Intervention de Christian Redon-Sarrazy

Réunion du 4 mai 2021 à 21h30
Enjeux nationaux et internationaux de la future pac — Débat organisé à la demande du groupe socialiste écologiste et républicain.

Photo de Christian Redon-SarrazyChristian Redon-Sarrazy :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis une trentaine d’années, chaque phase de négociation de la PAC constitue une période d’incertitudes pour les professionnels du monde agricole, en particulier pour les éleveurs. C’est précisément la définition des arbitrages pour répartir un budget en baisse qui ouvre le champ à de vives inquiétudes de la part de nombreux territoires et filières.

Le 7 avril dernier, vous avez notamment rappelé au Sénat, monsieur le ministre, que la PAC française devait encourager une agriculture de territoires avec une attention portée aux spécificités locales, le maintien de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) et une meilleure prise en compte des zones intermédiaires.

Faute, pourtant, d’une définition officielle et unique, l’identification de ces zones intermédiaires, et donc le ciblage de leurs aides, est bien plus difficile que pour les zones défavorisées, qui bénéficient par exemple de l’ICHN.

Le critère géographique est lui-même variable selon les appréciations, puisque les pouvoirs publics situent les zones intermédiaires sur une diagonale allant de la Charente au Grand Est. Cette interprétation arbitraire exclut toutefois de nombreux territoires, par exemple dans les régions Nouvelle-Aquitaine ou Occitanie qui, pourtant, sembleraient être parmi les plus concernées. Un travail de définition précis de ces zones intermédiaires est donc attendu de votre part.

Il nous faudra aussi savoir comment celles-ci seront identifiées au sein de la PAC, et de quelles aides spécifiques elles pourront bénéficier, à l’image de l’ICHN. S’agissant de cette indemnité, le maintien au niveau actuel que vous proposez pose question. Pour atteindre cet objectif, il faudra que la France le finance sur son budget afin de combler la baisse du taux de cofinancement européen de 10 % actée par le Conseil en octobre dernier. C’est un arbitrage qui se défend mais qui aura nécessairement, à enveloppe globale constante, des conséquences sur les autres aides.

À cet égard, les zones de polyculture-élevage et les professionnels de l’élevage allaitant craignent que le rééquilibrage de l’enveloppe des aides couplées en faveur de notre autonomie protéique ne se fasse à leurs dépens. Ces aides représentent actuellement 13 % au maximum de l’enveloppe des aides directes, et 2 % pour ce qui est des protéines végétales.

Or le Gouvernement envisage une augmentation jusqu’à 4 % des aides dédiées aux protéines afin de renforcer notre indépendance alimentaire et de limiter le recours aux importations. L’objectif est louable, mais les exploitations précitées, qui ont déjà été, pour certaines, sorties du dispositif de l’ICHN et demeurent fragiles, ne pourront pas supporter de nouvelle diminution.

Par exploitation, le montant des aides allouées correspond à peu près au salaire mensuel des éleveurs, c’est-à-dire 800 euros par mois. Si rééquilibrage il doit y avoir, celui-ci devra engager financièrement les filières agricoles les moins impactées par la crise. Par ailleurs, notre groupe attend des avancées sur le sujet des paiements redistributifs et sur la convergence des aides.

Si rien n’est encore acté, je tiens tout de même à rappeler que ces aides couplées bénéficient pour 80 % à l’élevage. La Fédération nationale bovine (FNB) s’est fait l’écho de cette préoccupation, en demandant que les aides couplées du premier pilier soient impérativement maintenues à leur niveau actuel. Il y va de la survie de nombreuses exploitations et donc, plus largement, de l’équilibre économique mais aussi environnemental de nombreux territoires ruraux.

L’élevage extensif qui les caractérise contribue, grâce aux prairies permanentes, à la captation du carbone et permet l’approvisionnement des agglomérations proches des exploitations en produits de qualité via des circuits courts. Il présente donc de nombreux avantages qui correspondent aux objectifs fixés par la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite Égalim, en matière d’accessibilité à une alimentation saine et durable.

Le volet concernant l’équilibre des relations commerciales entre producteurs et grande distribution de cette loi étant un échec manifeste après trois ans de mise en œuvre, on est en droit d’attendre du Gouvernement un soutien massif en faveur de ce modèle agricole.

D’autre part, une question demeure concernant l’augmentation de notre autonomie protéique : visera-t-elle en priorité l’alimentation animale ou humaine ? Sur ce point, les éleveurs manquent de précisions, surtout au regard du souhait du Gouvernement de pérenniser les repas végétariens hebdomadaires dans les cantines scolaires.

Face à ces multiples impératifs – préserver notre modèle d’élevage extensif et augmenter notre autonomie protéique – où placer le curseur ? Comment arbitrer ?

Monsieur le ministre, il faut selon moi, avant tout, déterminer quel modèle agricole et alimentaire nous voulons. Un modèle qui promeut des pratiques, tant d’élevage que de culture, vertueuses et respectueuses de l’environnement, des animaux et des hommes ? Ou un modèle d’agriculture intensive dont on ne cesse de rappeler les multiples effets dévastateurs ?

Une fois ce choix fait, les arbitrages devraient logiquement en découler. Pour une fois, faites en sorte que les éleveurs ne soient pas les seuls à porter l’effort budgétaire, alors que leur situation ne le permet pas. Pouvez-vous nous assurer que les zones de polyculture-élevage ne seront pas les sacrifiées de la future PAC ?

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