Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mesdames les sénatrices, mesdames les sénateurs, messieurs les sénateurs, chères collègues, chers collègues, « nous voulons que doressenavant tous arrestz ensemble toutes autres procedeures soient […] enregistrez & delivrez aux parties en langage maternel francoys, et non autrement ».
Vous avez reconnu, chers collègues, l’une des prescriptions de l’ordonnance sur le fait de la justice, prise en 1539, à Villers-Cotterêts, par François Ier en un château où il reçut François Rabelais et Clément Marot.
Quatre siècles plus tard, l’article 2 de la Constitution du 4 octobre 1958 déclare toujours que « la langue de la République est le français », mais, pas plus que l’ordonnance de 1539, la Constitution ne précise de quel français il s’agit. Toutefois, dans sa sagesse, le procureur général du roi avait précisé, en 1539, qu’il s’agissait du français comme langue maternelle, c’est-à-dire de la langue telle qu’elle est parlée dans la diversité de ses pratiques, de ses emprunts et de ses assimilations. Cette langue a beaucoup évolué depuis le XVIe siècle, et ses transformations successives ont accompagné celles de nos sociétés pour qu’elle demeure, en ce début du XXIe siècle, « ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre ».
Dans le monde, le français est aujourd’hui la langue de près de 300 millions de personnes, qui l’utilisent, la font évoluer et l’adaptent à des réalités sociales en perpétuelles mutations. Ces locuteurs, peut-être parce qu’ils ont une relation avec la langue française moins sacramentelle que la nôtre, lui apportent beaucoup pour qu’elle demeure vivante.
Ainsi, le 28 juillet 1979, la Gazette officielle du Québec publiait une instruction de l’Office de la langue française qui recommandait l’utilisation des formes féminines dans tous les cas possibles, soit à l’aide du féminin usité – une infirmière –, soit à l’aide du seul déterminant – la ministre –, soit par un néologisme – une chirurgienne –, soit par l’adjonction du mot femme : une femme-ingénieur.
On sait qu’une circulaire gouvernementale du même esprit, proposée par Mme la ministre Yvette Roudy en 1986, suscita une vive réaction des geôliers de la langue, qui lui reprochèrent de vouloir « enjuponner le vocabulaire ». Pourtant, l’usage a tranché, et je note que notre assemblée compte quatre-vingt-dix femmes qui ont souhaité se faire appeler « sénatrices », alors que vingt-huit autres demandent qu’on leur donne du « sénateur ». En revanche, je n’ai pas trouvé d’homme revendiquant le titre de « sénatrice ».