemble. C’est une ressource vitale, à présent cotée en bourse, sans cesse menacée de financiarisation et objet de spéculations sur un marché qui nie la priorité des besoins humains et ignore la valeur de l’eau pour en fixer le prix : un paradoxe dangereux. « L’eau pour la vie, pas pour le profit », affirmait une tribune publiée dans Libération par 550 organisations et collectifs de la société civile à l’occasion de la journée mondiale de l’eau organisée le 22 mars dernier.
Les enjeux sont majeurs, comme l’illustre le récent et titanesque affrontement Suez-Veolia. Dans la perspective plus globale du réchauffement climatique et des enjeux de développement durable, défendre le principe d’un droit à l’eau est incontournable. Laisserons-nous au marché la gestion et la répartition de l’eau ? Protégeons donc ce bien commun !
Les solutions existent. Affirmer le droit à l’eau potable et à l’assainissement et assurer la mise à disposition d’équipements sanitaires et de distribution d’eau répond aux besoins essentiels d’une population que l’on peut dénombrer. Sur ce fondement, nous le savons, la dépense est acceptable. Contenue et encadrée, elle ne fragiliserait pas les équilibres de gestion de nos collectivités, qu’il faut accompagner.
Il serait envisageable de rendre ce dispositif plus lisible et de permettre aux gestionnaires de l’intégrer dans leur modèle économique, en inscrivant dans la loi ce volume d’eau gratuit afin d’en limiter le coût potentiel et d’agir en respect des règles de recevabilité financière existantes.
Les associations et organisations militantes estiment la quantité d’eau nécessaire à cinq mètres cubes par an pour les besoins vitaux et à quinze mètres cubes pour les besoins élémentaires. Le calcul est donc simple : le mètre cube coûtant 4 euros en moyenne, le financement de quinze mètres cubes représenterait une dépense annuelle de 60 euros. On peut donc prévoir.
La répartition du surcoût se fera à partir de seize mètres cubes et au-delà. Les plus précaires, moins consommateurs, bénéficieraient ainsi de la gratuité de l’eau qui leur est indispensable, tandis que les foyers plus favorisés et aussi plus consommateurs assumeraient collectivement et de façon raisonnablement répartie le coût de cette solidarité. Plus on consomme, plus on paye : dans le contexte actuel, ce principe paraît vertueux. J’ajoute que les gains d’efficacité des réseaux pour éviter les pertes permettraient largement de compenser la gratuité des premiers mètres cubes.
Non, la gratuité n’ouvre pas nécessairement la voie aux abus et à l’augmentation de la consommation. La gratuité des premiers mètres cubes ne menace en aucun cas les compétences des collectivités territoriales en matière d’assainissement collectif et non collectif et n’ouvre pas la voie à la multiplication des installations illégales.
Il faut faire confiance à la population, mais aussi aux collectivités pour instaurer et gérer cet accès à l’eau tout en leur en donnant les moyens. Les accompagner constituerait sans aucun doute un acte politique fort, affirmant le droit à l’eau pour tous, principe de portée universelle lié aux droits humains.
Si nous en avons la volonté, ce principe encadré deviendra un outil précieux pour nos élus locaux confrontés à des situations parfois inextricables aux plans humain et sanitaire face à ceux qui sont privés d’eau. Peut-on accepter que la France, sixième puissance mondiale en 2021, refuse ce droit essentiel aux plus précaires sur le territoire des droits de l’homme ? Il est temps de traduire dans la loi les engagements nationaux et internationaux de notre pays pour le respect des droits fondamentaux de la dignité humaine et de la santé publique et de prendre nos responsabilités pour protéger une ressource essentielle à la vie.
Soutenir cette proposition de loi, c’est affirmer le principe universel du droit à l’eau pour tous, autrement dit, du bien commun. Alors, passons à l’acte ! Ce droit nous concerne tous. Nous voterons cette proposition de loi.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte que nous examinons se propose de rendre effectif le « droit à l’eau » par la mise en œuvre de deux mesures concrètes : premièrement, l’installation dans l’espace public par les communes et les EPCI compétents de fontaines, douches et sanitaires à disposition du public ; deuxièmement, l’instauration de la gratuité des premiers mètres cubes d’eau consommés par les ménages.
Le but visé par ce présent texte est tout à fait légitime : l’accès à l’eau, et à une eau de qualité, nécessaire à l’hydratation et à l’hygiène, doit en effet être considéré comme primordial. Il en va de même du droit à l’assainissement. Ce droit a été reconnu par plusieurs textes de droit international et européen. Récemment encore, une directive européenne du 16 décembre 2020 a affirmé le droit de tous à l’eau potable, fixé de nouvelles exigences de qualité et prévu également des mesures d’information du public sur l’eau qu’il consomme.
En France, le législateur a consacré dans la loi du 30 décembre 2006 « le droit d’accéder à l’eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous ».
Pour rendre ce droit effectif, des mesures destinées aux ménages ayant du mal à régler leurs factures d’eau ont été mises en place.
Premièrement, la loi du 7 février 2011 permet aux collectivités et EPCI compétents de verser des subventions au Fonds de solidarité pour le logement afin de financer des aides versées en cas de cumul d’impayés. Par ailleurs, les impayés ne donnent plus lieu à une coupure d’eau, comme cela était le cas auparavant.
Deuxièmement, le législateur a introduit en 2013 la possibilité pour des collectivités de mettre en place une tarification sociale de l’eau à titre expérimental.
Enfin, la loi Engagement et proximité de 2019 a élargi cette faculté à l’ensemble des collectivités. La tarification sociale inscrite par le législateur dans le code général des collectivités territoriales – il faut le souligner – offre beaucoup de latitude aux conseils municipaux et communautaires en ce qui concerne les modalités d’application. Les élus locaux peuvent choisir entre des tarifs tenant compte de la composition ou des revenus du foyer, l’attribution d’une aide au paiement des factures d’eau ou encore une aide à l’accès à l’eau.
On constate que l’instauration d’une aide préventive réclamée par le présent texte est déjà possible pour les collectivités qui le souhaitent. Par exception, la tarification sociale peut-être financée sur le budget général, à condition de ne pas dépasser 2 % du budget spécialisé « eau ».
Une proposition de loi semblable dans ses objectifs à celle que nous examinons aujourd’hui avait été votée par les députés en 2016, mais elle n’avait pas convaincu les sénateurs. Hélas, à l’instar de la proposition de loi de 2016, le texte que nous examinons présente à notre avis d’importants défauts.
En ce qui concerne la gratuité de l’eau potable nécessaire aux besoins élémentaires prévue par l’article 1er, plusieurs questions se posent.
