Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’accès à l’eau est un droit fondamental et élémentaire. L’eau est un bien commun qui ne peut être accaparé et dont l’accès doit être garanti à chacun et chacune. La question du droit à l’accès à l’eau pour toutes et tous est donc un enjeu essentiel, et nous souhaitons rappeler, avec le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, combien cette question mêle étroitement à la question écologique de préservation des ressources les enjeux de justice sociale et de santé publique.
L’eau est un patrimoine commun, mais aussi un patrimoine partagé, qui vient à manquer. Elle est également une ressource précieuse qu’il faut protéger. Seulement 44 % des eaux de surface étaient évaluées en bon ou très bon état en 2015.
La préservation et l’accès aux ressources en eau potable sont des questions écologiques cruciales, à l’heure où le dérèglement climatique et l’augmentation des catastrophes naturelles représentent un obstacle en plus qui privera les populations les plus vulnérables de cette ressource.
Dans le monde, ce sont près de 2, 2 milliards de personnes qui sont encore privées d’accès à l’eau, et plus de la moitié de la population mondiale n’a pas accès à un assainissement sûr.
La France n’échappe pas à cette problématique grave. On estime à environ 300 000 le nombre de personnes privées d’un accès à un réseau d’eau, à des toilettes et à des douches. Un million de ménages précaires sont dans la difficulté pour payer leur facture d’eau. Alors, où est le droit fondamental de l’accès à l’eau potable et à une hygiène de qualité ? Comment garantir un besoin aussi vital pour chacune et chacun ? C’est bien l’objet de cette proposition de loi que de combler cette inégalité, et nous remercions son auteure ainsi que l’ensemble du groupe CRCE.
La prise de conscience mondiale sur ce sujet est grandissante. Dix ans après l’ONU, qui proclamait que l’eau est un droit humain fondamental, l’Union européenne, en décembre 2020, a publié une directive qui vise à « améliorer l’accès aux eaux destinées à la consommation humaine » et qui contient l’obligation pour les États membres de mettre en œuvre le principe de l’eau potable pour tous. La directive dispose ainsi que « les États prennent les mesures nécessaires pour améliorer ou préserver l’accès de tous aux eaux destinées à la consommation humaine, en particulier des groupes vulnérables et marginalisés ».
Des mesures à la hauteur des ambitions de la directive doivent être prises dans le cadre de sa transposition. Cette proposition de loi pourrait en constituer un très bon commencement. La directive devra tôt ou tard être transposée en droit français. Alors, saisissons l’opportunité et permettons au Parlement de se positionner sur le texte et d’en dessiner les contours.
Prévoir dans le code de la santé publique que chacun doit avoir accès à l’eau potable et à l’assainissement, prévoir aussi la mise à disposition gratuite d’équipements au plus près des populations : autant de premiers pas vers la garantie concrète de ce droit.
Une aide préventive pour les ménages, afin que la facture d’eau ne dépasse pas 3 % de leurs ressources, est aussi de nature à répondre à l’esprit et aux objectifs de la directive. En effet, même si l’on salue les dispositifs sociaux mis en place en droit français ces dernières années, on ne peut que déplorer le fait que les aides soient conditionnées à l’existence de compteurs individuels et que le montant moyen des allocations reste dérisoire.
Par ailleurs, des craintes ont été exprimées sur les nouvelles charges que la gratuité des premiers mètres cubes et la mise à disposition des équipements pourraient induire pour les collectivités. Cependant, la mise en place de la gratuité va permettre de diminuer le nombre d’impayés d’eau et, donc, de décharger les centres communaux d’action sociale et les fonds de solidarité pour le logement. Les collectivités pourraient mettre à disposition les équipements sanitaires et de distribution d’eau dans des bâtiments publics ou appartenant à des associations subventionnées. Ils pourraient aussi être financés par une tarification sociale progressive de l’eau.
Le droit fondamental d’accès à l’eau doit être garanti pour toutes et tous, car il s’agit de la satisfaction de besoins élémentaires nécessaires à la bonne santé publique. Thomas Sankara disait : « Il faut choisir entre le champagne pour quelques-uns et l’eau potable pour tous ! » C’est vrai, me semble-t-il, et c’est l’un des enjeux majeurs de l’humanité pour les années à venir. On a parfois l’impression que les mots de « justice sociale », souvent prononcés ici, résonnent un peu dans le vide.
Pour garantir que chaque individu ait accès à ce bien commun de l’humanité, et au vu des enjeux renforcés par l’urgence écologique, il est nécessaire d’avancer contre l’accaparement des ressources en eau par des intérêts privés dans une logique de profit, au détriment de l’intérêt général. C’est pourquoi le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires soutiendra cette proposition de loi.