Intervention de Dominique Dhumeaux

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 7 avril 2021 à 9h00
« la réforme de la géographie prioritaire de la ruralité : quels critères et quels outils de politique à mobiliser pour répondre aux fragilités et à la diversité des territoires ruraux ? » — Audition de représentants d'associations d'élus locaux

Dominique Dhumeaux, premier vice-président de l'Association des maires ruraux de France (AMRF) :

Je m'étonne qu'une association d'élus telle que l'AMD, qui représente 35 000 communes, tienne des propos allant à l'encontre de ses adhérents en ce qui concerne leurs capacités d'action.

Faute d'ingénierie, beaucoup de communes se trouvent dans l'impossibilité de répondre aux sollicitations du plan de relance. L'afflux de demandes est important. Nous cherchons des solutions pour créer rapidement des bureaux d'études et procéder aux diagnostics énergétiques, sans trop regarder leurs capacités et leurs compétences. La problématique n'est pas celle de la mutualisation, mais de la concentration de l'ingénierie sur des projets d'envergure, plus rémunérateurs, au détriment des autres.

Les impositions forfaitaires sur les entreprises de réseaux (IFER) sont essentiellement destinées aux intercommunalités. Nombre de projets d'énergie renouvelable n'aboutissent pas, car les communes ont peu d'intérêt à accueillir un programme porteur de tensions ou de nuisances, sans recettes supplémentaires. La loi « Engagement et Proximité » devait fluidifier le fonctionnement des intercommunalités. Une année après la désignation des conseils communautaires, 2 % des intercommunalités seulement ont mis en place un pacte de gouvernance et très peu se sont emparés des outils prévus par la loi. Les conseils des maires sont en place, mais fonctionnent rarement. Les choix de l'intercommunalité doivent irriguer tous les territoires, et non pas uniquement les communes les plus importantes. Or, les intercommunalités continuent à avancer en mettant de côté les communes les plus petites et en perpétuant le sentiment d'abandon. Lorsque nous tirerons un bilan de ce fonctionnement dans cinq ou dix ans, nous constaterons la déception et la démobilisation des maires.

Confier les outils aux préfets ajoute de la complexité. Par exemple, la date limite de dépôt des dossiers DETR était fixée au 15 janvier en Vendée, à la fin mars dans la Sarthe et au 10 mars en Mayenne, mais uniquement sur une plateforme dématérialisée. Malgré plusieurs lettres de cadrage du ministère de la cohésion des territoires, chaque préfet fait un peu ce qu'il veut dans son département, en fonction de son intérêt particulier ou de l'organisation de la préfecture. Certains préfets refusent de cumuler DETR et DCIL. Des règles strictes et homogènes sont pourtant nécessaires pour que ces dotations soient efficaces et justes.

Je ne suis pas opposé à un transfert des compétences, notamment en matière de mobilité, mais pourquoi ne pas prévoir qu'une commune puisse mettre en place un service de mobilité particulier répondant aux besoins de ses concitoyens ? Dans une grande intercommunalité, les chances sont faibles qu'un projet qui ne concerne qu'une ou deux communes aboutisse. Pourtant, il apporterait des solutions pour ces habitants. La mobilité peut légitimement être vue à une échelle plus large que celle de la commune, mais pourquoi exclure toute initiative locale si les habitants s'y retrouvent ?

Je partage ce qui a été dit sur l'école. L'Éducation nationale a eu un an pour construire des outils à déployer en cas de nouveau confinement. L'échec de la plateforme espace numérique de travail (ENT), qui a été signalé hier, démontre que le modèle n'a pas évolué. L'Éducation nationale a poursuivi la réorganisation de la carte scolaire et l'augmentation du nombre d'élèves par classe alors que nous aurions pu imaginer une pause en période épidémique pour faciliter la distanciation. Les cahiers de doléances rédigés lors de la crise des Gilets jaunes expriment une demande de maintien de l'école en milieu rural. Les plus petits doivent pouvoir profiter d'une éducation de qualité sans prendre les transports en commun.

Nous n'avons pas abordé la santé, mais des millions de Français se trouvent actuellement sans médecin traitant.

Malgré la crise sociale de 2018, nous maintenons les règles et le fonctionnement antérieurs. La situation ne se débloquera pas sans un changement de modèle et sans une réponse favorable aux souhaits de proximité. Les regroupements en cours sont à l'opposé des demandes des habitants de nos communes.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion