Les plus gros émetteurs de CO2 dans le monde sont aujourd'hui les États-Unis, la Chine et l'Union européenne : nous en faisons donc partie. En termes d'émissions par habitant, en tenant compte des importations, nous figurons également parmi les populations ayant l'empreinte carbone la plus importante. Nous avons donc, en France, une responsabilité à agir, d'autant que nous en avons la capacité.
Pour ma part, je ne parlerais pas de « sacrifices » à faire. Dans les entreprises, dans le monde de la finance, au sein des collectivités locales ou dans le monde universitaire, il est davantage question de transformations à opérer et d'opportunités à saisir.
Au niveau individuel, trois grandes catégories de choix se présentent à nous pour réduire notre empreinte environnementale : les pratiques qui consistent à éviter, à déplacer, en privilégiant d'autres façons de faire et à améliorer, en termes d'efficacité énergétique notamment. Sans parler de sacrifices, il est ainsi nécessaire de comprendre ce que l'on peut transformer, déplacer et abandonner.
À cet égard, il convient de souligner que, durant la crise sanitaire, les entreprises les plus engagées en faveur de la transition énergétique ont affiché la meilleure résilience. Le fait de se projeter vers des transformations complexes, de contribuer à l'action collective et de bâtir des filières responsables reposant sur des compétences, des emplois durables et un rapport plus apaisé à l'environnement apparaît ainsi porteur de résilience.
La révision constitutionnelle proposée permettrait ainsi une projection vers un meilleur avenir, dans un esprit de construction plus que de sacrifice, afin de parvenir à un vivre ensemble plus apaisé.
Dans le cadre de l'élaboration du rapport du GIEC sur l'utilisation des terres dans un climat qui change, nous avons par ailleurs beaucoup travaillé avec la FAO. Nous avons également pu bénéficier d'échanges directs avec des acteurs du monde agricole.
De fait, les acteurs du monde agricole connaissent bien les enjeux liés au climat et à la biodiversité. Ils sont parmi les premiers concernés par les phénomènes de canicule, d'inondation ou de sécheresse ou les infestations induites par des hivers plus doux, etc. Ils ont aussi conscience des transformations constantes à mener et s'y engagent. Ils se mobilisent également par le biais de la FNSEA ou de la Confédération paysanne, pour porter des solutions en faveur du climat.
Cependant, il conviendrait aussi de réfléchir à une évolution du système d'aides accordées aux agriculteurs, pour que celles-ci soient plus justes et porteuses de moins d'effets indésirables sur la qualité de l'eau, les écosystèmes et la biodiversité, les émissions de gaz à effet de serre. Il s'agit d'un défi majeur.
Je souligne par ailleurs que je supervise actuellement la rédaction du prochain rapport du GIEC sur l'état du climat à l'échelle globale et régionale. À travers ce rapport, qui devrait être publié à l'été 2021, l'objectif est de faciliter l'accès à l'information climatique, sous la forme d'un atlas interactif. L'enjeu serait de permettre au plus grand nombre de décideurs de s'approprier cette information climatique.
En complément, le travail mené par le monde académique en liaison avec les acteurs de terrain, du monde agricole notamment, nécessiterait d'être renforcé et davantage soutenu, y compris dans le cadre des financements publics de la recherche. Pour soutenir les transformations et l'action, nous avons aujourd'hui besoin de co-construction et de décloisonnement, entre les domaines académiques et vis-à-vis des acteurs de terrain. Les institutions sont pour l'instant insuffisantes : à ce titre, il serait opportun de soutenir les groupes régionaux d'experts sur le climat, où des échanges fructueux entre les acteurs ont lieu. L'enjeu serait ainsi de mieux définir les connaissances à produire et à partager pour accompagner l'action et les prises de décisions.