Intervention de Olivier Dussopt

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 27 avril 2021 : 1ère réunion
Plan national pour la reprise et la résilience pnrr — Audition de M. Olivier duSsopt ministre délégué auprès du ministre de l'économie des finances et de la relance chargé des comptes publics

Olivier Dussopt, des finances et de la relance, chargé des comptes publics :

ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. - J'ai le plaisir de vous présenter ce soir le PNRR tel qu'il sera transmis à la Commission européenne.

Vous l'avez dit, il a été rendu public conjointement avec le plan allemand, et un certain nombre d'États vont déposer leur plan simultanément - c'est aussi le cas de l'Espagne, de l'Italie et d'autres États - pour marquer leur volonté commune et partagée que le processus de relance au niveau européen puisse avancer aussi rapidement que possible.

Nous avons deux objectifs.

Le premier, bien évidemment, est de présenter les investissements qui sont engagés dans le cadre du plan de relance français, et dont nous souhaitons qu'ils puissent bénéficier du plan de relance européen. Tous les investissements présentés dans le PNRR font partie de la stratégie France Relance que nous déployons depuis septembre dernier. Nous avons d'ailleurs eu à ce sujet de longs débats lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021.

Il s'agit ainsi d'obtenir un financement à hauteur de 40 milliards d'euros, une somme qui viendra en diminution du besoin de financement par l'État du plan de relance de 100 milliards d'euros adopté au travers de la loi de finances pour 2021. Ce montant de 40 milliards d'euros est le fruit d'un calcul reposant principalement sur deux critères : le niveau et l'évolution du produit national brut (PNB) de chaque État membre au cours des dernières années ; l'impact dans chaque pays de la crise du covid-19 au moment où la décision d'élaborer un plan de relance européen a été prise, c'est-à-dire à la fin de l'année 2020 - nous ne pouvions pas nécessairement prévoir les développements épidémiques que nous connaissons aujourd'hui.

Ce plan traduit une avancée majeure dans l'intégration européenne, puisqu'il conduit à créer une capacité d'endettement commune de l'Union européenne au service du rebond de l'économie. Pour la première fois, l'Union va emprunter directement sur les marchés pour financer les plans de relance européens. Cet emprunt sera progressivement remboursé par de nouvelles ressources propres, lesquelles restent à définir et à ratifier par les États membres.

C'est donc une étape historique et un pas majeur et symboliquement très important qui a été franchi en matière d'intégration européenne.

Le second objectif du plan est de renforcer la résilience de l'économie, en cohérence avec les réformes que nous menons depuis le début du quinquennat et les recommandations de la Commission européenne ; je reviendrai sur certaines de ces réformes.

Ces deux objectifs sont évidemment complémentaires. C'est la raison pour laquelle nous les travaillons de front, en veillant à ce que ces réformes structurelles pour la résilience soient parfaitement cohérentes avec le projet politique que nous portons.

Le PNRR que nous présentons s'articule très logiquement autour de trois priorités : la transition écologique, le renforcement de la compétitivité et la cohésion sociale et territoriale. Ces trois objectifs du plan de relance français sont aussi ceux qui sont visés par le plan de relance européen, ce qui garantit la meilleure éligibilité possible des actions que nous menons aux financements européens.

Pour ce qui concerne le verdissement et la décarbonation de l'économie, les investissements, qui représentent plus de la moitié des 40 milliards d'euros que nous sollicitons auprès de l'Union européenne, permettront d'accélérer la transition écologique. Nous sommes au-delà des critères fixés par la Commission, mais j'y reviendrai. Nous prévoyons à ce titre des actions autour de la rénovation énergétique, de l'écologie, de la biodiversité ou encore des infrastructures et des mobilités vertes, que je ne détaille pas ce soir par manque de temps et parce qu'elles étaient déjà présentes dans le plan de relance discuté à l'automne dernier.

Dans le cadre du renforcement de la compétitivité et de l'indépendance du tissu industriel et productif français, nous sollicitons 5,6 milliards d'euros. Ces financements permettront notamment de renforcer les fonds propres des petites et moyennes entreprises (PME), ainsi que des entreprises de taille intermédiaire (ETI), mais aussi d'investir dans les technologies d'avenir ou encore dans la transition numérique. Ils se combineront avec d'autres mesures du plan de relance français, comme la baisse des impôts de production à hauteur de 20 milliards d'euros sur deux ans, que nous souhaitons voir pérennisée, évidemment, au-delà de 2022.

L'enveloppe dédiée à la transition numérique que nous sollicitons s'élève à plus de 10 milliards d'euros, soit 25 % de la partie française du PNRR, là encore au-delà des objectifs de la Commission. Nous veillons à ce que nos demandes soient parfaitement concordantes avec les critères d'éligibilité posés par la Commission.

