Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’écriture inclusive alimente régulièrement les polémiques en se faisant l’écho d’un sujet sociétal majeur : l’égalité entre les femmes et les hommes. Pour autant, l’écriture inclusive caricature ce combat et, à mon sens, porte plusieurs dérives, que je veux rappeler ici.
La première est issue d’un présupposé : la pratique de la langue doit être une déclinaison des politiques sociales inclusives, donc inclure toutes les personnes qui peuvent se sentir non représentées. La langue refléterait ainsi fidèlement l’ordre du monde, la façon de penser d’une société. De facto, une langue qui invisibilise le féminin au profit du masculin serait celle d’un monde où les femmes sont cachées.
Aujourd’hui, l’écriture inclusive servirait donc les luttes féministes. Qu’en sera-t-il demain lorsque la langue devra servir une autre cause ? Faudra-t-il changer de langue au gré des combats sociétaux ?
Erik Orsenna, dans La Fabrique des mots, nous alerte sur les dangers de la confusion entre ordre linguistique et ordre social. Dans ce conte, il narre les aventures d’un dictateur qui, voulant lutter contre les bavardages pour hisser son pays au rang de puissance mondiale, bannit les mots inutiles. « Évidemment, c’était plus facile de déclarer la guerre aux mots que d’affronter le chômage ! », déclare son héroïne…
La deuxième dérive de l’écriture inclusive est sa vision de la masculinité dans le langage. Comme nombre d’entre vous, j’ai appris, dans les leçons de grammaire, que « le masculin l’emporte sur le féminin ». Cette règle concentre les attaques des partisans de l’écriture inclusive. Toutefois, les linguistes déconstruisent la thèse selon laquelle elle aurait été instaurée afin de soumettre les femmes. Depuis la première moitié du XVIIe siècle, ils débattent sur l’accord de voisinage, tel que « le cœur et la main ouvertes », qui, jusqu’au début du XXe siècle, est enseigné dans les manuels de grammaire.