Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

Réunion du 5 mai 2021 à 9h35

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Mes chers collègues, chaque année au printemps, les commissions permanentes sont appelées à dresser le bilan de l'application des lois qu'elles ont été chargées d'examiner au fond au cours des sessions précédentes. On constate que de manière paradoxale, le Gouvernement dernier impose souvent au Parlement un calendrier très resserré et des cadences exigeantes pour l'examen de ces textes, alors qu'il est beaucoup moins prompt lorsqu'il s'agit d'appliquer ces mêmes législations.

Le bilan qui vous est présenté aujourd'hui porte sur les lois adoptées au cours des dix dernières années jusqu'au 30 septembre 2020. Sont comptabilisées, dans ce panorama, les mesures d'application prises jusqu'au 31 mars dernier.

Chaque loi promulguée fait l'objet d'un suivi attentif par le rapporteur désigné pour son examen au fond, comme le prévoit désormais l'article 19 bis B du Règlement du Sénat. Vous vous en souvenez sans doute, nous avons procédé, au mois d'octobre dernier, au renouvellement des rapporteurs dans leurs fonctions, pour qu'ils puissent jouer pleinement leur rôle. Trois d'entre eux partageront donc leurs analyses sur les textes qu'ils sont chargés de suivre.

À titre liminaire, je souhaiterais attirer l'attention de la commission sur quelques éléments généraux.

Deux lois examinées au fond par notre commission sont entrées en vigueur au cours de l'année parlementaire 2019-2020 : la loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM) et la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (AGEC). Pour ces deux textes, au 1er avril 2021, une partie seulement des mesures attendues avaient été publiées : la LOM n'est applicable qu'à 61 % et la loi AGEC à 65 %, si l'on tient compte des mesures prévues par les articles déjà entrés en vigueur. Or ce défaut d'application pose évidemment problème, tel l'article 68 de la LOM, qui prévoit l'élaboration d'un schéma directeur de développement des infrastructures de recharges ouvertes au public pour les véhicules électriques et les véhicules hybrides rechargeables. Ces schémas, importants pour nos territoires, ne peuvent toujours pas être élaborés, faute de décret d'application définissant leur contenu.

S'agissant des textes plus anciens, parmi les vingt-trois lois adoptées au cours des dix dernières années relevant des domaines de compétence de la commission et prévoyant des mesures d'application, neuf nécessitaient encore une ou plusieurs mesures d'application au 1er avril 2021. À peine deux mesures d'application de ces lois ont été adoptées entre le 1er avril 2020 et le 31 mars 2021, faisant ainsi timidement progresser leur taux d'application. On ne peut que déplorer une telle lenteur dans la mise en oeuvre de textes de loi, parfois très anciens.

Certains textes datant de plus de six ans attendent encore des mesures d'application. C'est ainsi le cas de la loi relative à Voies navigables de France (VNF), qui date de 2012, mais aussi de la dernière loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière (Ddadue), examinée par notre commission en 2013, dont deux décrets d'application n'ont toujours pas été publiés à ce jour.

Les textes les plus récents ne sont pas non plus épargnés, notamment des textes emblématiques pour notre commission. Ainsi, seulement 11 des mesures d'application de la loi de 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité (OFB) ont été publiées, sur les 15 attendues. De la même manière, la loi de 2019 portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) attend elle aussi la publication de trois mesures d'application.

Parallèlement à ces retards regrettables de la part de l'exécutif, on observe que le recours aux ordonnances s'est considérablement accéléré ces dernières années, notamment depuis 2017. L'an dernier, notre commission avait pointé du doigt le défaut de ratification de nombreuses ordonnances publiées en application de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire. Un an après, si les projets de loi de ratification ont été déposés, ils n'ont pas pu être examinés par le législateur, puisque ces textes n'ont pas été inscrits à l'ordre du jour du Parlement. Or cette situation est source d'insécurité juridique, notamment en cas de contentieux, les dispositions en question conservant un caractère réglementaire.

