Notre commission avait examiné pour avis le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, le mardi 13 avril dernier. Parmi les 15 amendements adoptés par notre commission, une très large partie a été reprise par la commission des affaires étrangères.
Nous avions donné mandat au rapporteur pour redéposer les amendements non retenus en séance, mais les modifications apportées par la commission des affaires étrangères dans son texte de commission requièrent quelques ajustements de nos propres amendements.
Aussi le rapporteur, M. Jean-Claude Requier, souhaite-t-il, avant le délai limite fixé à ce jeudi 6 mai à 12 heures, présenter les amendements de séance qu'il pourrait déposer au nom de notre commission.
S'agissant de la trajectoire budgétaire, notre commission avait estimé que la portée du texte était très limitée, dans la mesure où la programmation proposée s'arrêtait en 2022. Nous avions adopté un amendement prévoyant une hausse annuelle des crédits de paiement de la mission « Aide publique au développement », de 500 millions d'euros par an, après 2022 et ce jusqu'en 2025. Cette augmentation permettait ainsi de proposer une trajectoire crédible, et de stabiliser d'ici à 2025 notre aide publique au développement (APD) à 0,55 % de notre revenu national brut (RNB). Nous n'avons pas été suivis par la commission des affaires étrangères qui a adopté une trajectoire plus ambitieuse, grâce à deux amendements. L'un prévoit une hausse annuelle de 817 millions d'euros des crédits de la mission après 2022. L'autre a pour objet de doubler la part de la taxe sur les transactions financières (TTF) affectée au développement. Je vous rappelle que la hausse de la part de la TTF affectée au fonds de solidarité pour le développement (FSD) se traduit nécessairement par une réduction de cette recette pour le budget général de l'État.
Il me semble possible de trouver un compromis. Les rapporteurs des affaires étrangères pourraient être prêts à accepter de fixer la hausse annuelle des crédits de la mission à 500 millions d'euros plutôt qu'à 817 millions d'euros, à condition de maintenir la disposition relative à l'affectation de la TTF. Par conséquent, l'amendement n° 11 modifie les crédits de la mission « Aide publique au développement » en ce sens. De plus, nous partageons l'avis de la commission des affaires étrangères sur la nécessité de prolonger la programmation jusqu'en 2025.
Les amendements n° 12 et n° 13 sont identiques à ceux que nous avions adoptés, mais qui n'ont pas été retenus par la commission saisie au fond.
L'amendement n° 14 modifie la rédaction d'une demande de rapport prévue à l'article 8 du projet de loi. Je vous propose que le rapport remis au Parlement sur les experts techniques internationaux soit transmis par le Gouvernement, et non par Expertise France. Cette modification a été suggérée en séance à l'Assemblée nationale, par le ministre Le Drian. De plus, je vous propose de simplifier la rédaction de l'objet du rapport.
L'amendement n° 15 est un amendement de coordination tirant les conséquences de l'adoption de notre amendement à l'article 9, qui visait à recentrer les missions de la commission d'évaluation.
Enfin, l'amendement n° 16 est un amendement de coordination avec celui sur la trajectoire des crédits, que nous avions déjà adopté.
Je tiens à saluer le travail méticuleux qui a été accompli par le rapporteur pour avis pour trouver un compromis. Nous devons être attentifs aux ambitions internationales de coopération et de développement de la France.
Dans le débat que nous avons eu précédemment, notre commission avait mis l'accent sur les enjeux financiers de ce texte, en proposant pour sa part une hausse de 500 millions d'euros supplémentaires par an des crédits de la mission, jusqu'en 2025, soit un effort déjà inédit jusqu'à ce jour.
Il faut trouver une voie juste entre l'ambition nourrie par la France en matière d'aide au développement et l'obligation de bien gérer l'argent public.
Il ne faut pas oublier qu'à fiscalité constante, la proposition de doubler la part des recettes de TTF affectée au fonds se fera forcément au détriment du financement d'autres dépenses publiques.
Je partage la vision développée par Jean-Claude Requier, car elle concilie ambition et raison. Ne cédons pas à la facilité ! Nous devons non seulement envoyer un message à nos partenaires, mais aussi assumer nos responsabilités en matière de finances publiques.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR
Article 1er
L'amendement n° 11 est adopté.
L'amendement n° 12 est adopté.
Article 2
L'amendement n° 13 est adopté.
Article 8
L'amendement n° 14 est adopté.
Article 9
L'amendement n° 15 est adopté.
Rapport annexé
L'amendement n° 16 est adopté.
J'ajoute que nous votons une augmentation des crédits, alors que d'autres pays privilégient les restrictions. Le Royaume-Uni a ainsi diminué ses crédits de développement en les faisant passer de 0,7 % à 0,5 % de son RNB, soit une diminution de 4 milliards d'euros.
La commission désigne M. Charles Guené rapporteur sur la proposition de loi n° 531 (2020-2021) d'urgence visant à apporter une réponse solidaire et juste face à la crise, présentée par Mmes Raymonde Poncet Monge, Sophie Taillé-Polian et plusieurs de leurs collègues.
Nous avons le plaisir de recevoir M. Benoît Coeuré, président du comité de suivi des mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à l'épidémie de covid-19. Ce comité a été créé dès le premier collectif budgétaire pour 2020 et s'est depuis réuni deux fois par mois afin de suivre la mise en oeuvre des principaux dispositifs de soutien aux entreprises et à l'emploi.
