Intervention de Salomé Berlioux

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 14 avril 2021 à 10h00
Table ronde sur le thème : « mobilité sociale et aménagement du territoire : comment restaurer la promesse républicaine de l'égalité des chances ? »

Salomé Berlioux, directrice générale de l'association Chemins d'avenirs :

Afin de compléter ce qui a déjà été évoqué, je m'appuierai sur mon expérience de terrain dans l'accompagnement de 2 000 jeunes au sein de l'association Chemins d'avenirs ainsi que sur les conclusions d'un rapport transmis un an auparavant au ministre de l'éducation nationale Jean-Michel Blanquer. J'étayerai aussi mon propos à partir de l'étude « Jeunes des villes, jeunes des champs » que j'avais menée en collaboration dix-huit mois plus tôt. Concernant les jeunes des zones rurales et des petites communes, un triple constat peut d'ores et déjà être dressé afin de réfléchir en termes de politiques publiques.

Premièrement, les jeunes des zones rurales et des petites villes sont extrêmement nombreux. Ils représentent au total 60 % à 65 % des moins de 20 ans, dont 23 % pour les jeunes ruraux. Deuxièmement, ces jeunes rencontrent un certain nombre de défis au cours de leur parcours qui relèvent du déterminisme social, géographique et parfois du déterminisme de genre. La probabilité qu'une jeune fille issue d'un milieu modeste d'une zone rurale réalise des études d'ingénieur, ou dans le domaine de la diplomatie par exemple, est extrêmement limitée. Les obstacles sont ainsi imbriqués les uns dans les autres. Je confirme que les jeunes ruraux ayant les capacités financières de déménager sont très peu nombreux : leur orientation est ainsi fortement déterminée par leur ancrage géographique, alors que les jeunes ruraux réussissent généralement bien leur scolarité jusqu'au collège, par la suite, leur réussite scolaire devient plus faible que la moyenne nationale, ce qui les incite à s'orienter parfois par défaut vers des voies professionnelles et agricoles. À cet égard, les jeunes ruraux peuvent être victimes, comme les jeunes des quartiers sensibles, d'un phénomène d'autocensure. Le manque de ressources financières constitue évidemment un obstacle majeur à la poursuite des études pour les jeunes ruraux qui ne peuvent pas facilement déménager ; de plus, ils rencontrent des difficultés dans la chaîne administrative pour remplir un dossier de demande de bourse.

Troisièmement, l'inégalité caractérisant les jeunes ruraux est longtemps restée dans l'angle mort des politiques publiques et des dispositifs d'égalité des chances. C'est pourquoi j'avais adressé vingt-cinq préconisations concrètes à mettre en place rapidement dans un cadre budgétaire très contraint de façon à ce que les expérimentations s'effectuent sans pénaliser les collectivités territoriales ou d'autres représentants des pouvoirs publics. Ces vingt-cinq recommandations s'organisent autour de quatre grands axes. Le premier vise à déterminer comment les jeunes ruraux sont perçus et comment ils se perçoivent au sein de la société. Le deuxième axe évoque les enjeux liés à l'information, à l'orientation et à l'ambition. Le troisième porte sur l'écosystème dans lequel évoluent les jeunes ruraux. Enfin, le quatrième axe s'articule autour des enjeux de mobilité. Il convient toutefois d'échapper à deux injonctions couramment adressées aux jeunes ruraux, à savoir l'obligation de rester dans son territoire d'origine aussi bien que l'obligation de s'adapter rapidement pour devenir un citoyen du monde. À cet égard, je préciserai par la suite les différences importantes en termes de projection géographique vers l'avenir qui existent entre les jeunes ruraux et les jeunes urbains. Il me semble important, quand on aborde ce sujet, d'éviter toute réflexion trop binaire.

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