Je vous remercie de me donner l'occasion de m'exprimer sur ce sujet extrêmement important. Lors des auditions réalisées dans le cadre de la mission « Agenda rural », nous avions constaté qu'une grande partie des politiques publiques n'irriguaient pas l'ensemble des territoires, ce qui avait contribué au sentiment d'abandon qui s'était exprimé fin 2018. L'objectif est de trouver les bons critères et les bons outils afin que les politiques publiques actuelles et futures bénéficient à ceux qui en ont le plus besoin.
Quels sont les outils actuels ? Les Zones de développement prioritaire sont basées sur la densité de population et le revenu par habitant. Le dispositif est intéressant, mais il repose sur le périmètre intercommunal et ce postulat soulève une réelle difficulté, car de nombreuses communes bénéficient, de ce fait, du statut de ZDR tout en ayant des revenus importants - même les ressources par habitant dépassent parfois la moyenne nationale. En outre, dans le cadre de l'Agenda rural, l'INSEE a modifié sa définition du rural : la cartographie, réalisée à l'échelle communale, a gagné en précision et ce document objectif fait foi sur ce qu'est une commune rurale. Il s'agit d'un outil de base pour retravailler les dispositifs.
La dotation de solidarité rurale - d'un montant d'environ 1,5 milliard d'euros - est également un outil important. Près de 31 000 communes bénéficient de cette aide, dont 2 300 communes urbaines. Ici encore, nous voyons les difficultés que posent les critères d'attribution. D'année en année, les évolutions législatives font entrer de nouvelles communes dans ce périmètre, réduisant significativement l'impact de cette dotation, qui se trouve dispersée sur un nombre grandissant de bénéficiaires. De fait, les situations de déséquilibre ne sont plus corrigées.
De la même manière, la DETR concerne aujourd'hui 97 % des communes et 90 % des EPCI. Plus de 3 300 communes urbaines bénéficient de cette dotation. Progressivement, l'outil a été dévoyé de son rôle initial - celui d'accompagner en priorité les territoires ruraux. La multiplication des communes percevant cette aide rend le dispositif moins impactant, moins utile pour les territoires qui en ont réellement besoin.
L'intercommunalité a récupéré bon nombre de compétences qui constituaient jusqu'à présent des charges de centralité pour les chefs-lieux de canton. Cet aspect mériterait d'être retravaillé, afin que nous puissions mieux réfléchir à la redistribution d'argent public vers les communes afin de les accompagner dans des politiques publiques de proximité. Les charges de centralité se sont significativement réduites dans bon nombre de chefs-lieux de cantons ou de centres-bourgs. Pourtant, les dotations n'ont pas évolué en conséquence - la DGF, par exemple, varie du simple au double selon les communes.
Nous travaillons également sur la question des aménités. Dans un contexte de crise sanitaire et environnementale, les territoires ruraux ont un rôle important à jouer dans la préservation des terres et espaces naturels. Il en résulte des contraintes supplémentaires pour nos villages. J'indique que la rémunération des aménités permettrait aux territoires d'arrêter cette course effrénée pour maintenir ou développer leur population.
La redéfinition du milieu rural par l'INSEE porte la population concernée à 24 millions de personnes, contre moins de cinq millions auparavant. En couplant les critères de revenu par habitant ainsi que de potentiel financier et en adoptant une approche à l'échelle communale, les politiques publiques pourraient mieux cibler les communes qui en ont le plus besoin.
Karine Gloanec-Maurin. - Mes collègues ont largement décrit les outils à notre disposition. Au nom de la commission que je co-préside à l'AMF, mon message est le suivant : la ruralité n'est pas faite de territoires en creux, mais de territoires « en plein », amenés à répondre à nombre de questionnements de nos concitoyens s'agissant, notamment, de la concentration urbaine. Ce contexte - et la crise actuelle le démontre - place nos territoires dans une position nouvelle.
Les outils ne doivent pas uniquement être orientés vers le développement des soutiens financiers ; ils doivent également permettre d'établir de véritables projets de territoires pour que nous soyons considérés comme des territoires d'avenir. J'insiste sur ce point. Les ZRR doivent être protégées. Le nouveau CRTE et l'accompagnement de l'ANCT dans l'ingénierie peuvent aussi être des réponses utiles. Divers dispositifs, dont les Maisons France Services, aident également à maintenir les services publics.
Je ne suis pas tout à fait d'accord avec M. Dhumeaux sur un point. À mon avis, tous les dispositifs favorisant les coopérations entre communes sont bénéfiques. Une commune de 80 habitants ne peut pas développer à elle seule un projet accompagnant sa population étant donné la complexité du développement territorial. Les coopérations sont donc essentielles pour maintenir le service public et accompagner l'habitant.
Nous devons sans doute travailler plus pour garantir l'accès au logement correct pour tous. Une réflexion sur les transports est également nécessaire, car les territoires ont été impactés par les changements de modèle de mobilité et le rapport du sénateur Jacquin sur ce sujet est intéressant. Nous devons aussi penser l'accueil des populations jeunes au travers, notamment, des projets d'école. L'idée n'est pas de conserver une école dans chaque commune, mais de négocier avec l'Éducation nationale pour que la moyenne des effectifs ne soit pas la même en territoire urbain et en territoire rural. En zone périurbaine, les effectifs sont réduits à douze enfants par classe : nous souhaitons que cela soit également le cas dans les territoires ruraux. Une prime aux enseignants en territoire rural a été évoquée et nous avons besoin de tels outils.
Une attention particulière mériterait d'être portée aux moyens européens pouvant nous être alloués. Nous devons réclamer un accès élargi aux programmes accompagnant, non seulement l'agriculture, mais aussi le développement rural et l'avenir des territoires ruraux, car les élus des territoires ruraux sont souvent en difficulté pour bénéficier de ces dispositifs.
Il nous est aussi difficile de capter les financements en ingénierie et de trouver les compétences nécessaires. Le volontariat territorial en administration attire de jeunes diplômés. En revanche, un problème demeure dans l'évaluation du Fonds d'intervention communal (FIC) : des territoires peu denses et pauvres contribuent à ce fonds alors qu'ils devraient en être bénéficiaires.
Je finirais par les services publics à maintenir : outre la santé et La Poste, j'inclus la dimension culturelle. Nos territoires participent à l'évolution du monde et nous devons avoir accès à cette dimension.