Intervention de Olivier Cadic

Réunion du 6 mai 2021 à 14h30
Association de taïwan aux travaux de plusieurs organisations internationales — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Olivier CadicOlivier Cadic :

Madame la présidente, mes chers collègues, le 1er janvier 2020, à Wuhan, en Chine, le docteur Li Wenliang de l’hôpital central était incarcéré avec sept de ses collègues. Deux jours plus tôt, il avait lancé l’alerte sur le fait que sept personnes travaillant sur le marché aux animaux de la ville avaient contracté un virus proche du SRAS. Le docteur Li Wenliang a été contraint de reconnaître qu’il perturbait l’ordre social. Le 7 février 2020, il comptera parmi les premiers morts du covid.

Fort de son expérience du SRAS en 2003, Taïwan a su anticiper l’épidémie.

Dès le 31 décembre 2019, elle alertait l’OMS sur la possibilité d’une transmission interhumaine du virus apparu à Wuhan. Elle n’a pas été entendue.

Il faudra attendre le 20 janvier 2020 pour que Pékin se résigne à reconnaître que le virus était transmissible entre humains, date à laquelle l’OMS a qualifié la situation « d’urgence de santé publique de portée internationale ».

Nous savons aujourd’hui que ces trois semaines perdues en janvier ont eu des conséquences tragiques pour la planète.

La mise à l’écart de Taïwan des réflexions et actions conduites par l’OMS nuit aux intérêts de la communauté internationale. C’est précisément ce qui apparaît dans l’exposé des motifs de la proposition de résolution que nous présentent aujourd’hui nos collègues Alain Richard et Joël Guerriau, que je remercie chaleureusement.

Le 20 février 2020, je déposais une question écrite interrogeant notre gouvernement sur les initiatives qu’il pourrait prendre afin d’intégrer Taïwan dans les discussions internationales sur le nouveau coronavirus. Des milliers de Français vivent à Taïwan ; je voulais éviter que ces compatriotes se retrouvent en dehors de la protection de l’OMS.

Ce 20 février, le monde dénombrait alors 2 012 morts du covid, dont 2 008 en Chine, un à Hong Kong, un à Taïwan et un en France. Un mois plus tard, le 31 mars 2020, avec quatre-vingt-quatre parlementaires, nous cosignions une tribune appelant à l’intégration de Taïwan au sein de l’OMS, sur l’initiative de notre collègue André Gattolin.

L’épidémie s’est répandue sur la planète, rebondit avec ses variants – britannique, brésilien, maintenant indien. Les ravages se poursuivent.

Le 20 février 2020, Taïwan comptait vingt-trois cas de covid et, je vous l’ai dit, un seul décès. À ce jour, l’île totalise 1 121 cas confirmés et seulement douze décès, pour 23 millions d’habitants.

Taïwan est le territoire qui compte le moins de cas et de décès recensés dans le monde.

Dès l’origine de l’épidémie, l’industrie taïwanaise a produit 13 millions de masques par jour. Résultat : pas de confinement et une vie sociale, scolaire et économique qui se poursuit normalement, mais sous précautions.

En juin 2020, en réponse à ma question écrite posée quatre mois plus tôt, Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, m’indiquait qu’il souhaitait que Taïwan puisse être associée aux travaux de l’Organisation mondiale de la santé afin d’éviter de créer un vide sanitaire. Force est de constater que, depuis, rien n’a changé. Taïwan ne sera même pas conviée en tant que membre observateur de la prochaine assemblée générale de l’OMS et se trouve au ban de nombreuses organisations internationales.

Voilà pourquoi il nous est apparu, au sein du groupe d’échanges et d’études avec Taïwan, présidé par notre collègue Alain Richard, que l’heure était venue de déposer une proposition de résolution en faveur de l’association de Taïwan aux travaux de plusieurs organisations internationales. En effet, l’île est également exclue d’Interpol, ce qui crée des brèches considérables à l’heure où elle fait partie intégrante de la mondialisation et joue un rôle majeur dans la lutte contre les criminalités transnationales.

Taïwan n’est également plus en mesure de participer à l’OACI, alors qu’elle en a été membre fondateur et qu’elle occupe une position clé pour le transport et le contrôle aériens en mer de Chine.

En matière d’environnement, enfin, Taïwan ne peut pas participer aux réunions de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, et ce bien que la société taïwanaise soit à la pointe de la lutte contre le réchauffement climatique.

Tous ceux qui nous écoutent doivent s’interroger : pourquoi Taïwan ne fait naturellement pas partie de l’OMS, d’Interpol, de l’OACI et de tant d’autres instances de coopération internationale ? Comment en sommes-nous arrivés là ? La réponse se trouve de l’autre côté du détroit : la dictature du parti communiste chinois n’aime pas le régime démocratique en place à Taïwan.

Malgré l’animosité entretenue par le régime communiste de Pékin, la société taïwanaise s’est émancipée dans le progrès, la liberté d’expression et les valeurs démocratiques occidentales. L’évolution de la société taïwanaise, affranchie et connectée, avec un pouvoir d’achat équivalent aux régions les plus développées du monde, ne peut être compatible avec les pratiques du régime totalitaire chinois, dont le « système de répression institutionnalisé » à l’encontre des musulmans ouïghours dans la région du Xinjiang révolte le monde.

Comme nous, les Taïwanais observent avec effroi l’emprise du régime de Pékin sur tout le peuple chinois : un contrôle de masse, un contrôle de chaque instant que les nouvelles technologies permettent de perfectionner à l’infini, au point de vous retirer toute intimité.

Le pourcentage d’individus se définissant comme taïwanais est passé de 17, 6 % en 1992 à 67 % en 2020, avec une progression de 10 % l’an passé.

En octobre 1989, à l’occasion d’une visite en RDA, Mikhaïl Gorbatchev déclarait à son homologue est-allemand, ardent opposant aux réformes, « celui qui est en retard sur l’histoire est puni par la vie ». Quelques semaines plus tard, le mur de Berlin tombait. En clamant que Taïwan est une province intégrante de son pays, Xi Jinping est en retard sur l’histoire !

Taïwan, c’est un quart du PIB de la France. Avec 110 postes diplomatiques répartis dans 75 pays, c’est le trente et unième réseau diplomatique mondial, devançant des pays comme la Suède ou Israël. C’est la vingtième armée du monde, à niveau équivalent du Canada.

L’île est souveraine. Taïwan est indépendante de fait.

Certains diplomates soucieux de plaire à Pékin disent : « Moins on parlera de Taïwan, mieux cela vaudra. » Je pense tout le contraire. En effet, si, comme l’a indiqué mon collègue Joël Guerriau, la menace d’invasion militaire de la Chine fait titrer cette semaine à The Economist que c’est le lieu le plus dangereux de la Terre, il apparaît que l’île de Taïwan devient plus importante pour l’équilibre du monde que ne l’était Berlin-Ouest pendant la guerre froide.

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