Le rapporteur général, notre collègue Sylvie Vermeillet et moi-même sommes membres du comité, son secrétariat étant assuré par France Stratégie et l'Inspection générale des finances (IGF).
Le 19 avril dernier, le comité a rendu un rapport d'étape sur le suivi des principales mesures de soutien mentionnées à l'article 6 de la loi de finances rectificative du 23 mars 2020.
Le rapport est construit autour de trois axes principaux, que vous nous détaillerez. Ils correspondent, dans un premier temps, à l'évaluation des dispositifs en eux-mêmes et des principales masses financières engagées ou garanties par l'État ; dans un deuxième temps, à une comparaison de la résistance de notre économie avec celle d'autres pays ; et, enfin, à la question essentielle du niveau de recours par les entreprises à ces différents dispositifs. Ce document veut offrir une source d'informations large, dans la plus grande neutralité possible.
Dans votre avant-propos, vous évoquez les difficultés méthodologiques auxquelles le comité s'est trouvé confronté : l'absence de situation contrefactuelle ou de groupe de contrôle pour mesurer la portée des mesures, l'évolution constante des dispositifs au fil de la crise ou encore l'absence de recul vis-à-vis de celle-ci.
J'ajouterai à ces considérations techniques, une considération plus politique : n'y a-t-il pas un paradoxe à évaluer l'efficience économique de la politique du « quoi qu'il en coûte » ? En effet, il me semble que cette approche évacue a priori toute considération d'efficience de la dépense au regard des objectifs poursuivis : il s'agit d'éviter coûte que coûte les faillites, la destruction d'emplois et la perte de valeur ajoutée de nos entreprises. Monsieur le président, ne considérez-vous pas qu'il serait désormais nécessaire d'enrichir l'analyse par une évaluation de l'efficience des différents dispositifs de soutien, en prenant mieux en compte leurs conséquences sur le solde public ? Si cela ne fait pas partie du mandat du comité, il me semble qu'un regard croisé sur les dispositifs et leurs conséquences sur les finances publiques est désormais indispensable.
Cependant, comme vous le rappelez dans votre avant-propos, « ce rapport est technique. Il relève du suivi plus que de l'évaluation ». Je vous laisse donc nous présenter les constats que le comité a pu réaliser sur la situation des entreprises et de l'emploi.
Je remercie les sénateurs, membres du comité, pour leur contribution active. Ce rapport ne les engage pas, mais j'espère qu'il reflète leur travail. Je vous en présenterai rapidement les conclusions, de manière forcément sélective, puisque le document est long de 330 pages.
J'attends beaucoup de la discussion que nous aurons, ensuite, pour guider la prochaine phase de travail du comité, à savoir la rédaction du rapport final qui comportera un avis du comité et une évaluation de l'efficience du dispositif, et qui doit être publié au mois de juillet prochain. Vous pourrez aussi nous éclairer sur le rôle futur du comité.
Par ailleurs, je vous donnerai tous les éléments d'orientation sur le rôle futur de ce comité d'évaluation et de suivi des mesures de soutien d'urgence aux entreprises, qui s'est transformé, depuis le 1er avril, en un comité d'évaluation du plan de relance.
La méthode choisie par le Parlement pour évaluer les mesures d'urgence est tout à fait originale. Je crois pouvoir le dire, la richesse et la qualité de ce rapport sont sans égales en Europe, grâce à une méthodologie pluraliste et au choix de faire appel à une approche rigoureuse des données. L'équipe assurant le secrétariat du comité à France Stratégie et à l'Inspection générale des finances a constitué une base de données qui rassemble les 3,7 millions d'entreprises ayant bénéficié des mesures et les données individuelles collectées par l'Insee et la Banque de France sur la population des entreprises. Ce travail pourra faire école et être utilisé pour évaluer d'autres dispositifs.
Les éléments de comparaison sont très importants parce qu'ils nous livrent un premier diagnostic sur l'efficacité des mesures, y compris d'ailleurs en termes de coût. Vous m'avez interrogé sur l'efficience des mesures au regard de leur coût pour le solde public. C'est un domaine pour lequel la comparaison internationale peut nous éclairer.
Quand on compare l'impact macroéconomique, en 2020, de la crise du covid en France, dans les grands pays européens et aux États-Unis, on s'aperçoit que la France occupe une position médiane, aussi bien pour ce qui concerne l'emploi que le PIB et le solde public. La crise a été beaucoup moins destructrice pour le tissu économique que la crise financière de 2009, notamment grâce aux mesures de soutien dont ce rapport fait l'objet, mais aussi aux mesures de soutien aux ménages et à la politique monétaire qui a été menée. En effet, l'investissement des entreprises s'est replié, mais dans des proportions comparables à celles du repli de l'activité, alors que l'investissement a tendance à surréagir au repli de l'activité. Par ailleurs, l'ajustement de l'emploi a été relativement contenu, ce qui est évidemment à mettre sur le compte de l'activité partielle, qui n'existait pas en 2009.
Pour compléter ce diagnostic macroéconomique, j'évoquerai des éléments un peu plus inquiétants. Certes, en 2020, le repli du PIB a été comparable, en France, à celui des autres pays européens. Toutefois, on observe des éléments d'alerte concernant la situation de la profitabilité des entreprises, notamment l'évolution de leur taux de marge, qui s'est replié de près de 4 points entre 2019 et 2020, contre 1 point en Allemagne. Même si les entreprises ont bénéficié deux fois, en 2019, du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), bénéficiant ainsi d'un taux de marge particulièrement élevé, l'impact de la crise du covid est à cet égard beaucoup plus fort en France qu'en Allemagne. En la matière, les comparaisons avec le Royaume-Uni, l'Allemagne et même l'Italie sont préoccupantes.
L'endettement des entreprises françaises est également préoccupant. Alors qu'elles possédaient un taux d'endettement beaucoup plus élevé que dans les autres pays européens, elles ont continué à s'endetter pendant la crise. Certes, une très grande partie des emprunts souscrits n'ont pas été dépensés et ont été placés par les entreprises sous forme de placements de trésorerie. L'augmentation de la dette des sociétés non financières en 2020 a été d'environ 217 milliards d'euros. L'augmentation de la dette nette, une fois déduits les placements de trésorerie, n'est plus que de 17 milliards d'euros. Ainsi, 200 milliards d'euros, notamment de prêts garantis par l'État (PGE), ont été placés sur les comptes des entreprises. Bien évidemment, cela ne signifie pas que le PGE n'a servi à rien. Il a offert une garantie de liquidités permettant d'assurer la continuité de l'ensemble des financements des entreprises. C'est un filet de sécurité, un instrument de précaution qui a été utile en tant que tel. Pour autant, ne nous réjouissons pas trop vite de l'augmentation de la trésorerie des entreprises. Si la plupart d'entre elles sont aujourd'hui dans une situation de surliquidités qui fait qu'elles n'auront pas de difficultés à investir en sortie de crise, certaines poches d'activité, dans certains secteurs, devront certainement faire face à des tensions de trésorerie, parfois combinées à des tensions concernant la solvabilité des entreprises ayant accumulé des dettes fiscales et sociales qu'il faudra bien rembourser un jour.
Ainsi, au niveau macroéconomique, les entreprises françaises sont dans une situation de trésorerie très confortable. Il s'agit de comprendre dans quel secteur des situations de tensions de trésorerie ou de solvabilité pourraient apparaître et nécessiter des mesures de soutien public.
S'agissant des mesures de soutien aux entreprises, la France occupe également une position médiane. Ce rapport abuse un peu du mot « médian », qui apparaît 70 fois ! Mais cela montre que le diagnostic est finalement assez mesuré. La France n'a pas à être honteuse de ce qu'elle a fait : elle a pris des mesures efficaces, sans être le pays ayant le plus soutenu les entreprises pendant la crise, ce que l'on peut considérer positivement en termes d'impact sur les finances publiques.
Dans les tableaux que je vous ai transmis, vous pouvez observer les mesures de liquidités, pour ce qui concerne les montants annoncés, mais aussi les montants mobilisés. En Allemagne, notamment, les montants annoncés n'ont pas toujours été déboursés. Il n'existe malheureusement pas d'appareil statistique européen permettant d'établir une comparaison rigoureuse. Nous l'avons réalisée ici grâce aux données des organisations internationales et du réseau de la direction générale du Trésor à l'étranger. Nous en avons conclu à une position médiane de la France.
Par conséquent, le dispositif mis en place en France est relativement équilibré : il ne repose pas de manière disproportionnée sur une mesure plutôt que sur une autre. Certains pays ont adopté une mesure phare. Je pense notamment au Royaume-Uni, qui a mis en place l'activité partielle. En France, nous n'avons pas mis tous nos oeufs dans le même panier. À mes yeux, il s'agit d'un élément positif, puisque cela a permis de répondre aux besoins très divers des entreprises.
S'agissant de la dynamique de ces mesures au cours de la crise, on note un satisfecit général. Aussi bien le fonds de solidarité que l'activité partielle, les prêts garantis ou les reports de charges ont été mis en place de manière rapide et efficace par les administrations et les opérateurs, tels que Bpifrance et les administrations de la sécurité sociale.
Autre satisfecit, les mesures, relativement simples, étaient de portée universelle, ce qui a permis d'assurer leur large accès, en évitant les problèmes d'information et de compréhension.
Toutefois, au cours du temps, les dispositifs se sont complexifiés. Je pense plus particulièrement au fonds de solidarité, qui avait été calibré initialement de manière très restrictive en termes de montant. Ce fonds a donc été élargi à de nouveaux secteurs et les plafonds ont été relevés, ce qui a créé de la complexité, avec des coûts d'entrée pour les entreprises et la nécessité d'un contrôle. Ainsi, la direction générale des finances publiques (DGFiP) a mis en place un dispositif de contrôle très complet, aussi bien en amont qu'en aval, pour éviter des demandes indues et identifier d'éventuels cas de fraude.
Pour ce qui concerne l'activité partielle, la direction générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) a mis en place un dispositif de contrôle, ce qui a engendré des délais pour les déboursements.
On est donc passé d'un système très simple et très rapide à un système plus complexe, sans doute mieux ciblé économiquement.
L'essentiel du rapport d'étape ne concernant que l'année 2020, celui-ci n'évoque pas la dernière version du fonds de solidarité, notamment la mesure des coûts fixes. Cet aspect figurera bien évidemment dans le rapport final. Je ne fais pas un gros pari en anticipant le même type de diagnostic, à savoir complexité, délais de décaissement et peut-être découragement de certaines entreprises. C'est le prix à payer d'une approche économiquement plus complexe.
On observe également un resserrement progressif s'agissant de l'accès au fonds de solidarité, ce qui est assez logique si l'on considère l'évolution des confinements. Le PGE est monté en puissance très rapidement puis a plafonné, les besoins étant satisfaits. Le dispositif de l'activité partielle est cyclique, puisqu'il s'adapte aux différentes situations de confinement, ce qui constitue un point positif de flexibilité. À l'opposé, le fonds de solidarité monte en puissance beaucoup plus lentement, notamment parce qu'il a été calibré au début de manière beaucoup plus restrictive. Avec l'évolution des types de confinement, on observe un resserrement de l'utilisation des dispositifs sur le fonds de solidarité et sur un secteur particulier, celui de l'hébergement et de la restauration.
J'ai ajouté, à la fin de ma présentation écrite, un certain nombre de cartes issues d'une note de France Stratégie, qui a utilisé les données collectées pour le comité. Il s'agit d'évaluer, de manière très détaillée, l'impact de la crise sur les territoires. Le taux de recours aux aides varie fortement selon les zones d'emplois. On observe ainsi une concentration des recours dans l'est de la France et même à la frontière est de la France : zones montagneuses, Savoie, Grand Est, région PACA et Corse. Toutefois, l'Île-de-France est également concernée par un recours aigu à l'activité partielle.
Ces éléments pourront être approfondis dans le rapport final, dans la mesure où ils ne reflètent pas forcément l'attention politique ou médiatique dont ont fait l'objet ces dispositifs au moment de leur mise en place. On se souvient en effet d'une mobilisation particulière en faveur des régions montagneuses et de l'écosystème lié aux stations de ski, qui a conduit à la création de dispositifs spécifiques au sein du fonds de solidarité. On observe également que l'Île-de-France, qui a été une région particulièrement atteinte du fait de l'importance de l'hôtellerie et de la restauration, ainsi que du tourisme international, n'a pas fait l'objet d'une mobilisation identique. La carte que nous présentons n'est donc pas forcément celle que nous aurions dessinée à l'époque.
Le taux de recours n'est expliqué qu'en partie par la structure sectorielle. Les degrés de recours aux dispositifs ne sont liés qu'en faible partie à la spécialisation sectorielle de chaque zone d'emploi. Après correction des effets sectoriels, on observe des zones de sur-recours ou de sous-recours. Nous avons transmis ces données au député Jean-Noël Barrot, qui s'est vu confier une mission spécifique sur ces aspects territoriaux.
Nous avons essayé d'appréhender l'efficacité des mesures prises. C'est très difficile, dans la mesure où il s'agit d'une crise tout à fait exceptionnelle, que les dispositifs sont universels, qu'ils ont évolué et que nous n'avons que peu de recul. On cherche donc à atteindre une cible mouvante !
Nous nous sommes efforcés, d'une part, de comprendre pourquoi les entreprises avaient recouru ou non aux dispositifs et, d'autre part, d'identifier d'éventuels effets d'aubaine.
Le non-recours se concentre sur les petites entreprises. Toutefois, celles-ci représentent une part importante des déboursements, les versements en leur faveur représentant une part supérieure à leur part dans l'emploi.
L'analyse du montant reçu par salarié selon la taille de l'entreprise montre que les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME) ont été bien servies : pour elles, le montant reçu par salarié est plus important que pour les grandes entreprises. Ce résultat est évidemment très partiel, mais il tord le cou d'emblée à l'idée reçue selon laquelle, notamment pour le PGE, ces dispositifs auraient surtout bénéficié aux grandes entreprises.
Nous avons aussi regardé quelles entreprises avaient recouru à un, deux, trois ou quatre dispositifs, en fonction de la taille des entreprises. On voit que le recours à plusieurs dispositifs est finalement assez rare, et que le recours à trois ou quatre dispositifs est très minoritaire. Les entreprises ont donc bien été sélectives dans leur accès aux dispositifs : elles ne sont pas allées à tous les guichets par précaution, et elles ont utilisé le dispositif qui répondait le plus à leurs besoins.
Nous avons enfin essayé de relier l'usage des dispositifs avec l'intensité du choc économique, en exploitant les données de TVA, qui nous permettent de suivre l'évolution du chiffre d'affaires des entreprises en 2020. Nous avons constaté que les mesures ont principalement bénéficié aux entreprises ayant déclaré une baisse de leur chiffre d'affaires, et ont été peu utilisées par les entreprises qui déclarent une hausse de leur chiffre d'affaires.
Bref, il semble bien que les dispositifs aient été utilisés par les entreprises qui en avaient besoin, c'est-à-dire par celles qui avaient le plus été impactées par la crise. Pour l'instant, il s'agit de résultats bruts, qui seront bientôt complétés par des études beaucoup plus sophistiquées, réalisées par la direction générale du Trésor, la Banque de France et l'Insee, sur la base des mêmes données qui permettent de mesurer l'intensité du choc économique entreprise par entreprise et de relier l'usage des mesures à l'intensité du choc. L'étude du Trésor est déjà sortie ; celles de la Banque de France et de l'Insee sont en cours de réalisation.
