Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a souhaité l’inscription de ce débat sur la question, fondamentale des enjeux de la prochaine politique agricole commune (PAC).
Parmi les politiques européennes, la PAC tient une place à part. Elle reste en effet, à ce jour, la seule véritable politique européenne intégrée, dotée d’un budget spécifique. Quant à notre pays, il en est aujourd’hui le premier bénéficiaire.
Après de premières annonces inquiétantes, l’accord du Conseil européen du 21 juillet 2020 a finalement permis un relatif maintien du budget de la PAC, en euros courants, à hauteur de 386 milliards d’euros. La France bénéficiera ainsi d’une enveloppe stable à hauteur de 62, 4 milliards d’euros : 51 milliards sur le premier pilier et 11, 4 milliards sur le second.
Pourtant, le maintien facial de ce budget cache en réalité une baisse, car, exprimé en euros courants, il ne prend pas en compte l’inflation. Si celle-ci atteint 2 % par an sur la période, on perdrait en réalité 39 milliards, en euros constants, par rapport au budget précédent, soit plus d’une année d’aides du premier pilier.
Cette baisse, qui n’est qu’en partie imputable au Brexit, n’est pas un bon signal alors que les défis qui sont devant nous n’ont jamais été aussi grands.
Parmi les dix objectifs de cette nouvelle PAC, je retiendrai : assurer un revenu équitable aux agriculteurs ; agir contre le changement climatique ; garantir la qualité des denrées alimentaires et la santé ; dynamiser et soutenir le développement économique des zones rurales. Comme vous le voyez, face à de tels enjeux, ce n’est pas le moment de baisser la garde !
Le plan stratégique national (PSN) est la grande nouveauté de cette future PAC. À partir de 2023, chaque État membre devra obligatoirement mettre en place un PSN qui définira les modalités de mise en œuvre opérationnelle de la PAC à l’échelle nationale.
Nous devrons être très vigilants afin que cette subsidiarité accrue ne fasse pas perdre le sens du « C » de la PAC, qui doit être résolument préservé. En effet, si les déclinaisons des PSN revenaient à faire autant de politiques agricoles qu’il y a d’États membres, des distorsions, voire du dumping, pourraient apparaître. Il faut, je le répète, que la PAC reste une politique collective et que tous les agriculteurs, quel que soit leur pays, soient traités sur un pied d’égalité.
En outre, le PSN doit garantir que l’agriculture bio ne soit pas la grande oubliée de la future PAC. Actuellement, seulement 2 % du budget de la PAC sont consacrés au bio, ce qui est loin d’être suffisant car, pour atteindre l’objectif de 25 % de terres cultivées en bio en 2030, fixé dans les stratégies Biodiversité et Farm to F ork, il faut des mesures fortement incitatives pour transformer les pratiques agricoles.
Le PSN, qui conditionnera les règles d’attribution des aides, pourrait donc être le levier pour se rapprocher de l’objectif de 15 % de surfaces en bio en France à l’horizon 2022, que vous aviez réaffirmé, monsieur le ministre, dans le cadre du plan Ambition Bio. Il y en aura besoin car, en 2020, nous en étions seulement à 8, 5 %. C’est dans ce sens que nous avons signé une tribune, avec 300 élus locaux et nationaux de différentes sensibilités, sur l’initiative de la Fédération nationale pour l’agriculture biologique (Fenab), appelant le Gouvernement à intégrer l’objectif du bio dans le PSN.
L’autre enjeu de cette nouvelle PAC est une meilleure redistribution des subventions. Le 21 juin 2020, le Conseil a validé le principe d’un plafonnement des aides à hauteur de 100 000 euros par exploitation. Les États membres auront, en outre, la faculté de mettre en place un mécanisme progressif de réduction des aides à partir de 60 000 euros.
Ce plafonnement à 100 000 euros nous semble trop peu ambitieux, d’autant qu’il n’est finalement que facultatif. Je souhaite que notre pays se saisisse de ces mécanismes de plafonnement et de dégressivité. Sans un réel plafonnement des aides, monsieur le ministre, tout le reste n’est que littérature !
Je terminerai par un mot sur les enjeux internationaux de cette nouvelle PAC. Ses objectifs vont dans le bon sens, mais ils sont en complète contradiction avec ce que l’Europe fait, dans le même temps, avec le CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement – accord économique et commercial global) ou le Mercosur.
Les normes sanitaires et environnementales que la France et l’Union européenne imposent à nos agriculteurs ont fait évoluer leurs pratiques, faisant de notre agriculture l’une des plus sûres au monde, toujours plus vertueuse en matière de protection de l’environnement.
Or ces évolutions ont un coût pour nos agriculteurs en termes d’investissement, de formation et de prise de risque. A contrario, avec le CETA et le Mercosur, l’Union européenne veut ouvrir le marché européen à des produits alimentaires moins chers, mais qui s’affranchissent des normes sanitaires et environnementales s’imposant à nos paysans.
C’est pourquoi je voudrais terminer mon intervention par une question très solennelle, monsieur le ministre : quand aurons-nous enfin un vrai débat avec vous sur ces traités et sur leurs conséquences sur l’agriculture et l’alimentation dans notre pays ?