Pire, le Gouvernement ne parvient même plus à publier dans des délais raisonnables les ordonnances pour lesquelles il a lui-même demandé une habilitation. L'exemple de la LOM est particulièrement significatif : sur les 31 habilitations votées dans le texte, 14 seulement avaient donné lieu à la publication d'ordonnances au 31 mars 2021. S'il est vrai que, depuis lors, plusieurs d'entre elles ont été prises, on peut toutefois noter le renoncement du Gouvernement à certaines habilitations, compte tenu de délais dépassés. Cela illustre bien la tendance à un recours excessif à l'article 38 de la Constitution, régulièrement dénoncé -- à juste titre -- par le Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis-Jean de Nicolay

Je vous présenterai, pour ma part, l'application de la loi du 22 juillet 2019 portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires, qui a été officiellement créée le 1er janvier 2020.

Sur le plan statistique, la situation n'a pas évolué depuis l'an dernier : il manque environ 25 % des mesures d'application prévues par la loi.

À l'article 2, une convention doit être formalisée entre le ministre chargé de l'aménagement du territoire et le ministre chargé des communications électroniques et du numérique pour définir les mesures et moyens permettant l'exercice par l'ANCT des missions anciennement assurées par l'Agence du numérique, service à compétence nationale dissous au 1er janvier 2020. Cette convention, en cours de rédaction avec la direction générale des entreprises (DGE), devrait être présentée d'ici au mois de juin prochain au conseil d'administration de l'ANCT. Sa publication devrait intervenir à l'été 2021. Il est important qu'elle soit prise rapidement, car la Cour des comptes a formulé plusieurs recommandations pour garantir une bonne reprise des missions de l'Agence du numérique par l'ANCT dans son rapport public annuel de 2021.

À l'article 7, les conventions pluriannuelles liant l'ANCT et ses cinq opérateurs partenaires - l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et l'Agence de la transition écologique (Ademe) - et prévoyant les conditions de leur participation financière aux missions de l'ANCT n'ont pas encore été transmises au Parlement par la voie officielle du Secrétariat général du Gouvernement, selon la procédure prévue par la commission de l'aménagement du territoire lors de l'examen du texte. Ces conventions sont déterminantes pour assurer le bon fonctionnement de l'agence et éviter qu'elle ne devienne un « arbre de plus » dans la forêt des opérateurs de l'État. Les cinq conventions prévues par la loi ont été validées au conseil d'administration de l'ANCT du 17 juin 2020. Leur signature officielle prévue en novembre dernier a été repoussée et serait en cours.

Enfin, à l'article 11, un décret manque pour déterminer les catégories de personnes pouvant entrer dans la réserve citoyenne pour la cohésion des territoires, la durée et les clauses du contrat d'engagement. Cette disposition, introduite par les députés, semble a priori difficile à mettre en oeuvre. La direction générale des collectivités locales (DGCL) a indiqué que plusieurs projets de décrets avaient été préparés depuis un an et que les travaux devraient aboutir d'ici à l'été 2021.

Au-delà de ces éléments statistiques, permettez-moi de dire un mot sur la mise en place de l'agence, rendue difficile par la crise sanitaire. Depuis l'automne 2020, on peut considérer que l'ANCT est pleinement opérationnelle, même si elle doit encore poursuivre sa montée en puissance et démontrer son efficacité sur le terrain.

L'ANCT est au coeur de plusieurs dispositifs importants en cours de déploiement : la mise en oeuvre de l'agenda rural du Gouvernement, présenté le 20 septembre 2019 après la remise du rapport de la mission Ruralités, et dont les mesures sont suivies dans le cadre du comité interministériel aux ruralités ; la mise en oeuvre du plan de relance, dont l'agence assure la conduite de certaines actions par exemple s'agissant de l'identification et du diagnostic de l'état des ouvrages d'art des collectivités territoriales ou encore de la rénovation énergétique des bâtiments qui leur appartiennent mais aussi s'agissant du déploiement de programmes territorialisés comme Petites Villes de demain et Territoires d'industrie, etc., dont les enveloppes financières ont été renforcées avec le plan de relance.

Le succès de l'ANCT reposera donc sur sa capacité à répondre aux besoins des collectivités territoriales de façon efficace et en proximité.