Premièrement, quelle serait l’articulation de cette gratuité avec la tarification sociale inscrite dans la loi et déjà mise en place dans de nombreuses communes ? La présente proposition de loi ne mentionne ni ces aides existantes ni leur articulation avec la gratuité qu’elle prévoit d’instaurer. La superposition de ces deux dispositifs d’aide ne nous paraît ni d’une grande efficacité ni d’une grande lisibilité pour nos concitoyens.
Deuxièmement, se pose la question du financement. L’eau et l’assainissement doivent faire l’objet de budgets annexes, « étanches » – si j’ose dire – par rapport au budget général des collectivités et de leurs EPCI, sauf exception, comme celle qui est prévue par la loi Engagement et proximité que j’ai évoquée. L’absence d’étude d’impact ainsi que l’imprécision quant à la quantité d’eau concernée ne permettent pas d’avoir une idée précise du manque à gagner que les gestionnaires de service public d’eau devront combler.
De plus, la dotation globale de fonctionnement ne peut abonder ces budgets « eau » et « assainissement ». Dès lors, quoi qu’en dise l’article 4 du présent texte, il ne fait guère de doute que la gratuité instaurée créera un manque à gagner que les collectivités gestionnaires devront compenser par une augmentation de la facture d’eau des usagers.
J’en viens à la deuxième mesure proposée dans ce texte. L’article 2 prévoit la création de toilettes publiques gratuites dans les communes de plus de 3 500 habitants et de douches gratuites dans les communes de plus de 15 000 habitants. Le financement de ces installations repose sur les municipalités et les EPCI compétents.
Je déplore l’absence d’information, tant sur le nombre actuel de ces installations dans les communes concernées que sur les besoins estimés des populations pour ce genre d’infrastructures. Il est ainsi difficile d’évaluer l’effort financier à réaliser. Au fond, ne serait-il pas préférable de faire confiance à l’échelon local pour satisfaire les besoins de sa population en eau dans l’espace public ?
Dans la commune de 1 000 habitants dont j’ai eu l’honneur d’être maire, nous avons déjà des toilettes publiques gratuites et accessibles aux handicapés. Je connais de nombreuses communes d’une taille inférieure au seuil retenu par la présente proposition de loi qui ont fait de même sans qu’il soit besoin de légiférer.
Comme l’avait fait le groupe Union Centriste lors de l’examen du présent texte en 2017, je déplore que les outre-mer, où la question de l’eau et de l’assainissement est si différente de la métropole, ne bénéficient pas d’un régime adapté à leurs spécificités dans le présent texte. Autre regret : l’absence de mesures d’information et de sensibilisation à destination du public, notamment des plus jeunes, autour de l’eau et de l’assainissement.
Mes chers collègues, du fait des raisons que j’ai évoquées précédemment, le groupe Union Centriste ne votera pas ce texte. Nous estimons que la législation actuelle assure en grande partie l’effectivité du droit à l’eau de l’ensemble de nos concitoyens et présente de plus l’avantage de laisser aux élus locaux une liberté de choix bienvenue quant aux modalités d’application de la tarification sociale de l’eau.
Des améliorations devront sans doute être envisagées. Il faudrait en premier lieu pouvoir dénombrer mieux que ce n’est le cas aujourd’hui celles et ceux qui ont des difficultés à accéder à l’eau potable et connaître avec plus de précision leurs besoins en eau, tant dans l’espace public que privé. Reste que l’ajout d’un mécanisme préventif supplémentaire, incertain quant à ses conséquences, particulièrement rigide et uniforme dans son application, et qui conduirait inéluctablement à créer un manque à gagner pour les collectivités gestionnaires, ne nous semble pas souhaitable.
Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie Marie-Claude Varaillas et les membres du groupe CRCE de cette proposition de loi, qui nous permet de porter à nouveau dans l’hémicycle la question du droit à l’eau, un droit essentiel quant à l’évolution duquel nous restons, en France, bien timides.
Le droit à l’eau pour tous : posons enfin ce principe universel ! Le texte que nous examinons affirme un droit à l’eau potable et à l’assainissement pour chacun, c’est-à-dire le droit de disposer d’une quantité d’eau qui, chaque jour, permette de répondre aux besoins élémentaires et d’accéder à des équipements pour assurer le minimum d’hygiène et de dignité d’un être humain. Car c’est bien de notre humanité qu’il est question et d’un bien collectif, d’un bien commun indispensable à la vie.
Ce texte prévoit également l’obligation, pour les collectivités territoriales et établissements publics de coopération intercommunale, d’assurer l’installation et l’entretien d’équipements permettant la distribution d’eau potable, ainsi que de toilettes et de douches publiques d’accès gratuit en fonction de certains seuils démographiques.
Il fixe enfin la gratuité d’un volume d’eau potable minimum pour l’alimentation et l’hygiène de chaque individu.
Une proposition de loi socialiste visant les mêmes grands principes et soutenue par plusieurs groupes de gauche et du centre avait été examinée dans le cadre d’une niche du groupe écologiste en février 2017. Démantelée article par article par la majorité sénatoriale de l’époque, qui y était opposée, elle n’avait pu aboutir.
Pourtant, depuis 1992, la loi reconnaît la ressource en eau comme faisant partie du patrimoine commun de la Nation. La loi Brottes du 15 avril 2013 a permis l’expérimentation d’une tarification sociale de l’eau pour cinq ans, ouvrant la voie à la définition de tarifs adaptés aux difficultés de certains foyers. Elle prévoyait notamment l’attribution d’aides au paiement des factures d’eau ou d’une aide à l’accès à l’eau. En avril 2018, nos collègues Monique Lubin et Éric Kerrouche déposaient une proposition de loi visant à proroger cette expérimentation.
Nous constatons toutefois que peu de syndicats des eaux ont totalement mis en œuvre le dispositif. Le système de prise en charge de ces besoins en eau pour les individus et les familles en situation de précarité reste complexe et montre ses limites.
Envisager la gratuité de la ressource en eau encadrée par la loi est donc une solution qui pourrait se révéler moins onéreuse que le coût du traitement social actuel. Je vous invite à y réfléchir, mes chers collègues.
Malgré ces dispositions législatives, auxquelles s’ajoute l’interdiction des coupures d’eau et de réduction du débit, le droit à l’eau n’est pas effectivement garanti et ne parvient pas à être consacré pleinement dans notre pays. C’est pourtant avec le soutien de la France qu’il y a plus de dix ans, en juillet 2010, l’assemblée générale des Nations unies adoptait une résolution reconnaissant le droit à l’eau potable et à l’assainissement comme un droit fondamental essentiel à la pleine jouissance de la vie et à l’exercice de tous les droits de l’homme. Certains pays, comme l’Uruguay et la Slovénie, l’ont déjà introduit dans leur Constitution.
