La réunion est ouverte à 9 heures.
Nous poursuivons notre cycle d'auditions sur les perspectives de la politique d'aménagement du territoire avec une table ronde consacrée au thème du zonage de nos territoires.
Nous sommes très heureux d'entendre les représentants des corps d'inspection de l'État, auteurs du rapport relatif aux dispositifs zonés de soutien du développement économique et de l'emploi dans les territoires.
Les zonages, c'est-à-dire les avantages fiscaux et les allègements de charges ciblés sur les territoires, ont fait couler beaucoup d'encre avec des rapports qui se sont accumulés. Celui que vous avez publié en juillet 2020 est particulièrement impressionnant non seulement par sa taille, mais aussi par la liste des personnes qui l'ont établi et qui se rattachent à nos quatre grands corps d'inspection - finances, environnement, administration et affaires sociales. Le Gouvernement a résumé votre message en quelques mots : faible efficacité des zonages en termes de créations d'emplois ou d'activité, et faible lisibilité. Toutefois, il a fait adopter, en loi de finances pour 2021, un amendement de prorogation des principaux dispositifs de zonage jusqu'au 31 décembre 2022, en reconnaissant, je cite, leur « ?dimension symbolique et financière pour les territoires ».
« Symbolique » : ce mot me fait réagir et je formulerai une observation pour lancer le débat. Quel est le grand message du Conseil d'État dans ses rapports sur la lisibilité et la simplification des normes ? Réponse : il hiérarchise à juste titre les problèmes en disant que la pire pathologie, plus encore que la complexité, c'est l'instabilité, car elle crée « ?un climat d'incertitude qui mine la confiance envers la loi, la justice et nos institutions? ». Cela figure dans sa remarquable étude annuelle 2016. Que nous disent les grands capitaines d'industrie ? Exactement la même chose, en allant encore plus loin. Je me souviens d'une intervention de Louis Schweitzer, issu, comme vous, des grands corps de l'État, mais qui, sur la base de son expérience à la tête de Renault, soulignait que la prévisibilité est tellement importante pour un investisseur qu'à la limite il vaut mieux conserver un dispositif imparfait que de le modifier.
Ne voyez, dans ce propos liminaire, qu'un début de réponse à cette allusion du Gouvernement à la « ?symbolique? » du zonage. Soyons sérieux : si l'on veut réindustrialiser et relocaliser l'emploi dans nos territoires, il faut beaucoup de réalisme et de pragmatisme. Nous souhaitons tous ici la simplicité et le législateur démontre tous les jours sa volonté de perfectionner les normes, mais nous tenons également compte du monde réel, surtout au Sénat. On recense 17 000 sous-traitants pour nos grands constructeurs automobiles et 5 000 pour les fabricants de vaccins. Pourtant, bien gérée, la complexité n'apparaît pas au consommateur ou à l'usager quand on peut la lui résumer de façon simple. L'essentiel, c'est la stabilité et l'efficacité.
Je vais vous présenter succinctement la mission réalisée au printemps dernier par le conseil général du développement et de l'environnement durable (CGEDD), l'inspection générale de l'administration (IGA), que je représente, l'inspection générale des finances (IGF) et l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur les dispositifs zonés d'exonérations fiscales et sociales à destination des entreprises. Ces dispositifs bénéficient à des quartiers en difficultés de communes urbaines - quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), zones franches urbaines et territoires entrepreneurs (ZFU-TE) -, à des zones rurales - zones de revitalisation rurale (ZRR) et zones de développement prioritaire (ZDP) - et à des territoires en reconversion économique - bassins d'emploi à redynamiser (BER), bassins urbains à dynamiser (BUD), zones de restructuration de la défense (ZRD).
Notre mission a constaté leur faible efficacité en matière de création d'entreprises et d'emplois. Pourquoi ? D'abord, les zonages se sont multipliés, voire superposés sur les territoires, avec à chaque fois des critères particuliers de définition et d'accès aux exonérations, ce qui a créé des règles complexes pour les entreprises. Au total, alors que plus de la moitié des communes sont concernées par un ou plusieurs zonages nationaux, seules 2,3 % des entreprises bénéficient des exonérations. En ZRR, seulement 7 % des entreprises éligibles aux exonérations d'impôt sur le revenu (IR) et d'impôts sur les sociétés (IS) y ont eu recours. Ensuite, notre mission a constaté la forte attractivité des exonérations pour les activités libérales, facilement relocalisables et peu créatrices d'emploi. Notre constat de faible efficacité sur la création d'entreprises et sur l'emploi a, du reste, été souligné par l'ensemble des études économiques fines réalisées ces dernières années.
Deuxième constat : les exonérations zonées sont trop souvent un levier d'action que les acteurs utilisent par défaut, faute d'une alternative plus efficiente ; elles n'exercent guère d'effet d'entraînement sur les stratégies territoriales de développement économique.
Pour les entreprises, la fiscalité n'est pas le facteur déterminant d'installation : elle s'intègre dans une offre globale de services aux acteurs économiques proposée par les collectivités publiques d'un territoire. Pour les collectivités locales, ce zonage marque la reconnaissance de leur vulnérabilité, mais il est très rarement utilisé comme cadre de référence pour les actions des régions, voire des départements et des intercommunalités, en faveur des territoires vulnérables - d'autant que les régions et les départements ont leurs propres outils et découpages territoriaux. Pour l'État, si les ZRR servent à l'allocation de certaines aides publiques ou au calcul de dotations, les zonages ne sont pas articulés aux programmes d'intervention de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ni, pour la plupart, aux contrats territoriaux, comme les contrats de ruralité.
À partir de ces constats, notre mission a identifié les conditions préalables à toute réforme. Premièrement, il est nécessaire d'adopter une approche plus dynamique et moins figée des territoires vulnérables, s'inscrivant dans une dimension non seulement curative, mais aussi préventive, et intégrant les enjeux de la transition écologique et de la cohésion européenne.
Deuxièmement, les dispositifs zonés d'exonération sociale et fiscale doivent s'intégrer dans une offre de services aux entreprises et prendre part aux stratégies de développement local portées par les collectivités
Troisième condition de réussite : il n'y a pas de réforme possible sans mobilisation de l'ensemble des acteurs locaux publics et privés avec une gouvernance structurée. Pour fédérer les acteurs, les exonérations zonées doivent intégrer les contrats territoriaux existants.
Plus globalement, toute réforme nécessite une concertation avec les acteurs des territoires. C'est pourquoi la mission a recommandé de prolonger au minimum d'un an le dispositif des exonérations pour prendre le temps de construire cette réforme avec les forces vives du territoire.
Pour l'avenir, la mission propose trois scénarios de réforme qui pourront servir de base à une concertation avec les territoires. Dans les trois cas, les demandes nouvelles d'exonérations zonées de cotisations sociales ne seraient plus satisfaites et les mesures résiduelles s'éteindraient progressivement, ce qui est justifié par les baisses générales consenties aux entreprises en contrepartie de l'abandon du Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE).
Le premier scénario est celui de la rationalisation des dispositifs actuels, en particulier des ZRR. Il consiste à réduire le nombre de zonages tout en maintenant le triptyque « territoires ruraux, territoires urbains, territoires en reconversion industrielle », et à concentrer l'effort financier sur les territoires ruraux les plus vulnérables. Deux niveaux d'intervention seraient ainsi définis : un premier niveau, ZRR 1, reprenant le périmètre actuel et conservant l'ensemble des aides spécifiques au milieu rural existantes. Un second niveau plus concentré, ZRR 2, ouvrirait droit, en supplément, aux exonérations fiscales. Le zonage en ZRR 2 serait établi en ajoutant aux critères existants un critère d'accès aux services.
Dans tous les cas, la mission préconise de faire des ZRR un véritable levier de l'agenda rural en développant des mesures ciblées en faveur des territoires ruraux les plus vulnérables. De plus, ce scénario propose des simplifications pour les entreprises afin d'accroître le taux de recours aux exonérations : critères d'accès simplifié, accompagnement d'une durée adaptée.
Le scénario 2 intègre les dispositifs d'exonérations zonés dans une stratégie de développement économique transversale adaptée à chaque territoire et co-construite avec l'ensemble des acteurs intéressés. À l'échelle nationale, l'enjeu est de mettre fin à l'approche sectorielle et géographique du zonage pour adopter une notion unifiée de territoire vulnérable, en écartant les spécialisations géographiques et sectorielles actuelles. Pour ce faire, la mission propose de définir, dans le cadre d'une concertation avec les collectivités locales et les partenaires économiques et sociaux, deux séries de paramètres : d'une part, des critères permettant d'arrêter les listes régionales des territoires vulnérables éligibles à l'exonération fiscale d'État (directe ou compensée aux collectivités), et, d'autre part, la liste des indicateurs optionnels permettant une adaptation territoriale de la géographie prioritaire hors fiscalité des régimes d'aide.
À l'échelon régional, la mission propose qu'un accord entre le préfet de région et le conseil régional définisse la carte régionale des territoires vulnérables, en concertation avec les autres acteurs locaux ; puis, sur la base de l'ensemble des indicateurs retenus, ils élaboreraient une stratégie commune d'intervention dans ces territoires vulnérables. Cette stratégie donnerait lieu à des contrats d'échelle intercommunale, lesquels serviraient de cadre pour mobiliser l'ensemble des leviers d'aide économique à l'échelle intercommunale qu'il s'agisse de fonds européens, de dotations, voire de leviers réglementaires de l'État - à travers les pouvoirs de dérogation du préfet - mais également des politiques des collectivités locales, ce qui inclut les délégations de compétences.
Le principal avantage de ce scénario est de conjuguer les outils de développement économique des territoires vulnérables dont disposent l'État et les collectivités territoriales pour créer un effet de synergie territoriale. Le contrat doit permettre de développer une stratégie locale différenciée en fonction des réalités économiques du territoire concerné.
Enfin, le scénario 3supprime les zonages nationaux et les exonérations au profit de pactes régionaux de relance et d'aides directes aux entreprises. Pourquoi supprimer les zonages ? Outre leur effet stigmatisant, ils reposent sur un postulat d'équivalence entre inégalités sociales et territoriales ; surtout, ils ne reflètent pas les dynamiques entre territoires et, comme le souligne le géographe Daniel Béhar, l'échelle des problèmes diffère souvent de celle des solutions.
Dans cette perspective, le scénario 3 propose, tout d'abord, un diagnostic approfondi des territoires vulnérables dans chaque région, associant tous les acteurs du développement local et notamment les milieux économiques? ; puis la formalisation, sur le fondement de ce diagnostic, des objectifs de développement et des engagements de chaque acteur dans un pacte régional de développement des territoires. Ce troisième scénario prévoit également la mobilisation d'un fonds d'appui régional aux entreprises, relais financier des priorités économiques identifiées localement, auquel l'État apporterait un montant global équivalent aux exonérations supprimées et qui pourrait être abondé par les collectivités et l'Union européenne. Enfin, le pacte régional serait décliné à l'échelle des EPCI, selon les objectifs spécifiques du territoire dans des contrats territoriaux uniques regroupant l'ensemble des contrats préexistants.
Je précise que notre mission a rendu son rapport début juillet 2020, donc avant le lancement des contrats de relance et de transition écologique.
Je souligne qu'aucun dispositif, y compris celui des exonérations fiscales et sociales, ne peut régler à lui seul les problèmes complexes liés au développement économique et à l'emploi que connaissent les territoires vulnérables. Ces territoires en souffrance, dont on peut prévoir qu'ils seront plus nombreux à l'issue de la crise économique et sociale que nous traversons, nécessitent une approche à la fois agile, souple et différenciée selon les enjeux locaux.
Les zonages relèvent d'une certaine méconnaissance de la réalité des territoires et de leur articulation. Qu'elle vous paraît la meilleure gouvernance souhaitable dans chacun des trois scénarios pour prendre en charge cette coordination des aides et des zonages ?
