Enfin, l’exercice libéral des professions de santé, qui m’est cher, car cela a toujours été ma culture, risque de disparaître.
Qu’est-ce qu’un professionnel libéral ? C’est un indépendant à qui l’on a demandé de se former, d’être compétent, de prendre des risques et, surtout, d’assumer des responsabilités. Mes chers collègues, il s’agit là de valeurs essentielles dans la société française d’aujourd'hui ! Nous ne pouvons pas, me semble-t-il, prendre le risque de les voir disparaître progressivement au profit d’intérêts purement financiers !
Je souhaite à présent aborder un autre point.
Pourquoi la France doit-elle céder d’urgence à la pression de la Commission européenne ? Aujourd'hui, nous sommes devant une offensive totalement concertée contre toutes les professions de santé.
Le premier secteur que l’on veut déréguler totalement, avant la fin de l’année, c’est celui de la biologie. Ainsi, la biologie de proximité, spécialité médicale, va disparaître au profit d’une biologie industrielle et, naturellement, financière. Les autres professions de santé sont également dans le collimateur.
Si je pointe l’attitude de la Commission de Bruxelles, c’est parce qu’elle s’en prend actuellement à l’Autriche, qui a déjà plafonné à 49 % la part de capital des sociétés d’exercice libéral pouvant être détenue par des investisseurs extérieurs, comme vous nous proposez maintenant de le faire, chers collègues Dominique Mortemousque et Philippe Dominati. Cette offensive est menée au nom du principe de la libre circulation des capitaux. Vous voyez bien toute l’ambiguïté de la situation !
En réalité, dans le domaine essentiel de la santé, deux conceptions, à mon sens totalement incompatibles, s’affrontent.
La première, c’est l’application aveugle du principe de liberté d’établissement prévu à l’article 43 du traité instituant la Communauté européenne.
La seconde, celle qui a ma préférence, c’est une approche raisonnable et pragmatique, qui autoriserait des aménagements pertinents et proportionnés et qui laisserait une place à l’application du principe de subsidiarité. En effet, même si on l’oublie souvent, l’article 152 du même traité garantit ce principe pour les questions relatives à la santé.
Aujourd’hui, c’est à la Cour de justice des Communautés européennes qu’il appartient de trancher entre ces deux visions.
Tels sont les points sur lesquels je souhaitais attirer l’attention. À mon avis, ils méritent réflexion, car la situation est grave.
Je défends peut-être des conceptions quelque peu traditionnelles, mais je suis surpris par certains des arguments avancés.
Ainsi, monsieur Mortemousque, vous affirmez qu’il est grand temps d’ouvrir le capital des sociétés d’exercice libéral pour que les professionnels concernés puissent évoluer, notamment exporter. Mon cher collègue, permettez-moi de vous dire qu’ils ne nous ont pas attendus pour évoluer ! En outre, je ne vois pas très bien ce que des professionnels libéraux de santé pourraient exporter…
Ne nous trompons pas d’objectif, mes chers collègues. Au moment où notre pays prend la présidence de l’Union européenne et où l’on commence à évoquer les futures élections européennes, comment voulez-vous que nos concitoyens aient une perception plus positive de l’Europe si nous ne leur proposons, une nouvelle fois, qu’un seul modèle européen, celui de l’argent et de la financiarisation de professions auxquelles nous sommes tous attachés ?
Vous le savez comme moi, puisque vous les côtoyez souvent, la préoccupation première des professionnels libéraux n’est pas l’argent ou les indices boursiers. Leurs valeurs, ce sont l’aptitude et la compétence, et non la défense des intérêts à courte vue d’un groupe financier coté en bourse !