Depuis, la Cour de justice de l’Union européenne a considéré que l’accès à l’eau potable est un enjeu majeur en termes de santé, de développement et d’environnement. N’oublions pas que ce droit compte parmi les dix-sept objectifs 2030 de développement durable adoptés par les États membres des Nations unies.
De nombreuses associations, organisations humanitaires, caritatives et environnementales nous interpellent depuis de nombreuses années. La fondation France Libertés et la Coalition Eau en sont les fers de lance.
Dans le monde, 2, 2 milliards d’êtres humains ne disposent pas d’accès sécurisé à l’eau potable et 4, 2 milliards à l’assainissement. Plus de 2, 6 millions de personnes, dont une majorité d’enfants en bas âge, meurent chaque année de maladies liées à la consommation d’une eau impropre.
Dans notre pays, nous avons la chance de disposer d’un système de traitement et d’assainissement de l’eau qui permet à 99 % de nos compatriotes de bénéficier d’un accès à l’eau potable. En 2019, l’OMS estimait pourtant que, en métropole, 1, 4 million de Français ne disposaient pas d’un accès direct et sécurisé à l’eau potable.
Par ailleurs, un rapport de la Fondation Abbé-Pierre sur le mal-logement estime à 143 000 le nombre de personnes sans domicile fixe vivant dans des abris ou des bidonvilles, à environ 208 000 celui de gens du voyage mal logés et à 24 000 celui de personnes hébergées dans des foyers de migrants : autant d’individus concernés par la pauvreté en eau. De plus, 1 million de familles ne sont pas en capacité de régler leur facture d’eau.
Nous ne pouvons ignorer ces chiffres. L’accès à l’eau pour des populations déjà fragilisées et souvent fortement marginalisées est vital, humainement mais aussi socialement. Quelle insertion sociale, scolaire et professionnelle est possible pour ces personnes si ce droit fondamental n’est pas respecté par notre République ? C’est une simple question de dignité et d’égalité.
La crise sanitaire actuelle met en lumière l’importance vitale de l’hygiène pour prévenir et endiguer les maladies. Les autorités recommandent de manière répétée de se laver les mains. Comment répondre à cette exigence quand on est privé d’accès à l’eau ? Garantir à tous un droit à l’eau dans ce contexte, n’est-ce pas aussi nous protéger tous ?
Ceux qui s’opposent à la gratuité de l’eau, vitale et enjeu de santé publique, s’opposeraient-ils aussi à la gratuité des vaccins ? La covid-19 a bousculé nos habitudes, mais aussi nos schémas de gestion des finances publiques et des ressources pour envisager une solidarité, un partage comme cela ne s’était pas produit dans notre pays depuis plusieurs décennies.
L’eau en partage, l’eau accessible à tous, doit être posée comme un principe fondateur et indiscutable de notre vivre ensemble. C’est une ressource vitale, à présent cotée en bourse, sans cesse menacée de financiarisation et objet de spéculations sur un marché qui nie la priorité des besoins humains et ignore la valeur de l’eau pour en fixer le prix : un paradoxe dangereux. « L’eau pour la vie, pas pour le profit », affirmait une tribune publiée dans Libération par 550 organisations et collectifs de la société civile à l’occasion de la journée mondiale de l’eau organisée le 22 mars dernier.
Les enjeux sont majeurs, comme l’illustre le récent et titanesque affrontement Suez-Veolia. Dans la perspective plus globale du réchauffement climatique et des enjeux de développement durable, défendre le principe d’un droit à l’eau est incontournable. Laisserons-nous au marché la gestion et la répartition de l’eau ? Protégeons donc ce bien commun !
Les solutions existent. Affirmer le droit à l’eau potable et à l’assainissement et assurer la mise à disposition d’équipements sanitaires et de distribution d’eau répond aux besoins essentiels d’une population que l’on peut dénombrer. Sur ce fondement, nous le savons, la dépense est acceptable. Contenue et encadrée, elle ne fragiliserait pas les équilibres de gestion de nos collectivités, qu’il faut accompagner.
Il serait envisageable de rendre ce dispositif plus lisible et de permettre aux gestionnaires de l’intégrer dans leur modèle économique, en inscrivant dans la loi ce volume d’eau gratuit afin d’en limiter le coût potentiel et d’agir en respect des règles de recevabilité financière existantes.
Les associations et organisations militantes estiment la quantité d’eau nécessaire à cinq mètres cubes par an pour les besoins vitaux et à quinze mètres cubes pour les besoins élémentaires. Le calcul est donc simple : le mètre cube coûtant 4 euros en moyenne, le financement de quinze mètres cubes représenterait une dépense annuelle de 60 euros. On peut donc prévoir.
La répartition du surcoût se fera à partir de seize mètres cubes et au-delà. Les plus précaires, moins consommateurs, bénéficieraient ainsi de la gratuité de l’eau qui leur est indispensable, tandis que les foyers plus favorisés et aussi plus consommateurs assumeraient collectivement et de façon raisonnablement répartie le coût de cette solidarité. Plus on consomme, plus on paye : dans le contexte actuel, ce principe paraît vertueux. J’ajoute que les gains d’efficacité des réseaux pour éviter les pertes permettraient largement de compenser la gratuité des premiers mètres cubes.
Non, la gratuité n’ouvre pas nécessairement la voie aux abus et à l’augmentation de la consommation. La gratuité des premiers mètres cubes ne menace en aucun cas les compétences des collectivités territoriales en matière d’assainissement collectif et non collectif et n’ouvre pas la voie à la multiplication des installations illégales.
Il faut faire confiance à la population, mais aussi aux collectivités pour instaurer et gérer cet accès à l’eau tout en leur en donnant les moyens. Les accompagner constituerait sans aucun doute un acte politique fort, affirmant le droit à l’eau pour tous, principe de portée universelle lié aux droits humains.
Si nous en avons la volonté, ce principe encadré deviendra un outil précieux pour nos élus locaux confrontés à des situations parfois inextricables aux plans humain et sanitaire face à ceux qui sont privés d’eau. Peut-on accepter que la France, sixième puissance mondiale en 2021, refuse ce droit essentiel aux plus précaires sur le territoire des droits de l’homme ? Il est temps de traduire dans la loi les engagements nationaux et internationaux de notre pays pour le respect des droits fondamentaux de la dignité humaine et de la santé publique et de prendre nos responsabilités pour protéger une ressource essentielle à la vie.
