Intervention de Marta de Cidrac

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 5 mai 2021 à 9h35
Bilan annuel de l'application des lois — Communications

Photo de Marta de CidracMarta de Cidrac, rapporteure :

La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (AGEC) doit beaucoup à l'implication et au travail de notre commission, qui avait largement complété le texte initial. Gaspillages alimentaire et non alimentaire, lutte contre le suremballage et les dépôts sauvages, amélioration de l'information du consommateur, création d'un fonds de réemploi et d'un fonds de réparation, réduction de la production des plastiques à usage unique, exemplarité de l'État en matière d'économie circulaire : autant d'apports du Sénat qui avaient été conservés durant la navette parlementaire et figurent dans le texte définitif.

L'implication du Sénat dans l'élaboration d'un texte auquel il a très largement contribué exige donc un suivi particulièrement attentif et vigilant de l'application de la loi AGEC, afin que l'ambition du législateur soit pleinement et fidèlement retranscrite par le pouvoir réglementaire. C'est le sens du travail que je mène en tant que rapporteure du texte et dont je vous présente ce matin un rapide compte rendu.

Plus d'un an après la promulgation de ce texte important, où en sommes-nous de son application ?

Quelque 85 des 130 articles de la loi AGEC prévoient des renvois à des mesures d'application. Le texte comprend, par ailleurs, 8 demandes de rapport. À ce jour, 39 mesures d'application ont été prises, dont 5 mesures non prévues. Quelque 17 mesures d'application de dispositions législatives déjà entrées en vigueur et 7 rapports sont encore attendus. À date, le taux d'application de la loi AGEC est ainsi de 65 %.

Le ministère de la transition écologique s'était pourtant engagé, à l'occasion de la réunion du comité interministériel de l'application des lois qui s'est tenue en septembre 2020, à publier l'ensemble des décrets avant la fin de l'année 2020 s'agissant des mesures déjà actives ou qui devaient l'être prochainement. Force est de constater que cet engagement n'a pas été tenu.

Le Gouvernement justifie ce retard par diverses considérations liées à la crise sanitaire : gestion de la crise, agents touchés par la Covid-19 ou moins disponibles du fait du confinement, moindre disponibilité des parties prenantes nécessitant d'allonger les concertations, nécessités de prendre en compte les conséquences de la crise sanitaire sur les personnes concernées par les mesures d'application ou encore gel des consultations publiques. Ces considérations, aussi légitimes soient-elles, ne peuvent cependant excuser un tel retard. Le Gouvernement doit maintenant publier, le plus rapidement possible, l'ensemble des mesures d'application pour les dispositions législatives déjà actives, ce qu'il s'est engagé à faire, avant la fin de l'année 2021.

34 mesures d'application de dispositions législatives avec entrées en vigueur différées doivent encore être publiées. Au total, le taux d'application de la loi AGEC s'élève ainsi à 40 %. Le Gouvernement s'est engagé à prendre, d'ici à la fin de l'année, les mesures d'application restantes pour les dispositions législatives avec entrée en vigueur différée au 1er juillet 2021 et au 1er janvier 2022.

Au-delà de ce bilan d'application en demi-teinte, permettez-moi d'attirer votre attention sur quelques mesures d'application importantes.

Tout d'abord, je constate que de nombreuses dispositions que nous avions ajoutées au texte sont aujourd'hui applicables. C'est notamment le cas du titre relatif aux dépôts sauvages, apport majeur de notre commission, pour lequel l'ensemble des mesures d'application ont été prises. La loi doit ainsi permettre de renforcer les pouvoirs et les moyens des collectivités territoriales en la matière. Le décret permettant la prise en charge des coûts de nettoyage des dépôts sauvages par les éco-organismes a également été publié ; cela représentait une attente forte des élus locaux.

Autre motif de satisfaction, l'essentiel des mesures d'application relatives à la réforme des filières de responsabilité élargie du producteur (REP) est aujourd'hui entré en vigueur. Je pense notamment au fonds de réemploi et au fonds de réparation, introduits dans le texte à notre initiative, qui pourront être déployés dès 2022. Le décret prévoit ainsi, entre autres, que le fonds de réparation devra être abondé par les éco-organismes de plusieurs filières REP à hauteur d'au moins 20 % des coûts estimés de la réparation des produits relevant de leur agrément et qui sont détenus par les consommateurs. Il permettra ainsi de financer la réparation de biens de consommation du quotidien auprès de réparateurs labellisés. Voilà une mesure qui bénéficiera très directement et concrètement à nos concitoyens.

À côté de ces motifs de satisfaction, j'aimerais évoquer une mesure d'application plus problématique à mes yeux. Il s'agit d'un décret d'application de l'article 35, visant à lutter contre le gaspillage non alimentaire. Cet article prévoit que des conventions définissent les conditions dans lesquelles les donateurs de biens invendus non alimentaires contribuent aux frais de stockage des structures bénéficiaires. Or le décret d'application ne prévoit pas l'obligation, pour l'entreprise donatrice, de contribuer aux frais de stockage des produits donnés. Le décret, à tout le moins contraire à l'esprit de la loi AGEC, est ainsi susceptible d'accroître le refus de don et d'augmenter en conséquence la part de recyclage des invendus au détriment de leur réemploi. Un recours gracieux a été formulé par plusieurs associations auprès du Premier ministre ; espérons qu'une suite favorable soit donnée à cette demande.

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