Intervention de Viviane Artigalas

Réunion du 5 mai 2021 à 21h30
Impact de la réduction de loyer de solidarité rls sur l'activité et l'avenir du logement social — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Photo de Viviane ArtigalasViviane Artigalas :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, si nous sommes appelés aujourd’hui à débattre de l’effet de la réduction de loyer de solidarité mise en place par la loi de finances pour 2018, c’est bien que cette réforme pose problème.

Un rappel au préalable : la RLS visait à réduire le coût des APL pour l’État. En effet, la réforme des APL ayant suscité une vive réaction de la part de ceux qui en bénéficiaient, notamment les jeunes et les familles les plus fragiles, le Gouvernement a proposé, en contrepartie de la baisse des allocations, une remise de loyer pour un montant quasi équivalent – cette remise couvre entre 90 % et 98 % de la baisse des APL.

C’est pour atteindre l’objectif de réduction des dépenses publiques que le Gouvernement s’était lui-même fixé que l’État a imputé le coût de ce dispositif sur les bailleurs sociaux. Trois ans plus tard, quel bilan peut-on tirer de cette réforme ? Si l’on se fie au rapport de la Cour des comptes sur le sujet, il n’est guère brillant !

On relève trois défaillances : une fragilisation des bailleurs sociaux et de leurs actions, tant en matière de construction que de réhabilitation du parc existant ; une mise en œuvre qui, si elle a été progressive, n’en a pas moins soulevé d’importantes difficultés ; au bout du compte, des économies moins importantes que prévu pour l’État en raison de dépenses supplémentaires pour soutenir les bailleurs.

Bien que nous manquions encore de recul pour évaluer à ce stade tous les effets de la RLS, la clause de revoyure prévue pour 2022 nous oblige à préparer ce réexamen dès à présent, en cherchant un point d’équilibre entre les besoins des bailleurs sociaux, l’objectif d’économies budgétaires pour l’État et la nécessaire simplification du dispositif.

Rappeler aujourd’hui quelques-unes des erreurs stratégiques qui ont présidé à la mise en place de cette politique publique peut nous permettre, je l’espère, d’éviter qu’elles ne se reproduisent.

C’est d’abord l’absence de concertation préalable avec les bailleurs sociaux qui a rendu la situation très difficile. Au-delà des débats parlementaires très vifs que nous avons pu avoir, notamment au Sénat, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2018, ce manque de préparation a obligé l’État à mettre en place des mesures d’accompagnement qui ont amputé l’économie budgétaire initialement prévue.

Faute d’une négociation en bonne et due forme avec les organismes de logement social, la soutenabilité financière des conséquences pour eux de ce dispositif n’a pas été correctement analysée.

On en vient à s’interroger sérieusement sur l’intérêt de cette réforme, qui a grandement fragilisé les bailleurs. En outre, le bénéfice pour l’État s’est révélé relatif : l’objectif initial d’économiser 1, 5 milliard d’euros par an a dû être réduit à 800 millions d’euros pour 2018 et 2019 afin d’aider les bailleurs sociaux à assumer le coût de la RLS et à maintenir un certain niveau d’investissement. Les bailleurs ont toutefois eu du mal à mener à bien leurs projets d’investissements, la réforme ayant été appliquée de manière uniforme, sans tenir compte de leurs moyens.

Pour compenser cette dépense, l’État a prolongé le gel du taux du livret A et l’a réduit à 0, 5 % depuis le 1er février 2020, faisant ainsi une fois de plus peser sur les épargnants ses objectifs d’économies budgétaires.

Enfin, cette réforme complexe a été difficile à mettre en œuvre, le temps que les organismes sociaux se dotent des outils informatiques adéquats.

Compte tenu de cette impréparation initiale, les bailleurs sociaux craignent, à raison, que ce schéma de fonctionnement ne se reproduise l’année prochaine, après la clause de revoyure, et que leur situation ne s’aggrave davantage.

En prévision de la négociation qui s’ouvrira en 2022, on ne peut que préconiser un dialogue avec l’ensemble des acteurs du logement social très en amont de l’échéance.

En effet, la RLS ne touchant pas de la même façon tous les bailleurs sociaux, il est nécessaire d’adapter son application en fonction de critères sociaux et territoriaux et d’établir une cartographie précise des besoins.

Cette tension sur les finances des bailleurs sociaux se répercute, de façon indirecte, mais réelle, sur l’économie du bâtiment et la commande publique. Dans la période de crise que nous traversons, il s’agit là, madame la ministre, d’une difficulté supplémentaire pour atteindre votre objectif de construction de 250 000 logements sociaux en deux ans. Même si la RLS n’est pas l’unique frein, il serait tout à fait malvenu de bloquer davantage les marges de manœuvre des bailleurs et de réduire encore leurs capacités de construction et de rénovation.

À cet égard, les objectifs d’engagements réciproques, qui, pour la période 2020-2022, prévoyaient de porter de 800 millions d’euros à 1, 3 milliard d’euros par an le montant des économies à réaliser grâce à la RLS ne devront pas suivre la même trajectoire exponentielle.

Nous ne pouvons donc qu’encourager le Gouvernement à engager le plus rapidement possible une concertation réfléchie et constructive avec les organismes du logement social dans leur ensemble pour revenir sur cette réforme peu lisible, coûteuse dans sa gestion, et qui pénalise la construction de logements. Dans un premier temps, il importe de revenir sur la baisse des APL pour tenir compte du contexte économique actuel et des difficultés accrues des Français.

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