Santé publique France est l'agence nationale de santé publique, sous tutelle du ministère des solidarités et de la santé. L'agence est également engagée dans une convention cadre tripartite avec la direction générale du travail.
À Santé publique France, nous souhaitons souligner trois points par rapport à cette proposition de loi qui conforte l'ANI de décembre 2020. Tout ce qui renforce et réaffirme l'importance de la prévention nous paraît positif. Le premier point mettra en lumière les différents axes de travail complémentaires dans lesquels s'inscrivent les travaux de l'agence : l'importance de continuer les travaux pour mieux comprendre et prévenir les risques professionnels, et mieux appréhender l'organisation du travail et ses effets sur la santé. Nous insistons sur la nécessité d'adopter une approche complémentaire, qui tend à se développer : la promotion de la santé publique en milieu de travail, qui favorise l'adoption de comportements favorables à la santé dans ces environnements. Le deuxième point concerne le renforcement des systèmes de surveillance, l'accès aux données des services de santé au travail et l'interopérabilité des systèmes. Le troisième point vise à tirer certains enseignements de la crise sanitaire actuelle.
Sur le premier point, qui concerne le décloisonnement entre santé publique et santé au travail, Santé publique France recommande de continuer les travaux visant à la compréhension des risques professionnels, de l'organisation du travail et de ses effets sur la santé. Nous produisons des données pour appuyer les pouvoirs publics, les régimes de protection sociale et les partenaires sociaux. Sur le volet des expositions, nous pouvons citer : la surveillance des fréquences et des intensités des expositions professionnelles via les travaux de matrice en pleine exposition ou encore les travaux de biosurveillance en milieu professionnel ; le volet sur les pathologies, avec des systèmes et des études de surveillance spécifique de certaines pathologies, comme le dispositif national de surveillance de mésothéliomes ou d'autres cancers, la surveillance des TMS, ou de la santé mentale ; le développement de dispositifs de surveillance épidémiologique pour certains types de travailleurs, comme les cohortes Coset-MSA et Coset-Indépendants pour les travailleurs agricoles et indépendants.
Il faut souligner l'importance des dispositifs de surveillance - surveillance des expositions et des pathologies et caractérisation des impacts - pour continuer à améliorer la prévention des risques professionnels, la reconnaissance des maladies, et finalement améliorer la connaissance sur le lien entre exposition professionnelle, organisation du travail et santé. Il faut aussi, en parallèle, insister sur la nécessité de développer des actions de santé publique en milieu professionnel. L'enjeu est de mieux articuler les ressources de la santé au travail et celles de la santé publique, qui ont déjà été évoquées dans le PST 3, et les orientations qui doivent pouvoir être concrétisées et sont discutées pour l'établissement du PST 4 pour prendre en compte les attentes et évolutions sociétales. Santé publique France pilote actuellement les réflexions pour promouvoir des comportements favorables à la santé dans les environnements de travail pour l'établissement du prochain PST 4.
De par son périmètre, Santé publique France accompagne cette volonté de décloisonnement entre la santé publique et la santé au travail.
Le deuxième point concerne le renforcement des systèmes de surveillance, l'accès aux données des services de santé au travail et l'interopérabilité des systèmes. Notre proposition rejoint les recommandations formulées par l'ANSéS et l'INRS à l'instant relatives à la promotion et l'acquisition des connaissances. Nous souhaitons renforcer certains systèmes de surveillance, qui s'appuient sur des SST parfois fragiles : on se tourne en effet vers des acteurs de terrains très sollicités (médecins du travail et médecins inspecteurs). Il faut réfléchir aussi à une évolution et à une stabilisation de la méthode de collecte. Nous rappelons l'enjeu important que constituent les données recueillies dans les SST, tant pour renseigner sur les pathologies que sur les expositions. Je fais le lien avec ce que soulignait l'ANSéS sur le volet expositions, proposant de développer des études relatives à la biosurveillance et d'aller vers une centralisation de ces données. C'est l'une des perspectives du prochain programme national de biosurveillance, géré par Santé publique France. Se pose ensuite la question de l'interopérabilité et du regroupement des données.
Le dernier point consiste à se demander quels enseignements tirer de la crise sanitaire de la covid. Les travailleurs sont soumis, pendant cette crise, à des changements massifs de leurs conditions de travail. Les mesures prises ont eu des conséquences diverses : elles ont accéléré le déploiement de nouvelles modalités d'organisation du travail, conduit à des mesures de prévention, et mais ont aussi entraîné des impossibilités de travailler pour certaines catégories de travailleurs. Ces nouveautés, ainsi que les difficultés économiques qui vont découler de la perte ou de la diminution des revenus auront un effet néfaste sur la santé physique et mentale. Il est important de pouvoir documenter l'impact de ces modifications majeures d'organisation, de l'arrêt ou de la diminution des activités, et de tirer certains enseignements sur les besoins identifiés pendant cette crise sanitaire, qu'il s'agisse du décloisonnement ou de l'anticipation sur certains sujets émergents et/ou soulignés par la crise actuelle (risques biologiques et risques liés au changement climatique).
En définitive, à l'agence, nous accompagnons le décloisonnement entre santé publique et santé au travail et nous nous inscrivons dans cette surveillance épidémiologique en lien avec nos partenaires. Travailler en collaboration avec d'autres organismes, mais en étant clair sur le non-chevauchement des compétences, est aussi un de nos objectifs.