Soutenir cette proposition de loi, c’est affirmer le principe universel du droit à l’eau pour tous, autrement dit, du bien commun. Alors, passons à l’acte ! Ce droit nous concerne tous. Nous voterons cette proposition de loi.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui d’une proposition de loi déposée par le groupe communiste républicain citoyen et écologiste prévoyant la gratuité des premiers mètres cubes, mais également la garantie de l’accès à l’eau et à l’assainissement pour les populations les plus fragilisées, comme l’exige la récente directive européenne sur l’eau.
L’accès à l’eau et la protection de cette ressource sont l’un des défis majeurs de notre siècle. L’eau est à ce point essentielle qu’elle conditionne tout simplement la vie. Pourtant, comme c’est le cas de l’ensemble des biens communs, les politiques de marchandisation et de libéralisation ont conduit à rendre son accès plus difficile et plus onéreux.
En moyenne, son prix a augmenté de 10 % au cours des dix dernières années, et de manière inégale sur l’ensemble du territoire puisque le prix de l’eau varie dans une fourchette de un à huit. La perte d’ingénierie publique tout comme les regroupements XXL ont poussé les collectivités à déléguer cette compétence, livrant les usagers aux mains des opérateurs privés comme Suez ou Veolia.
Face à cette situation, cette proposition de loi pose un principe simple : si l’accès à l’eau potable et à l’assainissement est un droit universel, alors, pour la proportion qui est vitale, cet accès doit être gratuit pour toutes et tous et sur l’ensemble du territoire. Il s’agit d’une exigence d’égalité et de solidarité qui découle de nos engagements internationaux tout comme de l’article 1er de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques. Telle est la responsabilité des pouvoirs publics qui, lorsqu’ils reconnaissent un droit constitutionnellement ou législativement, doivent parallèlement créer les conditions de son effectivité.
Alors que selon les associations caritatives, la crise sanitaire a fait basculer dans la pauvreté 1 million de Français, qui s’ajoutent ainsi aux 9, 3 millions de personnes vivant déjà en dessous du seuil de pauvreté, nous souhaitons, à l’image de l’exigence exprimée par les « gilets jaunes », allier performances écologiques et exigence de justice sociale. Il n’y aura pas de transition écologique réussie sans partage des richesses, du savoir et des pouvoirs. Nous allions donc concrètement protection des biens communs et accès aux droits, en l’occurrence, au droit à l’eau.
Certains nous répondent que nous avons déjà fait beaucoup en interdisant les coupures. C’est un premier pas, mais un droit ne se définit jamais par la négative.
Permettez-moi de revenir sur deux points qui nous paraissent importants.
Au-delà de sa dimension sociale, cette proposition de loi pose une question plus générale, celle de la gestion d’un bien commun. J’ai souvent entendu, lors des interventions des différents orateurs, qu’il fallait faire confiance aux collectivités pour mener les politiques de solidarité. Nous déplorons la baisse continue des dotations qui les contraignent à privatiser les services publics locaux faute de moyens. Pourtant, chers collègues, il faut également entendre l’exigence qui s’exprime dans beaucoup de territoires pour le retour aux régies. Cela s’explique simplement par le constat que, pour protéger les biens communs, les services publics sont bien les outils les plus pertinents et performants.
Par ailleurs, comment ne pas penser aux tentatives monopolistiques en cours entre Suez et Veolia et à leurs conséquences sur les usagers de l’eau, considérés comme de simples réservoirs de profits à venir ? Les pouvoirs publics doivent intervenir pour sortir l’eau de ces politiques de marchandisation à rebours des exigences sociales et environnementales.
Par cette proposition de loi, nous souhaitons donc poser les bases de l’exercice d’un droit universel grâce au levier de la gratuité. Nous élargissons nos exigences à la nécessité de repenser les conditions de la compétence « eau » par les collectivités et le nécessaire soutien par l’État des collectivités qui s’engageraient dans cette voie. M. Darnaud nous a invités à déposer de nouveau des amendements en ce sens dans le cadre de l’examen de la loi 4D. Nous nous y emploierons.
Enfin, nous ne nous félicitons pas de l’OPA hostile de Veolia sur Suez. Il ne s’agit pas d’un accord, mais bien d’une capitulation qui aura des effets graves sur le long terme pour les collectivités, les usagers et les salariés. Il est urgent de constituer un grand service public national de l’eau par la création d’un pôle public réunissant tous les acteurs économiques et garantissant l’égalité du prix de l’eau et l’accès à tous partout sur le territoire national. Cela permettrait de fédérer les acteurs publics aujourd’hui dispersés, de coordonner les investissements publics et privés indispensables et de faire converger les compétences et les savoir-faire. Cet outil au service de la maîtrise publique de l’eau doit permettre une gestion démocratique associant les usagers, les collectivités et tous les acteurs de la filière.
Il s’agit enfin d’une condition indispensable à la défense de l’emploi et des savoir-faire, mais aussi d’un levier indispensable pour garantir une gestion de cette ressource conforme aux ambitions écologiques que doivent porter la France et l’Europe.
Tels sont, mes chers collègues, les quelques éléments que nous souhaitions apporter à ce débat.
Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.
Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui d’une proposition de loi déposée par le groupe communiste républicain citoyen et écologiste prévoyant la gratuité des premiers mètres cubes, mais également la garantie de l’accès à l’eau et à l’assainissement pour les populations les plus fragilisées, comme l’exige la récente directive européenne sur l’eau.
L’accès à l’eau et la protection de cette ressource sont l’un des défis majeurs de notre siècle. L’eau est à ce point essentielle qu’elle conditionne tout simplement la vie. Pourtant, comme c’est le cas de l’ensemble des biens communs, les politiques de marchandisation et de libéralisation ont conduit à rendre son accès plus difficile et plus onéreux.
En moyenne, son prix a augmenté de 10 % au cours des dix dernières années, et de manière inégale sur l’ensemble du territoire puisque le prix de l’eau varie dans une fourchette de un à huit. La perte d’ingénierie publique tout comme les regroupements XXL ont poussé les collectivités à déléguer cette compétence, livrant les usagers aux mains des opérateurs privés comme Suez ou Veolia.
Face à cette situation, cette proposition de loi pose un principe simple : si l’accès à l’eau potable et à l’assainissement est un droit universel, alors, pour la proportion qui est vitale, cet accès doit être gratuit pour toutes et tous et sur l’ensemble du territoire. Il s’agit d’une exigence d’égalité et de solidarité qui découle de nos engagements internationaux tout comme de l’article 1er de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques. Telle est la responsabilité des pouvoirs publics qui, lorsqu’ils reconnaissent un droit constitutionnellement ou législativement, doivent parallèlement créer les conditions de son effectivité.
