Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues sénatrices et sénateurs, depuis les années 1960 et particulièrement depuis le début des années 2000, nos sociétés connaissent une évolution de la place des femmes en ce qui concerne leurs carrières professionnelles, les métiers et les fonctions auxquels elles accèdent sans que l’appellation correspondant à leur activité et à leur rôle réponde pleinement à cette situation nouvelle.
L’égalité entre les hommes et les femmes ainsi que la reconnaissance du rôle de ces dernières dans la société est un combat juste, qui me tient particulièrement à cœur en tant que présidente de la délégation aux droits des femmes.
L’écriture inclusive, dont nous débattons aujourd’hui, se présente comme un des outils permettant d’offrir une meilleure visibilité aux femmes. Par l’écriture inclusive, on entend un ensemble de pratiques et d’annotations qui vise à donner une représentation égale des femmes et des hommes dans la langue écrite. Mais devons-nous penser qu’une modification des règles grammaticales de la langue française écrite sera un moyen de parvenir à une égalité entre les femmes et les hommes ? Je ne le crois pas.
Au-delà de l’objectif qu’elle poursuit, l’écriture inclusive pose plusieurs problèmes. Le premier est une réelle difficulté d’apprentissage : l’écriture inclusive rompt avec les règles de prononciation et de ponctuation, ainsi qu’avec les règles morphologiques que les jeunes élèves sont en train d’acquérir. De nombreuses associations de parents d’élèves ainsi qu’une large partie du corps enseignant se sont montrées hostiles à son application dans l’enseignement. Le ministre de l’éducation, Jean-Michel Blanquer, s’est d’ailleurs prononcé contre cette pratique dans l’éducation nationale en octobre 2017. Simultanément, l’Académie française alertait sur le risque d’aboutir à « une langue désunie, disparate dans son expression, créant une confusion qui confine à l’illisibilité ».
L’écriture inclusive pose ensuite un problème majeur pour les personnes souffrant de handicap, comme cela a déjà été souligné. Je pense, par exemple, aux personnes malvoyantes et aux élèves dyslexiques ou dyspraxiques.
Pour les personnes malvoyantes, le problème est insoluble : tous les systèmes d’écriture connus ont vocation à être oralisés. Or il est impossible de lire l’écriture inclusive : « cher.e.s » ne se prononce pas. Le décalage graphie-phonie ne repose plus sur des conventions d’écriture, mais sur des règles morales que les programmes de synthèse vocale ne peuvent traiter et qui rendent les textes inaccessibles aux malvoyants.