Intervention de Guillaume Gontard

Réunion du 6 mai 2021 à 14h30
Association de taïwan aux travaux de plusieurs organisations internationales — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Guillaume GontardGuillaume Gontard :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis 1964, la France a rompu ses relations diplomatiques avec Taïwan en reconnaissant la République populaire de Chine. Depuis, elle ne conteste plus le principe d’une seule Chine imposé par Pékin, principe au cœur d’une politique qui a mené à l’isolement de Taïwan au sein de la communauté internationale.

En 1971, l’île perdait son siège à l’ONU. En 1980, elle était exclue du FMI. Depuis 2016, elle ne dispose plus de sa place d’observateur à l’Assemblée mondiale de la santé, en conséquence de quoi elle ne peut plus être associée aux réunions de l’Organisation mondiale de la santé.

Rien ne peut légitimer la mise à l’écart d’un système politique dont nous connaissons tous ici les mérites, tant en termes de vie démocratique que de politique sociale et éducative et de protection de l’environnement.

Le contexte pandémique actuel jette toutefois une nouvelle lumière sur l’exclusion de Taïwan des différentes instances de la communauté internationale. La gestion de la crise sanitaire par Taïwan est en effet un modèle pour bon nombre de gouvernements à l’échelon mondial. La densité de la population y est exceptionnellement élevée. Aussi peuplée que l’Australie, le risque d’une forte circulation du virus y était d’autant plus important.

Taïwan a toutefois tiré les leçons des épidémies liées au SRAS en 2003 et à la grippe H1N1 en 2009. Son gouvernement a géré cette pandémie de façon exemplaire, en exerçant un contrôle fondé sur l’anticipation et la réactivité. À cette date, seuls douze décès ont ainsi été enregistrés sur l’île.

Par ailleurs, la gestion taïwanaise de la pandémie a permis de démontrer, une fois de plus, l’inclination du pays à coopérer activement au niveau international, ce que rappellent les auteurs de cette proposition de résolution. Le pays avait ainsi alerté l’OMS dès décembre 2019 sur les risques d’une transmission humaine du virus. Début 2020, elle faisait un don de 5 millions de masques chirurgicaux à l’Europe, soit l’équivalent de la moitié des dons réalisés à l’échelon mondial, et ce à un moment crucial, c’est-à-dire quand nous en avions le plus besoin.

Nous considérons que cette attitude coopérative et pacifique, tournée vers le monde, est représentative de la volonté constante de Taïwan de participer aux organisations internationales en matière de santé, mais aussi à l’Organisation de l’aviation civile internationale, à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et à Interpol. Il nous semble évident que cette participation, qui est autorisée pour certaines entités non étatiques, serait éminemment profitable aux différentes organisations. Nous nous prononçons donc en faveur de la présente proposition de résolution.

Nous comprenons que cette perception est aussi celle qui sous-tend la position française à l’égard de Taïwan, comme l’a rappelé à plusieurs reprises le ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Nous sommes donc confiants dans l’accueil qui sera réservé à cette proposition de résolution et dans les démarches que la France poursuivra en ce sens, en amont de la soixante-quatorzième réunion de l’Assemblée mondiale de la santé qui se déroulera à partir du 24 mai. Nous resterons bien entendu vigilants sur ce point.

Toutefois, nous sommes tous conscients ici que ce sujet ne peut être débattu sans que nous abordions la question de l’attitude française vis-à-vis de la Chine et sans que nous nous interrogions sur la manière dont nous souhaitons la voir évoluer.

Le soutien français à l’association de Taïwan aux instances internationales, bien qu’il n’ait pas pour objectif de reconnaître un statut d’État à ce pays ou de remettre en cause le principe d’une seule Chine, ne sera pas sans conséquences sur nos relations avec Pékin, comme l’atteste la récente réaction de l’ambassade de Chine à un projet de voyage de sénateurs français à Taïwan.

Aujourd’hui, pourtant, l’objectif de préserver à tout prix une entente avec un régime qui, selon les termes employés par notre ministre des affaires étrangères fin février, exerce un « système de répression institutionnalisé » sur le peuple ouïghour, ne peut plus être défendu.

Alors, pour sauvegarder l’approche multilatérale et les valeurs démocratiques et humaines qui sont au fondement de notre politique étrangère, quel poids devons-nous accorder aux exigences de Pékin ?

Aujourd’hui, le refus de transiger sur nos propres exigences n’est plus une proposition idéaliste, mais une nécessité reconnue comme telle par l’Union européenne qui, après de premières sanctions, a annoncé avant-hier la suspension de la ratification de l’accord d’investissement avec la Chine.

C’est aussi un devoir pour la France, aux côtés d’une administration Biden qui fait preuve de fermeté à l’égard de la Chine et de la Russie, de replacer les droits humains et les valeurs démocratiques au cœur de son action diplomatique.

Après une présidence Trump tendue et conflictuelle, la responsabilité de notre pays est de s’associer à cette entreprise de reconstruction d’une culture démocratique internationale.

Pour toutes ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires soutiendra cette proposition de résolution.

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