Dans cette perspective, le Sénat avait marqué plusieurs priorités pour l'action de l'agence, qu'il convient de rappeler. D'abord, la nécessité pour l'ANCT d'apporter une offre d'ingénierie aux collectivités territoriales pour la définition et la mise en oeuvre de leurs projets locaux ; ensuite l'importance de la coordination des actions de l'ANCT avec celles de ses opérateurs partenaires, formalisée dans le cadre des conventions pluriannuelles prévues par l'article 7 de la loi du 22 juillet 2019 ; enfin, la nécessité de s'appuyer sur un dialogue constant avec les élus dans le cadre des comités locaux de cohésion territoriale prévus à l'article L. 1232-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT). D'après les informations qui m'ont été communiquées, 87 comités ont été mis en place et 8 ne l'ont pas été à ce jour (Allier, Ariège, Bouches-du-Rhône, Corse-du-Sud, Haute-Corse, Loire, Haute-Loire, Haut-Rhin).

Le Sénat a attiré l'attention du Gouvernement sur ces enjeux d'une part, à l'occasion de la publication du rapport d'information intitulé Les collectivités et l'ANCT au défi de l'ingénierie dans les territoires, fait par nos collègues Josiane Costes et Charles Guéné au nom de la délégation aux collectivités territoriales et publié le 2 juillet 2020 et, d'autre part, lors d'un débat en séance, organisé à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen le 18 novembre 2020, sur la mise en place de l'ANCT.

Pour notre part, au sein de la commission, le cycle d'auditions lancé sur les perspectives de la politique d'aménagement du territoire, avec nos quatre référents Patricia Demas, Christine Herzog, Bruno Rojouan et Martine Filleul, que je salue, permettra également à terme d'évaluer l'action de l'agence.

Le projet de loi 4D - différenciation, décentralisation, déconcentration et décomplexification - qui devrait être examiné au Sénat en juillet prochain pourrait également permettre de compléter les dispositions relatives à l'ANCT et au Cerema si cela s'avérait utile, le cas échéant.

En résumé, la loi est presque entièrement applicable, mais l'ANCT doit encore s'emparer de l'ensemble des outils à sa disposition, réglementaires, législatifs et financiers, pour démontrer véritablement son efficacité.

Debut de section - PermalienPhoto de Marta de Cidrac

La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (AGEC) doit beaucoup à l'implication et au travail de notre commission, qui avait largement complété le texte initial. Gaspillages alimentaire et non alimentaire, lutte contre le suremballage et les dépôts sauvages, amélioration de l'information du consommateur, création d'un fonds de réemploi et d'un fonds de réparation, réduction de la production des plastiques à usage unique, exemplarité de l'État en matière d'économie circulaire : autant d'apports du Sénat qui avaient été conservés durant la navette parlementaire et figurent dans le texte définitif.

L'implication du Sénat dans l'élaboration d'un texte auquel il a très largement contribué exige donc un suivi particulièrement attentif et vigilant de l'application de la loi AGEC, afin que l'ambition du législateur soit pleinement et fidèlement retranscrite par le pouvoir réglementaire. C'est le sens du travail que je mène en tant que rapporteure du texte et dont je vous présente ce matin un rapide compte rendu.

Plus d'un an après la promulgation de ce texte important, où en sommes-nous de son application ?

Quelque 85 des 130 articles de la loi AGEC prévoient des renvois à des mesures d'application. Le texte comprend, par ailleurs, 8 demandes de rapport. À ce jour, 39 mesures d'application ont été prises, dont 5 mesures non prévues. Quelque 17 mesures d'application de dispositions législatives déjà entrées en vigueur et 7 rapports sont encore attendus. À date, le taux d'application de la loi AGEC est ainsi de 65 %.

Le ministère de la transition écologique s'était pourtant engagé, à l'occasion de la réunion du comité interministériel de l'application des lois qui s'est tenue en septembre 2020, à publier l'ensemble des décrets avant la fin de l'année 2020 s'agissant des mesures déjà actives ou qui devaient l'être prochainement. Force est de constater que cet engagement n'a pas été tenu.

Le Gouvernement justifie ce retard par diverses considérations liées à la crise sanitaire : gestion de la crise, agents touchés par la Covid-19 ou moins disponibles du fait du confinement, moindre disponibilité des parties prenantes nécessitant d'allonger les concertations, nécessités de prendre en compte les conséquences de la crise sanitaire sur les personnes concernées par les mesures d'application ou encore gel des consultations publiques. Ces considérations, aussi légitimes soient-elles, ne peuvent cependant excuser un tel retard. Le Gouvernement doit maintenant publier, le plus rapidement possible, l'ensemble des mesures d'application pour les dispositions législatives déjà actives, ce qu'il s'est engagé à faire, avant la fin de l'année 2021.

34 mesures d'application de dispositions législatives avec entrées en vigueur différées doivent encore être publiées. Au total, le taux d'application de la loi AGEC s'élève ainsi à 40 %. Le Gouvernement s'est engagé à prendre, d'ici à la fin de l'année, les mesures d'application restantes pour les dispositions législatives avec entrée en vigueur différée au 1er juillet 2021 et au 1er janvier 2022.

Au-delà de ce bilan d'application en demi-teinte, permettez-moi d'attirer votre attention sur quelques mesures d'application importantes.

Tout d'abord, je constate que de nombreuses dispositions que nous avions ajoutées au texte sont aujourd'hui applicables. C'est notamment le cas du titre relatif aux dépôts sauvages, apport majeur de notre commission, pour lequel l'ensemble des mesures d'application ont été prises. La loi doit ainsi permettre de renforcer les pouvoirs et les moyens des collectivités territoriales en la matière. Le décret permettant la prise en charge des coûts de nettoyage des dépôts sauvages par les éco-organismes a également été publié ; cela représentait une attente forte des élus locaux.

Autre motif de satisfaction, l'essentiel des mesures d'application relatives à la réforme des filières de responsabilité élargie du producteur (REP) est aujourd'hui entré en vigueur. Je pense notamment au fonds de réemploi et au fonds de réparation, introduits dans le texte à notre initiative, qui pourront être déployés dès 2022. Le décret prévoit ainsi, entre autres, que le fonds de réparation devra être abondé par les éco-organismes de plusieurs filières REP à hauteur d'au moins 20 % des coûts estimés de la réparation des produits relevant de leur agrément et qui sont détenus par les consommateurs. Il permettra ainsi de financer la réparation de biens de consommation du quotidien auprès de réparateurs labellisés. Voilà une mesure qui bénéficiera très directement et concrètement à nos concitoyens.

À côté de ces motifs de satisfaction, j'aimerais évoquer une mesure d'application plus problématique à mes yeux. Il s'agit d'un décret d'application de l'article 35, visant à lutter contre le gaspillage non alimentaire. Cet article prévoit que des conventions définissent les conditions dans lesquelles les donateurs de biens invendus non alimentaires contribuent aux frais de stockage des structures bénéficiaires. Or le décret d'application ne prévoit pas l'obligation, pour l'entreprise donatrice, de contribuer aux frais de stockage des produits donnés. Le décret, à tout le moins contraire à l'esprit de la loi AGEC, est ainsi susceptible d'accroître le refus de don et d'augmenter en conséquence la part de recyclage des invendus au détriment de leur réemploi. Un recours gracieux a été formulé par plusieurs associations auprès du Premier ministre ; espérons qu'une suite favorable soit donnée à cette demande.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mandelli

Je vous présenterai, pour ma part, un bilan de l'application des deux lois importantes de ce quinquennat en matière de transports : la loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire et la loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités.

S'agissant de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire, près de trois ans après son entrée en vigueur, elle est désormais applicable à 100 %. Les dernières mesures d'application attendues, à savoir deux décrets en Conseil d'État, ont été adoptées depuis le 31 mars 2020, date du précédent bilan d'application de cette loi, parmi lesquelles le décret prévu à l'article 14 pour fixer les modalités de mise en oeuvre de la possibilité d'attribution directe, par les autorités organisatrices, de leurs contrats de service public de transport ferroviaire de voyageurs.

Malgré l'achèvement du cadre d'application de la loi, force est de constater que l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire national de voyageurs, principal objet du nouveau pacte ferroviaire, peine à se concrétiser. En témoigne notamment la décision de l'État de déclarer sans suite la procédure d'ouverture à la concurrence des deux lignes de trains d'équilibre du territoire (TET).

Il n'en demeure pas moins que certaines régions -- je pense notamment à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, aux Hauts-de-France et aux Pays de la Loire -- ont engagé la procédure en lançant un avis de pré-information.

Dans l'ensemble, les opérateurs de transport ferroviaire sont considérablement affectés par la crise sanitaire, sans compter que la question de l'avenir des comportements des usagers des transports et du modèle économique des transports collectifs, reste entière.

Dans ce contexte, il est impératif d'instaurer un climat de confiance et de donner de la visibilité à l'ensemble des acteurs du secteur.

Premièrement, il est regrettable que l'actualisation du contrat de performance entre l'État et SNCF Réseau n'ait toujours pas été publiée. Ce contrat est pourtant un document stratégique pour les opérateurs ferroviaires puisqu'il détermine notamment la trajectoire financière de SNCF Réseau et, dans ce cadre, les principes appliqués pour la détermination de la tarification de l'infrastructure et l'évolution prévisionnelle des redevances de l'utilisation de l'infrastructure. Le contrat 2017-2026 aurait dû, en application du code des transports, être actualisé en 2020. Interrogé sur la date de publication de ce document stratégique, le ministère de la transition écologique indique que la transmission du projet de contrat au Parlement est prévue pour l'automne 2021, soit avec un an et demi de retard.

Deuxièmement, il convient d'être particulièrement vigilant quant à l'utilisation des aides publiques au secteur ferroviaire, dans la perspective de l'ouverture à la concurrence, notamment en ce qui concerne les aides aux opérateurs de transport ferroviaire. À cet égard, l'Association française du rail (AFRA) a récemment fait part de ses inquiétudes quant au risque de distorsion de concurrence des aides publiques.

Troisièmement, je regrette, comme l'an dernier, qu'aucune des ordonnances publiées sur le fondement des habilitations prévues par la loi pour un nouveau pacte ferroviaire n'ait été ratifiée et qu'aucun des projets de loi de ratification n'ait été inscrit à l'ordre du jour.

Pour ce qui concerne la loi d'orientation des mobilités, adoptée il y a un an et demi, elle a réformé le cadre général des politiques de mobilités.

Lors du dernier bilan de l'application des lois, au 31 mars 2020, seules 3 mesures d'application avaient été publiées. Depuis lors, le Gouvernement a pris un certain nombre de mesures d'application, de telle sorte que, sur 123 mesures d'application attendues à ce jour, 75 d'entre elles ont été prises, portant ainsi le taux d'application de la loi à 61 % au 31 mars 2021. Plusieurs mesures, en particulier des ordonnances, ont été publiées depuis lors, notamment au mois d'avril. Notons tout de même que deux des habilitations prévues par le texte n'ont pas été utilisées par le Gouvernement et que leur délai d'habilitation a expiré. On se demande, parfois, à quoi sert notre travail.

Certaines mesures d'application particulièrement attendues ont été publiées lors de l'année écoulée, telles que le décret relatif au Conseil d'orientation des infrastructures, dont l'existence a été inscrite dans la loi à l'initiative de notre commission et qui sera amené à se prononcer sur les politiques d'investissement dans la mobilité et les transports, l'arrêté portant application du schéma national des véloroutes, dont notre commission a également la paternité, les différents décrets relatifs aux conditions d'application du forfait mobilités durables (FMD) dans les secteurs public et privé ou encore l'ordonnance relative aux classifications et aux rémunérations au sein de la branche ferroviaire -- une première habilitation avait été inscrite dans la loi pour un nouveau pacte ferroviaire et de nouveau dans la LOM.

Je me félicite également de la signature, la semaine dernière, du contrat d'objectifs et de moyens (COM) entre l'État et Voies navigables de France, également introduit à l'initiative de notre commission. Ce contrat fixe un cap à VNF pour les dix prochaines années en matière de performance, de qualité et de sécurité du réseau fluvial et repose sur une trajectoire d'investissements qui, si l'on ajoute les crédits prévus par le plan de relance, doit atteindre 220 millions d'euros par an en moyenne sur dix ans. Il s'agit là d'un signal particulièrement positif pour valoriser les fortes potentialités de la voie d'eau. Conformément à notre souhait, nous avons donc triplé les investissements qui se montaient, il y a encore peu de temps, à 60 millions d'euros.

Malgré tout, trop d'articles restent encore inapplicables, faute de mesures d'application.

Ainsi, la stratégie pour le développement du fret ferroviaire, prévue à l'article 178 de la LOM, qui devait être remise au Parlement au 1er janvier 2021, est toujours attendue. Alors que la part modale du fret ferroviaire de marchandises peine à dépasser les 9 % et afin de ne pas prendre davantage de retard par rapport à nos voisins européens, il est urgent de se donner les moyens de nos ambitions et de publier au plus vite cette stratégie.

Par ailleurs, je constate qu'une mesure qui revêt une importance particulière pour les gens de mer travaillant à bord des navires de pêche est toujours en attente d'application. L'article 135 de la LOM a habilité le Gouvernement à transposer dans le droit national une mesure issue de la réglementation européenne concernant l'obligation pour les armateurs de souscrire une garantie financière afin d'assurer les marins en cas de maladie, d'invalidité ou d'abandon. L'ordonnance prévue a bien été publiée en mai 2020, mais seule la garantie pour les navires autres que de pêche est aujourd'hui applicable. Celle qui concerne les navires de pêche est toujours lettre morte, faute de mesure d'application. Je rappelle qu'il s'agit d'une préoccupation ancienne déjà prévue par la loi du 16 juillet 2013 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable. Je ne peux qu'appeler le Gouvernement à mettre en oeuvre cette mesure qui permettrait une meilleure protection des marins travaillant à la pêche face aux risques et situations d'urgence qui peuvent survenir dans leur métier. En outre, seul un rapport a été remis au Parlement, sur les seize attendus.

Au-delà du retard de parution des mesures d'application, et pour vous livrer un bilan plus qualitatif de la mise en oeuvre concrète de la LOM, je souhaiterais partager avec vous certaines informations et interrogations.

S'agissant de la gouvernance en matière de mobilité, je vous rappelle la possibilité pour les communautés de communes de se voir transférer la compétence mobilités. Celles-ci pouvaient délibérer en ce sens jusqu'au 31 mars 2021. Pour votre information, je vous indique que, au 15 avril 2021, sur 918 communautés de communes non-autorités organisatrices de la mobilité (AOM), on dénombre 426 délibérations favorables pour la prise de compétence d'AOM, contre 256 délibérations défavorables. Pour celles qui ne se sont pas prononcées, la compétence sera mécaniquement transférée à la région, qui définira donc les bassins de mobilité.

Permettez-moi également de revenir sur la mise en place des premières zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m). La LOM a imposé leur création avant le 31 décembre 2020 dans 7 nouvelles agglomérations connaissant des dépassements chroniques des normes de qualité de l'air, en plus des quatre collectivités qui avaient déjà mis en oeuvre ce dispositif : métropole de Lyon, Grenoble-Alpes-Métropole, Ville de Paris et métropole du Grand Paris. Alors qu'il est question d'étendre les ZFE-m aux agglomérations de plus de 150 000 habitants et de prévoir des plans de restriction de circulation, je m'interroge sur le caractère opérationnel des dispositifs de contrôle automatisé prévu pour contrôler le respect des mesures édictées.

