Intervention de Colette Mélot

Réunion du 15 avril 2021 à 14h45
Poursuite de la procédure de ratification du ceta — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Colette MélotColette Mélot :

Sur le fond, nous sommes en présence d’un accord dit « de nouvelle génération ». L’une des particularités de cet accord réside dans sa forme mixte. Ainsi, il se trouve être applicable à 90 %, mais cela concerne uniquement, rappelons-le, les sujets pour lesquels l’Union européenne a la compétence exclusive.

En réaction à l’affirmation que ces négociations seraient antidémocratiques, revenons sur certains faits.

Le mandat de négociation de la Commission européenne a été adopté par les États membres ; certaines de ses parties ont été rendues publiques. L’accord a ensuite été signé en 2016, notamment par le président du Conseil européen, constitué des chefs d’État ou de gouvernement des États membres, qui sont élus. Le chef de l’État français d’alors ne s’y est pas opposé, expliquant que les conditions posées par la France avaient été respectées. Le CETA a ensuite été ratifié par le Parlement européen, élu au suffrage universel direct.

Nous sommes conscients que la stratégie commerciale de l’Union européenne est largement perfectible. Après les négociations compliquées avec le Royaume-Uni, la Commission européenne propose de revoir cette stratégie. Des axes cruciaux ont ainsi été dégagés. Deux d’entre eux ont particulièrement retenu notre attention : la lutte contre la concurrence déloyale et le respect des accords de Paris sur le climat au sein des futurs accords internationaux. Nous ne pouvons que souscrire à ces deux demandes émanant des Européens eux-mêmes. Les valeurs et les intérêts des peuples européens doivent être préservés et défendus.

Des craintes concernant le CETA s’expriment. Il faudra des clarifications et des assurances. Surtout, nous devrons rester vigilants par rapport à la mise en œuvre de cet accord et ne pas faiblir. Nos règles sont différentes dans certains secteurs, notamment en matière alimentaire et agricole. L’harmonisation des normes n’est pas prévue pour tirer ces normes vers le bas, et elle ne doit pas le faire.

Il est crucial que les règles européennes soient protégées, tout comme nos consommateurs. Pour l’heure, le rapport de 2018 de l’inspection générale des finances, cité dans l’exposé des motifs de cette proposition de résolution, révèle que la viande bovine canadienne, ne respectant pas les normes, n’est presque pas exportée vers l’Union européenne ; les quotas ne sont quasiment pas déployés. En revanche, l’Union enregistre une hausse des exportations de nombreux produits, comme le fromage, dont la France est l’un des principaux producteurs. D’après Eurostat, le volume d’exportation de l’Union européenne vers le Canada a fait un bond de 7 %.

Le risque réel, que nous ne pouvons pas ignorer, repose sur le règlement des différends entre autorités publiques et investisseurs. La Commission européenne a travaillé sur ce mécanisme, afin de réduire la possibilité de problèmes à l’avenir. La Cour de justice de l’Union européenne qualifie cet outil, dans son avis du 30 avril 2019, de « compatible avec le droit de l’Union européenne ». Néanmoins, nous devons rester vigilants ; il serait inadmissible qu’une multinationale s’attaque aux règles européennes ou à celles d’un État membre, simplement parce que ces règles entraveraient son commerce.

Enfin – j’en terminerai par là –, le 25 mars dernier, le comité conjoint de l’accord commercial entre l’Union européenne et le Canada a rendu des conclusions sur le volet économique du CETA. Celui-ci aurait des effets positifs dans la pandémie que nous traversons.

Ainsi, pour le moment, il semble que l’accord apporte plus de points positifs à l’Union européenne qu’au Canada, mais son application n’en est qu’à son début.

Nous entendons les craintes et nous en partageons certaines. C’est pourquoi le groupe Les Indépendants se tient prêt à avoir, au moment voulu, un débat constructif et pertinent sur le projet de loi autorisant la ratification du CETA. Toutefois, avant cela, nos forces devraient peut-être se concentrer sur la gestion de la pandémie et sur la préparation de notre sortie de crise. Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons.

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