M. Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics, va nous exposer ce soir le plan national pour la reprise et la résilience (PNRR) de la France, qui a été présenté ce jour à la presse, en même temps que le plan de relance allemand, par le ministre de l'économie, des finances et de la relance, Bruno Le Maire, et Olaf Scholz, vice-chancelier, ministre des finances de la République fédérale d'Allemagne.
Alors que vous nous aviez présenté le programme de stabilité le 14 avril dernier, avant sa transmission à la Commission européenne, nous avions souhaité que le Parlement ne soit pas tenu à l'écart de ce sujet, la plupart des plans nationaux ayant fait l'objet de consultations publiques dans les autres pays de l'Union européenne, avant leur transmission. Nous sommes à trois jours de l'échéance de remise officielle du plan à la Commission européenne. Cette présentation est donc particulièrement bienvenue.
Le PNRR est un document destiné à l'Union européenne. Il ne s'agit pas du plan de relance, dont nous avons longuement discuté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021. Après validation par la Commission européenne et le Conseil de l'Union européenne, le PNRR permettra de bénéficier d'un financement de 40 milliards d'euros dans le cadre de la Facilité pour la reprise et la résilience, qui prévoit, pour l'ensemble de l'Union européenne, 312,5 milliards d'euros au titre des subventions et 360 milliards d'euros au titre des prêts. Le plan doit respecter des conditions relatives, par exemple, à l'économie verte, au numérique ou aux réformes qui devront être mises en oeuvre. Vous nous indiquerez donc quelles en sont les grandes lignes, et, surtout, dans quels délais les financements pourront être débloqués.
D'après le document dont nous disposons, la France devrait recevoir un préfinancement de 5,1 milliards d'euros dans les deux mois suivant l'adoption du plan par le Conseil Ecofin, avant une première demande de décaissement d'ici à la fin 2021. Concrètement, quelle part des 40 milliards d'euros annoncés pourra-t-elle être versée avant la fin de l'année ? Par ailleurs, la lenteur du processus de ratification des instruments juridiques permettant la mise en oeuvre du plan de relance européen pourrait-elle avoir une incidence sur ce calendrier de versement ?
Enfin, il est indiqué que « la France est résolument engagée pour la relance de son économie et dans la poursuite de la mise en oeuvre d'un calendrier ambitieux de réformes ». Pouvez-vous nous détailler ce calendrier ambitieux ?
ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. - J'ai le plaisir de vous présenter ce soir le PNRR tel qu'il sera transmis à la Commission européenne.
Vous l'avez dit, il a été rendu public conjointement avec le plan allemand, et un certain nombre d'États vont déposer leur plan simultanément - c'est aussi le cas de l'Espagne, de l'Italie et d'autres États - pour marquer leur volonté commune et partagée que le processus de relance au niveau européen puisse avancer aussi rapidement que possible.
Nous avons deux objectifs.
Le premier, bien évidemment, est de présenter les investissements qui sont engagés dans le cadre du plan de relance français, et dont nous souhaitons qu'ils puissent bénéficier du plan de relance européen. Tous les investissements présentés dans le PNRR font partie de la stratégie France Relance que nous déployons depuis septembre dernier. Nous avons d'ailleurs eu à ce sujet de longs débats lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021.
Il s'agit ainsi d'obtenir un financement à hauteur de 40 milliards d'euros, une somme qui viendra en diminution du besoin de financement par l'État du plan de relance de 100 milliards d'euros adopté au travers de la loi de finances pour 2021. Ce montant de 40 milliards d'euros est le fruit d'un calcul reposant principalement sur deux critères : le niveau et l'évolution du produit national brut (PNB) de chaque État membre au cours des dernières années ; l'impact dans chaque pays de la crise du covid-19 au moment où la décision d'élaborer un plan de relance européen a été prise, c'est-à-dire à la fin de l'année 2020 - nous ne pouvions pas nécessairement prévoir les développements épidémiques que nous connaissons aujourd'hui.
