Après l'aménagement du territoire ce matin, nous consacrons notre ordre du jour de cet après-midi à un sujet particulièrement important, qui s'inscrit au coeur des préoccupations de notre commission : l'insertion de dispositions relatives à l'environnement et au climat dans notre texte constitutionnel.
Notre commission s'est saisie pour avis de ce projet de révision de notre Constitution, dont le rapporteur est notre collègue Guillaume Chevrollier. Nous avons déjà entendu le garde des Sceaux, en commun avec la commission des lois, nous présenter l'objectif recherché par l'ajout de cette nouvelle phrase à l'article 1er de la Constitution : « Elle [la France] garantit la préservation de l'environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique.»
Toutes les questions que nous nous posons n'ont cependant pas trouvé de réponses satisfaisantes et nous n'avons pas été pleinement convaincus par les explications du ministre. C'est pourquoi nous poursuivons nos auditions, afin que l'indispensable analyse des juristes et des spécialistes du droit de l'environnement éclaire nos travaux parlementaires. Débattre des conséquences de l'insertion dans la Constitution de dispositions environnementales et climatiques me paraît indispensable : si cette phrase figure à l'article 1er de notre texte fondamental, elle irriguera tout notre droit, et il importe que nous soyons bien conscients des effets qu'elle produira sur la hiérarchie des normes et sur l'office du législateur en matière environnementale.
J'ai le plaisir d'accueillir M. Michel Prieur, professeur émérite, président du Centre international de droit comparé de l'environnement ; Mme Marta Torre-Schaub, directrice de recherche au CNRS à l'Institut des sciences philosophique et juridique de la Sorbonne, enseignante à Paris 1 et à Sciences Po Paris, directrice du réseau Droit et Climat, ClimaLex ; Me Christian Huglo, avocat à la cour, docteur en droit, spécialiste du droit de l'environnement, co-directeur du JurisClasseur Environnement ; Me Arnaud Gossement, avocat à la cour, docteur en droit, professeur associé en droit à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne ; M. Philippe Billet, directeur de l'Institut de droit de l'environnement à l'Université Jean Moulin Lyon 3, président d'honneur de la Société française pour le droit de l'environnement ; et Mme Carole Hernandez-Zakine, docteure en droit.
Avant que vous nous exposiez vos analyses, nous devons vous faire part de nos interrogations quant à la rédaction proposée. Vous paraît-il opportun de modifier la Constitution pour y ajouter cette phrase, alors que la Charte de l'environnement, pleinement intégrée au bloc de constitutionnalité, fait partie des instruments de contrôle du Conseil constitutionnel en matière environnementale ? Le libellé proposé vous paraît-il équilibré et à sa juste place à l'article 1er ? Le verbe « garantir » implique, comme l'a fait ressortir le Conseil d'État dans son avis, une quasi-obligation de résultat pesant sur les pouvoirs publics : n'est-ce pas une source intarissable de contentieux, qui paralyserait l'action politique et contraindrait l'appréciation du législateur ? Le Conseil d'État évoque des conséquences « lourdes et imprévisibles » sur l'action et la responsabilité des pouvoirs publics. Les deux verbes d'action de cette phrase, lutter et garantir, introduisent-ils une rupture d'équilibre entre les différents principes constitutionnels et remettent-ils en cause leur conciliation, au fondement même du droit constitutionnel et de son contrôle par le juge constitutionnel ?
Nous aimerions enfin que vous traciez à grandes lignes l'évolution récente des contentieux constitutionnels environnementaux, notamment en ce qui concerne l'invocation de la Charte de l'environnement, à la fois par les requérants et par le juge constitutionnel.