Tout le monde s'accorde sur la faible efficacité des exonérations zonées : elles sont, vous l'avez dit, utilisées par défaut et n'exercent pas de réel effet d'entraînement sur l'activité économique ; il s'agit plutôt, la plupart du temps, d'effets d'aubaine. Ensuite, si ce zonage permet de mettre en avant des vulnérabilités territoriales et d'attirer des aides de l'État, il est trop souvent mal relayé par les politiques des collectivités territoriales, et le processus manque de synergie. C'est pourquoi je suis a priori favorable au scénario 3 qui fait disparaître les zonages nationaux et abonde les régions d'une enveloppe équivalente aux aides actuellement zonées : ce sera autant de moyens qui peuvent venir en soutien des politiques de développement conduites par les collectivités avec les acteurs économiques et l'Union européenne. Cependant, un tel changement présente l'inconvénient de changer encore les règles, contre l'impératif de stabilité : avez-vous réfléchi au phasage d'une telle réforme et aux modalités de passage à des politiques non-zonées ?
Je crois qu'il nous faut avant tout revenir sur les fondamentaux de l'aménagement du territoire. Dans le monde rural, on trouve généralement une métropole, qui rayonne sur le territoire alentour, et deux types de communes : les bourgs-centres, qu'on a définis comme des pôles de services intermédiaires, et les villages qui composent la ruralité profonde. Depuis des années, on a vidé la substance de vie des plus petites communes au profit de l'agglomération principale, la métropole, et je crois que l'enjeu, aujourd'hui, c'est de maintenir coûte que coûte l'offre de services dans les pôles intermédiaires, car ce sont eux qui permettent de tenir le choc dans la ruralité plus profonde et qui jouent à ce titre une fonction d'équilibre. Si l'on échoue à maintenir ces pôles intermédiaires, c'est l'aménagement du territoire dans son ensemble que l'on compromet.
Ensuite, le classement des territoires est fondé sur le constat de leurs faiblesses et de leurs difficultés : cela revient toujours à les considérer par défaut. Je crois, au contraire, qu'il vaudrait mieux partir de leurs forces, pour structurer à partir de leurs atouts un projet fondé sur la recherche de la vitalité - c'est dans une telle dynamique que je vois un prolongement possible des ZRR qui ne soit pas un renoncement à l'aménagement du territoire.
Je fais observer que notre mission d'inspection n'a pas considéré les territoires par défaut ; nous nous sommes rapprochés des forces vives et des acteurs économiques, en particulier des chambres consulaires, pour examiner comment valoriser leurs atouts. Nous avons constaté combien les outils d'exonération étaient méconnus et déconnectés des initiatives des autres acteurs, d'où notre proposition de rapprocher des territoires la définition des zonages, pour mettre en synergie et articuler les différentes politiques de développement à l'oeuvre. Le très faible niveau de recours aux exonérations témoigne de la méconnaissance qu'en ont les acteurs économiques et de la faible articulation avec les autres politiques locales de développement.
La mission propose-t-elle un phasage plus précis de la réforme ? Nous sommes plutôt partis de l'hypothèse de l'extinction des dispositifs, puisque toute nouvelle demande serait refusée, et nous avons travaillé sur le flux, sur les nouveaux entrants, et en fait sur les perspectives - le phasage précis et le passage d'un système à l'autre requièrent des simulations plus précises par territoire.
Sur la gouvernance, il nous semble que le niveau régional est incontournable, ce qui implique un dialogue étroit entre le préfet et la région, élargi aux départements et aux intercommunalités ; mais nous soulignons aussi que ce dialogue ne peut se limiter aux acteurs publics et qu'il faut y associer les agents économiques, à tout le moins les chambres consulaires.
La mise en oeuvre des aides pourrait être conditionnée par une inscription dans le contrat territorial, à proposer à l'ensemble des acteurs économiques du territoire, comme on le fait pour la politique de la ville. On sait que les exonérations fiscales actuelles manquent d'efficacité à elles seules, même si on mesure mal comment les choses se passent très concrètement pour les entreprises : nous manquons d'études de cas. En réalité, dès lors que les avantages fiscaux ne sont pas connectés à la stratégie de l'entreprise, ils prennent trop de temps à obtenir, ils demandent de mobiliser trop d'énergie et les chefs d'entreprises ne vont pas chercher cet argent, alors même qu'ils en ont besoin.
C'est d'autant plus vrai que les dispositifs changent souvent. Pour avoir participé à l'installation d'une boulangerie dans mon département, je peux vous confirmer qu'il faut avoir bien du courage pour passer avec succès toutes les étapes administratives, qu'elles soient d'ordre communal, avec le permis de construire, ou qu'elles impliquent les autres collectivités et l'État, avec des aides qui exigent chacune son dossier, tous différents les uns des autres bien entendu... Les industriels le disent, il faut une continuité des politiques fiscales et plus de souplesse administrative, tout en maintenant un niveau de contrôle satisfaisant.
Les constats de la mission renvoient aussi aux insuffisances dans la communication et l'information des entreprises sur l'existence même des aides : le Gouvernement ne s'est pas suffisamment attelé à cette tâche.
Il y a également un travail important à faire sur le diagnostic approfondi des territoires vulnérables : comment l'envisagez-vous ? Vous parlez des régions, mais elles sont devenues très vastes, et dans certains cantons, on peut se sentir loin de l'administration régionale. On a vu que des territoires ne candidatent pas à des dispositifs européens pour la simple raison qu'ils ne disposent pas de moyens suffisants. Comment prévoyez-vous de mieux prendre en compte ces difficultés bien réelles pour les surmonter ?
La mobilisation des outils varie fortement selon les territoires. L'exemple des Ardennes le montre bien : dans la vallée de la Meuse, les acteurs mobilisent les aides zonées, parce que le zonage est intégré dans une stratégie d'ensemble qui se rattache à la fermeture des unités sidérurgiques. En revanche, dans le bassin minier, les exonérations zonées sont moins utilisées, faute d'avoir trouvé leur place dans une stratégie plus large. En réalité, les outils existent, ils sont accessibles, et en général les diagnostics sont faits, mais il manque des équipes d'animation opérationnelles à la bonne échelle et capables de mobiliser les outils autour d'un projet partagé. Ces équipes n'ont pas à être pléthoriques : deux ou trois personnes suffisent dans les Ardennes, mais elles sont décisives pour accompagner la définition de projets locaux et pour mobiliser les bons outils.
Le constat est très largement partagé, les diagnostics existent, mais il reste en général à se mettre d'accord sur une stratégie et à y associer les différentes strates. Par exemple, la Bretagne a élaboré sa propre cartographie des territoires vulnérables, avec des indicateurs qui sont débattus entre échelons locaux et qui donnent lieu à des contrats signés par la région. Ces diagnostics doivent s'appuyer sur les documents existants et mieux associer les acteurs économiques à la compréhension du territoire pour faire mieux ressortir tout ce qui participe au décrochage de territoires et sortir de la dichotomie entre l'urbain et le rural. En effet, les écarts se creusent dans tous les territoires et il y a des évolutions contrastées partout, ce qui demande une approche fine, au moins à l'échelon de l'EPCI.
Le diagnostic n'est cependant jamais complet puisqu'il ne comprend quasiment pas de volet fiscal et il ne renseigne pas, par exemple, le taux de recours aux aides fiscales.
Nous n'avons pas analysé les recours aux fonds européens, car ils n'entraient pas dans notre lettre de mission, mais nous avons examiné les aides à finalité régionale ; leur cartographie est en cours de révision et il faut la faire coïncider avec une réflexion sur la vulnérabilité. Nous avons aussi constaté un besoin de cohérence, car les zonages se cumulent trop souvent : ainsi, plus de 3 200 communes cumulent deux zonages, certains territoires en cumulent quatre, et cela ne facilite pas la compréhension ni le recours aux aides.
Les montants mobilisés par les fonds européens sont beaucoup plus importants : nous parlons de 690 millions d'euros sur cinq ans pour le programme européen Leader, qui vise précisément les zones rurales, à comparer aux 290 millions d'euros pour les ZRR ; on imagine mal qu'une telle mobilisation de moyens se passe sans coordination.
Le lien entre les différentes aides en direction d'un territoire est bien établi dans la politique de la ville.
C'est aussi le cas pour le parc naturel que je connais bien : les liens opérationnels ont été établis et une équipe a pris en charge des fonctions qu'une petite commune, comme il y en a sur le territoire, ne peut assumer seule, avec, en définitive des retombées bénéfiques pour le territoire tout entier.
Je crois tout de même que les comptables connaissent les aides mobilisables et que le problème de développement économique tient bien davantage à ce que ceux qui sont à l'initiative de projets ne sont pas assez présents dans les territoires fragiles. Et s'ils n'y sont pas, c'est aussi parce que ceux qui avaient des projets sont partis dans les territoires favorisés, au moins pour faire leurs études, et qu'après leurs études il faut s'efforcer de les faire revenir. C'est pourquoi je crois que nous avons tout un travail à faire en allant solliciter les universités ou autres organismes d'enseignement supérieur technologique, pour les inciter à s'installer dans les territoires fragiles en leur offrant un accompagnement fiscal et technique. C'est ce qui paraît fonctionner le mieux pour les « ?déserts médicaux? » : les aides à l'installation sont prises en compte par les médecins lorsqu'ils décident de s'installer et les étudiants en médecine connaissent très bien leur existence.
Notre rapport identifie bien la place particulière du soutien à l'installation des médecins libéraux. Dans le scénario 3, il faudrait effectivement redéfinir des outils pour continuer de soutenir cette installation.
Notre pays comprend des territoires très contrastés et une administration complexe : nous sommes bien placés pour le savoir. Je rappelle que le Sénat a publié un rapport d'information sur les ZRR, rédigé par Rémy Pointereau, Frédérique Espagnac et Bernard Delcros : qu'en avez-vous retenu, en particulier de sa proposition d'instituer trois types de ZRR ? L'État, ensuite, vient d'installer une Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) : comment voyez-vous l'articulation avec ce nouvel outil ?
Nous avons lu avec attention les travaux du Sénat et nous avons auditionné Bernard Delcros sur le rapport que vous citez ; nous l'avons d'ailleurs suivi pour intégrer dans le scénario 1, parmi les critères de la vulnérabilité des territoires, la notion d'accès aux services, un critère qui fait défaut aujourd'hui. S'agissant de la proposition d'instituer trois zonages, telle qu'elle figure dans ce rapport sénatorial, nous avons préféré concentrer le montant financier des exonérations sur une seule catégorie de ZRR, au bénéfice de ces territoires les plus fragiles.
L'ANCT coordonne les moyens d'appui de l'État, et ce dont les territoires ont besoin, ce sont des agents de développement en ingénierie qui agissent depuis le territoire. Ce sont les élus, et pas le préfet, qui vont convaincre les porteurs de projets de s'implanter dans le territoire, de revenir au pays. L'ANCT peut aider à structurer l'ingénierie et l'intervention de l'État, mais cette fonction ne remplace pas le besoin de développeurs.
Nous avons aussi fait la liste de mécanismes et contraintes qui rendent plus difficiles l'installation dans les territoires fragiles ou l'accès à certains dispositifs d'aides. Par exemple, la restriction à l'établissement principal, à l'exclusion de toute filiale est conçue comme un garde-fou contre la création de filiales « ?boîtes à lettres? », mais elle empêche des développements et qu'il serait possible d'assouplir dès lors que l'instruction relève d'un échelon proche du territoire et à même de savoir ce qu'il s'y passe.
Merci de cet échange fructueux : nous voyons l'ampleur des difficultés à surmonter. Ces dispositifs étant trop souvent méconnus, il faut plus de clarté et de continuité ; cependant, je rappelle que l'entrée en vigueur de la dernière réforme des ZRR est tombée comme un couperet pour de nombreuses collectivités. Je sais, pour l'avoir observé concrètement dans une communauté de communes qui a perdu le bénéfice de ce zonage en se raccrochant de manière forcée à une autre communauté de communes, combien ce type de changement peut être vécu brutalement : il faut donc de la souplesse. Et pour avoir présidé la commission spéciale sur le projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique (ASAP), je sais aussi que la simplification est une des tâches les plus complexes qui soient.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Voici le résultat du scrutin :
- nombre de votants : 13
- nombre de bulletins blancs ou nuls : 0
- nombre de suffrages exprimés : 13
- pour : 13
- contre : 0
La commission donne un avis favorable à la nomination de M. Jean-Christophe Niel aux fonctions de directeur général de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).
Mes chers collègues, nous poursuivons nos travaux sur le thème de l'aménagement du territoire. Je remercie chaleureusement les représentants d'associations d'élus locaux d'avoir accepté de nous éclairer sur le thème de la géographie prioritaire de la ruralité. Je salue plus particulièrement : M. Dominique Dhumeaux, premier vice-président de l'Association des maires ruraux de France qui représente l'AMRF ; Mme Karine Gloanec-Maurin, co-présidente de la commission des communes et territoires ruraux de l'Association des maires de France (AMF) et M. Nicolas Fricoteaux, président du conseil départemental de l'Aisne qui s'exprime au nom de l'Assemblée des départements de France.
