Intervention de Guillaume Chevrollier

Réunion du 15 avril 2021 à 14h45
Droit à l'eau — Discussion et retrait d'une proposition de loi

Photo de Guillaume ChevrollierGuillaume Chevrollier :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, chers collègues, je remercie l’auteur de la proposition de loi et le rapporteur pour leur travail sur ce texte, qui est directement inspiré de la proposition de loi visant à la mise en œuvre effective du droit à l’eau potable et à l’assainissement examinée, puis rejetée par le Sénat le 22 février 2017. Ces deux textes sont l’aboutissement de travaux menés en lien avec des associations et ONG afin de rendre effectif le droit d’accès à l’eau en permettant que les personnes les plus vulnérables disposent d’un accès aux équipements sanitaires indispensables et de mettre en place une aide préventive pour l’eau.

L’objectif est évidemment louable : l’accès à l’eau potable et à l’assainissement est un droit fondamental inscrit dans plusieurs traités internationaux. Le droit à l’eau potable, à l’assainissement et à l’hygiène constitue notamment l’objectif n° 6 des dix-sept objectifs de développement durable 2030 adoptés par les États membres des Nations unies qui visent à garantir l’accès de tous à des services d’alimentation en eau et à un assainissement gérés de façon durable. C’est une question de salubrité, d’hygiène et de santé publique.

Le Sénat avait cependant été conduit à rejeter le texte de 2017 pour de multiples raisons. D’abord, parce que celui-ci introduisait des obligations nouvelles pour les collectivités territoriales à l’article 2, notamment l’installation d’équipements de distribution gratuite d’eau potable, de toilettes, de douches publiques et de laveries gratuites. Ensuite, parce que les articles 3 et 4 introduisaient deux aides préventives pour l’accès à l’eau en sus des aides curatives, en utilisant le produit de la contribution sur les eaux et boissons embouteillées, dont les sommes perçues par la douane sont mises à la disposition de chaque commune concernée.

Le texte que nous examinons aujourd’hui reprend très exactement les dispositions de la proposition de loi précitée. Il remplace néanmoins les deux mécanismes financiers qu’elle prévoyait par un principe de gratuité des premiers mètres cubes d’eau. En commission, le rapport a été rejeté au motif que le dispositif introduit des obligations nouvelles pour les collectivités territoriales et que, en l’absence d’étude d’impact, il est impossible de chiffrer le coût de cette mesure – coût de mise aux normes, d’entretien et coûts d’acquisition de locaux dédiés.

La question que nous pourrions nous poser est la suivante : quelles sont les solutions opérationnelles que nous pouvons apporter pour permettre à tous l’accès à l’eau dans des conditions économiques raisonnables, aussi bien pour les usagers que pour les collectivités ?

La gratuité de l’accès à l’eau pose problème. En effet, il est d’autant plus nécessaire de préserver les ressources que, dans un contexte de dérèglement climatique, l’eau est et sera de plus en plus rare. Une vigilance s’impose ; or sobriété ne rime pas avec gratuité.

Il est de notre responsabilité de trouver un mécanisme de solidarité qui ne mette pas à mal le modèle économique de l’eau, notamment en exerçant une pression financière sur les collectivités.

Au-delà des aides qui existent déjà et qui peuvent être accordées aux ménages en difficulté, il est possible d’établir une tarification progressive de l’eau pour les immeubles collectifs d’habitation, ou de bénéficier de l’aide du Fonds de solidarité pour le logement.

Pour ouvrir le débat, je tenais également à rappeler, mes chers collègues, que le prix moyen de l’eau, d’environ 4 euros, est bas par rapport aux prix que pratiquent nos voisins européens. En Allemagne, par exemple, le mètre cube d’eau coûte en moyenne 5, 50 euros.

Le prix de l’eau en France ne prend pas suffisamment en compte les coûts afférents au nécessaire renouvellement des infrastructures et à la réduction des nombreuses fuites d’eau dans les réseaux de nos territoires. À moyen terme, il faudra sécuriser les budgets, et même les rehausser de plusieurs milliards d’euros afin de parvenir à un niveau d’investissement à la hauteur des besoins de renouvellement de nos réseaux, de faire face à l’adaptation au changement climatique et d’accompagner nos collectivités dans ces évolutions. À défaut, c’est une fracture territoriale sans précédent entre les villes et les campagnes qui nous menace.

Du fait du principe – que nous devons préserver – selon lequel l’eau paye l’eau, la conséquence de cette absence d’investissements massifs aura des conséquences sur la facture d’eau des Français et des collectivités rurales.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, tout en saluant les objectifs louables recherchés au travers de cette proposition de loi, le groupe Les Républicains ne votera pas ce texte. Il reconnaît toutefois que ce texte pose le problème de la pauvreté dans notre pays et qu’il rappelle l’urgence de trouver des mesures pour accompagner nos compatriotes dans la difficulté financière.

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