Ce plan traduit une avancée majeure dans l'intégration européenne, puisqu'il conduit à créer une capacité d'endettement commune de l'Union européenne au service du rebond de l'économie. Pour la première fois, l'Union va emprunter directement sur les marchés pour financer les plans de relance européens. Cet emprunt sera progressivement remboursé par de nouvelles ressources propres, lesquelles restent à définir et à ratifier par les États membres.
C'est donc une étape historique et un pas majeur et symboliquement très important qui a été franchi en matière d'intégration européenne.
Le second objectif du plan est de renforcer la résilience de l'économie, en cohérence avec les réformes que nous menons depuis le début du quinquennat et les recommandations de la Commission européenne ; je reviendrai sur certaines de ces réformes.
Ces deux objectifs sont évidemment complémentaires. C'est la raison pour laquelle nous les travaillons de front, en veillant à ce que ces réformes structurelles pour la résilience soient parfaitement cohérentes avec le projet politique que nous portons.
Le PNRR que nous présentons s'articule très logiquement autour de trois priorités : la transition écologique, le renforcement de la compétitivité et la cohésion sociale et territoriale. Ces trois objectifs du plan de relance français sont aussi ceux qui sont visés par le plan de relance européen, ce qui garantit la meilleure éligibilité possible des actions que nous menons aux financements européens.
Pour ce qui concerne le verdissement et la décarbonation de l'économie, les investissements, qui représentent plus de la moitié des 40 milliards d'euros que nous sollicitons auprès de l'Union européenne, permettront d'accélérer la transition écologique. Nous sommes au-delà des critères fixés par la Commission, mais j'y reviendrai. Nous prévoyons à ce titre des actions autour de la rénovation énergétique, de l'écologie, de la biodiversité ou encore des infrastructures et des mobilités vertes, que je ne détaille pas ce soir par manque de temps et parce qu'elles étaient déjà présentes dans le plan de relance discuté à l'automne dernier.
Dans le cadre du renforcement de la compétitivité et de l'indépendance du tissu industriel et productif français, nous sollicitons 5,6 milliards d'euros. Ces financements permettront notamment de renforcer les fonds propres des petites et moyennes entreprises (PME), ainsi que des entreprises de taille intermédiaire (ETI), mais aussi d'investir dans les technologies d'avenir ou encore dans la transition numérique. Ils se combineront avec d'autres mesures du plan de relance français, comme la baisse des impôts de production à hauteur de 20 milliards d'euros sur deux ans, que nous souhaitons voir pérennisée, évidemment, au-delà de 2022.
L'enveloppe dédiée à la transition numérique que nous sollicitons s'élève à plus de 10 milliards d'euros, soit 25 % de la partie française du PNRR, là encore au-delà des objectifs de la Commission. Nous veillons à ce que nos demandes soient parfaitement concordantes avec les critères d'éligibilité posés par la Commission.
Enfin, pour ce qui concerne les investissements consacrés à la cohésion sociale et territoriale, ainsi qu'aux compétences et aux emplois, nous demandons un financement de l'Union européenne à hauteur de 15,2 milliards d'euros. Il s'agit, pour la plupart, des actions que nous menons en matière de cohésion sociale et territoriale dans le cadre de France Relance.
Une fois notre plan validé, nous recevrons un préfinancement de 5,1 milliards d'euros, puis des versements annuels correspondant à nos décaissements. Même si le début des versements européens ne conditionne pas le déploiement de notre propre plan de relance, nous souhaitons que la ratification de la décision sur les ressources propres, qui permet le début des versements européens, soit la plus rapide possible, et ce afin de donner un élan commun à la relance des économies européennes.
Aujourd'hui, 17 États membres ont ratifié la décision concernant les ressources propres et ainsi autorisé l'Union, d'une part, à dépasser le plafond des dépenses qui était prévu dans le cadre pluriannuel financier de l'Union européenne, et, d'autre part, à aller emprunter sur les marchés financiers pour financer ses actions. Cela permet enfin d'enclencher les processus de décision pour définir la nature des ressources propres dans la perspective du remboursement des emprunts contractés par l'Union à partir de 2028.
