Intervention de Christian Huglo

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 7 avril 2021 à 16h30
Projet de loi constitutionnelle complétant l'article 1er de la constitution et relatif à la préservation de l'environnement — Audition de juristes

Christian Huglo, avocat à la cour, spécialiste du droit de l'environnement :

On a évoqué la question du sujet du verbe « ?garantir ». Il existe une réponse du Conseil constitutionnel : quand on parle de la France, on parle de l'État. Cela résulte de la décision du 21 février 2013 à propos du principe de laïcité. Le Conseil constitutionnel écrit « que le principe de laïcité figure au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit » et « qu'il en résulte la neutralité de l'État ». Donc l'État, c'est la France, et la France, c'est l'État.

Je rappelle à tous qu'il ne faut modifier ce texte qu'en tremblant, car il s'agit incontestablement d'une disposition constitutionnelle fondamentale. Ce dont nous parlons conditionne l'avenir. Pourquoi ce texte, dès lors que nous avons la Charte ? A-t-il vraiment une utilité ? En tant que praticien du droit et observateur de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, il me semble que le Conseil constitutionnel n'a jamais rendu une décision fondamentale en matière de droit de l'environnement. La seule réellement importante est celle du principe de vigilance, dans la décision du 28 avril 2005. Il existe une disposition dans le code de la construction qui dit que, lorsqu'on s'est établi après une pollution, on n'a pas le droit de se plaindre, au nom du principe de la priorité. Il y a eu un recours, visant une décision du Conseil constitutionnel de 1982 sur les lois Auroux et l'article 1382 du Code civil, qui avait d'ailleurs été défendu par mon maître, le doyen Vedel, et qui est un principe absolu, interdisant de restreindre la responsabilité dans une loi. Le Conseil constitutionnel, de façon intelligente, face à cette question de causalité, souligne qu'il y a une barrière : s'il y a une faute, il n'y a pas d'exonération - mais on doit rester vigilant.

En fait, le problème de la jurisprudence du Conseil constitutionnel est que c'est un faux juge de l'excès de pouvoir, faute d'être un juge de plein contentieux. Quand il retoque la taxe carbone, il le fait au nom du principe d'égalité. Pratiquement, on n'a presque rien sur la taxe carbone, alors qu'on en a besoin. Je ne sais pas quelle est la procédure contradictoire lorsqu'une disposition législative est en cause, mais c'est un échange de mémoires. Si l'on veut faire évoluer une juridiction, il faut une procédure adéquate. En l'occurrence, ce serait la possibilité d'intervenir, qui est interdite par le Conseil constitutionnel. J'ai connu un exemple symptomatique dans l'affaire du gaz de schiste : je représentais la région, et l'on a déclaré ma requête irrecevable sans que je sache pourquoi, et sans recours possible, alors que la région avait son mot à dire, puisque dans le texte de la Constitution, la région est concernée par le principe de précaution.

Il n'y a pas de dialogue devant le Conseil constitutionnel ni d'expertise. Or, tout le droit de l'environnement est une question technique. Comment, dès lors, insuffler un vent nouveau ? Tant que cette procédure sera enfermée, il n'y aura pas de respiration.

Même sur la Covid, le Conseil constitutionnel est en totale contradiction avec les principes édictés par le Conseil de l'Europe - ce qu'on appelle la convention de Venise : il faut prendre des mesures nécessaires, proportionnées, temporaires, incluant une participation démocratique, et mettre en place des commissions d'enquête. Attendait-on d'un tel juge qu'il ne nous donne pas d'éléments de guidage ? C'est toute la question.

L'utilité de cette révision, c'est aussi de renforcer l'image de la France. Déjà, l'accord de Paris est cité jusque devant les tribunaux australiens, tout comme la jurisprudence française. L'exemplarité est un moteur d'avenir.

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