Nous venons d'entendre les corps d'inspections : ils ont publié en juillet 2020 un rapport qui formule un jugement mitigé sur l'efficacité des zonages. Pour résumer nos débats, je dirai que face à « l'esprit de géométrie », qui est parfaitement compréhensible et légitime de la part de nos grands corps, nous avons fait valoir le pragmatisme en rappelant que la stabilité des dispositifs est un atout fondamental pour attirer les investisseurs et l'emploi sur nos territoires. Quant à l'efficacité des zonages et des allègements fiscaux et sociaux, nous attendons avec beaucoup d'intérêt votre diagnostic. Les zonages sont-ils un simple « coup de pouce » - certaines décisions fondamentales ou certains résultats se jouent, en définitive, à peu de choses ? Quels sont vos arguments dans la nécessaire concertation qui s'ouvre sur les perspectives d'évolution de ces dispositifs et, plus généralement, sur l'avenir de la transition économique sur nos territoires ?
Je vous donne la parole pour un propos liminaire de cinq minutes. Mes collègues vous poseront ensuite des questions qui nourriront notre débat.
Merci, Monsieur le Président, de cette invitation à débattre autour des dispositifs accompagnant la grande ruralité. Ces outils sont extrêmement précieux pour nos territoires, mais ils évoluent parfois trop rapidement. Leur stabilité est pourtant essentielle pour que nous puissions nous organiser et mettre en perspective des projets de territoires cohérents, plutôt que d'être portés au fil de l'eau par des dispositifs changeants.
Je vous remercie, au nom de l'ADF, de nous donner la parole sur ce dossier très important pour les territoires ruraux. Il est essentiel de tenir compte de leur très grande diversité et, à ce titre, je rappelle qu'en 2019, les propositions liminaires d'une commission évoquaient la possibilité de classements différenciés selon les difficultés de la ruralité (Zones de Revitalisation Rurales ZRR 1, ZRR 2, ZRR 3). Ces classements nuancent ce qui pourrait être mis en oeuvre dans les zones rurales. Cet aspect me semble important, car les problématiques de la ruralité sont variées.
Quelles solutions pouvons-nous apporter aux collectivités, communes et intercommunalités ? Nous devons tout d'abord autoriser la polyvalence dans la fonction publique dès qu'elle est possible. Nous avons besoin de professeurs polyvalents dans les collèges pour que les équipes soient mieux structurées, concentrées sur un seul établissement, et non pas dispersées sur plusieurs établissements en raison d'un faible nombre d'heures dans une matière. Il restera toujours difficile de recruter un agent sportif ou à connotation culturelle si nous empêchons la bivalence. Par exemple, un agent embauché dans les services techniques doit pouvoir, le cas échéant, être éducateur sportif, sans cela, nous ne parviendrons jamais à structurer une offre de qualité pour la population. Il est impératif d'ajuster les règles à l'échelle territoriale et, selon les densités ou le classement géographique, nous devons pouvoir instaurer la polyvalence dans les équipes d'agents et dans la fonction publique.
Les ZRR ouvraient droit, auparavant, à un mécanisme d'exonération d'impôt sur les bénéfices relativement conséquents dans la durée. Un dispositif semblable mériterait d'être déployé en matière de cotisations sociales pour favoriser le développement de l'emploi. De plus, la réglementation n'est pas toujours appliquée avec bienveillance. Par exemple, dans ma commune, un dentiste par ailleurs implanté dans une ville hors ZRR souhaitait s'installer dans une zone de revitalisation rurale. Or, sa présence dans une zone hors ZRR l'a empêché d'être éligible au dispositif d'exonération. Il était pourtant important qu'il puisse intervenir quelques jours en ZRR pour limiter la fracture médicale. Nous pourrions donc, dans de tels cas, revoir les règles d'éligibilité à un dispositif qui pénalisent certains territoires.
Il convient également de faciliter l'investissement immobilier par les collectivités. Nous investissons parfois à la place du secteur privé, quand celui-ci ne souhaite pas prendre de risques importants. Par exemple, nous avons racheté un hôtel-restaurant ainsi qu'un garage et nous avons ouvert une maison médicale. La Dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et les aides des départements sont intéressantes, mais il faut certainement imaginer des dispositifs plus puissants de soutien à l'investissement des collectivités, car la problématique immobilière reste un sujet difficile à résoudre pour les porteurs de projets.
Dans le secteur de l'éducation, des primes de ruralité me semblent indispensables, à l'instar de celles qui ont été mises en place dans certaines zones urbaines difficiles. Des valorisations de carrière seraient également opportunes pour que les enseignants aient envie de venir et de rester dans les ZRR.
Une dotation de centralité était autrefois accordée dans les anciens chefs-lieux de canton et les communes concentrant plus de 15 % de la population, mais cette aide n'est plus sanctuarisée. J'attire l'attention sur ce point, car ces communes assument les charges de centralité en ruralité.
Par ailleurs, les infrastructures de communication sont essentielles pour revitaliser les zones rurales. Sur la téléphonie mobile, le New Deal est tout à fait positif, mais il conviendrait, en complément, de proratiser une dotation supplémentaire pour les départements comptant des ZRR. Une telle bonification des dotations du New Deal me semble opportune pour accroître les moyens accordés par l'État au développement de la fibre.
S'agissant de l'emploi, j'évoque à nouveau les exonérations de cotisations sociales pour préconiser un élargissement du champ de ces dispositifs. Les sièges sociaux des entreprises se localisent souvent en région parisienne. Une mesure inscrite dans le PLF 2016 visait à redistribuer la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) en fonction de l'implantation des sites, mais ce dispositif n'a toujours pas été mis en oeuvre et cette injustice mériterait d'être corrigée.
Nous rencontrons parfois des difficultés de recrutement et de compétences. Pour y remédier, un dispositif pourrait prévoir, outre une exonération de charges sociales, une réduction du coût du poste pendant une ou deux années afin que les personnes au RSA bénéficient d'une période d'immersion ou d'adaptation. Grâce à cet accompagnement financier du département - voire de l'État -, nous pourrions recourir à une main-d'oeuvre locale dépourvue d'emploi sur des postes ouverts dans les ZRR.
Dans le cadre de leur solidarité territoriale, les conseils départementaux sont volontaires pour contribuer à l'équilibre de l'écosystème dans les zones rurales. Encore faut-il leur donner les moyens d'agir en ce sens. Nous avons travaillé sur les péréquations des droits de mutation : ces derniers sont très largement perçus par des zones plus dynamiques et beaucoup moins par les zones rurales ou les zones en déprise économique. La solidarité territoriale pourrait être favorisée par les conseils départementaux, à condition qu'ils en aient les moyens : pour ce faire, il convient certainement de revoir les éléments de péréquation et d'équilibre des ressources entre les départements.
J'ai étudié les propositions formulées en 2019 par votre commission et celle des finances dans le rapport d'information de M. Bernard Delcros, Mme Frédérique Espagnac et M. Rémy Pointereau. Il prévoit que, sous certaines conditions, les exonérations d'impôt sur les bénéfices pourraient être étendues au maintien d'activités existantes et cet aspect me paraît essentiel. Je souligne à nouveau la nécessité de maintenir, voire d'améliorer, les dotations aux anciens chefs-lieux. D'une manière générale, les propositions émises sur le sujet me semblent intéressantes. Il convient sans doute d'étendre les exonérations de cotisations sociales, en complément des exonérations d'impôt.
Bien sûr, nous devons être attentifs à ne pas interrompre trop brutalement les dispositifs existants. Si des mesures ou des classements en ZRR devaient être mis en cause, un lissage serait nécessaire, afin que les territoires puissent se préparer à un nouveau système.
Préconisez-vous une pérennisation de l'aide aux anciens chefs-lieux de canton ou de l'aide aux centres-bourgs ?
Je vous remercie, au nom de l'ADF, de nous donner la parole sur ce dossier très important pour les territoires ruraux. Il est essentiel de tenir compte de leur très grande diversité et, à ce titre, je rappelle qu'en 2019, les propositions liminaires d'une commission évoquaient la possibilité de classements différenciés selon les difficultés de la ruralité (Zones de Revitalisation Rurales ZRR 1, ZRR 2, ZRR 3). Ces classements nuancent ce qui pourrait être mis en oeuvre dans les zones rurales. Cet aspect me semble important, car les problématiques de la ruralité sont variées.
Quelles solutions pouvons-nous apporter aux collectivités, communes et intercommunalités ? Nous devons tout d'abord autoriser la polyvalence dans la fonction publique dès qu'elle est possible. Nous avons besoin de professeurs polyvalents dans les collèges pour que les équipes soient mieux structurées, concentrées sur un seul établissement, et non pas dispersées sur plusieurs établissements en raison d'un faible nombre d'heures dans une matière. Il restera toujours difficile de recruter un agent sportif ou à connotation culturelle si nous empêchons la bivalence. Par exemple, un agent embauché dans les services techniques doit pouvoir, le cas échéant, être éducateur sportif, sans cela, nous ne parviendrons jamais à structurer une offre de qualité pour la population. Il est impératif d'ajuster les règles à l'échelle territoriale et, selon les densités ou le classement géographique, nous devons pouvoir instaurer la polyvalence dans les équipes d'agents et dans la fonction publique.
Les ZRR ouvraient droit, auparavant, à un mécanisme d'exonération d'impôt sur les bénéfices relativement conséquents dans la durée. Un dispositif semblable mériterait d'être déployé en matière de cotisations sociales pour favoriser le développement de l'emploi. De plus, la réglementation n'est pas toujours appliquée avec bienveillance. Par exemple, dans ma commune, un dentiste par ailleurs implanté dans une ville hors ZRR souhaitait s'installer dans une zone de revitalisation rurale. Or, sa présence dans une zone hors ZRR l'a empêché d'être éligible au dispositif d'exonération. Il était pourtant important qu'il puisse intervenir quelques jours en ZRR pour limiter la fracture médicale. Nous pourrions donc, dans de tels cas, revoir les règles d'éligibilité à un dispositif qui pénalisent certains territoires.
Il convient également de faciliter l'investissement immobilier par les collectivités. Nous investissons parfois à la place du secteur privé, quand celui-ci ne souhaite pas prendre de risques importants. Par exemple, nous avons racheté un hôtel-restaurant ainsi qu'un garage et nous avons ouvert une maison médicale. La Dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et les aides des départements sont intéressantes, mais il faut certainement imaginer des dispositifs plus puissants de soutien à l'investissement des collectivités, car la problématique immobilière reste un sujet difficile à résoudre pour les porteurs de projets.
Dans le secteur de l'éducation, des primes de ruralité me semblent indispensables, à l'instar de celles qui ont été mises en place dans certaines zones urbaines difficiles. Des valorisations de carrière seraient également opportunes pour que les enseignants aient envie de venir et de rester dans les ZRR.
Une dotation de centralité était autrefois accordée dans les anciens chefs-lieux de canton et les communes concentrant plus de 15 % de la population, mais cette aide n'est plus sanctuarisée. J'attire l'attention sur ce point, car ces communes assument les charges de centralité en ruralité.
Par ailleurs, les infrastructures de communication sont essentielles pour revitaliser les zones rurales. Sur la téléphonie mobile, le New Deal est tout à fait positif, mais il conviendrait, en complément, de proratiser une dotation supplémentaire pour les départements comptant des ZRR. Une telle bonification des dotations du New Deal me semble opportune pour accroître les moyens accordés par l'État au développement de la fibre.
S'agissant de l'emploi, j'évoque à nouveau les exonérations de cotisations sociales pour préconiser un élargissement du champ de ces dispositifs. Les sièges sociaux des entreprises se localisent souvent en région parisienne. Une mesure inscrite dans le PLF 2016 visait à redistribuer la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) en fonction de l'implantation des sites, mais ce dispositif n'a toujours pas été mis en oeuvre et cette injustice mériterait d'être corrigée.
Nous rencontrons parfois des difficultés de recrutement et de compétences. Pour y remédier, un dispositif pourrait prévoir, outre une exonération de charges sociales, une réduction du coût du poste pendant une ou deux années afin que les personnes au RSA bénéficient d'une période d'immersion ou d'adaptation. Grâce à cet accompagnement financier du département - voire de l'État -, nous pourrions recourir à une main-d'oeuvre locale dépourvue d'emploi sur des postes ouverts dans les ZRR.
