Intervention de Guillaume Gontard

Réunion du 15 avril 2021 à 14h45
Poursuite de la procédure de ratification du ceta — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Guillaume GontardGuillaume Gontard :

Le Gouvernement ne cesse de nous assurer du respect qu’il a pour notre chambre – le Premier ministre l’a fait, hier encore, à cette tribune –, mais, comme le disait le poète Pierre Reverdy, « il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour ». Refuser de soumettre la ratification du CETA à l’autorisation du Sénat est une nouvelle occasion manquée de témoigner de son respect à la représentation nationale. De même, l’absence, à ce banc, du ministre de l’Europe et des affaires étrangères cet après-midi, loin de témoigner de l’amour, démontre son indifférence, voire un certain mépris à notre endroit.

De quoi le Gouvernement a-t-il peur ? Que le Sénat rejette le CETA ? De remettre dans l’actualité un sujet totalement anachronique, un accord du XXe siècle, un traité du monde d’avant le covid, un symbole de la mondialisation qui paupérise les peuples et détruit l’environnement ? Ou bien les deux à la fois ?

Nous pouvons comprendre cette peur. Alors que la crise a mis à nu des failles béantes de la mondialisation, alors qu’elle a mis en lumière notre besoin criant de résilience et de souveraineté, le CETA ressemble plus que jamais au sparadrap du capitaine Haddock…

Nos agriculteurs ne s’en sortent plus. Lactalis veut supprimer, sur ses bouteilles, l’indication de provenance du lait ; le pauvre ministre de l’agriculture en perd ses bras, et vous voulez continuer à l’affliger ? Le Canada autorise les farines animales et certains OGM ; la concurrence internationale tire les prix vers le bas et réduit, comme une peau de chagrin, le revenu des agriculteurs ; nos normes sociales et environnementales sont piétinées au profit des multinationales, dont les pouvoirs sont élargis au point d’empêcher les États de légiférer pour protéger les peuples et la planète.

Donner encore davantage de pouvoir aux intérêts privés au détriment de l’intérêt général, est-ce vraiment là votre vision du monde, monsieur le ministre ?

Alors que l’Assemblée nationale examine le projet de loi Climat, qui demeure très en deçà des engagements de la France en matière de réduction des gaz à effet de serre, vous faites un énième pied de nez à la Convention citoyenne pour le climat, avec un énième joker. Il ne reste décidément pas grand-chose des 149 propositions de cette convention…

On est ainsi passé du « sans filtre » à un filtre jauni, encrassé de renoncements, tout cela pour préserver un traité incompatible avec l’accord de Paris, alors que, dans le même temps, le Président de la République refuse de signer, et c’est heureux, un traité de libre-échange avec le Mercosur, au motif que le Brésil ne respecte pas l’accord de Paris. Décidément, le « en même temps » fait des nœuds au cerveau, même aux intelligences supérieures.

Cet aveuglement vous empêche de concentrer vos efforts pour corriger les fragilités du pays : relocaliser la production économique, notamment agricole ; protéger notre économie, tout particulièrement nos agriculteurs, de la concurrence déloyale du marché ; renforcer la puissance publique face aux intérêts privés prédateurs ; engager la transition écologique, notamment agroécologique ; protéger les emplois ainsi que les salaires et instaurer un revenu paysan digne de ce nom ; et développer une économie de circuits courts et de vente directe, loin des multinationales agronomiques, qui exploitent les agriculteurs et sont les principales responsables de la plus grave et de la plus morbide épidémie qui touche la planète : l’obésité.

S’il était un exemple de l’hypocrisie totale de votre politique faussement écologique, le voilà sous nos yeux. Le « greenwashing » a de beaux jours devant lui…

Au moins, en matière de démocratie, les choses sont claires. Emmanuel Macron pense que la France a besoin d’un monarque, et son mépris du Parlement, de la Convention citoyenne pour le climat, des syndicats agricoles, des ONG et du peuple ne surprend personne. Ce qui est nouveau, c’est que cette soif de pouvoir absolu ne parvient même pas à respecter le cadre et l’usage quasi monarchique de la Constitution de la Ve République. Comment voulez-vous que les Français vous fassent à nouveau confiance en 2022 ?

Le groupe écologiste votera, naturellement et des deux mains, en faveur de cette proposition de résolution.

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