Je le répète, nous souhaitons que les États n'ayant pas encore ratifié cette décision puissent le faire le plus rapidement possible. D'ores et déjà, les retards ou la lenteur de certaines procédures ont eu pour conséquence de décaler le versement des 5,1 milliards d'euros de juillet 2021 à septembre 2021, ce qui nous paraît une date limite. Nous espérons néanmoins toujours une accélération du processus.
En fin d'année, nous aurons l'occasion de demander un décaissement au titre des actions mises en oeuvre dans le cadre du plan de relance. Nous espérons alors pouvoir solliciter de l'Union européenne le versement de 4,9 milliards d'euros, ce qui nous permettrait d'obtenir un financement global de l'Union européenne à hauteur de 10 milliards d'euros pour l'année 2021. Je reviendrai, si vous le souhaitez, sur la chronique des décaissements, tels que nous les envisageons au cours des années suivantes.
Ces investissements sont accompagnés de réformes qui visent à améliorer à la fois la résilience de notre économie et son potentiel de croissance.
Je souhaite revenir rapidement sur deux d'entre elles.
La première réforme porte sur le renforcement de la gouvernance des finances publiques ; j'avais eu l'occasion d'évoquer ce point lors de mon audition au sujet du programme de stabilité. Nous sommes favorables à une règle pluriannuelle pour définir un objectif de dépenses publiques en volume, afin de fixer un cap et de donner de la visibilité sur les leviers de maîtrise de la dépense. Les propositions de loi organiques actuellement en préparation devront nous permettre d'avancer sur ce point, comme sur le renforcement du rôle du Parlement en matière de contrôle et d'évaluation des politiques publiques ou encore sur les compétences du Haut Conseil des finances publiques (HCFP).
La seconde réforme sur laquelle je souhaite revenir est également liée au renforcement du pilotage des finances publiques. Elle consiste à renforcer l'évaluation de la qualité de la dépense publique, évaluation qui sera conduite en sortie de crise pour nous permettre de donner la priorité à une dépense publique favorable à la compétitivité, au virage économique et numérique de notre économie, mais aussi à l'inclusion sociale.
Cette réflexion s'inscrit dans le cadre des réformes, abouties ou en cours, qui visent à améliorer le service rendu à nos concitoyens et l'efficacité de la dépense publique. Je pense notamment à la refonte globale de la fonction « achat » de l'État ou à l'extension du dispositif de ressources mensuelles, à la fois porteur de simplification pour les assurés sociaux, mais aussi de gains d'efficacité en gestion. Ces travaux seront conduits dans le cadre d'un processus ouvert et associant l'ensemble des acteurs.
Un dernier mot sur la réforme des retraites, dont il est souvent question dans les débats publics à propos du PNRR. C'est vrai, elle apparaît toujours en filigrane, sans qu'il y ait de date précise ni de définition de son périmètre ou de sa nature.
Nous avons pris un certain nombre d'engagements fermes en matière de réforme de la gouvernance des finances publiques, d'évaluation du champ et de l'efficacité des dépenses publiques. Ils sont connus de nos concitoyens. Nous y travaillons notamment avec la mise en oeuvre, soumise à un certain nombre de clauses et de conditions économiques et sociales, de la réforme de l'assurance chômage. Nous savons que nous devons aussi conduire une réforme des retraites, et ce non seulement pour assurer une plus grande équité entre les différents assurés sociaux, mais aussi pour garantir la pérennité du système de retraite. La Commission a accepté que cette réforme n'apparaisse pas dans le PNRR avec un jalon calendaire et une définition précise, car cela aurait conduit à préempter des choix qui relèvent évidemment de décisions souveraines, lesquelles doivent être prises par la représentation nationale. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes limités à rappeler notre volonté de mener à terme une telle réforme.
Nous vous remercions pour cette présentation d'autant plus utile que les délais ont été extrêmement brefs, de sorte que nous n'avons pas encore pu examiner précisément les plus de 700 pages de ce document.