Dans le cadre de leur solidarité territoriale, les conseils départementaux sont volontaires pour contribuer à l'équilibre de l'écosystème dans les zones rurales. Encore faut-il leur donner les moyens d'agir en ce sens. Nous avons travaillé sur les péréquations des droits de mutation : ces derniers sont très largement perçus par des zones plus dynamiques et beaucoup moins par les zones rurales ou les zones en déprise économique. La solidarité territoriale pourrait être favorisée par les conseils départementaux, à condition qu'ils en aient les moyens : pour ce faire, il convient certainement de revoir les éléments de péréquation et d'équilibre des ressources entre les départements.
Je faisais référence à la dotation auparavant accordée aux chefs-lieux de canton et aux communes représentant plus de 15 % de la population. Le dispositif a été maintenu, mais il n'est pas sanctuarisé et l'aide peut donc être remise en cause à tout moment. Or, il s'agit pratiquement des seuls moyens restants en capacité d'autofinancement pour investir et assurer les charges de centralité. Ayant moi-même été maire d'un chef-lieu de canton de 1 100 habitants, je parle en connaissance de cause : sans cette dotation, nous ne pouvons quasiment plus rien faire.
J'ai étudié les propositions formulées en 2019 par votre commission et celle des finances dans le rapport d'information de M. Bernard Delcros, Mme Frédérique Espagnac et M. Rémy Pointereau. Il prévoit que, sous certaines conditions, les exonérations d'impôt sur les bénéfices pourraient être étendues au maintien d'activités existantes et cet aspect me paraît essentiel. Je souligne à nouveau la nécessité de maintenir, voire d'améliorer, les dotations aux anciens chefs-lieux. D'une manière générale, les propositions émises sur le sujet me semblent intéressantes. Il convient sans doute d'étendre les exonérations de cotisations sociales, en complément des exonérations d'impôt.
Bien sûr, nous devons être attentifs à ne pas interrompre trop brutalement les dispositifs existants. Si des mesures ou des classements en ZRR devaient être mis en cause, un lissage serait nécessaire, afin que les territoires puissent se préparer à un nouveau système.
Préconisez-vous une pérennisation de l'aide aux anciens chefs-lieux de canton ou de l'aide aux centres-bourgs ?
Je vous remercie de me donner l'occasion de m'exprimer sur ce sujet extrêmement important. Lors des auditions réalisées dans le cadre de la mission « Agenda rural », nous avions constaté qu'une grande partie des politiques publiques n'irriguaient pas l'ensemble des territoires, ce qui avait contribué au sentiment d'abandon qui s'était exprimé fin 2018. L'objectif est de trouver les bons critères et les bons outils afin que les politiques publiques actuelles et futures bénéficient à ceux qui en ont le plus besoin.
Quels sont les outils actuels ? Les Zones de développement prioritaire sont basées sur la densité de population et le revenu par habitant. Le dispositif est intéressant, mais il repose sur le périmètre intercommunal et ce postulat soulève une réelle difficulté, car de nombreuses communes bénéficient, de ce fait, du statut de ZDR tout en ayant des revenus importants - même les ressources par habitant dépassent parfois la moyenne nationale. En outre, dans le cadre de l'Agenda rural, l'INSEE a modifié sa définition du rural : la cartographie, réalisée à l'échelle communale, a gagné en précision et ce document objectif fait foi sur ce qu'est une commune rurale. Il s'agit d'un outil de base pour retravailler les dispositifs.
La dotation de solidarité rurale - d'un montant d'environ 1,5 milliard d'euros - est également un outil important. Près de 31 000 communes bénéficient de cette aide, dont 2 300 communes urbaines. Ici encore, nous voyons les difficultés que posent les critères d'attribution. D'année en année, les évolutions législatives font entrer de nouvelles communes dans ce périmètre, réduisant significativement l'impact de cette dotation, qui se trouve dispersée sur un nombre grandissant de bénéficiaires. De fait, les situations de déséquilibre ne sont plus corrigées.
De la même manière, la DETR concerne aujourd'hui 97 % des communes et 90 % des EPCI. Plus de 3 300 communes urbaines bénéficient de cette dotation. Progressivement, l'outil a été dévoyé de son rôle initial - celui d'accompagner en priorité les territoires ruraux. La multiplication des communes percevant cette aide rend le dispositif moins impactant, moins utile pour les territoires qui en ont réellement besoin.
L'intercommunalité a récupéré bon nombre de compétences qui constituaient jusqu'à présent des charges de centralité pour les chefs-lieux de canton. Cet aspect mériterait d'être retravaillé, afin que nous puissions mieux réfléchir à la redistribution d'argent public vers les communes afin de les accompagner dans des politiques publiques de proximité. Les charges de centralité se sont significativement réduites dans bon nombre de chefs-lieux de cantons ou de centres-bourgs. Pourtant, les dotations n'ont pas évolué en conséquence - la DGF, par exemple, varie du simple au double selon les communes.
Nous travaillons également sur la question des aménités. Dans un contexte de crise sanitaire et environnementale, les territoires ruraux ont un rôle important à jouer dans la préservation des terres et espaces naturels. Il en résulte des contraintes supplémentaires pour nos villages. J'indique que la rémunération des aménités permettrait aux territoires d'arrêter cette course effrénée pour maintenir ou développer leur population.
La redéfinition du milieu rural par l'INSEE porte la population concernée à 24 millions de personnes, contre moins de cinq millions auparavant. En couplant les critères de revenu par habitant ainsi que de potentiel financier et en adoptant une approche à l'échelle communale, les politiques publiques pourraient mieux cibler les communes qui en ont le plus besoin.
Karine Gloanec-Maurin. - Mes collègues ont largement décrit les outils à notre disposition. Au nom de la commission que je co-préside à l'AMF, mon message est le suivant : la ruralité n'est pas faite de territoires en creux, mais de territoires « en plein », amenés à répondre à nombre de questionnements de nos concitoyens s'agissant, notamment, de la concentration urbaine. Ce contexte - et la crise actuelle le démontre - place nos territoires dans une position nouvelle.
Les outils ne doivent pas uniquement être orientés vers le développement des soutiens financiers ; ils doivent également permettre d'établir de véritables projets de territoires pour que nous soyons considérés comme des territoires d'avenir. J'insiste sur ce point. Les ZRR doivent être protégées. Le nouveau CRTE et l'accompagnement de l'ANCT dans l'ingénierie peuvent aussi être des réponses utiles. Divers dispositifs, dont les Maisons France Services, aident également à maintenir les services publics.
Je ne suis pas tout à fait d'accord avec M. Dhumeaux sur un point. À mon avis, tous les dispositifs favorisant les coopérations entre communes sont bénéfiques. Une commune de 80 habitants ne peut pas développer à elle seule un projet accompagnant sa population étant donné la complexité du développement territorial. Les coopérations sont donc essentielles pour maintenir le service public et accompagner l'habitant.
Nous devons sans doute travailler plus pour garantir l'accès au logement correct pour tous. Une réflexion sur les transports est également nécessaire, car les territoires ont été impactés par les changements de modèle de mobilité et le rapport du sénateur Jacquin sur ce sujet est intéressant. Nous devons aussi penser l'accueil des populations jeunes au travers, notamment, des projets d'école. L'idée n'est pas de conserver une école dans chaque commune, mais de négocier avec l'Éducation nationale pour que la moyenne des effectifs ne soit pas la même en territoire urbain et en territoire rural. En zone périurbaine, les effectifs sont réduits à douze enfants par classe : nous souhaitons que cela soit également le cas dans les territoires ruraux. Une prime aux enseignants en territoire rural a été évoquée et nous avons besoin de tels outils.
Une attention particulière mériterait d'être portée aux moyens européens pouvant nous être alloués. Nous devons réclamer un accès élargi aux programmes accompagnant, non seulement l'agriculture, mais aussi le développement rural et l'avenir des territoires ruraux, car les élus des territoires ruraux sont souvent en difficulté pour bénéficier de ces dispositifs.
Il nous est aussi difficile de capter les financements en ingénierie et de trouver les compétences nécessaires. Le volontariat territorial en administration attire de jeunes diplômés. En revanche, un problème demeure dans l'évaluation du Fonds d'intervention communal (FIC) : des territoires peu denses et pauvres contribuent à ce fonds alors qu'ils devraient en être bénéficiaires.
Je finirais par les services publics à maintenir : outre la santé et La Poste, j'inclus la dimension culturelle. Nos territoires participent à l'évolution du monde et nous devons avoir accès à cette dimension.
Je faisais référence à la dotation auparavant accordée aux chefs-lieux de canton et aux communes représentant plus de 15 % de la population. Le dispositif a été maintenu, mais il n'est pas sanctuarisé et l'aide peut donc être remise en cause à tout moment. Or, il s'agit pratiquement des seuls moyens restants en capacité d'autofinancement pour investir et assurer les charges de centralité. Ayant moi-même été maire d'un chef-lieu de canton de 1 100 habitants, je parle en connaissance de cause : sans cette dotation, nous ne pouvons quasiment plus rien faire.
Je vous remercie pour ces trois exposés. Je donne la parole à Madame Filleul.
Le sentiment d'abandon des maires et des acteurs locaux des territoires ruraux est notable. Dans le même temps, je constate une formidable adaptabilité et réactivité vis-à-vis des dispositifs proposés, même s'ils sont complexes et nombreux. Je suis admirative de la technicité acquise par nos élus locaux.
Je vous rejoins sur la nécessité d'une nouvelle définition de la réalité rurale, en plein bouleversement. Ces territoires sont en mutation du fait des mouvements de population, accentués par la crise de la Covid-19. Ces territoires doivent également se donner de nouveaux objectifs sur les sujets environnementaux - y compris l'artificialisation des sols. Enfin, la ruralité est confrontée à une évolution des compétences et des acteurs du fait de l'intercommunalité.
Il est nécessaire de fixer une stratégie commune pour partager des définitions, partager une réalité et trouver les bons outils à la lumière de ce diagnostic au plus près du terrain.
Je partage également le constat d'un besoin d'ingénierie. L'intervention de l'ANCT et des différents acteurs n'est pas à la hauteur de ce qu'expriment les territoires ruraux.
Je vous remercie de me donner l'occasion de m'exprimer sur ce sujet extrêmement important. Lors des auditions réalisées dans le cadre de la mission « Agenda rural », nous avions constaté qu'une grande partie des politiques publiques n'irriguaient pas l'ensemble des territoires, ce qui avait contribué au sentiment d'abandon qui s'était exprimé fin 2018. L'objectif est de trouver les bons critères et les bons outils afin que les politiques publiques actuelles et futures bénéficient à ceux qui en ont le plus besoin.
Quels sont les outils actuels ? Les Zones de développement prioritaire sont basées sur la densité de population et le revenu par habitant. Le dispositif est intéressant, mais il repose sur le périmètre intercommunal et ce postulat soulève une réelle difficulté, car de nombreuses communes bénéficient, de ce fait, du statut de ZDR tout en ayant des revenus importants - même les ressources par habitant dépassent parfois la moyenne nationale. En outre, dans le cadre de l'Agenda rural, l'INSEE a modifié sa définition du rural : la cartographie, réalisée à l'échelle communale, a gagné en précision et ce document objectif fait foi sur ce qu'est une commune rurale. Il s'agit d'un outil de base pour retravailler les dispositifs.
La dotation de solidarité rurale - d'un montant d'environ 1,5 milliard d'euros - est également un outil important. Près de 31 000 communes bénéficient de cette aide, dont 2 300 communes urbaines. Ici encore, nous voyons les difficultés que posent les critères d'attribution. D'année en année, les évolutions législatives font entrer de nouvelles communes dans ce périmètre, réduisant significativement l'impact de cette dotation, qui se trouve dispersée sur un nombre grandissant de bénéficiaires. De fait, les situations de déséquilibre ne sont plus corrigées.
De la même manière, la DETR concerne aujourd'hui 97 % des communes et 90 % des EPCI. Plus de 3 300 communes urbaines bénéficient de cette dotation. Progressivement, l'outil a été dévoyé de son rôle initial - celui d'accompagner en priorité les territoires ruraux. La multiplication des communes percevant cette aide rend le dispositif moins impactant, moins utile pour les territoires qui en ont réellement besoin.
