Intervention de Bérangère Abba

Réunion du 15 avril 2021 à 14h45
Droit à l'eau — Discussion et retrait d'une proposition de loi

Bérangère Abba :

Monsieur le président, monsieur le vice-président de la commission Chevrollier, monsieur le rapporteur Lahellec, madame la sénatrice Varaillas, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi qui est soumise à votre examen vise à garantir le droit à l’eau par la mise en place de la gratuité sur les premiers volumes d’eau potable et l’accès pour tous à l’eau pour les besoins nécessaires à la vie et à la dignité.

En France, l’eau est un bien commun de la Nation et son usage appartient à tous. Notre droit consacre d’ores et déjà cet objectif. Le code de l’environnement établit que « chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d’accéder à l’eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous ».

L’accès à l’eau pour tous est évidemment un objectif que je partage et auquel le Gouvernement souscrit pleinement. À cet égard, les articles 19 et 19 bis du projet de loi Climat et résilience, qui sera bientôt examiné dans cet hémicycle, viendront renforcer notre ambition.

Au cœur de la crise sanitaire actuelle, la notion même de service public de l’eau a pris tout son sens. Je salue ici les collectivités et les entreprises qui ont assuré la continuité, en rassurant très vite les Français sur la qualité et la sécurité de l’eau du robinet. Toutefois, aujourd’hui encore, en 2021, 235 000 personnes sont privées d’un accès permanent à l’eau. Ce n’est pas acceptable, et nul ne peut s’y résoudre. Nous avons encore du travail pour assurer à chacun l’accès à l’eau potable et à l’assainissement.

C’est pour répondre à cet objectif que le Gouvernement a lancé la réforme de la gouvernance des services publics d’eau potable et d’assainissement en Guadeloupe. Votre assemblée a récemment adopté une proposition de loi tendant à en poser le cadre. En application de cette réforme, un établissement public local sera créé au 1er septembre 2021. Il veillera à la continuité du service et réalisera tous les investissements nécessaires au bon fonctionnement et à la modernisation des réseaux. Il était temps de répondre à ce besoin essentiel, que nous nous devons d’assurer à tous les Guadeloupéens.

Dans le même temps, le Gouvernement mobilise 300 millions d’euros du plan France Relance, pour sécuriser et moderniser les infrastructures de distribution d’eau potable, d’assainissement et de gestion des eaux pluviales. Les agences de l’eau et l’OFB en assurent le pilotage. Ces crédits sont déjà largement engagés, ce qui montre bien la mobilisation des collectivités sur cette mission fondamentale.

Si la ressource en eau est un bien public inaliénable, l’accès à ce bien repose sur un service rendu, qui a un coût.

En France, le prix de l’eau qui est facturé à l’usager correspond au prix du service comprenant le prélèvement, le traitement, la distribution et les réseaux. Il est fixé localement par la collectivité – la commune ou l’intercommunalité – ou par le syndicat d’eau potable auquel elle a confié l’organisation du service.

Les collectivités organisatrices peuvent choisir d’exploiter directement le service dont elles ont la responsabilité en régie ou d’en déléguer l’exploitation à un opérateur privé.

Au 1er janvier 2017, le prix moyen du service de l’eau potable et d’assainissement était de 4, 08 euros TTC par mètre cube, ce qui correspond à une dépense moyenne de 40, 80 euros par mois, soit environ 1, 4 % du budget moyen des dépenses des ménages. Toutefois, n’oublions jamais nos concitoyens les plus démunis. Le Gouvernement a ainsi facilité la mise en place des tarifications sociales et incitatives, de même que des mesures d’économies d’eau.

Dans le cadre de la loi Brottes de 2013, qui a interdit la pratique des coupures d’eau pour une résidence principale, même en cas d’impayés, une expérimentation a été menée auprès de cinquante collectivités en vue de tester différentes politiques sociales en faveur de l’accès à l’eau. Cette expérimentation a montré l’importance du principe de subsidiarité. En fonction de ses caractéristiques et des enjeux qui lui sont propres, chaque collectivité participante a pu mettre en place des mesures spécifiques et adaptées à son territoire et à son organisation.

En raison de ce succès, les mesures sociales en faveur de l’accès à l’eau ont été élargies à l’ensemble des collectivités et pérennisées dans la loi Engagement et proximité de 2019. Les collectivités sont donc déjà en mesure de mettre en place des dispositifs qui font l’objet de la présente proposition de loi, comme la définition de tarifs tenant compte de la composition ou des revenus du foyer, l’attribution d’aides au paiement des factures, ou encore des mesures favorisant les économies d’eau.

La possibilité de rendre les premiers mètres cubes gratuits existe déjà, mais, on le sait, cette gratuité est à observer avec précaution, car elle peut avoir un effet contraire à nos objectifs de bonne gestion de la ressource et de maîtrise des consommations.

Ces réflexions ont été largement portées au moment de l’organisation, en 2019, des Assises de l’eau. Ces points de vigilance y ont été largement établis.

J’en reste persuadée, un travail important est à réaliser pour un meilleur accès à l’eau potable. La clé ne réside pas, je crois, dans une modification de la loi, comme nous y invite cette proposition de loi, mais plutôt dans la mobilisation, large et active, des outils qui sont déjà à la disposition des collectivités.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez compris, si je suis défavorable à cette proposition de loi, je soutiens ce combat, cet engagement pour la dignité humaine. Je vous remercie d’avoir porté ce débat dans cet hémicycle, même si je ne vous rejoins pas sur la forme et émets donc un avis défavorable sur ce texte.

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