Intervention de Richard Abadie

Commission des affaires sociales — Réunion du 14 avril 2021 à 9h30
Proposition de loi pour la prévention en santé au travail — Audition de Mm. Richard Abadie directeur de l'agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail anact stéphane pimbert directeur général de l'institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles inrs du pr gérard lasfargues conseiller scientifique auprès du directeur général et M. Henri Bastos directeur adjoint de l'évaluation des risques volet santé-travail de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation de l'environnement et du travail ansés et de Mme Mélina Le barbier directrice-adjointe de la direction santé-environnement-travail de santé publique france

Richard Abadie, directeur de l'ANACT :

De notre point de vue, la proposition de loi permet de porter une approche large et ouverte de la santé au travail, et conforte ainsi les évolutions initiées dans le 3e plan santé au travail (PST) et les deux accords nationaux interprofessionnels (ANI) de 2013 et 2020 qui ont joué un rôle majeur dans l'orientation des actions de l'Anact et son réseau.

Je pense notamment à la volonté d'accorder la priorité à la prévention primaire - c'était le premier axe du PST - et de promouvoir le travail comme un facteur de santé - c'était son deuxième axe - mais aussi de mobiliser davantage le dialogue social en appui des actions de prévention - ce qui constituait une partie du troisième axe. Les potentielles contributions de l'Anact sur le contenu de ce texte s'inscrivent donc dans ce cadre. Pour ce faire, je vous propose d'évoquer rapidement deux séries de repères, non pour sous-entendre qu'ils ne seraient pas intégrés dans la proposition de loi, mais pour favoriser une lecture globale des pratiques initiées dans ce texte.

La première série est liée à la volonté de renforcer la prévention au sein des entreprises : c'est l'intitulé du titre premier. On invite à favoriser, dans les entreprises, des pratiques de prévention qui soient davantage intégrées à des actes de gestion quotidiens. Cela justifie, de notre point de vue, d'agir sur l'organisation du travail (horaires, process...) mais aussi d'accompagner des projets de transformation et de changement au sein des entreprises (robotisation, numérisation, fusion et recomposition économique, développement du travail à distance...). Ceux-ci nécessitent d'associer les personnes concernées, si l'on veut agir sur la santé au travail.

De la même façon, il est important de renforcer le dialogue social avec les instances représentatives du personnel, mais aussi professionnel avec et entre travailleurs. En effet, ils jouent un rôle majeur dans toute démarche d'amélioration continue, dont relèvent les mesures de prévention. Il importe de pouvoir prendre en compte les propositions des principaux concernés.

Il serait utile de faire évoluer les modalités de management et d'enrichir les actions de prévention et de construction de parcours professionnels pour permettre à chacun de travailler en bonne santé, d'être compétent et motivé tout au long de sa carrière. Au final, il faut conduire des démarches transversales, visant à répondre à la fois aux préoccupations économiques et sociales de la direction mais aussi à celles des salariés et de leurs représentants.

La deuxième série de repères pour renforcer la prévention au sein des entreprises est liée à la volonté d'accompagner certains publics - notamment vulnérables - et de lutter contre la désinsertion professionnelle. C'est l'intitulé du titre III. De notre point de vue, cela implique d'appréhender, le plus en amont possible et tout au long du parcours professionnel, les expositions à certaines contraintes, comme l'usure professionnelle, et les moyens de les prévenir. Cela implique aussi de traiter et de suivre individuellement les personnes exposées tout en se donnant les moyens d'en tirer des enseignements plus collectifs pour alimenter la politique de prévention des entreprises, comme cela est écrit dans l'ANI. Cela suppose enfin de non seulement définir le contenu des formations utiles en matière de prévention et de les concentrer dans un passeport prévention comme le propose le texte, mais aussi de développer des environnements et de réunir des conditions qui favorisent les apprentissages ou le développement des compétences, voire des savoir-faire prudentiels par les travailleurs. Je prendrai l'exemple des actions de formation en situation de travail (Afest). L'ANI y fait explicitement référence pour privilégier les mises en situation dans et en dehors de l'entreprise et prévenir ainsi la désinsertion professionnelle. Le dispositif est déjà introduit dans le code du travail - ce pour quoi on ne le retrouve pas dans ce texte - mais il gagnerait à être davantage mobilisé.

En conclusion, ce texte invite à renouveler notre lecture de l'ensemble des dispositions du code du travail. Cette lecture sera combinée et nourrie par l'analyse des pratiques innovantes menées par nombre d'entreprises et de secteurs. Ce serait le sens de notre contribution.

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