On trouve aussi que le taux de recours au dispositif est plus élevé pour les entreprises dont la santé financière est intermédiaire. En d'autres termes, les entreprises qui étaient en très bonne santé financière avant la crise ont peu utilisé les dispositifs : il n'y a pas eu d'effet d'aubaine à cet égard. De manière un peu plus mystérieuse, on constate que les dispositifs ont été peu utilisés par les entreprises qui allaient très mal avant la crise. Il est vrai que nous nous fondons sur les bilans fin 2018. Sans doute y a-t-il dans cette catégorie des entreprises qui en réalité ne sont plus en activité, alors même que leur numéro SIREN serait encore actif. Certaines, aussi, sont peut-être en procédure de sauvegarde ou judiciaire.
Dernier élément, dans ce faisceau d'indices quelque peu impressionniste : quand on lie le recours, ou le non-recours, à la situation financière des entreprises, on voit que deux tiers des cas de non-recours concernent des entreprises qui étaient en très bonne situation financière avant la crise, ou des entreprises dont le chiffre d'affaires n'a pas baissé en 2020, c'est-à-dire dire qui ont été relativement épargnées par la crise. En d'autres termes, la majorité des non-recours sont volontaires, au lieu d'être liés à un problème d'information. Nous avons regardé de près le cas des entreprises dites zombies : leur recours aux dispositifs n'a pas été plus important. Autrement dit, les dispositifs n'ont pas servi à maintenir en vie des entreprises qui n'arrivaient plus à couvrir leurs charges financières et qui auraient dû, dans des circonstances normales, entrer dans des procédures de sauvegarde ou de faillite, changer d'activité ou redresser leur activité.
Il nous reste à affiner tous ces diagnostics pour le rapport final. Nous nous intéresserons de beaucoup plus près à la situation financière des entreprises à la sortie de la crise. Nous ne disposons pas de l'information nécessaire pour identifier les entreprises qui, au sortir des mesures de restrictions sanitaires, seraient insolvables ou auraient des problèmes de liquidités. En effet, les données de trésorerie qui sont aujourd'hui disponibles le sont à un niveau relativement macro-économique, et nous n'avons pas de données fines sur la situation de trésorerie des entreprises par secteur, par entreprise et par territoire. La Banque de France travaille sur ce point et devrait pouvoir nous fournir ces données, indispensables si l'on veut raisonner sur la situation de la solvabilité des entreprises en sortie de crise. Pour l'heure, nous connaissons très bien leur passif, puisqu'on sait quelle était leur situation financière avant la crise, combien elles ont pris de PGE, combien elles ont accumulé de reports de charges fiscales et sociales, mais on connaît moins leur actif financier. Au niveau macro-économique, la trésorerie des entreprises s'est accrue d'environ 200 milliards d'euros. C'est beaucoup, mais notre but n'est pas de nous concentrer sur les bonnes nouvelles ! Bien sûr, nous ne sommes pas seuls à travailler sur ce sujet : chaque banque se penche dessus, avec ses clients, les services de l'État y travaillent aussi au niveau territorial, tout comme les fédérations bancaires.
L'équipe qui travaille pour ce comité essaiera, d'ici au mois de juillet, d'affiner la compréhension des trajectoires des entreprises en fonction du recours aux mesures. J'ai présenté de premiers éléments sur l'évolution du chiffre d'affaires des entreprises en 2020 en fonction de leur recours aux mesures. Nous pourrons le faire de manière plus fine, notamment en regardant les trajectoires d'emploi et les trajectoires de masses salariales des entreprises qui ont recouru, ou non, aux mesures. Cela nous permettra un meilleur diagnostic sur l'efficacité du dispositif.
Merci pour ces documents et cette présentation, très utile pour nos réflexions. Le rapport indique que l'aide restait, au 31 décembre, concentrée sur les TPE. Mais vous avez rappelé que la doctrine d'intervention du fonds de solidarité a changé à partir du mois de janvier pour aller vers une prise en charge des coûts fixes d'entreprises de taille plus importante. Dès lors, pensez-vous que l'aide restera essentiellement concentrée sur les petites entreprises ?
Merci pour la clarté de cette présentation, et aussi pour la dynamique que vous imprimez aux réunions du comité de suivi, qui sont toujours instructives. Le Parlement y est bien représenté, avec Claude Raynal, Sylvie Vermeillet et moi-même pour le Sénat.
Lors de notre dernière séance, j'avais appelé l'attention sur l'évolution de la garantie de l'État accordée à la Caisse centrale de réassurance. En effet, nombre d'entreprises font face à des réductions de couverture. Je vous serais reconnaissant de bien vouloir rester attentif à ce sujet pour la suite de nos travaux.
Votre rapport final sera rendu public au début de l'été, en juillet. On pensait au début que la crise sanitaire serait l'affaire de quelques mois, au plus d'un gros trimestre. Or elle dépasse allègrement un an, ce qui devrait pousser à faire évoluer de nouveau les règles du fond de solidarité, comme le laissent entendre les dernières déclarations de Bruno Le Maire. Dès lors, sur quels sujets votre rapport pourra-t-il apporter en juillet des conclusions ? Il faudra sans doute, d'une manière ou d'une autre, poursuivre le travail, peut-être au niveau du Parlement, puisque, comme prévu dans la loi de finances initiale pour 2021, votre comité devra se transformer en un comité consacré à la relance.
