Intervention de Franck Montaugé

Réunion du 4 mai 2021 à 21h30
Enjeux nationaux et internationaux de la future pac — Conclusion du débat

Photo de Franck MontaugéFranck Montaugé :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de ce débat de contrôle demandé par le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, je voudrais remercier tous les intervenants des groupes, ainsi que M. le ministre, qui a développé devant nous les positions et les approches du Gouvernement.

Dans ce moment inédit de mise au point du plan stratégique national, le PSN, dont l’issue aura de lourdes conséquences pour nos agriculteurs et nos territoires, et en m’inspirant des mots du philosophe – « Que puis-je connaître ? Que m’est-il permis d’espérer ? Que dois-je faire ? » –, je vais m’attacher à conclure ce débat.

Tout d’abord, nous connaissons le budget dont bénéficiera la ferme France. Le contexte du cadre financier pluriannuel était difficile avec le départ des Britanniques, contributeurs nets. Il est facialement équivalent à celui de la période précédente, mais il sera en baisse en euros constants, seule unité de mesure sérieusement utilisable pour comparer des budgets sur longue période.

On constate donc une perte en matière de soutien, qu’il faudra compenser par ailleurs, pour, au mieux, maintenir la compétitivité, ainsi que le revenu qui en est pour moi une composante essentielle.

Le PSN est aussi construit sur la base de l’enveloppe nationale et il doit répondre à dix objectifs, comme nous le savons maintenant.

Permettez-moi de rappeler un principe cardinal préalable, auquel nous tenons : les agriculteurs français doivent tous pouvoir vivre décemment de leur métier. La Nation doit leur assurer un revenu équitable, tout en répondant aux attentes de la société en matière de qualité, de santé et d’impact sur l’environnement et le climat.

Avec un budget en baisse et des marchés que nous ne maîtrisons pas – il s’agit d’un sujet que nous n’avons pas abordé –, où va-t-on trouver les moyens de répondre à cet objectif ?

Tout d’abord, il faut rééquilibrer les pouvoirs dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire. La loi Égalim première version a été, malgré nos avertissements de l’époque, un échec. Il est urgent de rouvrir le débat sur la base d’une construction du prix payé par le premier acheteur, intégrant des critères de coûts de production dans un cadre contractuel pluriannuel.

C’est tout l’inverse du ruissellement, dont le premier des Américains vient de nous dire qu’il n’a jamais marché… Les paysans français l’avaient compris depuis longtemps à leurs dépens. Il aurait certainement fallu les écouter !

Et que dire aux agriculteurs qui ont été injustement et dramatiquement sortis de la carte des zones défavorisées ? Pour beaucoup d’entre eux, le revenu correspondait aux ICHN, pour un travail réalisé vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, je le rappelle au passage.

Aussi, vous comprenez, monsieur le ministre, que le désespoir et la colère montent chez ces agriculteurs, comme chez ceux à qui l’on a dit que la prime à la vache allaitante allait baisser. Ne faites pas l’erreur de jouer les protéines contre l’élevage allaitant. La réforme de l’unité de gros bétail, l’UGB, doit apporter aux éleveurs, et non pas les affaiblir

À enveloppe constante, nous pensons qu’il faut cibler les aides sur les systèmes productifs à enjeu, comme le bio, l’agriculture de conservations des sols, les démarches de qualité certifiée, telles que l’agriculture biologique, ou AB, la haute valeur environnementale, ou HVE, voire la responsabilité sociale des entreprises agricoles, ou RSEA, sans oublier les appellations et autres marques de pays.

Garantir la qualité des denrées alimentaires et la santé en réponse aux attentes de la société passe indéniablement par ces démarches, qu’il faut soutenir davantage.

Par ailleurs, pour appuyer le renouvellement des générations, nous vous demandons de plafonner à 60 000 euros les aides du pilier 1, ou P1, et de mieux cibler les aides du pilier 2, ou P2.

Les écoschémas du P1 doivent intégrer des dispositifs de valorisation des externalités positives de l’agriculture, à travers la mise en place de paiements pour services environnementaux, ou PSE. Plus largement, la notion d’aménités rurales doit se traduire par une meilleure reconnaissance de la place de la ruralité dans notre pays.

C’est un enjeu national, qui déborde le strict cadre de l’agriculture. Monsieur le ministre, nous vous demandons d’ouvrir ce chantier.

L’objectif de préservation des paysages et de la biodiversité doit être travaillé à l’aune du concept d’« aménités rurales », que le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, le CGAAER, vous propose de mettre en œuvre.

Il y va aussi de la dynamisation et du soutien au développement des zones rurales. Les collectivités locales y auront toute leur place, en lien avec l’agenda rural. La question cruciale du renouvellement des générations passera par là. La définition de l’actif agricole et des nouvelles dispositions de gestion du foncier agricole y contribuera également grandement.

Nous souhaitons en outre que votre feuille de route sur les zones intermédiaires, les ZI, puisse prendre en compte la diversité des territoires en difficulté. Les ZI ne se limitent pas à la diagonale « Charente-Maritime-Moselle », ou aux terroirs de grandes cultures. Bien des systèmes productifs en grande difficulté peuvent y prétendre. C’est le cas, par exemple, de la polyculture-élevage, qui caractérise, vous le savez, mon département du Gers. Nous espérons pouvoir travailler avec vous sur ce point, monsieur le ministre.

Le revenu et la compétitivité passeront aussi par la protection et la création de ressources naturelles, au premier rang desquelles nous plaçons la ressource en eau. Vous avez ouvert le dossier, et nous sommes disponibles pour travailler avec vous sur ce sujet majeur et urgent, qui ne concerne pas que le sud de la France.

Il faudra donc améliorer la compétitivité sans sacrifier les enjeux de qualité alimentaire, de santé et d’impact des productions sur l’environnement. S’il est indispensable que les circuits courts et autres projets alimentaires territoriaux, les PAT, se développent, ceux-ci ne suffiront pas, seuls, à régler la question du revenu et de la compétitivité agricole nationale.

Monsieur le ministre, quatre ans après que le Sénat eut voté à l’unanimité une proposition de loi socialiste visant à développer les outils de gestion des risques en agriculture, à laquelle j’avais travaillé avec Henri Cabanel, vous rouvrez le chantier. C’est une bonne chose, et nous sommes prêts, là encore, à travailler avec vous.

Pour conclure, je dirai un mot sur les enjeux internationaux de la PAC pour notre pays.

Monsieur le ministre, nous vous demandons de faire en sorte que les producteurs français soient traités équitablement, donc que les critères d’exportation soient équivalents aux critères d’importation et intègrent notamment la problématique du carbone et des normes sanitaires. Je vous rappelle enfin le souhait du Sénat de pouvoir discuter du CETA, l’accord économique et commercial global, dans cet hémicycle.

L’agriculture française ne peut ni ne doit être la variable d’ajustement d’autres secteurs économiques nationaux, fussent-ils à enjeux. La souveraineté alimentaire nationale passe aussi par là. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous remercie tous de votre participation.

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