Alors que selon les associations caritatives, la crise sanitaire a fait basculer dans la pauvreté 1 million de Français, qui s’ajoutent ainsi aux 9, 3 millions de personnes vivant déjà en dessous du seuil de pauvreté, nous souhaitons, à l’image de l’exigence exprimée par les « gilets jaunes », allier performances écologiques et exigence de justice sociale. Il n’y aura pas de transition écologique réussie sans partage des richesses, du savoir et des pouvoirs. Nous allions donc concrètement protection des biens communs et accès aux droits, en l’occurrence, au droit à l’eau.
Certains nous répondent que nous avons déjà fait beaucoup en interdisant les coupures. C’est un premier pas, mais un droit ne se définit jamais par la négative.
Permettez-moi de revenir sur deux points qui nous paraissent importants.
Au-delà de sa dimension sociale, cette proposition de loi pose une question plus générale, celle de la gestion d’un bien commun. J’ai souvent entendu, lors des interventions des différents orateurs, qu’il fallait faire confiance aux collectivités pour mener les politiques de solidarité. Nous déplorons la baisse continue des dotations qui les contraignent à privatiser les services publics locaux faute de moyens. Pourtant, chers collègues, il faut également entendre l’exigence qui s’exprime dans beaucoup de territoires pour le retour aux régies. Cela s’explique simplement par le constat que, pour protéger les biens communs, les services publics sont bien les outils les plus pertinents et performants.
Par ailleurs, comment ne pas penser aux tentatives monopolistiques en cours entre Suez et Veolia et à leurs conséquences sur les usagers de l’eau, considérés comme de simples réservoirs de profits à venir ? Les pouvoirs publics doivent intervenir pour sortir l’eau de ces politiques de marchandisation à rebours des exigences sociales et environnementales.
Par cette proposition de loi, nous souhaitons donc poser les bases de l’exercice d’un droit universel grâce au levier de la gratuité. Nous élargissons nos exigences à la nécessité de repenser les conditions de la compétence « eau » par les collectivités et le nécessaire soutien par l’État des collectivités qui s’engageraient dans cette voie. M. Darnaud nous a invités à déposer de nouveau des amendements en ce sens dans le cadre de l’examen de la loi 4D. Nous nous y emploierons.
Enfin, nous ne nous félicitons pas de l’OPA hostile de Veolia sur Suez. Il ne s’agit pas d’un accord, mais bien d’une capitulation qui aura des effets graves sur le long terme pour les collectivités, les usagers et les salariés. Il est urgent de constituer un grand service public national de l’eau par la création d’un pôle public réunissant tous les acteurs économiques et garantissant l’égalité du prix de l’eau et l’accès à tous partout sur le territoire national. Cela permettrait de fédérer les acteurs publics aujourd’hui dispersés, de coordonner les investissements publics et privés indispensables et de faire converger les compétences et les savoir-faire. Cet outil au service de la maîtrise publique de l’eau doit permettre une gestion démocratique associant les usagers, les collectivités et tous les acteurs de la filière.
Il s’agit enfin d’une condition indispensable à la défense de l’emploi et des savoir-faire, mais aussi d’un levier indispensable pour garantir une gestion de cette ressource conforme aux ambitions écologiques que doivent porter la France et l’Europe.
Tels sont, mes chers collègues, les quelques éléments que nous souhaitions apporter à ce débat.
Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, chers collègues, je remercie l’auteur de la proposition de loi et le rapporteur pour leur travail sur ce texte, qui est directement inspiré de la proposition de loi visant à la mise en œuvre effective du droit à l’eau potable et à l’assainissement examinée, puis rejetée par le Sénat le 22 février 2017. Ces deux textes sont l’aboutissement de travaux menés en lien avec des associations et ONG afin de rendre effectif le droit d’accès à l’eau en permettant que les personnes les plus vulnérables disposent d’un accès aux équipements sanitaires indispensables et de mettre en place une aide préventive pour l’eau.
L’objectif est évidemment louable : l’accès à l’eau potable et à l’assainissement est un droit fondamental inscrit dans plusieurs traités internationaux. Le droit à l’eau potable, à l’assainissement et à l’hygiène constitue notamment l’objectif n° 6 des dix-sept objectifs de développement durable 2030 adoptés par les États membres des Nations unies qui visent à garantir l’accès de tous à des services d’alimentation en eau et à un assainissement gérés de façon durable. C’est une question de salubrité, d’hygiène et de santé publique.
Le Sénat avait cependant été conduit à rejeter le texte de 2017 pour de multiples raisons. D’abord, parce que celui-ci introduisait des obligations nouvelles pour les collectivités territoriales à l’article 2, notamment l’installation d’équipements de distribution gratuite d’eau potable, de toilettes, de douches publiques et de laveries gratuites. Ensuite, parce que les articles 3 et 4 introduisaient deux aides préventives pour l’accès à l’eau en sus des aides curatives, en utilisant le produit de la contribution sur les eaux et boissons embouteillées, dont les sommes perçues par la douane sont mises à la disposition de chaque commune concernée.
Le texte que nous examinons aujourd’hui reprend très exactement les dispositions de la proposition de loi précitée. Il remplace néanmoins les deux mécanismes financiers qu’elle prévoyait par un principe de gratuité des premiers mètres cubes d’eau. En commission, le rapport a été rejeté au motif que le dispositif introduit des obligations nouvelles pour les collectivités territoriales et que, en l’absence d’étude d’impact, il est impossible de chiffrer le coût de cette mesure – coût de mise aux normes, d’entretien et coûts d’acquisition de locaux dédiés.
La question que nous pourrions nous poser est la suivante : quelles sont les solutions opérationnelles que nous pouvons apporter pour permettre à tous l’accès à l’eau dans des conditions économiques raisonnables, aussi bien pour les usagers que pour les collectivités ?
La gratuité de l’accès à l’eau pose problème. En effet, il est d’autant plus nécessaire de préserver les ressources que, dans un contexte de dérèglement climatique, l’eau est et sera de plus en plus rare. Une vigilance s’impose ; or sobriété ne rime pas avec gratuité.
Il est de notre responsabilité de trouver un mécanisme de solidarité qui ne mette pas à mal le modèle économique de l’eau, notamment en exerçant une pression financière sur les collectivités.
Au-delà des aides qui existent déjà et qui peuvent être accordées aux ménages en difficulté, il est possible d’établir une tarification progressive de l’eau pour les immeubles collectifs d’habitation, ou de bénéficier de l’aide du Fonds de solidarité pour le logement.
