Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’inquiétude va grandissante quant à la manière dont la diplomatie chinoise développe son influence dans le système onusien, notamment au détriment de Taïwan. La proposition de résolution qui nous est soumise cet après-midi est donc la bienvenue.
Je souhaite profiter de ce débat pour élargir mon propos à la problématique de Taïwan sur la scène internationale.
Après de longues années de bienveillance au nom d’un prétendu « partenariat stratégique », la diplomatie européenne commence à ouvrir les yeux sur la réalité chinoise. La crise du covid, bien sûr, mais aussi la répression de Hong Kong et des Ouïghours ont accéléré ce réveil de l’Europe. Alors qu’elle était restée jusqu’alors très mesurée dans ses réponses aux provocations chinoises, elle commence enfin à hausser le ton. Sa nouvelle stratégie sur la zone indopacifique et ses nouveaux projets de coopération avec l’Inde et l’Australie vont dans le bon sens, celui d’une lucidité sur la réalité chinoise. Je salue donc à mon tour la suspension par la Commission européenne, voilà deux jours, des négociations en cours sur l’accord d’investissement global entre l’Union européenne et la Chine.
Alors que la Chine remet en cause les intérêts économiques européens et qu’elle n’hésite pas à poursuivre son travail de proximité avec certains pays d’Europe centrale et orientale pour essayer de les détacher de la solidarité européenne, la prudence concernant Taïwan n’est plus de mise.
Aujourd’hui, Pékin s’éloigne manifestement d’une résolution pacifique, et le Président Xi se montre de plus en plus menaçant. À cet égard, l’omission des termes « réunification pacifique » dans le discours de mai 2020 du Premier ministre chinois à l’Assemblée nationale populaire ne fut pas accidentelle.
Outre ses déclarations agressives, la Chine multiplie les manœuvres militaires, maritimes notamment, et l’armée chinoise pratique l’escalade, aussi bien par l’ampleur et la fréquence de ses manœuvres qu’en termes d’incursion spatiale en mer de Chine méridionale. Cela ne signifie pas que la guerre sera déclenchée demain, mais une chose est sûre : la Chine se comporte comme si elle s’y préparait.
La puissance navale chinoise augmente, celle des États-Unis diminue. C’est la première fois depuis la chute de l’Union soviétique qu’une grande puissance est en mesure de rivaliser avec l’US Navy. Certes, les États-Unis ont commencé à réagir avec un plan de réarmement naval massif, mais, dans les simulations opérationnelles, ils semblent avoir de plus en plus de mal à pouvoir s’opposer militairement à une opération chinoise contre Taïwan.
De façon plus générale, et avec tous ses défauts, l’horrible Donald Trump a eu au moins un mérite : il a ouvert les yeux de l’Amérique, et les nôtres aussi, sur la réalité de la menace chinoise, menace économique et commerciale, bien sûr, mais aussi diplomatique et de plus en plus militaire.
Je reprendrai le parallèle de notre collègue Cadic, en comparant Taïwan des années 2000 à Berlin des années 1950. Pendant la guerre froide, Berlin avait une signification symbolique forte, mais ce n’était qu’un symbole ; en plus de sa portée symbolique, Taïwan a une véritable valeur économique et stratégique.
L’Europe doit donc modifier sa politique en exigeant que les relations entre les deux rives de la mer de Chine respectent le droit à l’existence de Taïwan. Nous devons clairement signifier à la Chine qu’elle encourrait de graves risques si elle s’orientait vers le recours à la force.
Face à la Chine, mes chers collègues, la naïveté n’est donc plus permise, et, nous le savons tous, la pusillanimité ne mène à rien, sauf à l’impuissance.
Soyons lucides : la Chine est un régime fort, qui ne respecte que la force et qui ne croit qu’aux rapports de force. Face à de tels régimes, on sait d’expérience, hélas, où conduit l’esprit munichois. Quand on croit éviter la guerre au prix du déshonneur, on finit toujours par avoir et la guerre et le déshonneur.