Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, signé le 30 octobre 2016 par le Canada et l’Union européenne et ses États membres, le CETA a été approuvé par le Parlement européen en février 2017.
Le CETA est un accord commercial bilatéral de libre-échange « de nouvelle génération ». Il ne se contente pas de réduire les seuls droits de douane, mais tente de diminuer toutes les entraves au commerce. Ainsi, outre la baisse des droits de douane, le CETA prévoit la protection des appellations d’origine contrôlée européennes, l’assouplissement de la mobilité professionnelle ou encore l’ouverture des marchés publics canadiens. Le CETA, c’est aussi la modification de quotas, dont l’augmentation des importations de viande canadienne vers l’Europe.
Certaines de ses dispositions relèvent de la compétence exclusive de l’Union européenne et d’autres des États membres, ce qui implique sa ratification par les parlements des vingt-sept États membres. Quatre ans plus tard, seuls treize pays européens l’ont ratifié. Le parlement chypriote s’est opposé à cette ratification l’été dernier, ce qui a justifié l’ouverture de négociations. Refusant d’attendre, le Conseil de l’Union européenne a néanmoins autorisé l’application provisoire des dispositions du CETA relevant de la compétence exclusive de l’Union. Ainsi, 90 % des dispositions de l’accord sont entrées en vigueur le 21 septembre 2017, sans que le Parlement français se soit jamais prononcé.
En France, le processus de ratification n’a été amorcé qu’à l’été 2019, avec le dépôt à l’Assemblée nationale d’un projet de loi de ratification. Le 23 juillet, après plusieurs jours d’âpres débats et l’opposition marquée du monde agricole, ce texte a finalement été adopté à une courte majorité, par 266 voix contre 213. Au moins, il y a eu débat. Tous les groupes ont pu s’exprimer. Depuis, plus rien !
Le débat au Sénat a été annoncé pour octobre puis décembre 2019. Nous l’attendons encore… Avec mes collègues de la commission des affaires économiques, nous étions prêts. Nous avions même désigné notre rapporteur pour avis.
Deux ans après sa ratification par les députés, quatre ans après son entrée en vigueur, le Sénat n’a toujours pas eu à se prononcer. Qu’attend-on ? Le Président de la République a rejeté l’appel de la Convention citoyenne pour le climat à renégocier le CETA. A-t-il peur que nous n’imitions nos collègues chypriotes ?
Le Sénat doit pouvoir débattre et s’exprimer sur cet accord, qui peut interroger en matière de sécurité sanitaire, de qualité des produits importés, mais aussi de préservation du modèle agricole français. Le Sénat doit pouvoir débattre et s’exprimer sur l’opportunité d’un tel accord, dont les négociations ont débuté en 2009, dans une société qui n’avait pas pleinement conscience des enjeux climatiques. Le débat est d’autant plus indispensable qu’un audit de la Commission européenne de mai 2020 a confirmé certaines craintes : traçabilité défaillante du bétail, conflits d’intérêts potentiels des vétérinaires chargés d’évaluer le respect des règles sanitaires…
La proposition de résolution que nous examinons aujourd’hui invite le Gouvernement à permettre ce débat. Nous partageons ce souhait. Une fois n’est pas coutume, je tiens à féliciter nos collègues du groupe CRCE de leur initiative.