Intervention de Rachid Temal

Réunion du 15 avril 2021 à 14h45
Poursuite de la procédure de ratification du ceta — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Rachid TemalRachid Temal :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la Lettonie, le 23 février 2017, puis la Lituanie, le Danemark, Malte, l’Espagne, la Croatie, la Tchéquie, le Portugal, l’Estonie, la Suède, la Finlande, la Roumanie, la Slovaquie, l’Autriche et, enfin, le Luxembourg, en mai 2020 : tous ces pays ont engagé, selon leurs dispositions institutionnelles propres, le processus de ratification du CETA. Même le Royaume-Uni, alors que son départ était acté, l’a fait en 2018. Comme chacun le sait, le parlement de Chypre a voté contre, mais sa décision n’a pas été notifiée aux institutions européennes.

En France – pays fondateur de l’Union européenne –, alors même que l’article 53 de la Constitution précise explicitement que le Parlement, c’est-à-dire les deux chambres, doit ratifier l’accord, alors que le processus européen de ratification, du fait du caractère mixte de cet accord, prévoit également cette ratification par le Parlement, alors, enfin, que le Gouvernement avait lui-même engagé la procédure accélérée, en 2019, sur le projet de loi de ratification de ce traité, le Sénat attend toujours et encore de savoir quand et comment il pourra se saisir du sujet. Cette situation est paradoxale, puisque, rappelons-le, c’est la France, certes sous le précédent quinquennat, celui de François Hollande, qui a obtenu que les parlements nationaux soient impérativement saisis. Ainsi, le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre, manque à son devoir.

Le CETA est, rappelons-le, un accord qui n’est pas anodin et qui concerne – mon collègue Fabien Gay l’a souligné – des champs entiers de notre économie, de notre environnement et de notre vie, comme la santé animale et végétale, les télécommunications, l’alimentation, la concurrence ou encore l’accès aux marchés publics. Alors, pourquoi ce silence « assourdissant » ? Pourquoi n’avez-vous pas inscrit le texte, adopté par l’Assemblée nationale et transmis le 23 juillet 2019, à notre ordre du jour ? Pourquoi le Gouvernement, qui a engagé la procédure accélérée, reste-t-il aujourd’hui silencieux ? Pourquoi, enfin, notre chambre en est-elle réduite à adopter des propositions de résolution demandant, « gentiment », comme l’a dit Fabien Gay, au Gouvernement que nous puissions débattre d’un sujet aussi important que le CETA afin, en gros, d’assurer notre mission fondamentale, légiférer ?

À ces questions, plusieurs réponses sont possibles ou probables. Un manque de temps ? C’était possible au début, mais, un an et demi après le débat à l’Assemblée nationale, on peut penser que ce n’est pas la vraie raison. L’encombrement législatif, trop de textes ? Certes, c’est possible que ce soit le cas depuis mars 2020, mais avant cette date ? En outre, à l’Assemblée nationale, le CETA a occupé une réunion de commission et seulement deux séances publiques ; on a connu textes plus encombrants… Reste une option : l’oubli volontaire qui arrange. Je m’explique.

Pour le Président de la République, le CETA « va dans le bon sens » – ce sont ses mots, il l’a affirmé publiquement – ; le Gouvernement a soutenu la ratification du traité à l’Assemblée nationale, dans des conditions compliquées, certes, mais il l’a fait ; enfin, le grand mouvement présidentiel – La République En Marche – annonce sur son site internet « trois raisons de ratifier le CETA ». Dès lors, quel intérêt le Gouvernement aurait-il à engager un débat dont l’issue lui semble incertaine et, par conséquent, à porter, à l’échelon européen, la responsabilité du rejet d’un accord qu’il a soutenu et qu’il continue de soutenir ?

Voilà pourquoi je remercie le groupe CRCE d’avoir inscrit à l’ordre du jour cette proposition de résolution et de nous obliger à faire un peu d’archéologie, afin de retrouver les positions, sur le CETA, du Président de la République et du Gouvernement, qui est – je l’indiquais précédemment – très silencieux.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain va bien entendu voter cette proposition de résolution, mais nous regrettons l’obligation qui nous est faite de demander au Gouvernement de respecter nos institutions et la démocratie.

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