Ce PNRR s'inscrit dans la droite ligne du plan de relance examiné lors du projet de loi de finances pour 2021. Vous espérez pouvoir percevoir, dès cette année, 10 milliards d'euros. Je note néanmoins un ralentissement dans le processus d'adoption des ressources propres, puisque, à ce jour, seulement 17 pays membres sur 27 les ont votées. Lors de l'examen au Sénat, Clément Beaune envisageait, sans doute avec un peu trop d'optimisme, une adoption totale dès le mois de juin prochain.
Par rapport à ce que nous avions discuté dans le cadre de la mission « Plan de relance » du projet de loi de finances pour 2021, les discussions avec la Commission européenne vous ont-elles conduit à modifier certains projets, ou à en ajouter de nouveaux ?
À l'automne dernier, j'avais souligné la nécessité que le plan de relance soit le plus territorialisé possible. J'avais également insisté sur le fait que, pour qu'un plan de relance soit utile, il fallait pouvoir en mobiliser rapidement les crédits. Je nourris des inquiétudes à ce sujet. En effet, dans le cadre de mes travaux de contrôle sur les prêts garantis par l'État (PGE), j'ai échangé avec plusieurs acteurs de mon département, notamment des chefs d'entreprise. Leur point de vue est unanime et confirme mes craintes : pratiquement aucune entreprise n'a répondu aux appels à projets lancés dans le cadre du plan de relance à destination des très petites entreprises (TPE) et PME. Or, dans les départements, le tissu économique local est constitué à plus de 90 % de TPE ou de PME.
Comment comptez-vous assurer la participation de toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, et sur l'ensemble du territoire ?
Dans le cadre du comité de suivi de la mise en oeuvre du plan de relance, j'avais eu l'occasion d'insister aussi sur la nécessité de développer très rapidement des grands plans d'infrastructures routières et autoroutières ainsi que des ponts. L'enjeu est important pour les pouvoirs publics.
Enfin, ce PNRR porte la marque bien française d'un portage administratif particulièrement complexe en matière de suivi et de mise en oeuvre.
D'une part, le ministère de l'économie et des finances est chargé de la mise en oeuvre du plan de relance, en concertation avec le secrétariat général des affaires européennes (SGAE), et avec l'appui des préfets au niveau local. D'autre part, pour les réformes prévues par le PNRR, chaque ministre concerné, appuyé par un conseiller dédié, assure un suivi des mesures qui le concernent. Le suivi de l'atteinte des « jalons » sera réparti entre le secrétariat général du plan France Relance, le ministère de l'économie et des finances, ou le SGAE, selon la nature de la cible. La direction générale du Trésor pilotera le rapport annuel remis à la Commission européenne.
Cette architecture administrative vous semble-t-elle réellement de nature à garantir un suivi efficace du déploiement du PNRR ? N'aurait-elle pas dû être plus lisible pour être plus efficace ?
Les discussions avec la Commission européenne sur le contenu du PNRR français ont effectivement commencé très tôt. En effet, dès lors que nous avions acté l'architecture du plan France Relance, telle que nous l'avons présentée le 25 août dernier avec Bruno Le Maire, nous étions en capacité d'ouvrir des discussions informelles, puis de plus en plus formelles, avec la Commission européenne, sur l'éligibilité et la compatibilité des actions que nous mettrons en oeuvre dans le cadre de ce plan avec les priorités communautaires. Cela concernait donc aussi la possibilité d'obtenir un décaissement de fonds à hauteur de 40 milliards d'euros.
Les discussions que nous avons eues avec la Commission n'ont pas conduit à des changements sur la nature du PNNR. Par conséquent, l'intégralité des mesures que nous présentons dans ce cadre pour obtenir un financement européen figure déjà dans la maquette du plan France Relance, telle que présentée le 25 août dernier. Les trois priorités du plan France Relance sont les mêmes que celles qui sont définies dans le plan européen, ce qui explique la compatibilité entre les deux.
Concernant votre deuxième question, le plan France Relance est déjà engagé à hauteur d'une trentaine de milliards d'euros. Cela démontre que, malgré les difficultés et les lenteurs de procédure concernant la ratification, nous parvenons à mettre en oeuvre ce plan pour soutenir l'économie. Nous souhaitons néanmoins que les PNRR, en particulier le nôtre, soient validés le plus rapidement possible, pour obtenir le décaissement de l'avance à hauteur de 13 % des sommes, soit 5,1 milliards d'euros. Nous avons fixé la date butoir du mois de septembre prochain, mais nous serions très heureux que le premier versement intervienne de manière anticipée.
S'agissant des difficultés que peuvent rencontrer des TPE ou PME pour accéder aux aides prévues dans le plan France Relance, et dont certaines apparaissent aussi dans le PNRR, Bruno Le Maire, Agnès Pannier-Runacher et moi-même effectuons de nombreux déplacements pour aller à la rencontre des entrepreneurs. Il en ressort que beaucoup de TPE et de PME sont lauréates d'appels à manifestation ou d'appels à projets. Des difficultés surgissent parfois, malgré le soutien des réseaux consulaires, dont je salue l'implication, pour nous aider à faire la promotion du plan auprès de tous leurs ressortissants, et quelle que soit la taille des entreprises.
Enfin, vous avez rappelé les éléments du pilotage de France Relance, en ajoutant pour ce qui concerne le décaissement et l'obtention des fonds européens, l'intervention du SGAE. Celui-ci joue, en effet, un rôle d'intermédiaire auprès des autorités européennes, afin de démontrer à quel niveau nous aurons tenu les engagements qui figurent dans le PNRR, condition indispensable pour obtenir le déblocage des fonds, année après année, ou semestre après semestre, puisque nous avons la possibilité de demander deux versements de fonds par an.
Je vous confirme que chaque ministère a dû se doter d'une équipe dédiée à la mise en oeuvre du plan France Relance, et que les enveloppes territorialisées, notamment déconcentrées, font l'objet d'un suivi par les préfets de département et les préfets de région. Il me semble que le dispositif mis en place devrait nous permettre de tenir l'engagement d'un décaissement à hauteur de 50 % du plan d'ici à la fin de l'année 2021. Si c'est le cas, cela signifie que l'engagement sera plus important d'ici à la fin de cette année.
Je me félicite de vos actions en faveur de la transition numérique. C'est important pour la modernisation de notre économie.
J'ai quelques inquiétudes concernant la rénovation énergétique. Les 5,8 milliards d'euros prévus suffiront-ils ? Le prix des matériaux flambe.
Le soutien aux énergies vertes est extrêmement fort. Prenons garde à ce que la normalisation ne rigidifie pas les règles de réalisation des projets au point de les compromettre. Je pense à la méthanisation.
Envisagez-vous une réduction des charges sociales ? Il est extrêmement difficile d'être compétitif à l'échelle internationale. Or nous devons l'être pour rétablir notre balance commerciale.
Vous avez dit que la réforme des retraites vous était plus ou moins imposée par l'Europe dans le cadre du plan de relance. L'indépendance budgétaire des États demeurera-t-elle ou nos choix budgétaires seront-ils dorénavant soumis au contrôle de l'Europe ?
La France est l'un des pays les plus désindustrialisés. L'enveloppe dédiée au renforcement de la compétitivité est relativement faible par rapport à celles en faveur de l'écologie ou de la cohésion sociale. Je m'inquiète de la valeur ajoutée qui découlera de ces fonds.
À la suite de votre audition du 14 avril, j'ai essayé de voir si je trouvais des réponses dans le PNRR en faveur du redressement des finances publiques. En matière de politiques structurelles, vous apportez des réponses - on peut certes débattre de leur efficience - qui semblent coller avec le sujet. Mais en matière de recommandations sur les dépenses publiques ou l'affectation des recettes supplémentaires au désendettement, je suis beaucoup plus dubitative. Vous faites état de petites mesures, que vous aviez alors évoquées, comme le plan d'achat dans les administrations publiques. Je n'ai pas disposé du temps nécessaire pour lire tout le document, mais a-t-on prévu de vraies mesures pour retrouver une trajectoire de dépenses publiques soutenable ?