L'intercommunalité a récupéré bon nombre de compétences qui constituaient jusqu'à présent des charges de centralité pour les chefs-lieux de canton. Cet aspect mériterait d'être retravaillé, afin que nous puissions mieux réfléchir à la redistribution d'argent public vers les communes afin de les accompagner dans des politiques publiques de proximité. Les charges de centralité se sont significativement réduites dans bon nombre de chefs-lieux de cantons ou de centres-bourgs. Pourtant, les dotations n'ont pas évolué en conséquence - la DGF, par exemple, varie du simple au double selon les communes.
Nous travaillons également sur la question des aménités. Dans un contexte de crise sanitaire et environnementale, les territoires ruraux ont un rôle important à jouer dans la préservation des terres et espaces naturels. Il en résulte des contraintes supplémentaires pour nos villages. J'indique que la rémunération des aménités permettrait aux territoires d'arrêter cette course effrénée pour maintenir ou développer leur population.
La redéfinition du milieu rural par l'INSEE porte la population concernée à 24 millions de personnes, contre moins de cinq millions auparavant. En couplant les critères de revenu par habitant ainsi que de potentiel financier et en adoptant une approche à l'échelle communale, les politiques publiques pourraient mieux cibler les communes qui en ont le plus besoin.
Effectivement, l'ingénierie est essentielle, en particulier pour les plus petites communes.
Mes collègues ont largement décrit les outils à notre disposition. Au nom de la commission que je co-préside à l'AMF, mon message est le suivant : la ruralité n'est pas faite de territoires en creux, mais de territoires « en plein », amenés à répondre à nombre de questionnements de nos concitoyens s'agissant, notamment, de la concentration urbaine. Ce contexte - et la crise actuelle le démontre - place nos territoires dans une position nouvelle.
Les outils ne doivent pas uniquement être orientés vers le développement des soutiens financiers ; ils doivent également permettre d'établir de véritables projets de territoires pour que nous soyons considérés comme des territoires d'avenir. J'insiste sur ce point. Les ZRR doivent être protégées. Le nouveau CRTE et l'accompagnement de l'ANCT dans l'ingénierie peuvent aussi être des réponses utiles. Divers dispositifs, dont les Maisons France Services, aident également à maintenir les services publics.
Je ne suis pas tout à fait d'accord avec M. Dhumeaux sur un point. À mon avis, tous les dispositifs favorisant les coopérations entre communes sont bénéfiques. Une commune de 80 habitants ne peut pas développer à elle seule un projet accompagnant sa population étant donné la complexité du développement territorial. Les coopérations sont donc essentielles pour maintenir le service public et accompagner l'habitant.
Nous devons sans doute travailler plus pour garantir l'accès au logement correct pour tous. Une réflexion sur les transports est également nécessaire, car les territoires ont été impactés par les changements de modèle de mobilité et le rapport du sénateur Jacquin sur ce sujet est intéressant. Nous devons aussi penser l'accueil des populations jeunes au travers, notamment, des projets d'école. L'idée n'est pas de conserver une école dans chaque commune, mais de négocier avec l'Éducation nationale pour que la moyenne des effectifs ne soit pas la même en territoire urbain et en territoire rural. En zone périurbaine, les effectifs sont réduits à douze enfants par classe : nous souhaitons que cela soit également le cas dans les territoires ruraux. Une prime aux enseignants en territoire rural a été évoquée et nous avons besoin de tels outils.
Une attention particulière mériterait d'être portée aux moyens européens pouvant nous être alloués. Nous devons réclamer un accès élargi aux programmes accompagnant, non seulement l'agriculture, mais aussi le développement rural et l'avenir des territoires ruraux, car les élus des territoires ruraux sont souvent en difficulté pour bénéficier de ces dispositifs.
Il nous est aussi difficile de capter les financements en ingénierie et de trouver les compétences nécessaires. Le volontariat territorial en administration attire de jeunes diplômés. En revanche, un problème demeure dans l'évaluation du Fonds d'intervention communal (FIC) : des territoires peu denses et pauvres contribuent à ce fonds alors qu'ils devraient en être bénéficiaires.
Je finirais par les services publics à maintenir : outre la santé et La Poste, j'inclus la dimension culturelle. Nos territoires participent à l'évolution du monde et nous devons avoir accès à cette dimension.
Je vous remercie pour ces exposés. M. Dhumeaux rappelait que les campagnes contribuent pleinement à la préservation de la biodiversité. Surtout, elles disposent de ressources naturelles exceptionnelles, fondamentales pour développer les énergies renouvelables. N'est-il pas temps de repenser la ventilation des ressources fiscales générées par les énergies vertes ? Travaillez-vous cette question dans vos associations ?
Je vous remercie pour ces trois exposés. Je donne la parole à Madame Filleul.
Nous avons peu évoqué les conseils départementaux et régionaux, ce qui démontre que la puissance de ces collectivités territoriales leur permet de satisfaire largement leurs besoins. Nous estimons tous que l'État doit donner plus et renforcer les exonérations de cotisations pour soutenir des territoires fragiles.
Nos trois intervenants mettent aussi en évidence le fait que notre système étatique privilégie ceux qui sont les mieux dotés. La croissance est largement soutenue par les dispositifs d'aide, qui favorisent des territoires déjà favorisés. En revanche, les territoires en perte de population subissent une double peine. Comment repenser le système d'aides, non pas pour pénaliser ceux qui sont en croissance, mais pour rééquilibrer les mesures au bénéfice des communes en démographie négative ?
Pour moi, la mairie reste la première maison des services publics dans nos territoires. Nous devons donc absolument privilégier la présence d'une mairie dans chaque commune. Depuis 20 ans, l'administration privilégie l'intercommunalité pour faire transiter la richesse et beaucoup de communes ne peuvent plus investir. Ne faudrait-il pas replacer la commune à son rang principal ? Bien sûr, elle ne peut pas vivre seule, mais une autre relation avec l'intercommunalité est possible.
La qualité de vie dans les milieux ruraux peut compenser certains manques. Dans mon département, des maisons en vente depuis des années ont récemment trouvé des acquéreurs depuis le début de la crise de la Covid-19. Toutefois, nous devons faire en sorte que les populations fassent de ces biens leur résidence principale, et non pas leur maison secondaire.
Comment voyez-vous la commune dans l'avenir de nos territoires ?
Le sentiment d'abandon des maires et des acteurs locaux des territoires ruraux est notable. Dans le même temps, je constate une formidable adaptabilité et réactivité vis-à-vis des dispositifs proposés, même s'ils sont complexes et nombreux. Je suis admirative de la technicité acquise par nos élus locaux.
Je vous rejoins sur la nécessité d'une nouvelle définition de la réalité rurale, en plein bouleversement. Ces territoires sont en mutation du fait des mouvements de population, accentués par la crise de la Covid-19. Ces territoires doivent également se donner de nouveaux objectifs sur les sujets environnementaux - y compris l'artificialisation des sols. Enfin, la ruralité est confrontée à une évolution des compétences et des acteurs du fait de l'intercommunalité.
Il est nécessaire de fixer une stratégie commune pour partager des définitions, partager une réalité et trouver les bons outils à la lumière de ce diagnostic au plus près du terrain.
Je partage également le constat d'un besoin d'ingénierie. L'intervention de l'ANCT et des différents acteurs n'est pas à la hauteur de ce qu'expriment les territoires ruraux.
Lisibilité et transparence sur les dotations me semblent nécessaires. Les commissions dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) se réunissent, mais nous ne disposons pas de tous les éléments sur la mobilisation des crédits d'État. Les services de l'État mettent en place des compensations, conduisant certains territoires à recevoir davantage de DETR et moins de dotation de soutien à l'investissement local (DCIL). La transparence des dotations à l'échelle des territoires n'est pas assurée : certes, nous connaissons les dossiers acceptés, mais pas nécessairement ceux refusés. Partagez-vous ce point de vue ? Si oui, quelles seraient vos propositions ?
La DGF est, à la base, un monument d'illisibilité. Ne serait-il pas temps de redonner du sens à ses critères d'attribution ?
Effectivement, l'ingénierie est essentielle, en particulier pour les plus petites communes.
Je partage le plaidoyer qui vient d'être fait sur la proximité. Devons-nous rouvrir la question du champ des compétences ? Les départements perdent beaucoup. Les communautés de communes ne s'appuient pas sur une représentation démocratique, et elles devraient uniquement apporter de la valeur ajoutée. Comment être plus efficace ? Pour moi, le débat des années à venir est celui de la proximité et de l'engagement démocratique.
Angèle Preville. - L'idée de polyvalence dans la fonction publique me semble intéressante. La bivalence des professeurs a progressivement disparu. Cette orientation pourrait pourtant répondre aux problématiques des territoires ruraux. Des formations seront nécessaires, car le fonctionnement n'est pas prévu ainsi.
Je rejoins Hervé Gillé sur l'incompréhension autour des dotations et leur perte de sens. Nous atteignons les limites de ce système, mais une remise à plat est extrêmement complexe. Quelles sont vos pistes de réflexion sur ce sujet ?
Karine Gloanec-Maurin. - Pour les élus des territoires ruraux, l'évaluation de la contribution - ou non - au FIC est incompréhensible. Bien souvent, nous devons interpeller la préfecture ou la DGFIP pour comprendre les évolutions de ces fonds. La problématique de l'ingénierie rejoint cette question. L'incompréhension est réelle. Heureusement, les associations d'élus sont là pour accompagner les personnes en place.
Je partage vos propos sur la proximité. Bien sûr, la mairie est le premier lieu de proximité. Toutefois, il s'agit souvent d'une proximité de fait, sans moyen d'évolution. Historiquement, ma commune rassemblait 240 habitants. Nous avons constitué une commune nouvelle pour atteindre le seuil de 1 000 habitants et obtenir la qualification de centre-bourg. Dans chaque commune, nous avons préservé un accès à la mairie au travers de permanences. L'une de nos communes de 80 habitants a bénéficié de ces évolutions, car seule, elle ne parvenait pas à capter les investissements. Les toutes petites mairies peuvent, en effet, se trouver en difficulté, notamment pour investir. Nous pouvons préserver la proximité tout en agrandissant le territoire. Le sujet ne doit pas être tabou.
Les communautés de communes sont aussi là pour permettre de franchir des caps aux communes. Communauté de communes et commune ne doivent pas être dans une opposition de postures. C'est par la coopération que nous évoluerons. Certes, les communes ont perdu quelques compétences. Néanmoins, nous pouvons revendiquer des compétences partagées pour aider un territoire à évoluer.
Lorsque notre trésorerie a été fermée, une permanence a été assurée dans la Maison France Services. Nous avons souligné auprès de la DGFIP que la fréquentation de seulement deux ou trois personnes par semaine ne signifiait pas que le service était inutile. Les critères d'évaluation ne doivent pas être les mêmes dans les territoires de très faible densité et dans les territoires urbains. Cette question revient sans cesse.
Nous portons cette complexité. Nous devons voir ces territoires en plein et les soutenir pour ce qu'ils sont, avec leurs atouts. Nous ne pouvons pas considérer que ces communes ne sont vouées qu'à être soutenues pour survivre.
Je vous remercie pour ces exposés. M. Dhumeaux rappelait que les campagnes contribuent pleinement à la préservation de la biodiversité. Surtout, elles disposent de ressources naturelles exceptionnelles, fondamentales pour développer les énergies renouvelables. N'est-il pas temps de repenser la ventilation des ressources fiscales générées par les énergies vertes ? Travaillez-vous cette question dans vos associations ?
Je partage en assez grande partie votre point de vue sur la proximité. Cependant, la commune, avec l'élu local et le maire, reste le lieu de proximité. Les intercommunalités peuvent apporter des accompagnements, notamment pour capter des investissements, mais elles sont parfois trop vastes pour assumer une fonction de proximité.
Nous avons peu évoqué les conseils départementaux et régionaux, ce qui démontre que la puissance de ces collectivités territoriales leur permet de satisfaire largement leurs besoins. Nous estimons tous que l'État doit donner plus et renforcer les exonérations de cotisations pour soutenir des territoires fragiles.