Vous avez évoqué les entreprises qui n'ont pas eu recours aux aides. Certains cas peuvent surprendre, lorsqu'il s'agit du secteur de l'hébergement et de la restauration, notamment au vu de la médiatisation de ce secteur. Comment pensez-vous poursuivre l'analyse, soit avec les données dont on disposera jusqu'en juillet, soit peut-être avec des modèles économétriques ? Ne faudra-t-il pas aller un peu plus loin, d'ailleurs, en sondant les entreprises ? De quelle manière ?
Enfin, les PGE sont une mesure à la fois forte et assez emblématique du soutien public apporté aux entreprises. Ce dispositif est efficace, mais je constate un décalage. En effet, il a été imaginé au début de la crise ; à l'époque, on pensait que ce serait peut-être l'affaire d'un gros trimestre. Mais comme le phénomène dure, un certain nombre de secteurs d'activité ou d'entreprises risquent de se retrouver dans l'impasse, dans l'incapacité de rembourser leurs PGE. Quelles solutions identifiez-vous à ce stade ? Nous devons aussi porter une attention particulière au respect d'une forme de justice et d'équité entre les acteurs.
Merci pour cet exposé et ces informations, qui nous aident à ajuster nos positions, et à préparer la suite. Je pense que chacun aurait eu intérêt à ce que les différentes aides consenties par l'État - PGE, reports de charges, fonds de soutien - soient comptabilisées à part dans les comptes des entreprises. Le travail de ce comité serait beaucoup plus simple ! Puis, on se demande si le report des charges sociales ou les PGE ne se convertiront pas en abandons de créances, ce qui change la lisibilité du bilan d'une entreprise... Il n'aurait pas été très compliqué de mettre en place une comptabilité à part. Cela nous aiderait à avoir une appréciation fiable sur les entreprises qui ont bénéficié, ou non, des aides. D'ailleurs, je ne souhaite pas que ce comité s'arrête : au contraire, il faut utiliser ses avancées, pour se préparer à l'augmentation des problèmes d'endettement des entreprises et des risques de faillite. Avons-nous déjà une estimation du nombre d'emplois qui seraient concernés, en fonction des aides consenties ?
Vous avez bien caractérisé les secteurs d'activité et la géographie des entreprises. Tous ces constats sont valables avec un arrêt de l'activité. Avec la reprise, nous devrons faire face à d'autres dispositions, et notamment à la hausse du coût des matières premières, qui m'inquiète beaucoup, car elle risque de déstabiliser notre économie, mais sans doute pas de la même façon que l'arrêt de l'activité a pu pénaliser certaines entreprises.
Je me suis peut-être mal exprimé, mais on ne peut pas dire qu'il y ait une concentration des aides sur les PME. Celles-ci ont été bien servies par les dispositifs, comme le montre bien la mesure de l'intensité du soutien reçu par salarié, mais beaucoup d'entreprises de taille intermédiaire (ETI), et même de grandes entreprises, en ont bénéficié aussi. L'activité partielle est un dispositif universel. Certes, le fonds de solidarité était initialement très spécialisé sur les TPE et les PME, mais son usage a été élargi. Les reports de charges sociales sont aussi utilisés plutôt par des PME. Et le PGE, essentiellement par les entreprises les plus grandes. S'il y a une intensité plus grande pour les PME, il n'y a pas d'exclusivité.
Dans les travaux du comité, nous avons essayé d'introduire un peu de qualitatif. Nous avons donc conduit des entretiens avec des chefs d'entreprise, sur l'accès aux dispositifs et les difficultés rencontrées dans leur mise en oeuvre, mais aussi pour comprendre les critères de choix des chefs d'entreprise. Un élément de ressenti qui ne se voit pas forcément dans les chiffres est que, s'il est reconnu que ces dispositifs ont bien couvert les PME, malgré des exceptions, il y a une sorte d'insatisfaction des ETI, moins bien servies puisqu'aucun dispositif ne s'adresse spécifiquement à elles. Il est possible que, dans les mois qui nous restent, nous apportions une attention plus grande à la situation des ETI, pour savoir si elles ont été bien ciblées. À vrai dire, je n'en suis pas sûr...
Vous avez évoqué la Caisse centrale de réassurance, mais nous n'avions pas encore les données. Nous nous pencherons sur le sujet avant la publication du rapport. Outre l'affinement des questions méthodologiques, nous aurons à porter de plus en plus d'attention aux questions de sortie des dispositifs, qui sont désormais dans le débat public. Le comité n'a pas de rôle politique, et ce n'est pas à nous de décider, mais nous pouvons jouer un rôle d'information - tout comme sur la situation financière des entreprises en sortie de crise. Nous devons aussi nous concentrer sur la transition entre les mesures d'urgence et les mesures de relance. Les mesures d'urgence ont été conçues dans le court terme et se sont installées dans le paysage, parce que la crise dure beaucoup plus longtemps que prévu. Il n'en reste pas moins qu'elles ont vocation à être temporaires. Le plan de relance, lui, est conçu sur le long terme, avec des investissements pour soutenir le tissu productif français. Il est vrai que l'activité partielle de longue durée s'inscrit dans le plan de relance, alors qu'elle est très complémentaire des mesures d'urgence...
Il y a une zone grise entre la logique des aides d'urgence et la logique du plan de relance, qui est plutôt de long terme : l'enjeu est de trouver la meilleure manière de soutenir l'économie en sortie de crise. Il serait utile de réaliser une étude plus fine pour étudier, secteur par secteur, les conséquences de la crise sur le tissu productif, et déterminer si le meilleur moyen pour aider au mieux les entreprises consiste à transformer les mesures d'urgence ou à utiliser le plan de relance. Nous pouvons aider à éclairer le Gouvernement sur point.
