Intervention de Emmanuelle Wargon

Réunion du 5 mai 2021 à 21h30
Impact de la réduction de loyer de solidarité rls sur l'activité et l'avenir du logement social — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Emmanuelle Wargon :

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à remercier le groupe CRCE d’avoir proposé ce débat et tous les orateurs d’avoir permis un échange sur ce sujet important. L’enjeu est majeur : il s’agit de s’assurer que chacun puisse se loger dignement en ayant accès à un logement de qualité et abordable.

Une récente étude de l’OCDE montre que la part des revenus consacrée au logement est en augmentation depuis plusieurs années et qu’elle atteint en moyenne 37 % du budget des ménages très modestes. Développer une offre de logements abordables est ainsi essentiel à la vie de la Nation. C’est ma priorité en tant que ministre du logement et c’est la raison d’être du logement social.

Nous le savons, plus de 70 % des Français sont éligibles au logement social et près de 2 millions de ménages sont encore en attente d’y accéder. Il est donc essentiel que les bailleurs sociaux mobilisent leurs moyens pour investir dans la construction et dans la rénovation.

Alors que la Nation consacre plus de 5 milliards d’euros par an au logement social, l’État a mené plusieurs réformes structurelles visant à concilier soutenabilité de la dépense publique et ambition en matière de développement de l’offre de logements. La loi ÉLAN prévoit ainsi une profonde réorganisation en imposant aux organismes de gérer ou d’appartenir à un groupe gérant en cumulé au moins 12 000 logements sociaux.

Cette mesure a pour principal objectif d’accroître et de dégager des marges de manœuvre financières en réalisant des économies d’échelle et en optimisant l’utilisation des ressources du secteur et des organismes.

Elle a également pour objectif de renforcer la professionnalisation des organismes, notamment sur les missions de maîtrise d’ouvrage ou d’ingénierie financière. Je suis avec attention ces regroupements. À ce stade, les trois quarts des organismes respectent cette obligation ou sont en voie de finaliser leur projet de regroupement.

La réduction de loyer de solidarité a été mise en place au début du quinquennat, plus précisément par la loi de finances pour 2018. Elle représente un effort important pour le secteur, je le reconnais. Aussi, je veux saluer l’esprit de responsabilité qui a prévalu lors de sa mise en œuvre, laquelle a fait l’objet d’une large concertation avec les bailleurs et d’aménagements substantiels progressifs.

La montée en charge du dispositif a notamment été étalée dans le temps : 800 millions d’euros en 2018, contre 1, 5 milliard d’euros initialement prévus. En outre, un mécanisme de lissage entre les bailleurs a été mis en place par la Caisse de garantie du logement locatif social, afin d’assurer une juste répartition de l’effort entre les organismes. Il s’agissait, en particulier, de faire en sorte que les organismes qui logent les populations les plus précaires ne soient pas les plus touchés par cette réduction de loyer.

Par ailleurs, des mesures d’accompagnement massives ont été mises en place par l’État, par la Caisse des dépôts et consignations et par Action Logement, dans le cadre du pacte d’investissement pour le logement social pour la période 2020-2022. La RLS a ainsi été stabilisée à 1, 3 milliard d’euros, au lieu des 1, 5 milliard prévus, et elle s’est accompagnée de la baisse du taux de la TVA à 5, 5 % pour les PLAI, les acquisitions-améliorations de PLUS (prêts locatifs à usage social) et pour les opérations menées dans le cadre des projets ANRU ; 1, 7 milliard d’euros ont été apportés par Action Logement et 800 millions d’euros de titres participatifs ont été émis par la Caisse des dépôts et consignations.

À cela se sont ajoutés le gel du taux du livret A puis la révision de sa formule de calcul. Ces mesures bénéficient équitablement à l’ensemble des organismes de logement social, pour un gain annuel de 1, 2 milliard d’euros en 2019.

Les travaux de la clause de revoyure en 2019 entre l’État, les bailleurs, Action Logement et la Caisse des dépôts et consignations ont d’ailleurs montré que toutes ces mesures avaient permis de compenser intégralement l’effet de la RLS et de la TVA sur le compte de résultat des organismes HLM.

J’entends les inquiétudes que vous avez tous exprimées, sur toutes les travées de cet hémicycle, sur les conséquences qu’aurait pu avoir la RLS sur la capacité d’investissement des bailleurs sociaux et donc sur la production et la rénovation de logements sociaux.

Pourtant, en 2018 et 2019, soit les premières années de mise en œuvre de la RLS, l’activité du secteur HLM s’est maintenue, les niveaux d’agrément ayant été assez élevés, entre 105 000 et 110 000 par an, en particulier pour les PLAI. Ces chiffres soutiennent assez honorablement la comparaison avec ceux de 2014 et 2015 ou ceux de 2011 et 2012, qui se situaient respectivement autour de 103 000 et 110 000.

Vous conviendrez avec moi que l’on ne peut pas mettre les résultats de 2020, qui sont effectivement très décevants, sur le compte de la RLS. §Ces résultats sont d’abord liés à la crise sanitaire et au délai de renouvellement des exécutifs municipaux, qui ont ralenti le dépôt des dossiers et leur instruction. Nous avons d’ailleurs eu le même problème avec les permis de construire en général et les mises en chantier de l’ensemble des logements, ce qui n’est pas imputable à la RLS.