Enfin, pour ce qui concerne les investissements consacrés à la cohésion sociale et territoriale, ainsi qu'aux compétences et aux emplois, nous demandons un financement de l'Union européenne à hauteur de 15,2 milliards d'euros. Il s'agit, pour la plupart, des actions que nous menons en matière de cohésion sociale et territoriale dans le cadre de France Relance.

Une fois notre plan validé, nous recevrons un préfinancement de 5,1 milliards d'euros, puis des versements annuels correspondant à nos décaissements. Même si le début des versements européens ne conditionne pas le déploiement de notre propre plan de relance, nous souhaitons que la ratification de la décision sur les ressources propres, qui permet le début des versements européens, soit la plus rapide possible, et ce afin de donner un élan commun à la relance des économies européennes.

Aujourd'hui, 17 États membres ont ratifié la décision concernant les ressources propres et ainsi autorisé l'Union, d'une part, à dépasser le plafond des dépenses qui était prévu dans le cadre pluriannuel financier de l'Union européenne, et, d'autre part, à aller emprunter sur les marchés financiers pour financer ses actions. Cela permet enfin d'enclencher les processus de décision pour définir la nature des ressources propres dans la perspective du remboursement des emprunts contractés par l'Union à partir de 2028.

Je le répète, nous souhaitons que les États n'ayant pas encore ratifié cette décision puissent le faire le plus rapidement possible. D'ores et déjà, les retards ou la lenteur de certaines procédures ont eu pour conséquence de décaler le versement des 5,1 milliards d'euros de juillet 2021 à septembre 2021, ce qui nous paraît une date limite. Nous espérons néanmoins toujours une accélération du processus.

En fin d'année, nous aurons l'occasion de demander un décaissement au titre des actions mises en oeuvre dans le cadre du plan de relance. Nous espérons alors pouvoir solliciter de l'Union européenne le versement de 4,9 milliards d'euros, ce qui nous permettrait d'obtenir un financement global de l'Union européenne à hauteur de 10 milliards d'euros pour l'année 2021. Je reviendrai, si vous le souhaitez, sur la chronique des décaissements, tels que nous les envisageons au cours des années suivantes.

Ces investissements sont accompagnés de réformes qui visent à améliorer à la fois la résilience de notre économie et son potentiel de croissance.

Je souhaite revenir rapidement sur deux d'entre elles.

La première réforme porte sur le renforcement de la gouvernance des finances publiques ; j'avais eu l'occasion d'évoquer ce point lors de mon audition au sujet du programme de stabilité. Nous sommes favorables à une règle pluriannuelle pour définir un objectif de dépenses publiques en volume, afin de fixer un cap et de donner de la visibilité sur les leviers de maîtrise de la dépense. Les propositions de loi organiques actuellement en préparation devront nous permettre d'avancer sur ce point, comme sur le renforcement du rôle du Parlement en matière de contrôle et d'évaluation des politiques publiques ou encore sur les compétences du Haut Conseil des finances publiques (HCFP).

La seconde réforme sur laquelle je souhaite revenir est également liée au renforcement du pilotage des finances publiques. Elle consiste à renforcer l'évaluation de la qualité de la dépense publique, évaluation qui sera conduite en sortie de crise pour nous permettre de donner la priorité à une dépense publique favorable à la compétitivité, au virage économique et numérique de notre économie, mais aussi à l'inclusion sociale.

Cette réflexion s'inscrit dans le cadre des réformes, abouties ou en cours, qui visent à améliorer le service rendu à nos concitoyens et l'efficacité de la dépense publique. Je pense notamment à la refonte globale de la fonction « achat » de l'État ou à l'extension du dispositif de ressources mensuelles, à la fois porteur de simplification pour les assurés sociaux, mais aussi de gains d'efficacité en gestion. Ces travaux seront conduits dans le cadre d'un processus ouvert et associant l'ensemble des acteurs.

Un dernier mot sur la réforme des retraites, dont il est souvent question dans les débats publics à propos du PNRR. C'est vrai, elle apparaît toujours en filigrane, sans qu'il y ait de date précise ni de définition de son périmètre ou de sa nature.

Nous avons pris un certain nombre d'engagements fermes en matière de réforme de la gouvernance des finances publiques, d'évaluation du champ et de l'efficacité des dépenses publiques. Ils sont connus de nos concitoyens. Nous y travaillons notamment avec la mise en oeuvre, soumise à un certain nombre de clauses et de conditions économiques et sociales, de la réforme de l'assurance chômage. Nous savons que nous devons aussi conduire une réforme des retraites, et ce non seulement pour assurer une plus grande équité entre les différents assurés sociaux, mais aussi pour garantir la pérennité du système de retraite. La Commission a accepté que cette réforme n'apparaisse pas dans le PNRR avec un jalon calendaire et une définition précise, car cela aurait conduit à préempter des choix qui relèvent évidemment de décisions souveraines, lesquelles doivent être prises par la représentation nationale. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes limités à rappeler notre volonté de mener à terme une telle réforme.

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