Madame la présidente, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je suis heureuse, après vous avoir attentivement écoutés, de m’exprimer au nom du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports sur la question de l’écriture inclusive.
Si le sujet est aujourd’hui débattu dans cet hémicycle, c’est bien, et cela a été rappelé à plusieurs reprises, parce que nous ne parlons pas d’un petit sujet, d’une lubie de quelques personnes isolées qui se seraient prises de passion pour un nouveau jeu littéraire. L’écriture inclusive n’a rien à voir avec un exercice de style. Elle est un enjeu de société, un enjeu à la fois éducatif et politique, c’est-à-dire un enjeu qui nous préoccupe tous.
Que l’on ne s’y trompe pas. Je ne parle pas ici de l’évolution nécessaire de la langue et des usages consistant à accorder les métiers et les fonctions selon le genre. Cette évolution est un progrès évident, que nous saluons, salutaire pour les femmes et pour la société dans son ensemble. Je ne parle pas de la féminisation des noms, mais bien de l’écriture dite « inclusive », au sens où l’entend la circulaire du Premier ministre Édouard Philippe du 21 novembre 2017, à savoir en tant que « pratiques rédactionnelles et typographiques visant à substituer à l’emploi du masculin, lorsqu’il est utilisé dans un sens générique, une graphie faisant ressortir l’existence d’une forme féminine ». En clair, nous parlons bien aujourd’hui du point médian et des néologismes dits neutres, comme le pronom non binaire « iel », censé remplacer à la fois le « il » et le « elle ».
Cette écriture dite « inclusive » prend de l’essor et dépasse aujourd’hui très largement la sphère militante ou associative. On la retrouve désormais dans certains journaux, on la voit exploser sur les réseaux sociaux, on ne s’en étonne plus dans la communication des entreprises ni dans les publicités de marques grand public.
Nul n’ignore aussi combien son usage s’est répandu à l’université, dans certains intitulés de cours, de travaux dirigés ou de publications. Certains professeurs, que je crois volontiers peu nombreux, approuvent de telles pratiques et l’encouragent même, au détriment d’élèves ou d’étudiants qui ne voudraient ou, tout du moins, ne sauraient en faire usage.
De même, à l’université, et désormais à l’école, de plus en plus d’élèves l’emploient dans leurs copies, et nos professeurs se trouvent bien en peine de les corriger, souvent désemparés et dépassés par l’ampleur du phénomène. Leur embarras est légitime. Comment, en effet, s’opposer à une écriture qui prétend lutter pour l’égalité entre les femmes et les hommes et manifester la diversité du genre humain ? Pourquoi prendre le risque de se mettre à dos un, sinon plusieurs, élève ou collègue ? Comment ne pas plier face aux pressions, aux intimidations parfois, car elles existent, sommant d’y avoir recours ?
Face à cela, il est une réponse : l’institution. L’institution, c’est-à-dire l’État, doit se prononcer avec clarté et fermeté sur un tel sujet, car elle est la seule à pouvoir fixer la norme à laquelle chacun peut se référer en toutes circonstances.
Quatre ans après la circulaire de 2017 et l’avertissement de l’Académie française, je veux donc le redire avec la force et avec la conviction que seule donne l’évidence : l’écriture inclusive est un danger pour notre école ; elle est un danger pour notre langue ; elle est un danger pour les principes mêmes de notre République ; elle est donc un danger pour notre pays.