Je propose de répondre aux deux premières questions. Je suis totalement d'accord avec vos remarques concernant la notion de réussite. Je rappelle que nous avons choisi, au sein de Chemins d'avenirs, de définir notre mission comme suit : permettre aux jeunes des zones rurales et des petites villes de réaliser pleinement leur potentiel. Nous ne parlons donc pas de « réussite ». L'idée de potentiel comporte bien entendu un volet académique mais il ne s'agit pas de l'unique axe que nous cherchons à développer. Nous soutenons par exemple les jeunes qui souhaitent reprendre dans de bonnes conditions l'exploitation agricole de leurs parents. Nous soutenons également des artisans ou des étudiants voulant devenir journalistes. La réussite est donc à mon sens la possibilité pour ces jeunes d'aller là où ils veulent aller et de se réaliser là où ils le souhaitent. Je constate toutefois qu'une ambiguïté subsiste à ce sujet en zone rurale. En prenant l'exemple d'un collège de l'Allier, j'ai pu remarquer dans un sondage que sept filles sur dix en classe de quatrième déclaraient vouloir travailler avec les animaux ou avec les enfants. Elles n'ambitionnent cependant pas d'être vétérinaire ou universitaire. Par conséquent, l'un des principaux enjeux réside dans le fait d'informer les jeunes sur toutes les opportunités qui s'offrent à eux, au-delà de leur environnement familial et géographique direct. Les perspectives d'avenir de ces jeunes ne doivent pas être bornées par ce qui existe à côté de chez eux. Cette problématique doit être traitée indépendamment de la question des études supérieures. Je précise à cet égard qu'un tiers des jeunes pris en charge par Chemins d'avenirs sont en situation de décrochage scolaire, un autre tiers a des résultats moyens et le dernier tiers a de plutôt bons résultats.
Concernant le numérique, je rejoins également vos propos. Les campus connectés qui permettent aux étudiants de première année de suivre des cours à distance ne constituent encore qu'une bribe de réponse. Je fais cependant observer que nous ne pouvons pas tout attendre du numérique, contrairement à ce que pensent certaines élites parisiennes déconnectées de la réalité des territoires. Outre la question technique de la fracture numérique, il faut prendre en compte les problématiques relatives à l'usage du numérique par les jeunes et à leur accompagnement dans son utilisation, ou d'Internet, en même temps que leurs choix d'orientation. Le jeune évoluant en milieu rural n'est pas toujours en mesure de se projeter vers telle université ou telle formation en découvrant celles-ci uniquement via Internet. Au total, la question des écosystèmes est à mon sens déterminante pour apprendre aux jeunes ruraux à profiter des cercles d'opportunité qui s'ouvrent à eux. Comme vous le suggérez, la bonne solution ne consiste certainement pas à accentuer les systèmes de compétition entre les urbains et les ruraux. Je suis par ailleurs d'accord avec vous pour reconnaître que les solutions sont difficiles à trouver et nécessitent de faire preuve d'humilité.