Vous nous parlez des réformes des retraites et de l'assurance chômage. Mais, dans votre projet il y a les termes « relance » et « résilience ». Comment allez-vous expliquer à des dizaines de milliers de Français qu'ils vont perdre, en raison de la réforme de l'assurance chômage, 15 % de leur rémunération alors qu'ils gagnaient moins de 2 000 euros par mois ? En quoi est-ce un élément de résilience ?
J'en viens à l'investissement de santé dans les territoires. Nous avons dû lire des centaines de pages en un temps record. Je vous pose la question : que choisissez-vous ? Vous nous parlez des besoins structurels du système de santé français post-crise sanitaire, des 2,5 milliards d'euros du Ségur de la santé à destination des hôpitaux. La santé est la première préoccupation de nos concitoyens. Je ne vois rien sur le renforcement de la responsabilité des équipes médicales. Pourtant, c'est une demande des professionnels. Je ne vois rien non plus sur la prise en charge en résidence ou à domicile. Ce ne sont pas des sujets subsidiaires.
Je vois des éléments de relance - et on peut avoir une vision différente de la croissance - mais franchement, où est la résilience ?
Enfin, je soulignerai, comme d'autres collègues, l'injonction européenne.
Le rapporteur général évoquait la complexité de la mise en oeuvre du plan de relance. Nous sommes en début de mandature municipale avec de nouvelles équipes qui réfléchissent sur des millions de projets. Une solution simple n'aurait-elle pas été de doubler la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), ou au moins de l'augmenter de façon très conséquente, et non de se contenter du milliard d'euros de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) ? Cette dernière a été augmentée, mais reste sans commune mesure avec l'ampleur des projets des nouvelles équipes municipales. Dans mon département du Jura, la DETR s'élève à 12 millions d'euros et la DSIL à 4 millions d'euros. Or les demandes de subventions atteignent 51 millions d'euros. Les dossiers DETR sont instruits et prêts à démarrer. Cela aurait été une solution extrêmement simple pour une relance rapide et performante.
Réussir une synthèse des 760 pages du document était un tour de force, monsieur le ministre ! Mais le nombre de pages est à la hauteur de la dépense publique française. Les 40 milliards d'euros suffiront-ils réellement à relancer notre économie, eu égard à notre taux actuel de dépense publique ? Cette somme n'aurait pas le même impact dans un pays qui dépense peu, comme l'Espagne ou l'Italie. Je m'inquiète de sa faiblesse.
J'ai lu avec attention la déclaration commune de Bruno Le Maire et d'Olaf Scholz sur un taux d'impôt minimal sur les sociétés à 21 %, que vous voudriez appliquer dès cet été. N'y a-t-il pas des solutions plus efficaces pour les entreprises ?
Monsieur Canevet, nous n'avons pas d'inquiétude sur les dispositifs de rénovation énergétique. Le dispositif MaPrimeRénov' fonctionne bien, presque trop bien. Le rythme de consommation des crédits est plus rapide que prévu.
Nous n'envisageons pas à ce stade de réduire les charges sociales. Permettez-moi de rappeler que nous avons diminué les impôts de production de 10 milliards d'euros - cela a été salué par l'ensemble des organisations professionnelles - et, début 2019, nous avons transformé le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en un allégement pérenne de charges. Enfin, souvenez-vous qu'il n'y a désormais plus de cotisations sociales patronales au niveau du SMIC.
Monsieur Segouin, aucune des réformes présentées dans le cadre du PNRR - notamment la réforme des retraites - ne nous est imposée par l'Union européenne : il n'y a donc pas ici d'enjeu de souveraineté. La réforme des retraites a été engagée avant même la crise de la covid ; c'est une réforme nécessaire pour assurer l'équité et la pérennité du système.
