Tout comme notre présidente, je suis convaincu que l'énergie nucléaire, qui représente les trois quarts de notre mix électrique et n'émet que six grammes de dioxyde de carbone par kilowattheure, est un atout crucial pour atteindre l'objectif de « neutralité carbone » à l'horizon 2050. Pour que la production d'énergie nucléaire s'effectue dans des conditions optimales, aujourd'hui comme demain, il est nécessaire de veiller à la sûreté des installations et à la gestion des déchets. C'est pourquoi je voudrais vous soumettre quatre questions.
En premier lieu, je souhaiterais recueillir votre avis sur les perspectives d'évolution de l'énergie nucléaire dans notre mix énergétique. Le gouvernement n'a pas tranché cette question car elle relève de la seule compétence du législateur, dans le cadre de la « loi quinquennale », prévue à compter de 2023. Pour autant, il a lancé un programme de travail sur le coût du nouveau nucléaire, et commandé à Réseau de transport d'électricité (RTE) et à l'Agence internationale de l'énergie (AIE) un « scénario 100 % renouvelables ». Ces études doivent permettre de décider, ou non, du lancement d'un « programme de renouvellement des installations nucléaires », EDF ayant proposé la construction de trois paires d'EPR dans le cadre du projet « Nouveau nucléaire de France ». Selon vous, la construction de nouveaux EPR permettrait-elle de renforcer le niveau de sûreté nucléaire ? À l'inverse, l'application d'un « scenario 100 % renouvelables » ne poserait-elle pas des difficultés sur le plan de la sûreté nucléaire, puisqu'il faudrait démanteler la totalité de nos réacteurs ?
En deuxième lieu, je voudrais vous interroger sur le chantier de l'EPR de Flamanville. Notre présidente a rappelé ces difficultés mais je souhaiterais revenir sur deux points spécifiques, à savoir l'état des compétences de la filière nucléaire et le niveau d'exigences en matière de sûreté nucléaire. Tout d'abord, dans son rapport sur l'EPR de Flamanville, Jean-Martin Folz a imputé les difficultés rencontrées à - je le cite - « une perte de compétences généralisée ». Cette perte de compétences est-elle avérée ? A-t-elle un impact sur la sûreté nucléaire ? Et comment la surmonter ? Plus encore, alors que l'EPR de Flamanville, dont la construction a été engagée il y a quinze ans, n'est toujours pas opérationnel, les autorités de sûreté nucléaire ont autorisé le fonctionnement des EPR de Taïchan, en Chine, en 2018 et 2019, et d'Olkiluoto, en Finlande, le 24 mars dernier. Pourquoi la France est-elle à la traîne ? Notre opérateur EDF a-t-il rencontré plus de difficultés ? À l'inverse, les règles de sûreté sont-elles plus contraignantes qu'ailleurs ? Je pense ici à la Chine...
En troisième lieu, je souhaiterais recueillir votre opinion sur le financement des charges nucléaires de long terme, liées en particulier au démantèlement des réacteurs ou à la gestion des déchets. C'est un sujet qui préoccupe beaucoup notre commission. C'est d'ailleurs grâce à notre seule action que le Gouvernement n'a pas supprimé la commission nationale d'évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs (CNEF), c'est-à-dire la commission chargée d'évaluer les charges ainsi provisionnées par les exploitants : à l'occasion de l'examen du projet de loi « ASAP », nous avons en effet durement bataillé et obtenu le maintien de cette commission ainsi que le renforcement de ses pouvoirs ! L'ASN rendant un avis sur les rapports remis sur ce sujet par les exploitants au ministre de l'énergie, quel est votre avis sur les charges ainsi provisionnées ? Leur niveau est-il suffisant ? Et comment redynamiser la CNEF, ce que nous appelons de nos voeux ?
Pour conclure, je voudrais aborder la gestion des déchets nucléaires. Où en est l'élaboration du plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR) ? Et qu'en est-il du projet de stockage profond de déchets Ciégo, mis en place par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) ? Quels en sont les enjeux et le calendrier ? Quels sont les principaux avis émis par l'ASN ? Enfin, que pensez-vous de l'ambition de la fermeture du cycle du combustible nucléaire, c'est-à-dire le remploi à terme des déchets comme combustibles ? À cet égard, l'arrêt du projet de démonstrateur ASTRID, qui devait y contribuer, n'est-il pas regrettable ?