Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir consacré une heure et demie à notre rapport.
Je regrette quelque peu que le format du débat dans l’hémicycle ne permette pas d’aller au fond des choses ; on l’a constaté sur un certain nombre de questions. Pour ma part, j’avais demandé au président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, Jean-François Longeot, de vous solliciter pour organiser une audition en commission, afin que nous puissions échanger de façon un peu plus approfondie autour de ce rapport. Je reste demandeur de cette audition.
Au cours de ce débat, il y a des choses que l’on a entendues, des choses que l’on n’a pas entendues et des choses que l’on aurait aimé entendre.
J’ai entendu de votre part une forme de « ni-ni » : ni renationalisation ni prolongation, même si le « ni prolongation » était un peu plus timide que le « ni renationalisation ». J’ai également entendu parler de préparation du futur, d’un meilleur encadrement des contrats, d’une modernisation de ceux-ci, et c’est tant mieux !
En effet, il n’y a, ici, aucun concession bashing, en tout cas pas dans notre rapport. Je ne suis absolument pas opposé, comme la majorité de mes collègues, au principe de la concession de délégation de service public, qui a une efficacité. Nombre de sociétés, parmi les sociétés d’autoroutes, sont des sociétés françaises importantes, qui sont compétentes et qui font un travail de qualité. Par conséquent, il n’y a pas de raison de faire du concession bashing. Cela dit, quand on concède un service, il faut bien en suivre l’exécution, c’est très important.
Des progrès considérables ont été accomplis depuis 2015, mais beaucoup reste à faire. Nos collègues Éric Bocquet et Olivier Jacquin ont eu raison de poser la question des rapports d’inventaire. Ces rapports d’inventaire sont prévus dans les contrats, mais on ne les a pas – vous-même l’avez reconnu –, or ils doivent être mis à jour tous les cinq ans. Il n’est pas normal que l’on ne puisse pas avoir ces rapports d’inventaire, prévus dès le départ ! Donc, d’accord pour la concession, mais il faut la contrôler rigoureusement.
Ensuite, au-delà de la question de l’inventaire se pose un deuxième problème : les sous-concessions. Il y a une grande faiblesse du suivi en la matière. Notre commission d’enquête n’a pas eu le temps d’aller suffisamment loin dans ce domaine, mais il faudrait en approfondir l’analyse. Nous avons entendu des sociétés qui avaient du mal à obtenir l’attribution d’une ou l’autre de ces sous-concessions et nous nous demandons pourquoi. Il faudrait plus de transparence sur ce sujet.
En revanche, les études sur la rentabilité des concessions d’autoroute – celle de l’Autorité de la concurrence de 2013, celle de la Cour des comptes, celle du Sénat – font vraiment l’objet d’un dénigrement de la part des sociétés d’autoroutes. On se demande d’ailleurs si ces sociétés ont réellement lu notre rapport, parce que nous n’avons obtenu qu’une réponse, celle d’Eiffage ; les autres ne nous ont même pas répondu. Nous avons tenu compte des observations d’Eiffage et nous avons refait nos calculs sur ce fondement.
Notre méthode est fondée sur la rentabilité interne par rapport aux actionnaires, donc à l’investissement initial ; nous avons bien recouru à cette méthode, cher Pierre Médevielle. De son côté, l’ART étudie la rentabilité par projet, mais elle ne fournit pas d’éléments permettant de contrôler son travail. J’en suis désolé, j’aime beaucoup cette autorité, mais j’aimerais bien qu’elle soit plus transparente, que les valeurs d’actifs qu’elle évalue soient communiquées, car on ne les a pas. Nous avons donc des taux de rentabilité calculés sur une base que l’on ne connaît pas…
Pour ma part, j’apprécie la transparence et je pense que l’ART a un rôle à jouer dans le domaine des sociétés concessionnaires d’autoroutes, mais il faut travailler tous ensemble.
Ainsi, monsieur le ministre, si vous souhaitez – c’est ce que j’ai compris de vos propos – organiser un sommet des autoroutes, je voudrais que l’on aborde la question de la rentabilité des contrats, et non uniquement des futurs contrats. Il est important de travailler sur les futurs contrats, sur l’évolution et le verdissement des tarifs, mais la rentabilité est un sujet fondamental. Notre collègue Jean-Pierre Grand évoquait le contournement de Montpellier : mon cher collègue, la concession d’ASF prendra fin non en 2031, mais en 2036, c’est-à-dire dans quinze ans !
Nous avons finalement publié nos prévisions de rentabilité, mais, si j’avais écouté les sociétés d’autoroutes, nous n’en aurions publié aucune ; ces sociétés ont donné les leurs à l’ART et j’en ai eu communication, mais ces documents étaient couverts par le secret des affaires. Néanmoins, je peux vous le dire en toute confidence, monsieur le ministre, les prévisions que nous publions sont en ligne avec celles des sociétés d’autoroutes…