Intervention de Philippe Dallier

Réunion du 5 mai 2021 à 21h30
Impact de la réduction de loyer de solidarité rls sur l'activité et l'avenir du logement social — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Photo de Philippe DallierPhilippe Dallier :

Chacun sait bien que le logement est l’une des préoccupations essentielles de nos concitoyens. Nombreux sont ceux, familles ou célibataires, qui ont du mal à se loger, même s’ils ont un salaire. C’est un sujet essentiel.

Alors, allez-vous réussir ? Telle est la question ! Malheureusement, nous partageons tous ici, me semble-t-il, le même avis : en l’état actuel des choses, la réponse est non !

Je l’ai dit, les chiffres de 2020 ont été très mauvais. Certes, le cycle électoral y est certainement pour quelque chose, car il a été plus long que d’habitude. La crise sanitaire est également une explication, mais n’oublions pas, madame la ministre, que les mauvais chiffres de 2020 s’inscrivent dans une tendance qui était à la baisse depuis 2017. Cette date n’est certainement pas un hasard…

Que faut-il faire pour inverser cette tendance baissière ? Il faut déjà en comprendre les raisons. À mon sens, elle ne s’explique pas seulement par la RLS. Je pense que les raisons sont multifactorielles et qu’il faut les analyser.

Cela étant, cette réforme avait pour but de permettre à l’État de réaliser des économies budgétaires. C’était bien le seul objectif affiché et il a été atteint. La Cour des comptes le dit dans son référé : les recettes ne sont pas au niveau initialement espéré, mais, malgré tout, après les négociations avec les bailleurs, elles sont là.

Madame la ministre, les économies réalisées par l’État ont aussi un coût : celui des mesures de compensation des pertes de recettes aux bailleurs. Surtout, des logements n’ont pas été construits ou rénovés, tout simplement parce que les bailleurs ont levé le pied. En effet, remplacer de la ressource propre, en l’occurrence les loyers, par des allongements de la durée des prêts ou par de la dette nouvelle, fut-elle qualifiée de fonds propres, change la donne budgétaire pour les bailleurs et réduit leurs capacités d’investissement. Nul ne peut dire le contraire.

Par ailleurs, ces mesures devaient être accompagnées, ce que personne n’a rappelé, de la vente d’au moins 20 000 logements sociaux par an. L’objectif n’a pas été atteint – on en est à la moitié – et il ne le sera probablement pas dans les années à venir.

Quant à l’impact des économies d’échelle attendues du regroupement des bailleurs, nous n’en mesurons pas encore aujourd’hui les effets. Quels seront-ils à échéance de deux ans ou trois ans ? Nous verrons bien.

La Cour des comptes, dans le référé qu’elle a rendu fin 2020, évoque tous ces points. Elle souligne également l’impréparation qui avait prévalu lors de la mise en œuvre de cette réforme et qui a certainement concouru au ralentissement de la construction en 2018 et en 2019. Madame le ministre, dans ce secteur, comme dans tous les secteurs de l’économie, l’incertitude et l’imprévisibilité ont pour conséquence immédiate un ralentissement de l’activité.

La Cour ne s’en tient pas à ce constat : « Si le potentiel financier des bailleurs reste quasiment stable, l’autofinancement du secteur a néanmoins diminué, conduisant à une réduction des investissements. Cela se traduit par un retard d’engagement des bailleurs dans le nouveau programme national de rénovation urbaine (NPNRU), accentué récemment par le faible nombre d’agréments et de mises en chantier dans le secteur. » Et la Cour de poursuivre : « Les données disponibles en novembre 2020 font apparaître des engagements très en deçà des objectifs en matière de construction et de rénovation, respectivement fixés à 100 000 et 120 000 unités par an. » Elle ajoute enfin : « Par ailleurs, les dépenses d’entretien courant et surtout de gros entretien ont diminué de 7 % en valeur », ce qu’elle estime insoutenable à l’avenir.

Madame la ministre, relisez les comptes rendus des débats en 2017 et en 2018 : sur l’ensemble de nos travées, nous avions prévu tout ce qui est en train de se produire, mais nous n’avons pas été entendus. Aujourd’hui, il faut que vous tiriez les conséquences du constat que nous faisons. Il ne vous reste que quelques mois utiles pour prendre des décisions et agir – jusqu’à l’automne et l’examen du prochain projet de loi de finances –, pas une année. Après, nous entrerons dans une autre période, à l’approche de l’élection présidentielle : toute nouvelle décision sera alors forcément reportée d’une année.

Je l’ai dit, la tendance baissière que l’on observe depuis 2017 et qui s’est fortement accentuée n’est pas imputable à la seule RLS. Madame la ministre, si vous ne prenez pas de décision d’ici à la fin de l’année prochaine, la non-compensation aux communes de la disparition de la taxe d’habitation et de l’exonération de la taxe foncière auront également de lourdes conséquences.

J’ajoute que nous attendons de voir comment vous allez adapter l’article 55 de la loi SRU. N’oubliez pas en effet que la moitié des logements sociaux qui ont été construits l’ont été dans des communes assujetties à ce dispositif. Madame la ministre, ne désespérez pas les maires soumis à l’article 55 et qui veulent construire. Adaptez le dispositif, sinon nous courons droit à la catastrophe !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion