Intervention de Jean-François Longeot

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 5 mai 2021 à 9h35
Bilan annuel de l'application des lois — Communications

Photo de Jean-François LongeotJean-François Longeot, président :

Mes chers collègues, chaque année au printemps, les commissions permanentes sont appelées à dresser le bilan de l'application des lois qu'elles ont été chargées d'examiner au fond au cours des sessions précédentes. On constate que de manière paradoxale, le Gouvernement dernier impose souvent au Parlement un calendrier très resserré et des cadences exigeantes pour l'examen de ces textes, alors qu'il est beaucoup moins prompt lorsqu'il s'agit d'appliquer ces mêmes législations.

Le bilan qui vous est présenté aujourd'hui porte sur les lois adoptées au cours des dix dernières années jusqu'au 30 septembre 2020. Sont comptabilisées, dans ce panorama, les mesures d'application prises jusqu'au 31 mars dernier.

Chaque loi promulguée fait l'objet d'un suivi attentif par le rapporteur désigné pour son examen au fond, comme le prévoit désormais l'article 19 bis B du Règlement du Sénat. Vous vous en souvenez sans doute, nous avons procédé, au mois d'octobre dernier, au renouvellement des rapporteurs dans leurs fonctions, pour qu'ils puissent jouer pleinement leur rôle. Trois d'entre eux partageront donc leurs analyses sur les textes qu'ils sont chargés de suivre.

À titre liminaire, je souhaiterais attirer l'attention de la commission sur quelques éléments généraux.

Deux lois examinées au fond par notre commission sont entrées en vigueur au cours de l'année parlementaire 2019-2020 : la loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM) et la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (AGEC). Pour ces deux textes, au 1er avril 2021, une partie seulement des mesures attendues avaient été publiées : la LOM n'est applicable qu'à 61 % et la loi AGEC à 65 %, si l'on tient compte des mesures prévues par les articles déjà entrés en vigueur. Or ce défaut d'application pose évidemment problème, tel l'article 68 de la LOM, qui prévoit l'élaboration d'un schéma directeur de développement des infrastructures de recharges ouvertes au public pour les véhicules électriques et les véhicules hybrides rechargeables. Ces schémas, importants pour nos territoires, ne peuvent toujours pas être élaborés, faute de décret d'application définissant leur contenu.

S'agissant des textes plus anciens, parmi les vingt-trois lois adoptées au cours des dix dernières années relevant des domaines de compétence de la commission et prévoyant des mesures d'application, neuf nécessitaient encore une ou plusieurs mesures d'application au 1er avril 2021. À peine deux mesures d'application de ces lois ont été adoptées entre le 1er avril 2020 et le 31 mars 2021, faisant ainsi timidement progresser leur taux d'application. On ne peut que déplorer une telle lenteur dans la mise en oeuvre de textes de loi, parfois très anciens.

Certains textes datant de plus de six ans attendent encore des mesures d'application. C'est ainsi le cas de la loi relative à Voies navigables de France (VNF), qui date de 2012, mais aussi de la dernière loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière (Ddadue), examinée par notre commission en 2013, dont deux décrets d'application n'ont toujours pas été publiés à ce jour.

Les textes les plus récents ne sont pas non plus épargnés, notamment des textes emblématiques pour notre commission. Ainsi, seulement 11 des mesures d'application de la loi de 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité (OFB) ont été publiées, sur les 15 attendues. De la même manière, la loi de 2019 portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) attend elle aussi la publication de trois mesures d'application.

Parallèlement à ces retards regrettables de la part de l'exécutif, on observe que le recours aux ordonnances s'est considérablement accéléré ces dernières années, notamment depuis 2017. L'an dernier, notre commission avait pointé du doigt le défaut de ratification de nombreuses ordonnances publiées en application de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire. Un an après, si les projets de loi de ratification ont été déposés, ils n'ont pas pu être examinés par le législateur, puisque ces textes n'ont pas été inscrits à l'ordre du jour du Parlement. Or cette situation est source d'insécurité juridique, notamment en cas de contentieux, les dispositions en question conservant un caractère réglementaire.

Pire, le Gouvernement ne parvient même plus à publier dans des délais raisonnables les ordonnances pour lesquelles il a lui-même demandé une habilitation. L'exemple de la LOM est particulièrement significatif : sur les 31 habilitations votées dans le texte, 14 seulement avaient donné lieu à la publication d'ordonnances au 31 mars 2021. S'il est vrai que, depuis lors, plusieurs d'entre elles ont été prises, on peut toutefois noter le renoncement du Gouvernement à certaines habilitations, compte tenu de délais dépassés. Cela illustre bien la tendance à un recours excessif à l'article 38 de la Constitution, régulièrement dénoncé -- à juste titre -- par le Sénat.

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