En ce qui concerne la capacité des entreprises à rembourser les PGE, je pense qu'il n'y a pas de problème au niveau macroéconomique, car la trésorerie des entreprises est abondante. Elles auront dans l'ensemble les moyens de reprendre leur activité normalement, d'investir et de rembourser leurs dettes : 95 % des entreprises fonctionnent d'ailleurs déjà normalement. Certes, certaines entreprises seront en détresse, et dans ce cas un accompagnement de l'État sera nécessaire, mais cela relève de mesures ciblées, sans qu'il y ait besoin d'un plan massif pour solvabiliser les entreprises. Tout donne à penser aussi que la reprise sera forte à l'été, comme elle l'est déjà en Chine ou aux États-Unis, dès que les mesures de confinement seront levées, même si l'on ne peut pas exclure des reconfinements. Cela bénéficiera aux entreprises exportatrices comme l'aéronautique ou l'automobile, et l'économie profitera du surcroît d'épargne des ménages. Il faut évidemment veiller à éviter que certaines entreprises ne se retrouvent alors face à un mur de dettes. Enfin, il est vrai que les prix des matières premières augmentent, mais c'est lié à la reprise économique et les entreprises vont vite bénéficier de la hausse de la consommation des ménages et des exportations. Je suis donc moins inquiet que vous.
Vous avez déjà répondu en grande partie à plusieurs de mes interrogations. Nous devons être attentifs à l'endettement dans les secteurs de l'hôtellerie et de la restauration, car on peut craindre un grand nombre de faillites. Certaines entreprises avaient déjà accumulé des dettes avant la crise et sont fragiles. Par ailleurs, certains dispositifs d'aides publiques étaient particulièrement complexes. Avez-vous une estimation de la fraude ? Enfin, avez-vous des montants précis sur la répartition des PGE en fonction des territoires ?
Merci pour la qualité de votre diagnostic et pour votre optimisme. Vous avez évoqué la possibilité qu'une partie des PGE serve à soutenir la trésorerie des entreprises : envisagez-vous une transformation du PGE en fonds propres ? Si oui, dans quelles proportions ? À quelles fins ?
Quelle est aussi la rémunération des banques : s'agit-il bien de prêts distribués à prix coûtant ? Vous indiquez aussi dans votre rapport que la DGFiP souligne que ses moyens humains et informatiques limités ne lui permettent pas d'assurer l'homogénéité ni l'exhaustivité du recensement s'agissant du report des charges fiscales. Voilà qui rejoint les analyses du groupe CRCE lors de l'examen du projet de loi de finances ! Le 4 mars 2021, on notait des reports et des délais pour 112 000 entreprises pour un montant de 3,4 milliards d'euros. Quelles seraient vos préconisations ?
Même si les dispositifs de soutien public fonctionnent plutôt bien dans l'ensemble, nous avons, en tant que parlementaires, des remontées des entreprises qui souffrent, car elles figurent dans ce qu'on appelle « les trous dans la raquette » - événementiel, salles de sport, etc. Quelle est votre analyse à leur égard ?
Le secteur de la montagne a été très touché par la crise. Les aides prévues, notamment par la Caisse des dépôts et consignations, sont-elles suffisantes selon vous ?
Enfin, si l'an dernier on craignait, dans une perspective alarmiste, la perte de 900 000 emplois, celle-ci s'est élevée finalement à 300 000. Quelles sont vos prévisions pour 2021 et 2022 ?
On se plaint volontiers des lourdeurs administratives en France. On ne peut donc que se réjouir de la mise en place de dispositifs d'aides aux entreprises simples, adaptés et réactifs ! Mais il y a eu des effets d'aubaine et 19 % des aides ont bénéficié à des entreprises dont le chiffre d'affaires a augmenté. Des entreprises ont donc profité des PGE pour réaliser des opérations financières ou renforcer leur trésorerie.
Il n'y a pas si longtemps, les percepteurs des impôts transmettaient, de manière journalière, au trésorier-payeur général (TPG) du département les données de l'impôt, si bien que nous connaissions les chiffres rapidement. Aujourd'hui, les directeurs départementaux des finances publiques ont remplacé les TPG et la transmission des données a été informatisée. Pourtant on manque de données récentes : nous sommes en 2021, mais les chiffres disponibles ne nous permettent que de comparer la situation économique entre le quatrième trimestre de 2019 et le quatrième trimestre de 2020... Apparemment, à l'époque du papier et de la calculatrice, on parvenait à avoir des données plus récentes qu'à l'ère de l'informatique...
Le taux de non-recours semble limité, mais vous montrez aussi, dans votre rapport, qu'une part substantielle des aides a bénéficié aux entreprises qui n'étaient pas les plus touchées. Or, ce sont les TPE-PME qui ont le plus besoin d'être aidées. Finalement, la conditionnalité des aides ne permettrait-elle d'être plus efficace, en permettant de viser les TPE-PME, tout en étant plus économe pour nos finances publiques ?