Pour ouvrir le débat, je tenais également à rappeler, mes chers collègues, que le prix moyen de l’eau, d’environ 4 euros, est bas par rapport aux prix que pratiquent nos voisins européens. En Allemagne, par exemple, le mètre cube d’eau coûte en moyenne 5, 50 euros.
Le prix de l’eau en France ne prend pas suffisamment en compte les coûts afférents au nécessaire renouvellement des infrastructures et à la réduction des nombreuses fuites d’eau dans les réseaux de nos territoires. À moyen terme, il faudra sécuriser les budgets, et même les rehausser de plusieurs milliards d’euros afin de parvenir à un niveau d’investissement à la hauteur des besoins de renouvellement de nos réseaux, de faire face à l’adaptation au changement climatique et d’accompagner nos collectivités dans ces évolutions. À défaut, c’est une fracture territoriale sans précédent entre les villes et les campagnes qui nous menace.
Du fait du principe – que nous devons préserver – selon lequel l’eau paye l’eau, la conséquence de cette absence d’investissements massifs aura des conséquences sur la facture d’eau des Français et des collectivités rurales.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, tout en saluant les objectifs louables recherchés au travers de cette proposition de loi, le groupe Les Républicains ne votera pas ce texte. Il reconnaît toutefois que ce texte pose le problème de la pauvreté dans notre pays et qu’il rappelle l’urgence de trouver des mesures pour accompagner nos compatriotes dans la difficulté financière.
M. Mathieu Darnaud applaudit.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, chers collègues, je remercie l’auteur de la proposition de loi et le rapporteur pour leur travail sur ce texte, qui est directement inspiré de la proposition de loi visant à la mise en œuvre effective du droit à l’eau potable et à l’assainissement examinée, puis rejetée par le Sénat le 22 février 2017. Ces deux textes sont l’aboutissement de travaux menés en lien avec des associations et ONG afin de rendre effectif le droit d’accès à l’eau en permettant que les personnes les plus vulnérables disposent d’un accès aux équipements sanitaires indispensables et de mettre en place une aide préventive pour l’eau.
L’objectif est évidemment louable : l’accès à l’eau potable et à l’assainissement est un droit fondamental inscrit dans plusieurs traités internationaux. Le droit à l’eau potable, à l’assainissement et à l’hygiène constitue notamment l’objectif n° 6 des dix-sept objectifs de développement durable 2030 adoptés par les États membres des Nations unies qui visent à garantir l’accès de tous à des services d’alimentation en eau et à un assainissement gérés de façon durable. C’est une question de salubrité, d’hygiène et de santé publique.
Le Sénat avait cependant été conduit à rejeter le texte de 2017 pour de multiples raisons. D’abord, parce que celui-ci introduisait des obligations nouvelles pour les collectivités territoriales à l’article 2, notamment l’installation d’équipements de distribution gratuite d’eau potable, de toilettes, de douches publiques et de laveries gratuites. Ensuite, parce que les articles 3 et 4 introduisaient deux aides préventives pour l’accès à l’eau en sus des aides curatives, en utilisant le produit de la contribution sur les eaux et boissons embouteillées, dont les sommes perçues par la douane sont mises à la disposition de chaque commune concernée.
Le texte que nous examinons aujourd’hui reprend très exactement les dispositions de la proposition de loi précitée. Il remplace néanmoins les deux mécanismes financiers qu’elle prévoyait par un principe de gratuité des premiers mètres cubes d’eau. En commission, le rapport a été rejeté au motif que le dispositif introduit des obligations nouvelles pour les collectivités territoriales et que, en l’absence d’étude d’impact, il est impossible de chiffrer le coût de cette mesure – coût de mise aux normes, d’entretien et coûts d’acquisition de locaux dédiés.
La question que nous pourrions nous poser est la suivante : quelles sont les solutions opérationnelles que nous pouvons apporter pour permettre à tous l’accès à l’eau dans des conditions économiques raisonnables, aussi bien pour les usagers que pour les collectivités ?
La gratuité de l’accès à l’eau pose problème. En effet, il est d’autant plus nécessaire de préserver les ressources que, dans un contexte de dérèglement climatique, l’eau est et sera de plus en plus rare. Une vigilance s’impose ; or sobriété ne rime pas avec gratuité.
Il est de notre responsabilité de trouver un mécanisme de solidarité qui ne mette pas à mal le modèle économique de l’eau, notamment en exerçant une pression financière sur les collectivités.
Au-delà des aides qui existent déjà et qui peuvent être accordées aux ménages en difficulté, il est possible d’établir une tarification progressive de l’eau pour les immeubles collectifs d’habitation, ou de bénéficier de l’aide du Fonds de solidarité pour le logement.
Pour ouvrir le débat, je tenais également à rappeler, mes chers collègues, que le prix moyen de l’eau, d’environ 4 euros, est bas par rapport aux prix que pratiquent nos voisins européens. En Allemagne, par exemple, le mètre cube d’eau coûte en moyenne 5, 50 euros.
Le prix de l’eau en France ne prend pas suffisamment en compte les coûts afférents au nécessaire renouvellement des infrastructures et à la réduction des nombreuses fuites d’eau dans les réseaux de nos territoires. À moyen terme, il faudra sécuriser les budgets, et même les rehausser de plusieurs milliards d’euros afin de parvenir à un niveau d’investissement à la hauteur des besoins de renouvellement de nos réseaux, de faire face à l’adaptation au changement climatique et d’accompagner nos collectivités dans ces évolutions. À défaut, c’est une fracture territoriale sans précédent entre les villes et les campagnes qui nous menace.
Du fait du principe – que nous devons préserver – selon lequel l’eau paye l’eau, la conséquence de cette absence d’investissements massifs aura des conséquences sur la facture d’eau des Français et des collectivités rurales.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, tout en saluant les objectifs louables recherchés au travers de cette proposition de loi, le groupe Les Républicains ne votera pas ce texte. Il reconnaît toutefois que ce texte pose le problème de la pauvreté dans notre pays et qu’il rappelle l’urgence de trouver des mesures pour accompagner nos compatriotes dans la difficulté financière.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je commencerai mon intervention par une remarque bienveillante à l’endroit de nos collègues du groupe CRCE. Le texte qui est soumis à notre examen est en net progrès par rapport à la proposition de loi visant à la mise en œuvre effective du droit à l’eau potable et à l’assainissement, que le Sénat avait examinée, puis rejetée, le 22 février 2017.