Enfin, la création du forfait mobilités durable a fait l'objet d'une évaluation dont les résultats ont été publiés très récemment. Ainsi, 20 % des 1 047 organisations ayant répondu avaient déployé ce forfait. Le plafond moyen choisi par les acteurs privés est de 400 euros -- à l'origine à 200 euros, nous l'avions doublé dans le cadre de la LOM. L'étude précise que 37 % des employeurs ayant déployé le FMD n'ont rencontré aucune difficulté, 23 % d'entre eux ont eu des difficultés liées à la collecte de preuves et 18 % ont eu un manque d'informations et de compréhension du sujet. Le ministère a d'ailleurs indiqué qu'il évaluerait l'opportunité de recourir à l'habilitation prévue à l'article 83 visant à définir les conditions de la prise en charge par l'employeur des frais de transport sur la base des résultats de ce baromètre.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Lahellec

Cet exercice de synthèse n'est pas simple à produire et je remercie mes collègues de l'avoir mené. S'agissant notamment de la LOM, les choses sont compliquées. Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ayant eu jusqu'au 31 mars pour se saisir de la compétence, il ne faut pas s'étonner du manque d'éléments précis au 15 avril.

Je viens d'un département qui est passé de 28 à 8 intercommunalités ; 5 d'entre elles disposent de la compétence transports-mobilités et seulement 3 peuvent l'exercer. Parmi les 3 intercommunalités qui ne sont pas communautés d'agglomération, 2 ont pris la compétence. C'est dire l'imbroglio que constitue cette loi confiant, in fine, aux régions la gestion des restes à réaliser, ce qui est le plus compliqué, le plus cher et le plus délicat. En outre, il n'existe pas de ressource dynamique pour relever le défi.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Favreau

Il serait intéressant de faire le bilan d'application de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) et de se pencher sur la façon dont les transferts de compétences ont été opérés. Alors que le département devrait être la collectivité logique de rattachement de ces compétences, on a préféré transférer de nombreuses compétences aux régions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Notre commission n'a pas fait le bilan d'application de la loi NOTRe qui revient à la commission des lois qui était saisie du texte au fond et suit attentivement son application. Je vous renvoie à cet égard vers l'analyse de la cette commission sur ce point.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mandelli

Pour répondre à Gérard Lahellec sur la question de la prise de compétence des intercommunalités, je rappelle que la LOM a échoué en commission mixte paritaire (CMP) pour l'unique raison du financement des intercommunalités, notamment dans les zones peu denses. Nous avions prévu un versement mobilité à taux minoré pour ces zones pour leur permettre, notamment aux plus petites ne disposant pas de ressources, de financer, par un taux de 0,3 %, les questions de mobilité. Il faudra donc vérifier si celles qui n'ont pas pris les compétences l'ont fait pour des raisons financières ou pour des raisons de moyens techniques et humains.

Par ailleurs, certaines régions ont été beaucoup plus proactives que d'autres, comme la région Pays de la Loire qui a fait en sorte que ses intercommunalités puissent prendre les bonnes décisions dans les meilleures conditions. En somme, s'il n'y a pas de financement et si la région ne s'est pas investie, il ne se passera pas grand-chose. Je rappelle que l'objectif initial de la loi était l'absence de zone blanche de mobilité. Ce serait donc la double peine pour les intercommunalités n'ayant pas pris la compétence tout en étant dans une région peu volontaire en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Je souhaiterais aborder les modalités d'examen du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine des transports, de l'environnement, de l'économie et des finances.

Comme vous le savez, ce texte a été déposé le 14 avril dernier par le Gouvernement avec engagement de la procédure accélérée, et envoyé au fond à notre commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Ainsi, il nous reviendra d'examiner en commission le 12 mai prochain les articles 1er à 27 et 29 à 32 qui composent les chapitres I, II et IV du texte qui doit être examiné en séance publique la semaine suivante.

En accord de notre collègue Cyril Pellevat, désigné par notre commission en qualité de rapporteur, je vous propose de déléguer au fond l'examen de certains articles dont les sujets relèvent du champ de compétence d'autres commissions :

-- l'article 28 relatif aux minerais de conflit pour assurer la transposition du règlement 2017/821 du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2017, entré en application le 1er janvier 2021. Je vous propose, compte tenu de la nature du sujet concerné, de confier l'examen de cet article à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ;

-- les articles 33 à 42 qui composent le chapitre V ayant pour objet de transposer une série de textes communautaires en matière économique et financière et qui modifie le code de commerce, le code des assurances ou encore le code monétaire et financier. Il semble donc logique de déléguer l'expertise de ces dispositions à la commission des finances.