Notre rapport présente les dispositifs mis en place par la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle pour lutter contre la fraude aux dispositifs d'activité partielle, et par la DGFiP pour lutter contre la fraude au fonds de solidarité : fin mars, les contrôles a priori des agents de la DGFiP ont conduit à rejeter 1,7 million de demandes et à éviter le versement d'aides indues pour un montant de 5,9 milliards d'euros, même si ces chiffres ne recouvrent pas uniquement des cas de fraude. Dans le cadre des contrôles a posteriori, 92 000 versements ont été identifiés comme litigieux, dont 42 000 ont été jugés infondés par la DGFiP, donnant parfois lieu à des déclarations au titre de l'article 40, pour un montant de 60 millions d'euros.
La répartition des PGE en fonction des territoires figure dans notre rapport. La difficulté est que les PGE sont distribués au niveau des groupes, non des territoires. Nous avons donc dû faire des hypothèses qui ne correspondent pas forcément à l'utilisation réelle des fonds par les entreprises.
La trésorerie issue des PGE n'est pas un fonds propre, mais simplement un encours de trésorerie provenant d'une banque et placé. Il est désormais disponible soit pour rembourser le PGE - c'est déjà le cas pour certaines entreprises -, soit comme liquidités permettant de financer la reprise. Le Gouvernement a d'ailleurs précisé, la semaine dernière, que ces montants pouvaient être utilisés pour rembourser des crédits fournisseurs.
La rémunération des banques est-elle excessive ? Il faut distinguer le taux d'intérêt appliqué sur le PGE, qui est le plus bas d'Europe, et la commission d'engagement de la banque, pour laquelle nous n'avons pas observé de plainte majeure. Dans une perspective européenne, les commissions des banques françaises ne me paraissent donc pas particulièrement importantes.
Concernant la DGFiP, qui gère les deux comités chargés des fonds de solidarité et des reports de charge fiscale, nous avons bénéficié d'une information très détaillée et utilisable en temps réel sur le fonds de solidarité. La difficile accessibilité aux informations sur les reports de charge fiscale est due à des procédures particulières ainsi qu'à l'absence de dispositif informatique pour consolider les demandes de report. Néanmoins, en termes quantitatifs, les reports de charges sociales sont beaucoup plus importants que les reports de charges fiscales.
Pour répondre à M. Rambaud, de nombreux « trous dans la raquette » ont été comblés en 2020, notamment en distinguant les secteurs affectés directement et indirectement. Nous n'avons pas fait l'inventaire des sous-secteurs qui restent mal couverts, notamment parce qu'il est difficile de consolider l'ensemble des mesures : le comité est compétent pour certaines mesures tandis que d'autres sont gérées par les ministères concernés. C'est, par exemple, le cas du secteur de la montagne. Je n'ai pas les éléments me permettant d'apprécier l'intervention de la Caisse des dépôts et consignations dans les activités de la montagne.
En matière de suppression d'emplois, le comité n'a pas travaillé sur ce sujet et n'a donc pas effectué de prévision.
Concernant les effets d'aubaine, il est vrai que 19 % des aides ont été versées à des entreprises dont le chiffre d'affaires augmentait - nous estimons qu'il s'agit d'une proportion faible. Plus fondamentalement, face à cette crise sans précédent, le choix a été fait de mettre en place un système universel facile d'accès permettant de ne laisser personne au bord de la route. Ce ne fut pas le cas pour le fonds de solidarité, mais le processus a été corrigé à la fin de l'année 2020. Le Gouvernement et le Parlement ont préféré prendre le risque d'aider des entreprises n'en ayant pas besoin plutôt que celui de ne pas aider des entreprises nécessiteuses. Introduire une conditionnalité dans ces aides en mars 2020 aurait effectivement été un frein au déboursement rapide. Aussi, s'agissant de dispositifs d'urgence mis en place au coeur de la crise, il me semble que le choix a été le bon. Il en irait différemment si ces aides avaient vocation à être pérennisées.
Enfin, vous me faites remarquer que les chiffres du rapport datent de la fin 2020. Pardonnez-moi, mais vos commentaires me semblent assez injustes. Durant cette crise, l'ensemble des administrations statistiques a fait preuve d'une inventivité sans précédent pour suivre en temps réel l'impact de la crise. Je pense, par exemple, aux publications de l'Insee sur la consommation des ménages grâce à l'utilisation des données des cartes de crédit et de déplacements. Au contraire de ce qui s'est passé en 2008 et 2009, la crise a été suivie semaine après semaine. Dès le début de l'année 2021, nous avons pu apporter un diagnostic sur la manière dont les aides sont utilisées en fonction de l'évolution du chiffre d'affaires des entreprises sur l'année écoulée, ce qui me semble être un progrès.
Il est vrai que d'autres données nous échappent, à l'instar des données de bilan des entreprises sur leur profitabilité, l'actif et le passif, qui ne sont publiées une seule fois par an. Ce rapport s'appuie donc, pour l'essentiel, sur des données de bilan qui datent de la fin 2018. En revanche, nous avons bénéficié quasiment en temps réel des données concernant le recours aux dispositifs et celles qui sont relatives à la TVA et à l'emploi. Pour le suivi des dispositifs, les données figurant dans le rapport datent de la fin du mois de mars 2021, mais la confrontation de la situation individuelle des entreprises repose sur les chiffres de fin septembre 2020. Les données seront mises à jour dans le rapport final.
Je vous remercie d'être venu nous présenter ce pré-rapport déjà très complet. Nous ne manquerons pas de vous solliciter de nouveau au moment de la parution du rapport définitif.
La réunion est close à 16 h 25.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.