M. Mathieu Darnaud applaudit.
Sourires sur les travées du groupe CRCE.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je commencerai mon intervention par une remarque bienveillante à l’endroit de nos collègues du groupe CRCE. Le texte qui est soumis à notre examen est en net progrès par rapport à la proposition de loi visant à la mise en œuvre effective du droit à l’eau potable et à l’assainissement, que le Sénat avait examinée, puis rejetée, le 22 février 2017.
Malheureusement, ces progrès ne suffiront pas pour orienter le groupe Les Républicains vers un vote favorable ou même une abstention.
J’ai parlé de « progrès », car cette proposition de loi a été expurgée des deux dispositions du texte de 2017 que nous avions combattues avec vigueur : l’aide préventive pour l’eau, prévue à l’article 3, et la création d’une allocation forfaitaire d’eau pour les ménages les plus pauvres, lorsque le prix de l’eau dépasse un prix de référence fixé par décret, à l’article 4. Notre groupe avait alors estimé que ces aides introduisaient de la confusion, en raison de la grande variété des critères d’éligibilité pour les bénéficiaires. Nous étions surtout hostiles au fait que l’allocation soit issue du produit de la contribution sur les eaux et boissons embouteillées, dont les sommes perçues par les douanes sont mises à la disposition de chaque commune concernée.
Où est le problème dans le texte dont nous débattons aujourd’hui ? Il n’est pas nécessairement dans l’article 1er, qui vise à introduire dans le code de la santé publique une définition du droit à l’eau potable et à l’assainissement. En effet, ce droit existe déjà, et il a même rang constitutionnel grâce au onzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, qui garantit à tous, que ce soit à l’enfant, à la mère ou aux vieux travailleurs, la protection de la santé.
Comme vous l’aurez compris, c’est encore et toujours l’article 2 qui motivera notre vote de rejet. Si le principe d’une couverture des besoins élémentaires des populations en eau potable et assainissement me semble justifié, on ne peut pas demander, encore une fois, aux collectivités territoriales d’assumer politiquement et économiquement une responsabilité qui n’est pas la leur. Les dépenses engendrées par le dispositif prévu ne sont pas symboliques et, surtout, en l’absence d’étude d’impact, il est impossible d’en chiffrer le coût, qu’il s’agisse du coût des mises aux normes, du coût d’entretien ou du coût de l’acquisition des locaux dédiés.
S’agissant de l’article 3, le principe de gratuité des premiers mètres cubes me semble plus simple à mettre en place que les allocations prévues par le texte de 2017. Je pense, néanmoins, qu’il ne faut pas poursuivre dans cette direction, si l’on veut éviter de voir se multiplier des principes de gratuité injustifiés. Les collectivités se voient, en effet, déjà, chaque année, dans l’obligation d’écraser des centaines de milliers d’euros de factures impayées.
Vous l’aurez compris, malgré un objectif louable, je voterai contre cette proposition de loi. J’ajouterai deux remarques pour justifier ce rejet.
Tout d’abord, je considère qu’il existe d’autres priorités en matière d’infrastructures. La gestion de l’eau nécessite, en effet, des investissements massifs dans les infrastructures d’alimentation en eau, car leur rythme actuel de renouvellement est de deux cents ans ! Avant de réaliser des infrastructures ou des installations dont on ignore si elles seront utilisées, il faudrait plutôt agir sur les réseaux fuyards et, surtout, remédier au désengagement croissant de l’Agence de l’eau, qui finit par faire tout autre chose que ce pour quoi elle a été créée.
Ensuite, dans cette assemblée, comme dans l’autre, il me semble que nous passons trop de temps à examiner des propositions de résolution, des projets ou propositions de loi, ou à organiser des débats concernant la méthode avec laquelle nous allons encore amplifier les aides sociales. Nous oublions trop souvent que les situations de détresse sociale ne tombent pas du ciel et que nous avons les moyens de les combattre en amont. Avant le droit individuel à l’eau potable, je crois qu’il y a un droit pour la France, donc un droit collectif, à avoir une agriculture de nouveau puissante et une industrie de nouveau florissante, pour que nos compatriotes retrouvent l’emploi qui les préserverait de telles situations de détresse.
La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
Sourires sur les travées du groupe CRCE.
Malheureusement, ces progrès ne suffiront pas pour orienter le groupe Les Républicains vers un vote favorable ou même une abstention.
J’ai parlé de « progrès », car cette proposition de loi a été expurgée des deux dispositions du texte de 2017 que nous avions combattues avec vigueur : l’aide préventive pour l’eau, prévue à l’article 3, et la création d’une allocation forfaitaire d’eau pour les ménages les plus pauvres, lorsque le prix de l’eau dépasse un prix de référence fixé par décret, à l’article 4. Notre groupe avait alors estimé que ces aides introduisaient de la confusion, en raison de la grande variété des critères d’éligibilité pour les bénéficiaires. Nous étions surtout hostiles au fait que l’allocation soit issue du produit de la contribution sur les eaux et boissons embouteillées, dont les sommes perçues par les douanes sont mises à la disposition de chaque commune concernée.
Où est le problème dans le texte dont nous débattons aujourd’hui ? Il n’est pas nécessairement dans l’article 1er, qui vise à introduire dans le code de la santé publique une définition du droit à l’eau potable et à l’assainissement. En effet, ce droit existe déjà, et il a même rang constitutionnel grâce au onzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, qui garantit à tous, que ce soit à l’enfant, à la mère ou aux vieux travailleurs, la protection de la santé.
Comme vous l’aurez compris, c’est encore et toujours l’article 2 qui motivera notre vote de rejet. Si le principe d’une couverture des besoins élémentaires des populations en eau potable et assainissement me semble justifié, on ne peut pas demander, encore une fois, aux collectivités territoriales d’assumer politiquement et économiquement une responsabilité qui n’est pas la leur. Les dépenses engendrées par le dispositif prévu ne sont pas symboliques et, surtout, en l’absence d’étude d’impact, il est impossible d’en chiffrer le coût, qu’il s’agisse du coût des mises aux normes, du coût d’entretien ou du coût de l’acquisition des locaux dédiés.
S’agissant de l’article 3, le principe de gratuité des premiers mètres cubes me semble plus simple à mettre en place que les allocations prévues par le texte de 2017. Je pense, néanmoins, qu’il ne faut pas poursuivre dans cette direction, si l’on veut éviter de voir se multiplier des principes de gratuité injustifiés. Les collectivités se voient, en effet, déjà, chaque année, dans l’obligation d’écraser des centaines de milliers d’euros de factures impayées.
