Intervention de Benoît Coeuré

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 4 mai 2021 à 14h50
Rapport d'étape du comité — Audition de M. Benoît Coeuré président du comité chargé de veiller au suivi de la mise en oeuvre et à l'évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à l'épidémie de covid-19

Benoît Coeuré :

Je me suis peut-être mal exprimé, mais on ne peut pas dire qu'il y ait une concentration des aides sur les PME. Celles-ci ont été bien servies par les dispositifs, comme le montre bien la mesure de l'intensité du soutien reçu par salarié, mais beaucoup d'entreprises de taille intermédiaire (ETI), et même de grandes entreprises, en ont bénéficié aussi. L'activité partielle est un dispositif universel. Certes, le fonds de solidarité était initialement très spécialisé sur les TPE et les PME, mais son usage a été élargi. Les reports de charges sociales sont aussi utilisés plutôt par des PME. Et le PGE, essentiellement par les entreprises les plus grandes. S'il y a une intensité plus grande pour les PME, il n'y a pas d'exclusivité.

Dans les travaux du comité, nous avons essayé d'introduire un peu de qualitatif. Nous avons donc conduit des entretiens avec des chefs d'entreprise, sur l'accès aux dispositifs et les difficultés rencontrées dans leur mise en oeuvre, mais aussi pour comprendre les critères de choix des chefs d'entreprise. Un élément de ressenti qui ne se voit pas forcément dans les chiffres est que, s'il est reconnu que ces dispositifs ont bien couvert les PME, malgré des exceptions, il y a une sorte d'insatisfaction des ETI, moins bien servies puisqu'aucun dispositif ne s'adresse spécifiquement à elles. Il est possible que, dans les mois qui nous restent, nous apportions une attention plus grande à la situation des ETI, pour savoir si elles ont été bien ciblées. À vrai dire, je n'en suis pas sûr...

Vous avez évoqué la Caisse centrale de réassurance, mais nous n'avions pas encore les données. Nous nous pencherons sur le sujet avant la publication du rapport. Outre l'affinement des questions méthodologiques, nous aurons à porter de plus en plus d'attention aux questions de sortie des dispositifs, qui sont désormais dans le débat public. Le comité n'a pas de rôle politique, et ce n'est pas à nous de décider, mais nous pouvons jouer un rôle d'information - tout comme sur la situation financière des entreprises en sortie de crise. Nous devons aussi nous concentrer sur la transition entre les mesures d'urgence et les mesures de relance. Les mesures d'urgence ont été conçues dans le court terme et se sont installées dans le paysage, parce que la crise dure beaucoup plus longtemps que prévu. Il n'en reste pas moins qu'elles ont vocation à être temporaires. Le plan de relance, lui, est conçu sur le long terme, avec des investissements pour soutenir le tissu productif français. Il est vrai que l'activité partielle de longue durée s'inscrit dans le plan de relance, alors qu'elle est très complémentaire des mesures d'urgence...

Il y a une zone grise entre la logique des aides d'urgence et la logique du plan de relance, qui est plutôt de long terme : l'enjeu est de trouver la meilleure manière de soutenir l'économie en sortie de crise. Il serait utile de réaliser une étude plus fine pour étudier, secteur par secteur, les conséquences de la crise sur le tissu productif, et déterminer si le meilleur moyen pour aider au mieux les entreprises consiste à transformer les mesures d'urgence ou à utiliser le plan de relance. Nous pouvons aider à éclairer le Gouvernement sur point.

En ce qui concerne la capacité des entreprises à rembourser les PGE, je pense qu'il n'y a pas de problème au niveau macroéconomique, car la trésorerie des entreprises est abondante. Elles auront dans l'ensemble les moyens de reprendre leur activité normalement, d'investir et de rembourser leurs dettes : 95 % des entreprises fonctionnent d'ailleurs déjà normalement. Certes, certaines entreprises seront en détresse, et dans ce cas un accompagnement de l'État sera nécessaire, mais cela relève de mesures ciblées, sans qu'il y ait besoin d'un plan massif pour solvabiliser les entreprises. Tout donne à penser aussi que la reprise sera forte à l'été, comme elle l'est déjà en Chine ou aux États-Unis, dès que les mesures de confinement seront levées, même si l'on ne peut pas exclure des reconfinements. Cela bénéficiera aux entreprises exportatrices comme l'aéronautique ou l'automobile, et l'économie profitera du surcroît d'épargne des ménages. Il faut évidemment veiller à éviter que certaines entreprises ne se retrouvent alors face à un mur de dettes. Enfin, il est vrai que les prix des matières premières augmentent, mais c'est lié à la reprise économique et les entreprises vont vite bénéficier de la hausse de la consommation des ménages et des exportations. Je suis donc moins inquiet que vous.

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