Les 300 millions d'euros de crédits inscrits dans le PNRR au titre du soutien aux TPE, PME et ETI ne représentent qu'une toute petite partie des crédits que nous leur consacrons dans le cadre du plan France Relance. Mais nous avons dû sélectionner, parmi toutes les actions que nous menons, celles qui répondent le mieux aux critères posés par la Commission européenne et qui sont le plus susceptibles d'être éligibles. C'est ainsi que 51 % de nos actions inscrites au PNRR contribuent à la transition écologique - alors que la Commission exige un minimum de 37 % - et que 25 % d'entre elles contribuent à la transition numérique - pour un minimum fixé à 20 % par la Commission européenne.
Madame Lavarde, avec ce PNRR, nous nous engageons à porter deux réformes importantes : celle de la gouvernance des finances publiques, avec l'idée d'une norme de dépenses et d'un renforcement des prérogatives du HCFP, et celle du plan Achats qui pourrait rapporter entre 800 millions et 1 milliard d'euros d'économies.
Monsieur Savoldelli, la réforme de l'assurance chômage créera un bonus-malus pour désinciter les employeurs d'avoir recours aux contrats courts. Cela participe d'une certaine forme de résilience. Mais la résilience que nous recherchons ne se résume pas à cette seule réforme : elle se retrouve dans l'ensemble des réformes que nous avons inscrites dans le PNRR.
Le PNRR comporte un engagement de 2,5 milliards d'euros en faveur de la santé. Mais c'est le Ségur qui est l'acte majeur de notre engagement en faveur de la santé dans les territoires, avec des revalorisations salariales à hauteur de presque 10 milliards d'euros, des investissements pour plus de 6 milliards d'euros, ainsi que la question de la reprise de la dette des hôpitaux. N'oublions pas non plus les crédits que nous avons apportés au système de santé : 20 milliards d'euros de relèvement de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) en 2020 et des crédits supplémentaires prévus en 2021 pour faire face au coût des campagnes de tests et de vaccination, ainsi qu'au surcroît d'activité dans les hôpitaux compte tenu de la prolongation de la crise épidémique. Ne réduisez pas notre action aux seuls crédits inscrits au PNRR !
Je ne partage pas la proposition de Mme Vermeillet sur la DETR. Nous avons débloqué 1 milliard d'euros de DSIL exceptionnelle pour la relance dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative pour 2020 et 950 millions d'euros de DSIL pour la rénovation thermique dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2021. Cela représente un accroissement de 50 % des crédits dédiés aux investissements du bloc communal. En outre, l'épargne brute des collectivités territoriales est restée à un niveau très correct en 2020 : elle a certes baissé de 7,5 % par rapport à 2019 pour les communes et les intercommunalités, mais s'établit au niveau de 2018. Nous avons veillé à n'écarter personne de l'attribution de la DSIL relance et un délai supplémentaire a même été accordé aux communes de petite taille afin de leur laisser le temps de monter leurs dossiers de DSIL rénovation thermique. Manifestement, les collectivités territoriales se mobilisent, car le rythme de consommation de ces crédits est plus élevé que celui de la DETR classique.
Monsieur Bascher, ces 40 milliards d'euros sont très utiles. Comme le sont plus largement les 100 milliards d'euros du plan de relance, mais aussi les mesures du plan d'urgence et nos amortisseurs sociaux. N'oubliez pas que nos dispositifs d'activité partielle, d'assurance chômage ou de protection sociale sont sans commune mesure avec ce qui existe aux États-Unis...
La déclaration de Bruno Le Maire ce matin sur le taux d'imposition de 21 % est un soutien à l'initiative du président Biden. Au sein de l'OCDE, la question d'établir un taux d'imposition minimal à 21 % se pose désormais : cela va bien au-delà de ce qui était envisageable du temps de l'administration Trump ! L'évolution de la position américaine va également permettre à l'OCDE d'étudier la question de la taxation des GAFA.
Je vous remercie. Nous allons poursuivre notre travail sur le PNRR.
La téléconférence est close à 20 h 10.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.