C’était en 1767 !
Vous le savez aussi bien que moi, mes chers collègues, l’écriture de l’histoire ne se regarde pas avec les yeux d’aujourd’hui, mais nous pouvons comprendre la colère que de tels jugements peuvent entraîner et tenter, à la demande de certains mouvements féministes, de corriger ce prétendu déséquilibre. Il n’est pas question d’interdire d’interroger l’orthographe.
Toutefois, l’écriture inclusive ne s’arrête pas là. Si j’ai bien compris, elle consiste à insérer des points médians à la fin des noms pour féminiser l’écriture. Cette pratique, loin d’être intuitive, peine à s’imposer. En mars 2017, un premier ouvrage destiné à des élèves de CE2 en écriture inclusive a été publié. Certaines écoles ou universités et même des collectivités territoriales auraient également lancé des initiatives destinées à encourager cette écriture. La polémique est désormais engagée.
Tout viendrait de la bien regrettable confusion, que certains entretiennent complaisamment, entre marques de genre grammatical et identificateurs de sexe : pour certains, la langue française a trouvé et trouve commode de détourner l’usage arbitraire des marques de genre pour obtenir une distinction entre les femmes et les hommes.
On peut discuter des règles, tenter de les comprendre. Mais, je le répète, seuls l’usage et le temps font finalement évoluer notre langue.
Cela me conduit à une réflexion : depuis combien de temps les partisans du langage inclusif n’ont-ils pas discuté avec nos concitoyens ? Il me semble que leurs préoccupations, aux allures superfétatoires, dépassent l’immense majorité des francophones, qu’ils n’effleurent aucunement. Quand je parle de cette graphie, on me regarde avec des yeux ronds, avant de balayer le sujet de la conversation pour se concentrer sur ce qui est important.
Ce débat semble s’autoalimenter dans des sphères dites « bien-pensantes », politiquement correctes, aussi appelées, à l’américaine, « éveillées ». Cette graphie, plus qu’une réelle revendication, serait devenue une sorte de marqueur idéologique, un signe extérieur de richesse culturelle, la Rolex de la bien-pensance. Comme le montre si bien Rachel Kahn dans son dernier ouvrage, c’est une manière d’écrire son curriculum vitae pour montrer patte blanche avant d’entrer dans des cercles, où des parangons de vertu prônant la diversité et l’inclusion font preuve d’une remarquable homogénéité de pensée, de genre ou de pigmentation de la peau.
Contrairement à ces derniers, je me refuse à parler de race ou même à réduire mes compatriotes à leur couleur de peau, leur genre ou leurs origines.
Quand Jacques Derrida disait « je n’ai qu’une langue, ce n’est pas la mienne », il mettait en avant un caractère essentiel de la langue : le fait qu’elle n’appartient à personne, qu’elle n’est donc pas un outil idéologique et qu’elle ne doit pas l’être.
La question de l’égalité entre les femmes et les hommes est, bien entendu, première. Dès lors, pourquoi ne pas poser cette question directement ? Reléguer la gent féminine à un « e » final séparé par un point ne serait-il pas aussi une manière de mettre un point, final cette fois, à la discussion ? J’y lis, entre les points, un violent renoncement à l’égalité. Je ne sais pas si je dois m’en offusquer ou m’en attrister.
Il est dit que l’écriture inclusive consiste à inclure toutes les personnes pouvant ne pas se sentir représentées, sur le plan du genre, de l’ethnicité ou de la religion. Est-ce à dire que, après avoir satisfait à la demande de certains groupes féministes, nous aurons à modifier notre langue sous la pression d’autres groupes de revendication ?
Mes chers collègues, voulons-nous nourrir cette archipélisation de la société française qu’a si bien décrite Jérôme Fourquet et qui amène Jacques Julliard à observer « le passage de la République des citoyens à la société des individus », inspirée par certains courants outre-Atlantique, que certains exportent ici ?
Nous ne pouvons pas admettre cette volonté d’asservir les droits de l’Homme au profit d’une dictature de minorités défendant des intérêts particuliers.
Je n’ai pas oublié, pour ma part, que les valeurs qui nous animent sont les principes de la République, de la liberté, de l’égalité et de la fraternité, quatre termes féminins dont je ne revendique pas la masculinisation ! Ces valeurs sont trop précieuses, lumineuses et universelles.
Le 17/05/2021 à 14:12, aristide a dit :
"Contrairement à ces derniers, je me refuse à parler de race ou même à réduire mes compatriotes à leur couleur de peau, leur genre ou leurs origines."
Ou encore à leur religion, réelle ou supposée...
Le 17/05/2021 à 14:11, aristide a dit :
" le passage de la République des citoyens à la société des individus »
A vrai dire, on ne voit pas trop la différence...
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