Nos trois intervenants mettent aussi en évidence le fait que notre système étatique privilégie ceux qui sont les mieux dotés. La croissance est largement soutenue par les dispositifs d'aide, qui favorisent des territoires déjà favorisés. En revanche, les territoires en perte de population subissent une double peine. Comment repenser le système d'aides, non pas pour pénaliser ceux qui sont en croissance, mais pour rééquilibrer les mesures au bénéfice des communes en démographie négative ?
Pour moi, la mairie reste la première maison des services publics dans nos territoires. Nous devons donc absolument privilégier la présence d'une mairie dans chaque commune. Depuis 20 ans, l'administration privilégie l'intercommunalité pour faire transiter la richesse et beaucoup de communes ne peuvent plus investir. Ne faudrait-il pas replacer la commune à son rang principal ? Bien sûr, elle ne peut pas vivre seule, mais une autre relation avec l'intercommunalité est possible.
La qualité de vie dans les milieux ruraux peut compenser certains manques. Dans mon département, des maisons en vente depuis des années ont récemment trouvé des acquéreurs depuis le début de la crise de la Covid-19. Toutefois, nous devons faire en sorte que les populations fassent de ces biens leur résidence principale, et non pas leur maison secondaire.
Comment voyez-vous la commune dans l'avenir de nos territoires ?
J'adhère à vos propos. L'action publique en ruralité repose sur deux piliers : la polyvalence et la mutualisation. La mairie est au coeur de la polyvalence, tandis que l'intercommunalité permet la mutualisation. La polyvalence doit, en particulier, être améliorée dans la fonction publique, avec des formations adéquates. L'État travaille dans cet état d'esprit avec les Maisons de Services publics. Je précise que la polyvalence porte sur des besoins du quotidien alors que la mutualisation répond à une temporalité plus éloignée.
Dans le domaine scolaire, il conviendrait de sanctuariser la classe de cours préparatoire, comme cela est fait dans les zones d'éducation prioritaire.
En pratique, la transparence sur les aides dépend des préfets, qui peuvent ou non consulter la commission des élus. Certains organisent le débat et assurent la synthèse tandis que d'autres imposent leurs décisions. Il serait opportun de généraliser les bonnes pratiques.
Aujourd'hui, nos concitoyens sont devenus très attentifs à la qualité de vie, ce qui favorise les ventes de maisons en milieu rural. Toutefois, la présence des réseaux de fibre et de téléphonie mobile est indispensable pour garantir l'attractivité du milieu rural. En ZRR, des bonifications aux dotations inspirées du New Deal seraient opportunes.
Il revient au département d'assurer les solidarités territoriales. Cependant, même s'ils sont présents, tous n'ont pas les moyens d'assumer de nouvelles compétences, car la répartition des ressources est trop déséquilibrée. La décentralisation, que nous revendiquons, doit être régulée, sous peine d'accroître le fossé entre les zones urbaines et littorales et les zones en déprise économique. Les départements de ces zones ne disposent pas des ressources nécessaires pour assumer des solidarités territoriales pourtant primordiales à ces endroits. Je rappelle par exemple que le budget de fonctionnement de l'Aisne est grevé par 71,5 % de dépenses sociales. Après cela, vous n'avez plus de moyens à allouer aux solidarités territoriales. Nous nous retrouvons dans une dynamique vertueuse inversée.
Ce n'est pas l'avis général de l'ADF, mais je suis convaincu que la problématique des ressources reste fondamentale. Les droits de mutation sont ainsi très inégalement répartis : ils peuvent descendre à 70 euros par habitant, pour une moyenne de 140 euros. Avec de tels planchers, il est difficile d'accompagner des dynamiques locales.
Lisibilité et transparence sur les dotations me semblent nécessaires. Les commissions dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) se réunissent, mais nous ne disposons pas de tous les éléments sur la mobilisation des crédits d'État. Les services de l'État mettent en place des compensations, conduisant certains territoires à recevoir davantage de DETR et moins de dotation de soutien à l'investissement local (DCIL). La transparence des dotations à l'échelle des territoires n'est pas assurée : certes, nous connaissons les dossiers acceptés, mais pas nécessairement ceux refusés. Partagez-vous ce point de vue ? Si oui, quelles seraient vos propositions ?
La DGF est, à la base, un monument d'illisibilité. Ne serait-il pas temps de redonner du sens à ses critères d'attribution ?
Je m'étonne qu'une association d'élus telle que l'AMD, qui représente 35 000 communes, tienne des propos allant à l'encontre de ses adhérents en ce qui concerne leurs capacités d'action.
Faute d'ingénierie, beaucoup de communes se trouvent dans l'impossibilité de répondre aux sollicitations du plan de relance. L'afflux de demandes est important. Nous cherchons des solutions pour créer rapidement des bureaux d'études et procéder aux diagnostics énergétiques, sans trop regarder leurs capacités et leurs compétences. La problématique n'est pas celle de la mutualisation, mais de la concentration de l'ingénierie sur des projets d'envergure, plus rémunérateurs, au détriment des autres.
Les impositions forfaitaires sur les entreprises de réseaux (IFER) sont essentiellement destinées aux intercommunalités. Nombre de projets d'énergie renouvelable n'aboutissent pas, car les communes ont peu d'intérêt à accueillir un programme porteur de tensions ou de nuisances, sans recettes supplémentaires. La loi « Engagement et Proximité » devait fluidifier le fonctionnement des intercommunalités. Une année après la désignation des conseils communautaires, 2 % des intercommunalités seulement ont mis en place un pacte de gouvernance et très peu se sont emparés des outils prévus par la loi. Les conseils des maires sont en place, mais fonctionnent rarement. Les choix de l'intercommunalité doivent irriguer tous les territoires, et non pas uniquement les communes les plus importantes. Or, les intercommunalités continuent à avancer en mettant de côté les communes les plus petites et en perpétuant le sentiment d'abandon. Lorsque nous tirerons un bilan de ce fonctionnement dans cinq ou dix ans, nous constaterons la déception et la démobilisation des maires.
Confier les outils aux préfets ajoute de la complexité. Par exemple, la date limite de dépôt des dossiers DETR était fixée au 15 janvier en Vendée, à la fin mars dans la Sarthe et au 10 mars en Mayenne, mais uniquement sur une plateforme dématérialisée. Malgré plusieurs lettres de cadrage du ministère de la cohésion des territoires, chaque préfet fait un peu ce qu'il veut dans son département, en fonction de son intérêt particulier ou de l'organisation de la préfecture. Certains préfets refusent de cumuler DETR et DCIL. Des règles strictes et homogènes sont pourtant nécessaires pour que ces dotations soient efficaces et justes.
Je ne suis pas opposé à un transfert des compétences, notamment en matière de mobilité, mais pourquoi ne pas prévoir qu'une commune puisse mettre en place un service de mobilité particulier répondant aux besoins de ses concitoyens ? Dans une grande intercommunalité, les chances sont faibles qu'un projet qui ne concerne qu'une ou deux communes aboutisse. Pourtant, il apporterait des solutions pour ces habitants. La mobilité peut légitimement être vue à une échelle plus large que celle de la commune, mais pourquoi exclure toute initiative locale si les habitants s'y retrouvent ?
Je partage ce qui a été dit sur l'école. L'Éducation nationale a eu un an pour construire des outils à déployer en cas de nouveau confinement. L'échec de la plateforme espace numérique de travail (ENT), qui a été signalé hier, démontre que le modèle n'a pas évolué. L'Éducation nationale a poursuivi la réorganisation de la carte scolaire et l'augmentation du nombre d'élèves par classe alors que nous aurions pu imaginer une pause en période épidémique pour faciliter la distanciation. Les cahiers de doléances rédigés lors de la crise des Gilets jaunes expriment une demande de maintien de l'école en milieu rural. Les plus petits doivent pouvoir profiter d'une éducation de qualité sans prendre les transports en commun.
Nous n'avons pas abordé la santé, mais des millions de Français se trouvent actuellement sans médecin traitant.
Malgré la crise sociale de 2018, nous maintenons les règles et le fonctionnement antérieurs. La situation ne se débloquera pas sans un changement de modèle et sans une réponse favorable aux souhaits de proximité. Les regroupements en cours sont à l'opposé des demandes des habitants de nos communes.
Je partage le plaidoyer qui vient d'être fait sur la proximité. Devons-nous rouvrir la question du champ des compétences ? Les départements perdent beaucoup. Les communautés de communes ne s'appuient pas sur une représentation démocratique, et elles devraient uniquement apporter de la valeur ajoutée. Comment être plus efficace ? Pour moi, le débat des années à venir est celui de la proximité et de l'engagement démocratique.
Je rejoins les propos de nos intervenants sur l'ingénierie. La semaine dernière, nous avons auditionné le Cerema, qui estime n'avoir les moyens de suivre qu'une soixantaine de communes dans le cadre du programme « Petites villes de demain », qui concerne pourtant 1 300 communes sur le territoire. On est loin du compte pour permettre aux communes de bénéficier du service attendu.
Il est donc urgent que régions, départements, communautés de communes et État définissent des protocoles permettant d'apporter l'ingénierie la plus efficace possible : pour cela, la concertation est nécessaire. Je m'inquiète de l'organisation de l'ingénierie, mais aussi des comités locaux de l'ANCT, qui n'existent toujours pas. Le préfet reste seul décisionnaire. Ce qui devrait être mis en place ne l'est toujours pas - en tout cas, dans la Sarthe.
Un mot sur le projet de loi 4D. Après la loi NOTRe et la loi Engagement et Proximité, les élus attendaient que des solutions soient trouvées pour répondre aux attentes des communautés de communes, des communes et des territoires. Or le texte 4D semble s'effilocher progressivement et je suis déçu que la loi soit ainsi oubliée.
L'idée de polyvalence dans la fonction publique me semble intéressante. La bivalence des professeurs a progressivement disparu. Cette orientation pourrait pourtant répondre aux problématiques des territoires ruraux. Des formations seront nécessaires, car le fonctionnement n'est pas prévu ainsi.
Je rejoins Hervé Gillé sur l'incompréhension autour des dotations et leur perte de sens. Nous atteignons les limites de ce système, mais une remise à plat est extrêmement complexe. Quelles sont vos pistes de réflexion sur ce sujet ?
Ces échanges passionnés et passionnants mettent la commune au coeur des débats. Elle reste le premier maillon du territoire et la première porte d'entrée pour l'attractivité du territoire qu'elle représente. Je m'interroge sur le devenir des secrétaires de mairie, dont 40 % partiront prochainement à la retraite sans être remplacées. Lorsque nous évoquons la polyvalence, nous devons aussi évoquer la spécificité de ce métier. Certes, la généralité fait la force des Maisons de Services publics. Toutefois, dans les petites communes, les élus s'adressent souvent à la secrétaire de mairie pour apporter la technicité et le savoir-faire utile au montage des dossiers.
Nous avons largement évoqué l'ingénierie territoriale. Quel serait l'outil le plus utile pour une commune cherchant une expertise afin de construire rapidement et en autonomie un programme propre à son territoire ? Que pensez-vous de l'idée d'un chèque forfaitaire d'aide à l'ingénierie territoriale pour les petites communes de la ruralité ?
Pour les élus des territoires ruraux, l'évaluation de la contribution - ou non - au FIC est incompréhensible. Bien souvent, nous devons interpeller la préfecture ou la DGFIP pour comprendre les évolutions de ces fonds. La problématique de l'ingénierie rejoint cette question. L'incompréhension est réelle. Heureusement, les associations d'élus sont là pour accompagner les personnes en place.
Je partage vos propos sur la proximité. Bien sûr, la mairie est le premier lieu de proximité. Toutefois, il s'agit souvent d'une proximité de fait, sans moyen d'évolution. Historiquement, ma commune rassemblait 240 habitants. Nous avons constitué une commune nouvelle pour atteindre le seuil de 1 000 habitants et obtenir la qualification de centre-bourg. Dans chaque commune, nous avons préservé un accès à la mairie au travers de permanences. L'une de nos communes de 80 habitants a bénéficié de ces évolutions, car seule, elle ne parvenait pas à capter les investissements. Les toutes petites mairies peuvent, en effet, se trouver en difficulté, notamment pour investir. Nous pouvons préserver la proximité tout en agrandissant le territoire. Le sujet ne doit pas être tabou.
Les communautés de communes sont aussi là pour permettre de franchir des caps aux communes. Communauté de communes et commune ne doivent pas être dans une opposition de postures. C'est par la coopération que nous évoluerons. Certes, les communes ont perdu quelques compétences. Néanmoins, nous pouvons revendiquer des compétences partagées pour aider un territoire à évoluer.
Lorsque notre trésorerie a été fermée, une permanence a été assurée dans la Maison France Services. Nous avons souligné auprès de la DGFIP que la fréquentation de seulement deux ou trois personnes par semaine ne signifiait pas que le service était inutile. Les critères d'évaluation ne doivent pas être les mêmes dans les territoires de très faible densité et dans les territoires urbains. Cette question revient sans cesse.
Nous portons cette complexité. Nous devons voir ces territoires en plein et les soutenir pour ce qu'ils sont, avec leurs atouts. Nous ne pouvons pas considérer que ces communes ne sont vouées qu'à être soutenues pour survivre.
Je partage en assez grande partie votre point de vue sur la proximité. Cependant, la commune, avec l'élu local et le maire, reste le lieu de proximité. Les intercommunalités peuvent apporter des accompagnements, notamment pour capter des investissements, mais elles sont parfois trop vastes pour assumer une fonction de proximité.
L'Association des maires ruraux de France espérait beaucoup d'avancées ainsi que le laissait entrevoir le projet de loi 4D, s'agissant notamment des consultations citoyennes en amont des débats en conseil municipal sur la création d'une commune nouvelle. Malheureusement, l'Association des maires de France (AMF) semble avoir fait pression auprès du Premier ministre et l'article a été supprimé du projet de loi. Nous effectuons un lobbying important pour sa réintégration. Cette mesure permettrait de mobiliser les élus sur un véritable projet de territoire, qui supposerait de convaincre les citoyens en amont. Les communes nouvelles seraient créées pour un projet et non pas uniquement en considération d'intérêts financiers.
Le sujet des secrétaires de mairie est éminemment important. Pôle emploi semble remettre en question l'accompagnement financier accordé aux demandeurs d'emploi qui suivent une formation qualifiante de ce type et la problématique est donc bien réelle. Selon moi, un important travail doit être réalisé autour de la formation. À Laval, le lycée Haute-Follis forme des secrétaires de mairie au travers d'une formation qualifiante de cinq mois, basée sur des cours, avec présence physique et des stages pratiques. Les jeunes femmes ou hommes diplômés sont rapidement employés. Une secrétaire en stage dans mon village vient de trouver un poste, un mois avant la fin de sa formation.
L'accompagnement financier de l'ingénierie est, comme vous l'avez indiqué, une piste intéressante. Cependant, au-delà du coût, le circuit d'accès aux compétences reste une problématique majeure. Dans mon village de 600 habitants, un grand bâtiment très énergivore nécessite une réhabilitation. Depuis cinq mois, je rencontre de grandes difficultés pour trouver un accompagnement. J'ai sollicité tous les réseaux : ANCT, région, ordre des architectes, etc. À ce jour, j'ai bien trouvé des pistes, mais aucun accompagnement concret ; or le projet requiert des compétences spécifiques. Je ne suis probablement pas le seul dans cette situation. Si je n'ai pas les documents nécessaires à temps, il se pourrait que nous ne puissions pas bénéficier du plan de relance : les conséquences des difficultés que nous rencontrons sont donc importantes.
J'adhère à vos propos. L'action publique en ruralité repose sur deux piliers : la polyvalence et la mutualisation. La mairie est au coeur de la polyvalence, tandis que l'intercommunalité permet la mutualisation. La polyvalence doit, en particulier, être améliorée dans la fonction publique, avec des formations adéquates. L'État travaille dans cet état d'esprit avec les Maisons de Services publics. Je précise que la polyvalence porte sur des besoins du quotidien alors que la mutualisation répond à une temporalité plus éloignée.
Dans le domaine scolaire, il conviendrait de sanctuariser la classe de cours préparatoire, comme cela est fait dans les zones d'éducation prioritaire.
En pratique, la transparence sur les aides dépend des préfets, qui peuvent ou non consulter la commission des élus. Certains organisent le débat et assurent la synthèse tandis que d'autres imposent leurs décisions. Il serait opportun de généraliser les bonnes pratiques.
Aujourd'hui, nos concitoyens sont devenus très attentifs à la qualité de vie, ce qui favorise les ventes de maisons en milieu rural. Toutefois, la présence des réseaux de fibre et de téléphonie mobile est indispensable pour garantir l'attractivité du milieu rural. En ZRR, des bonifications aux dotations inspirées du New Deal seraient opportunes.
Il revient au département d'assurer les solidarités territoriales. Cependant, même s'ils sont présents, tous n'ont pas les moyens d'assumer de nouvelles compétences, car la répartition des ressources est trop déséquilibrée. La décentralisation, que nous revendiquons, doit être régulée, sous peine d'accroître le fossé entre les zones urbaines et littorales et les zones en déprise économique. Les départements de ces zones ne disposent pas des ressources nécessaires pour assumer des solidarités territoriales pourtant primordiales à ces endroits. Je rappelle par exemple que le budget de fonctionnement de l'Aisne est grevé par 71,5 % de dépenses sociales. Après cela, vous n'avez plus de moyens à allouer aux solidarités territoriales. Nous nous retrouvons dans une dynamique vertueuse inversée.
Ce n'est pas l'avis général de l'ADF, mais je suis convaincu que la problématique des ressources reste fondamentale. Les droits de mutation sont ainsi très inégalement répartis : ils peuvent descendre à 70 euros par habitant, pour une moyenne de 140 euros. Avec de tels planchers, il est difficile d'accompagner des dynamiques locales.
Les secrétaires de mairie sont polyvalentes. Régulièrement les exécutifs profitent d'un départ en retraite pour réduire le nombre d'heures allouées et réaliser des économies sur ce poste. La secrétaire est un pilier pour soutenir le maire et l'équipe municipale. Le poste doit être occupé par quelqu'un de compétent qui aura les moyens d'exécuter ses missions. L'obligation de fléchage des moyens de la DGF pourrait être une solution pour éviter des économies qui n'en sont pas.
Ma crainte - elle n'est pas nécessairement partagée par tous mes collègues - est celle d'un accroissement des écarts, entre ceux qui auront les moyens de prendre des compétences et ceux qui ne le pourront pas.
Je ne perçois pas de problématique d'ingénierie dans mon département, car mon prédécesseur a créé une agence dédiée il y a sept ou huit ans. Sur les 800 communes du département, près de 600, parmi les plus rurales, y ont adhéré. L'agence réalise de l'assistance à maîtrise d'ouvrage sur les travaux de bâtiments et de la maîtrise d'oeuvre sur la voirie, elle aide dans la reprise de biens sans maître, elle fournit des conseils en énergie, elle surveille les ouvrages d'art et les édifices classés. Le fonctionnement est tout à fait satisfaisant. L'agence a permis à des communes de faible importance de mener des travaux en toute sécurité.
Karine Gloanec-Maurin. - La loi 4D était très attendue pour accompagner les territoires, notamment dans la différenciation. La déception est réelle, car nous ne la voyons pas arriver. Le texte a sans doute cédé la priorité à la loi Engagement et Proximité du 27 décembre 2019, qui permet aux intercommunalités de communiquer et soutenir la gouvernance sur le territoire. Dans ma communauté de communes, nous avons activement mis en place la gouvernance proposée par ce texte et la conférence des maires fonctionne tous les mois. La consultation est importante : les documents de l'intercommunalité peuvent être envoyés à tous les élus du territoire et non pas uniquement aux élus communautaires. La loi Proximité a ainsi fait évoluer les relations entre les communes et les communautés de commune et la communication sur les territoires s'en trouve améliorée.
Je vous remercie d'avoir évoqué la situation des secrétaires de mairie. Leur polyvalence et leurs compétences sont à saluer. Nous travaillons à la question de leur renouvellement avec Pôle emploi. Les fiches de poste doivent être attractives pour que des candidats compétents se positionnent. Sur mon territoire, les communes tendent à augmenter la durée du travail des secrétaires de mairie pour répondre à la problématique d'ingénierie. L'enjeu est de recruter des personnes formées et compétentes, mais aussi des personnes ayant l'état d'esprit de nos fonctionnements ruraux. Le sujet est complexe, mais je suis moins pessimiste que mes collègues.
Dans ma commune nouvelle, nous avons recruté un jeune diplômé en maîtrise de droit européen et de droit français pour accompagner un projet de revitalisation rurale appelé « Hacker un village ». Le contrat de ce jeune, en poste depuis un an, sera renouvelé. Les ventes et reprises de logements augmentent sur le territoire, en partie grâce à ce projet.
Comme vous l'avez souligné, nous pouvons avoir des inquiétudes quant à l'accompagnement des emplois sur nos territoires. Pour autant, les maires ne cherchent pas toujours à faire moins, même si les moyens se réduisent. Une mutualisation à l'échelle communale s'opère. J'espère que cette vision plus optimiste reflète bien les territoires de l'association que je représente aujourd'hui.
Je m'étonne qu'une association d'élus telle que l'AMD, qui représente 35 000 communes, tienne des propos allant à l'encontre de ses adhérents en ce qui concerne leurs capacités d'action.
Faute d'ingénierie, beaucoup de communes se trouvent dans l'impossibilité de répondre aux sollicitations du plan de relance. L'afflux de demandes est important. Nous cherchons des solutions pour créer rapidement des bureaux d'études et procéder aux diagnostics énergétiques, sans trop regarder leurs capacités et leurs compétences. La problématique n'est pas celle de la mutualisation, mais de la concentration de l'ingénierie sur des projets d'envergure, plus rémunérateurs, au détriment des autres.
Les impositions forfaitaires sur les entreprises de réseaux (IFER) sont essentiellement destinées aux intercommunalités. Nombre de projets d'énergie renouvelable n'aboutissent pas, car les communes ont peu d'intérêt à accueillir un programme porteur de tensions ou de nuisances, sans recettes supplémentaires. La loi « Engagement et Proximité » devait fluidifier le fonctionnement des intercommunalités. Une année après la désignation des conseils communautaires, 2 % des intercommunalités seulement ont mis en place un pacte de gouvernance et très peu se sont emparés des outils prévus par la loi. Les conseils des maires sont en place, mais fonctionnent rarement. Les choix de l'intercommunalité doivent irriguer tous les territoires, et non pas uniquement les communes les plus importantes. Or, les intercommunalités continuent à avancer en mettant de côté les communes les plus petites et en perpétuant le sentiment d'abandon. Lorsque nous tirerons un bilan de ce fonctionnement dans cinq ou dix ans, nous constaterons la déception et la démobilisation des maires.
Confier les outils aux préfets ajoute de la complexité. Par exemple, la date limite de dépôt des dossiers DETR était fixée au 15 janvier en Vendée, à la fin mars dans la Sarthe et au 10 mars en Mayenne, mais uniquement sur une plateforme dématérialisée. Malgré plusieurs lettres de cadrage du ministère de la cohésion des territoires, chaque préfet fait un peu ce qu'il veut dans son département, en fonction de son intérêt particulier ou de l'organisation de la préfecture. Certains préfets refusent de cumuler DETR et DCIL. Des règles strictes et homogènes sont pourtant nécessaires pour que ces dotations soient efficaces et justes.
Je ne suis pas opposé à un transfert des compétences, notamment en matière de mobilité, mais pourquoi ne pas prévoir qu'une commune puisse mettre en place un service de mobilité particulier répondant aux besoins de ses concitoyens ? Dans une grande intercommunalité, les chances sont faibles qu'un projet qui ne concerne qu'une ou deux communes aboutisse. Pourtant, il apporterait des solutions pour ces habitants. La mobilité peut légitimement être vue à une échelle plus large que celle de la commune, mais pourquoi exclure toute initiative locale si les habitants s'y retrouvent ?
Je partage ce qui a été dit sur l'école. L'Éducation nationale a eu un an pour construire des outils à déployer en cas de nouveau confinement. L'échec de la plateforme espace numérique de travail (ENT), qui a été signalé hier, démontre que le modèle n'a pas évolué. L'Éducation nationale a poursuivi la réorganisation de la carte scolaire et l'augmentation du nombre d'élèves par classe alors que nous aurions pu imaginer une pause en période épidémique pour faciliter la distanciation. Les cahiers de doléances rédigés lors de la crise des Gilets jaunes expriment une demande de maintien de l'école en milieu rural. Les plus petits doivent pouvoir profiter d'une éducation de qualité sans prendre les transports en commun.
