Intervention de Stéphane Pimbert

Commission des affaires sociales — Réunion du 14 avril 2021 à 9h30
Proposition de loi pour la prévention en santé au travail — Audition de Mm. Richard Abadie directeur de l'agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail anact stéphane pimbert directeur général de l'institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles inrs du pr gérard lasfargues conseiller scientifique auprès du directeur général et M. Henri Bastos directeur adjoint de l'évaluation des risques volet santé-travail de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation de l'environnement et du travail ansés et de Mme Mélina Le barbier directrice-adjointe de la direction santé-environnement-travail de santé publique france

Stéphane Pimbert, directeur général de l'institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) :

Je vais d'abord rappeler ce qu'est l'INRS. C'est une association créée en 1947 par les partenaires sociaux et la caisse nationale de l'assurance-maladie (CNAM) : sa gouvernance est donc paritaire. Sa mission est la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT-MP) avec un périmètre regroupant tous les risques. Ils ont, bien évidemment, évolué depuis 1947. Les risques étaient alors situés dans les mines et les usines. Désormais, nous nous occupons de quatre grands domaines : les risques chimiques - qui représentent 30 % de notre activité - les risques biologiques, les risques physiques et mécaniques, et les risques organisationnels et situations de travail - qui regroupent des questions d'organisation, les troubles musculo-squelettiques (TMS) et les risques psycho-sociaux. Nous disposons de quatre moyens d'action : les études et recherches, la formation - notamment des médecins du travail et des élus du personnel -, l'information et la communication à travers le web - notre site enregistre 30 000 connexions par jour -, et enfin l'assistance et l'appui aux caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat), aux pouvoirs publics et aux entreprises. Nous avons 579 salariés et un budget de 79 millions d'euros, constitué principalement par le fonds national des accidents du travail.

Pourquoi trouve-t-on que cette réforme va dans le bon sens ? Elle va dans la direction de la prévention, qui est notre mission, comme le faisaient le PST 3 et l'ANI de décembre 2020 qui soulignaient cet objectif et l'accompagnaient de moyens. Dès l'exposé des motifs du texte de l'Assemblée nationale, l'importance de la prévention et de la santé au travail est réaffirmée. Renforcer la prévention est essentiel. Il y a quelques années, l'objectif principal était la réparation : on est donc passé à une logique de prévention, qui va largement dans le bon sens.

Deuxième chose : l'optimisation du travail des acteurs est importante à nos yeux. Nous nous coordonnons régulièrement au niveau national. Au niveau local, l'INRS a deux types de relais principaux : les Carsat, qui ont un rôle majeur, y compris en prévention, et les services de santé au travail (SST). La volonté d'optimiser, de coordonner et de rendre cohérent le fonctionnement des SST compte beaucoup pour nous, même si nous aurions aimé une meilleure structuration.

Leur rôle est important. Ce sont les acteurs les plus proches de l'entreprise, de l'employeur et des salariés. Le texte étend les missions des SST vers la prévention, le suivi des salariés, l'aide à l'évaluation des risques dans l'entreprise ou encore la participation à la promotion de la santé sur le lieu de travail : c'est essentiel à nos yeux. Il faudra toutefois gérer les aspects de ressources humaines et financières.

Voilà ce que l'INRS pouvait dire de cette proposition de loi en relation avec le renforcement de la prévention, l'amélioration, l'homogénéité et la coordination des services, ainsi que sur l'aspect gouvernance.

Sur les publics vulnérables et la lutte contre la désinsertion professionnelle, l'INRS est moins présente, si ce n'est à travers des études et recherches. Les acteurs nationaux et leurs déclinaisons locales sont beaucoup plus présents.

Professeur Gérard Lasfargues, conseiller scientifique auprès du directeur général de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSéS). - Sur le principe, tout ce qui peut permettre de faire avancer la prévention - et notamment la prévention primaire - en santé au travail est vu d'un oeil favorable par l'agence de sécurité sanitaire qu'est l'ANSéS. Ses missions premières consistent à fournir aux autorités l'information nécessaire à la prise de décision concernant la prévention des risques professionnels et à appuyer les principales politiques publiques en la matière.

L'agence contribue fortement à la connaissance des dangers en matière de santé au travail, des expositions professionnelles - notamment pour les risques émergents (nanoparticules, pesticides, perturbateurs endocriniens...) - et elle contribue aussi, en particulier via le réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles (RNV3P), à l'évaluation des risques dans le champ de la santé au travail, et à l'élaboration de la réglementation nationale ou européenne - je pense aux produits chimiques dans le cadre des règlements REACH (« Registration, Evaluation, Authorisation and Restriction of Chemicals » - Enregistrement, évaluation, autorisation et restriction des substances chimiques) et CLP (« Classification, Labelling, Packaging » - Classification, étiquetage et emballage des substances chimiques et mélanges), aux produits pharmaceutiques ou biocides. Elle contribue aussi à l'élaboration de valeurs de référence pour protéger les travailleurs, comme les valeurs limites d'exposition professionnelle ou les valeurs limites biologiques, dans les fluides biologiques des organismes des travailleurs.

L'agence a déjà nourri plusieurs précédents rapports de ses propositions, dont le rapport Frimat ou celui de la députée Charlotte Lecocq. Nous avons pu expliquer à chaque fois nos missions et nos actions dans la prévention des risques professionnels, mais nous avons également pu faire des propositions pour pérenniser, renforcer, compléter et conforter les dispositifs existants, notamment pour le suivi des expositions collectives - que ce soit les enquêtes ou les registres -, pour développer les études relatives à la biosurveillance des expositions professionnelles, notamment aux produits chimiques, et pour améliorer le recueil et l'exploitation des données et des informations par les professionnels de santé au travail. M. Pimbert en parlait : ce point nous paraît important si on veut faire avancer la prévention primaire, notamment dans les petites et moyennes entreprises (PME), qui constituent le noeud du tissu industriel français. Nous avions également recommandé une véritable impulsion politique pour la dématérialisation des données de santé et d'exposition enregistrées par les SST, ainsi que la dématérialisation et l'enregistrement du suivi des documents uniques d'évaluation des risques professionnels (DUERP). Nous sommes satisfaits que ces sujets puissent être abordés dans cette nouvelle loi et dans cette mise en avant de la prévention primaire.

Il nous paraît important de renforcer l'harmonisation des pratiques d'accompagnement et de prévention en direction des différentes catégories de travailleurs et de travailleuses, au-delà des protections qui s'attachent à leur régime de protection sociale et leur statut d'emploi, selon qu'ils relèvent du régime général, agricole, de la fonction publique, des indépendants... Cette meilleure harmonisation effective des lois et réglementations en la matière permettrait d'éviter les laissés pour compte.

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