Vous l’aurez compris, malgré un objectif louable, je voterai contre cette proposition de loi. J’ajouterai deux remarques pour justifier ce rejet.
Tout d’abord, je considère qu’il existe d’autres priorités en matière d’infrastructures. La gestion de l’eau nécessite, en effet, des investissements massifs dans les infrastructures d’alimentation en eau, car leur rythme actuel de renouvellement est de deux cents ans ! Avant de réaliser des infrastructures ou des installations dont on ignore si elles seront utilisées, il faudrait plutôt agir sur les réseaux fuyards et, surtout, remédier au désengagement croissant de l’Agence de l’eau, qui finit par faire tout autre chose que ce pour quoi elle a été créée.
Ensuite, dans cette assemblée, comme dans l’autre, il me semble que nous passons trop de temps à examiner des propositions de résolution, des projets ou propositions de loi, ou à organiser des débats concernant la méthode avec laquelle nous allons encore amplifier les aides sociales. Nous oublions trop souvent que les situations de détresse sociale ne tombent pas du ciel et que nous avons les moyens de les combattre en amont. Avant le droit individuel à l’eau potable, je crois qu’il y a un droit pour la France, donc un droit collectif, à avoir une agriculture de nouveau puissante et une industrie de nouveau florissante, pour que nos compatriotes retrouvent l’emploi qui les préserverait de telles situations de détresse.
Article 1er
L ’ article 1 er n ’ est pas adopté.
Le titre Ier du livre III de la première partie du code de la santé publique est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« CHAPITRE IV
« Droit à l’eau potable et à l’assainissement
« Art. L. 1314 -1. – Le droit à l’eau potable et à l’assainissement comprend le droit, pour chaque personne physique et dans des conditions compatibles avec ses ressources :
« 1° De disposer chaque jour gratuitement d’une quantité suffisante d’eau potable pour répondre à ses besoins élémentaires ;
« 2° D’accéder aux équipements lui permettant d’assurer son hygiène, son intimité et sa dignité.
« L’État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics concourent à la mise en œuvre du droit à l’eau potable et à l’assainissement. »
La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, auteure de la proposition de loi.
L’article 1er ayant été rejeté, notre proposition de loi ne sera pas adoptée. En conséquence, je la retire.
Je voudrais vous remercier tous, chers collègues, d’avoir participé à l’examen de ce texte, qui nous tient particulièrement à cœur. Je remercie tout particulièrement ceux d’entre vous qui ont exprimé leur accord avec ses dispositions.
L’accès à l’eau et à l’hygiène pour les personnes mal logées dans notre pays, dont je rappelle que les enfants représentent 30 %, demeure un enjeu majeur de santé publique. Nous savons tous, bien évidemment, que nous serons inéluctablement amenés à revenir sur le sujet.
Je tiens à exprimer mes sincères remerciements, ma compassion et mon soutien aux associations qui défendent ce droit à l’eau et à l’assainissement pour tous. Nous restons mobilisés pour faire valoir ce droit fondamental et inaliénable.
Plus que jamais, avec le changement climatique, la question de l’accès aux services essentiels que sont l’eau et l’énergie reste posée. Il nous paraît indispensable de sortir ces services du secteur marchand, parce qu’ils constituent le bien commun de l’humanité.
L ’ article 1 er n ’ est pas adopté.
Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.
La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, auteure de la proposition de loi.
Mes chers collègues, je vous rappelle les termes de l’article 26 du règlement du Sénat : « L’auteur d’une proposition de loi ou de résolution peut toujours la retirer, même quand la discussion est ouverte. »
La proposition de loi visant à garantir effectivement le droit à l’eau par la mise en place de la gratuité sur les premiers volumes d’eau potable et l’accès pour tous à l’eau pour les besoins nécessaires à la vie et à la dignité est donc retirée.
L’article 1er ayant été rejeté, notre proposition de loi ne sera pas adoptée. En conséquence, je la retire.
Je voudrais vous remercier tous, chers collègues, d’avoir participé à l’examen de ce texte, qui nous tient particulièrement à cœur. Je remercie tout particulièrement ceux d’entre vous qui ont exprimé leur accord avec ses dispositions.
L’accès à l’eau et à l’hygiène pour les personnes mal logées dans notre pays, dont je rappelle que les enfants représentent 30 %, demeure un enjeu majeur de santé publique. Nous savons tous, bien évidemment, que nous serons inéluctablement amenés à revenir sur le sujet.
Je tiens à exprimer mes sincères remerciements, ma compassion et mon soutien aux associations qui défendent ce droit à l’eau et à l’assainissement pour tous. Nous restons mobilisés pour faire valoir ce droit fondamental et inaliénable.
Plus que jamais, avec le changement climatique, la question de l’accès aux services essentiels que sont l’eau et l’énergie reste posée. Il nous paraît indispensable de sortir ces services du secteur marchand, parce qu’ils constituent le bien commun de l’humanité.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 4 mai 2021 :
À quatorze heures trente :
Proposition de résolution en application de l’article 34-1 de la Constitution, relative à l’avenir du régime de garantie des salaires, présenté par M. Bruno Retailleau et plusieurs de ses collègues (texte n° 463, 2020-2021) ;
Débat sur l’avenir institutionnel, politique et économique de la Nouvelle-Calédonie, dans la perspective du terme du processus défini par l’accord de Nouméa du 5 mai 1998 (demande du groupe Les Républicains) ;
Débat sur la souveraineté économique de la France.
Le soir :
Débat sur le thème « Les enjeux nationaux et internationaux de la future PAC. »
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
Mes chers collègues, je vous rappelle les termes de l’article 26 du règlement du Sénat : « L’auteur d’une proposition de loi ou de résolution peut toujours la retirer, même quand la discussion est ouverte. »
La proposition de loi visant à garantir effectivement le droit à l’eau par la mise en place de la gratuité sur les premiers volumes d’eau potable et l’accès pour tous à l’eau pour les besoins nécessaires à la vie et à la dignité est donc retirée.
Ordre du jour
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 4 mai 2021 :
À quatorze heures trente :
Proposition de résolution en application de l’article 34-1 de la Constitution, relative à l’avenir du régime de garantie des salaires, présenté par M. Bruno Retailleau et plusieurs de ses collègues (texte n° 463, 2020-2021) ;
Débat sur l’avenir institutionnel, politique et économique de la Nouvelle-Calédonie, dans la perspective du terme du processus défini par l’accord de Nouméa du 5 mai 1998 (demande du groupe Les Républicains) ;
Débat sur la souveraineté économique de la France.
Le soir :
Débat sur le thème « Les enjeux nationaux et internationaux de la future PAC. »
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures vingt.