Le rapport public annuel de contrôle pour l’année 2019 de l’Agence nationale de contrôle du logement social (Ancols), publié le 25 novembre dernier, et l’édition 2020 de l’étude sur le logement social de la Banque des territoires, publiée en septembre 2020, ont par ailleurs montré que la situation financière des organismes HLM est bonne, même après la mise en œuvre de la RLS, et que ce secteur dispose toujours d’une forte capacité d’investissement. Plus précisément, ces analyses ont montré que la capacité d’autofinancement par rapport au chiffre d’affaires est restée stable, de même que le ratio de ressources internes par rapport à la dette.

Les ressources du secteur progressent en fait plus vite que l’endettement et le fonds de roulement net global reste élevé. Il est également à noter que les coûts de gestion par logement ont diminué en 2018 et 2019, après plusieurs années de hausse. Cependant, comme la Cour des comptes l’a souligné dans un récent référé, qui a été abondamment évoqué, il est vrai que les effets de la RLS ne peuvent encore être pleinement mesurés.

Mon ministère s’attache donc à en suivre les conséquences, que ce soit sur la situation financière du secteur du logement social, sur la politique d’investissement ou sur les organismes les plus fragiles. Une nouvelle clause de revoyure est prévue afin d’étudier d’éventuelles modifications de ce dispositif.

Comme cela a été indiqué à la Cour, je suis toute prête à étudier rapidement, d’ici à la fin de l’année, tout ce qui permettra de diminuer les irritants et les frais de gestion du dispositif pour les bailleurs, notamment s’il s’agit de limiter l’application du dispositif aux seuls allocataires des APL.

Au-delà de la clause de revoyure prévue concernant la RLS, le Gouvernement mène une politique ambitieuse de développement de l’offre de logement social pour les années qui viennent. Il faut déjà à tout prix rattraper l’année 2020. À cet égard, j’ai souhaité faire de 2021 et 2022 des années de mobilisation générale pour le logement social. C’est tout le sens du protocole en faveur de la relance de la production de logements sociaux que nous avons signé au mois de mars avec l’Union sociale pour l’habitat (USH), la plupart des fédérations HLM, Action Logement et la Banque des territoires. Ce protocole porte effectivement des objectifs très ambitieux : l’agrément de 250 000 logements sociaux sur deux ans, en 2021 et 2022, dont 90 000 logements très sociaux.

Des moyens exceptionnels seront mobilisés par l’État, par Action Logement, par la Caisse des dépôts et consignations sur la même période. Cela passe par un soutien de l’État de 500 millions d’euros à la réhabilitation lourde des logements sociaux dans le cadre du plan de relance, une mobilisation accrue du Fonds national des aides à la pierre, mais également par une hausse de 920 millions d’euros des financements du secteur par Action Logement, dans le cadre de l’avenant à la convention quinquennale signé le 15 février dernier, et par la distribution de 200 millions d’euros de titres participatifs supplémentaires de la Caisse des dépôts et consignations, portant le total à 1 milliard d’euros, pour renforcer les fonds propres des organismes.

J’ai tenu à mettre en place une gouvernance renforcée de la mise en œuvre de ce protocole afin d’assurer le suivi des engagements de chacun et la déclinaison opérationnelle dans les territoires.

Cette mobilisation générale pour le logement social s’appuie également sur la prolongation des objectifs de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains au-delà de 2025. Il nous faut en effet assurer la persistance de ce levier fondamental pour l’accès au logement abordable. Nous avons fait le choix d’inscrire des dispositions en ce sens dans le projet de loi 4D, afin d’assurer la pérennité du dispositif SRU au-delà de 2025, tout en l’adaptant aux réalités territoriales. Grâce aux propositions de la commission nationale SRU et à une concertation avec les associations de collectivités locales, je pense que nous avons atteint un dispositif équilibré, lequel sera très bientôt soumis à votre examen.

Agir pour le logement social passe également par le déploiement d’une politique ambitieuse en matière de mixité, car c’est la clé de la cohésion sociale. Le projet de loi 4D portera des mesures en ce sens, notamment pour renforcer le rôle des EPCI en matière d’attribution et pour aider au logement des travailleurs clés. Ce projet de loi, enfin, permettra de reporter, au plus tard à la fin de 2023, la mise en œuvre de la cotation de la demande et de la gestion en flux, compte tenu des difficultés liées notamment à la crise du covid-19 et au renouvellement des exécutifs locaux.

En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, je dirai que le logement social a été au rendez-vous de la crise que nous traversons, qu’il a joué son rôle d’amortisseur social et qu’il s’est adapté afin de mieux accompagner ses locataires. Le logement social est un facteur clé de la cohésion du pays ; le mouvement HLM est un partenaire essentiel pour l’État.

Le Gouvernement fait de l’avenir de ce secteur l’une de ses priorités. C’est pourquoi nous relançons la construction ; c’est pourquoi nous pérennisons la loi SRU, afin de permettre à chacun d’avoir accès à un logement abordable. Soyez assurés de ma détermination à agir encore et toujours en faveur du logement social au cours de l’année qui vient.

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