Nous n'avons pas abordé la santé, mais des millions de Français se trouvent actuellement sans médecin traitant.
Malgré la crise sociale de 2018, nous maintenons les règles et le fonctionnement antérieurs. La situation ne se débloquera pas sans un changement de modèle et sans une réponse favorable aux souhaits de proximité. Les regroupements en cours sont à l'opposé des demandes des habitants de nos communes.
Je vous remercie pour ces échanges fructueux. Même si les conceptions sont parfois différentes, il est important de savoir comment les uns et les autres répondent aux attentes de nos concitoyens. La commune doit prendre et garder toute sa place dans l'aménagement et le développement des territoires. Notre échange de vues montre également que le mode de recrutement dans la fonction publique territoriale et les modalités d'évolution des carrières méritent d'être revus. À cet égard, une refonte du statut des salariés des collectivités territoriales me semble impérative.
Notre débat était très intéressant et mérite de se poursuivre afin d'aborder les questions de santé, par exemple. Nous évoquions les transports scolaires et je fais observer que nous pourrions parfois nous en passer si nous conservions nos écoles.
Je suis optimiste pour l'avenir. La loi 4D, comme toutes celles qui suivent la loi NOTRe, ne sera qu'un ajustement : il s'agit de régulariser des dispositifs mal mis en place à l'origine. Pour ma part, je soutiens l'idée d'une remise en cause plus large de la logique d'ensemble pour repartir de la commune et remonter les échelons. Malheureusement, je crains que cela soit un voeu pieux.
Je vous remercie.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 11 h 40.
Je rejoins les propos de nos intervenants sur l'ingénierie. La semaine dernière, nous avons auditionné le Cerema, qui estime n'avoir les moyens de suivre qu'une soixantaine de communes dans le cadre du programme « Petites villes de demain », qui concerne pourtant 1 300 communes sur le territoire. On est loin du compte pour permettre aux communes de bénéficier du service attendu.
Il est donc urgent que régions, départements, communautés de communes et État définissent des protocoles permettant d'apporter l'ingénierie la plus efficace possible : pour cela, la concertation est nécessaire. Je m'inquiète de l'organisation de l'ingénierie, mais aussi des comités locaux de l'ANCT, qui n'existent toujours pas. Le préfet reste seul décisionnaire. Ce qui devrait être mis en place ne l'est toujours pas - en tout cas, dans la Sarthe.
Un mot sur le projet de loi 4D. Après la loi NOTRe et la loi Engagement et Proximité, les élus attendaient que des solutions soient trouvées pour répondre aux attentes des communautés de communes, des communes et des territoires. Or le texte 4D semble s'effilocher progressivement et je suis déçu que la loi soit ainsi oubliée.
Ces échanges passionnés et passionnants mettent la commune au coeur des débats. Elle reste le premier maillon du territoire et la première porte d'entrée pour l'attractivité du territoire qu'elle représente. Je m'interroge sur le devenir des secrétaires de mairie, dont 40 % partiront prochainement à la retraite sans être remplacées. Lorsque nous évoquons la polyvalence, nous devons aussi évoquer la spécificité de ce métier. Certes, la généralité fait la force des Maisons de Services publics. Toutefois, dans les petites communes, les élus s'adressent souvent à la secrétaire de mairie pour apporter la technicité et le savoir-faire utile au montage des dossiers.
Nous avons largement évoqué l'ingénierie territoriale. Quel serait l'outil le plus utile pour une commune cherchant une expertise afin de construire rapidement et en autonomie un programme propre à son territoire ? Que pensez-vous de l'idée d'un chèque forfaitaire d'aide à l'ingénierie territoriale pour les petites communes de la ruralité ?
Mes chers collègues,
Nous devons procéder à la désignation d'un rapporteur sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine des transports, de l'environnement, de l'économie et des finances.
Ce projet de loi contient de nombreuses dispositions relatives notamment aux transports (aviation civile, transports terrestres et maritimes), à la prévention des risques mais également à la protection et à l'information environnementales
La Conférence des Présidents a acté l'inscription de ce texte à l'ordre du jour du Sénat le 19 mai 2021, sous réserve de son dépôt en Conseil des ministres qui devrait intervenir le 14 avril. Nous devrions examiner le rapport et le texte en commission le 12 mai prochain, ce qui est un calendrier très resserré.
En 2015, notre commission avait déjà examiné un projet de loi portant des dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine de la prévention des risques. Récemment, en novembre dernier, le Sénat a examiné un « Ddadue » en matière économique et financière. C'est à présent à notre commission qu'il reviendra d'examiner le Ddadue qui vient prochainement à l'ordre du jour du Sénat compte tenu des thèmes qui y sont traités et qui entrent dans le champ de ses compétences.
L'Association des maires ruraux de France espérait beaucoup d'avancées ainsi que le laissait entrevoir le projet de loi 4D, s'agissant notamment des consultations citoyennes en amont des débats en conseil municipal sur la création d'une commune nouvelle. Malheureusement, l'Association des maires de France (AMF) semble avoir fait pression auprès du Premier ministre et l'article a été supprimé du projet de loi. Nous effectuons un lobbying important pour sa réintégration. Cette mesure permettrait de mobiliser les élus sur un véritable projet de territoire, qui supposerait de convaincre les citoyens en amont. Les communes nouvelles seraient créées pour un projet et non pas uniquement en considération d'intérêts financiers.
Le sujet des secrétaires de mairie est éminemment important. Pôle emploi semble remettre en question l'accompagnement financier accordé aux demandeurs d'emploi qui suivent une formation qualifiante de ce type et la problématique est donc bien réelle. Selon moi, un important travail doit être réalisé autour de la formation. À Laval, le lycée Haute-Follis forme des secrétaires de mairie au travers d'une formation qualifiante de cinq mois, basée sur des cours, avec présence physique et des stages pratiques. Les jeunes femmes ou hommes diplômés sont rapidement employés. Une secrétaire en stage dans mon village vient de trouver un poste, un mois avant la fin de sa formation.
L'accompagnement financier de l'ingénierie est, comme vous l'avez indiqué, une piste intéressante. Cependant, au-delà du coût, le circuit d'accès aux compétences reste une problématique majeure. Dans mon village de 600 habitants, un grand bâtiment très énergivore nécessite une réhabilitation. Depuis cinq mois, je rencontre de grandes difficultés pour trouver un accompagnement. J'ai sollicité tous les réseaux : ANCT, région, ordre des architectes, etc. À ce jour, j'ai bien trouvé des pistes, mais aucun accompagnement concret ; or le projet requiert des compétences spécifiques. Je ne suis probablement pas le seul dans cette situation. Si je n'ai pas les documents nécessaires à temps, il se pourrait que nous ne puissions pas bénéficier du plan de relance : les conséquences des difficultés que nous rencontrons sont donc importantes.
Les secrétaires de mairie sont polyvalentes. Régulièrement les exécutifs profitent d'un départ en retraite pour réduire le nombre d'heures allouées et réaliser des économies sur ce poste. La secrétaire est un pilier pour soutenir le maire et l'équipe municipale. Le poste doit être occupé par quelqu'un de compétent qui aura les moyens d'exécuter ses missions. L'obligation de fléchage des moyens de la DGF pourrait être une solution pour éviter des économies qui n'en sont pas.
Ma crainte - elle n'est pas nécessairement partagée par tous mes collègues - est celle d'un accroissement des écarts, entre ceux qui auront les moyens de prendre des compétences et ceux qui ne le pourront pas.
Je ne perçois pas de problématique d'ingénierie dans mon département, car mon prédécesseur a créé une agence dédiée il y a sept ou huit ans. Sur les 800 communes du département, près de 600, parmi les plus rurales, y ont adhéré. L'agence réalise de l'assistance à maîtrise d'ouvrage sur les travaux de bâtiments et de la maîtrise d'oeuvre sur la voirie, elle aide dans la reprise de biens sans maître, elle fournit des conseils en énergie, elle surveille les ouvrages d'art et les édifices classés. Le fonctionnement est tout à fait satisfaisant. L'agence a permis à des communes de faible importance de mener des travaux en toute sécurité.
La loi 4D était très attendue pour accompagner les territoires, notamment dans la différenciation. La déception est réelle, car nous ne la voyons pas arriver. Le texte a sans doute cédé la priorité à la loi Engagement et Proximité du 27 décembre 2019, qui permet aux intercommunalités de communiquer et soutenir la gouvernance sur le territoire. Dans ma communauté de communes, nous avons activement mis en place la gouvernance proposée par ce texte et la conférence des maires fonctionne tous les mois. La consultation est importante : les documents de l'intercommunalité peuvent être envoyés à tous les élus du territoire et non pas uniquement aux élus communautaires. La loi Proximité a ainsi fait évoluer les relations entre les communes et les communautés de commune et la communication sur les territoires s'en trouve améliorée.
Je vous remercie d'avoir évoqué la situation des secrétaires de mairie. Leur polyvalence et leurs compétences sont à saluer. Nous travaillons à la question de leur renouvellement avec Pôle emploi. Les fiches de poste doivent être attractives pour que des candidats compétents se positionnent. Sur mon territoire, les communes tendent à augmenter la durée du travail des secrétaires de mairie pour répondre à la problématique d'ingénierie. L'enjeu est de recruter des personnes formées et compétentes, mais aussi des personnes ayant l'état d'esprit de nos fonctionnements ruraux. Le sujet est complexe, mais je suis moins pessimiste que mes collègues.
Dans ma commune nouvelle, nous avons recruté un jeune diplômé en maîtrise de droit européen et de droit français pour accompagner un projet de revitalisation rurale appelé « Hacker un village ». Le contrat de ce jeune, en poste depuis un an, sera renouvelé. Les ventes et reprises de logements augmentent sur le territoire, en partie grâce à ce projet.
Comme vous l'avez souligné, nous pouvons avoir des inquiétudes quant à l'accompagnement des emplois sur nos territoires. Pour autant, les maires ne cherchent pas toujours à faire moins, même si les moyens se réduisent. Une mutualisation à l'échelle communale s'opère. J'espère que cette vision plus optimiste reflète bien les territoires de l'association que je représente aujourd'hui.
Je vous remercie pour ces échanges fructueux. Même si les conceptions sont parfois différentes, il est important de savoir comment les uns et les autres répondent aux attentes de nos concitoyens. La commune doit prendre et garder toute sa place dans l'aménagement et le développement des territoires. Notre échange de vues montre également que le mode de recrutement dans la fonction publique territoriale et les modalités d'évolution des carrières méritent d'être revus. À cet égard, une refonte du statut des salariés des collectivités territoriales me semble impérative.
Notre débat était très intéressant et mérite de se poursuivre afin d'aborder les questions de santé, par exemple. Nous évoquions les transports scolaires et je fais observer que nous pourrions parfois nous en passer si nous conservions nos écoles.
Je suis optimiste pour l'avenir. La loi 4D, comme toutes celles qui suivent la loi NOTRe, ne sera qu'un ajustement : il s'agit de régulariser des dispositifs mal mis en place à l'origine. Pour ma part, je soutiens l'idée d'une remise en cause plus large de la logique d'ensemble pour repartir de la commune et remonter les échelons. Malheureusement, je crains que cela soit un voeu pieux.
Je vous remercie.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Mes chers collègues,
Nous devons procéder à la désignation d'un rapporteur sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine des transports, de l'environnement, de l'économie et des finances.
Ce projet de loi contient de nombreuses dispositions relatives notamment aux transports (aviation civile, transports terrestres et maritimes), à la prévention des risques mais également à la protection et à l'information environnementales
La Conférence des Présidents a acté l'inscription de ce texte à l'ordre du jour du Sénat le 19 mai 2021, sous réserve de son dépôt en Conseil des ministres qui devrait intervenir le 14 avril. Nous devrions examiner le rapport et le texte en commission le 12 mai prochain, ce qui est un calendrier très resserré.
En 2015, notre commission avait déjà examiné un projet de loi portant des dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine de la prévention des risques. Récemment, en novembre dernier, le Sénat a examiné un « Ddadue » en matière économique et financière. C'est à présent à notre commission qu'il reviendra d'examiner le Ddadue qui vient prochainement à l'ordre du jour du Sénat compte tenu des thèmes qui y sont traités et qui entrent dans le champ de ses compétences.
La commission désigne M. Cyril Pellevat en qualité de rapporteur pour le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine des transports, de l'environnement, de l'économie et des finances, sous réserve de son dépôt.