Il est important d'un point de vue symbolique d'inscrire la lutte contre le changement climatique dans l'article 1er de la Constitution, même si cela pose quelques difficultés. En effet, cela permet de consacrer un certain nombre d'objectifs. Pour autant, on peut se demander s'il s'agit du bon texte et des bons termes. Je vois dans la terminologie employée un certain nombre de risques de contradictions, même si, dans le bloc de constitutionnalité, toutes les dispositions doivent être lues de façon complémentaire. L'article 34 de la Constitution indique déjà que la loi détermine les principes fondamentaux du droit de l'environnement. Cette révision introduirait une segmentation entre la biodiversité, l'environnement et la lutte contre le changement climatique. Faudra-t-il comprendre que « ?l'environnement » de l'article 1er n'est pas « l'environnement » de l'article 34 ? Que celui de l'article 34 serait beaucoup plus large en englobant les trois éléments ? Ou alors, que l'article 34 est limitatif et exclut la biodiversité et le changement climatique ?
La Charte constitutionnelle, elle, ne parle jamais de l'environnement en tant que tel. Elle indique simplement que la préservation de l'environnement doit être recherchée, au même titre que celle de la biodiversité et que la lutte contre le changement climatique. Il y a donc une très forte ambiguïté dans la terminologie : que doit-on entendre par l'environnement ? On a évoqué les autres intérêts fondamentaux de la Nation. Dans ce cadre, en faisant une lecture croisée, il faut peut-être comprendre que la biodiversité et la lutte contre le changement climatique font partie des autres intérêts fondamentaux de la Nation.
Il y a aussi une contradiction dans les objectifs si on déclare que la République garantit la préservation de l'environnement, ce qui pose une obligation de résultat. La Charte, elle, dit que la préservation de l'environnement doit être recherchée. La garantie, est-ce compatible avec l'objectif indiqué par ces mots ? Pour un même élément, c'est-à-dire l'environnement, nous aurions deux modalités, et deux objectifs différents : d'un côté, garantir sa préservation, de l'autre, rechercher simplement sa préservation. Nous risquons une dichotomie entre ces deux éléments.
Le texte indiquerait que la République garantit. Est-il nécessaire de reprendre le terme « ?la République » ? Peut-être. La Charte constitutionnelle, elle, vise « ?toute personne », publique comme privée - y compris l'État, donc.
Lutter contre le dérèglement climatique ? Oui, d'un point de vue principiel. Non, peut-être, d'un point de vue jurisprudentiel. La décision du Conseil constitutionnel, dite UIPP (Union des industries de la protection des plantes), en janvier dernier, emploie les termes suivants : « à ce titre, le législateur est fondé à tenir compte des effets que les activités exercées en France peuvent porter à l'environnement à l'étranger ». Autrement dit, c'est une transposition, une reprise de la sentence arbitrale de 1941 « Fonderie du Trail » entre les États-Unis et le Canada sur la question de l'utilisation non dommageable de son territoire. L'État français, par ce biais, est déjà responsable des effets que ses activités pourraient avoir, notamment en matière de changement climatique, à l'étranger. Donc, nous avons déjà en germe les éléments de lutte contre le changement climatique. En outre, l'État français n'est pas seul à lutter. S'il le fait seul, cela n'a aucun résultat. Il y a 145 autres pays...
Bref, sans remettre en cause le principe même de cette révision, j'attire votre attention sur les risques de contradictions dans les terminologies, qui pourraient avoir des incidences sur le contentieux.