Intervention de Didier Mandelli

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 5 mai 2021 à 9h35
Bilan annuel de l'application des lois — Communications

Photo de Didier MandelliDidier Mandelli, rapporteur :

Je vous présenterai, pour ma part, un bilan de l'application des deux lois importantes de ce quinquennat en matière de transports : la loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire et la loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités.

S'agissant de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire, près de trois ans après son entrée en vigueur, elle est désormais applicable à 100 %. Les dernières mesures d'application attendues, à savoir deux décrets en Conseil d'État, ont été adoptées depuis le 31 mars 2020, date du précédent bilan d'application de cette loi, parmi lesquelles le décret prévu à l'article 14 pour fixer les modalités de mise en oeuvre de la possibilité d'attribution directe, par les autorités organisatrices, de leurs contrats de service public de transport ferroviaire de voyageurs.

Malgré l'achèvement du cadre d'application de la loi, force est de constater que l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire national de voyageurs, principal objet du nouveau pacte ferroviaire, peine à se concrétiser. En témoigne notamment la décision de l'État de déclarer sans suite la procédure d'ouverture à la concurrence des deux lignes de trains d'équilibre du territoire (TET).

Il n'en demeure pas moins que certaines régions -- je pense notamment à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, aux Hauts-de-France et aux Pays de la Loire -- ont engagé la procédure en lançant un avis de pré-information.

Dans l'ensemble, les opérateurs de transport ferroviaire sont considérablement affectés par la crise sanitaire, sans compter que la question de l'avenir des comportements des usagers des transports et du modèle économique des transports collectifs, reste entière.

Dans ce contexte, il est impératif d'instaurer un climat de confiance et de donner de la visibilité à l'ensemble des acteurs du secteur.

Premièrement, il est regrettable que l'actualisation du contrat de performance entre l'État et SNCF Réseau n'ait toujours pas été publiée. Ce contrat est pourtant un document stratégique pour les opérateurs ferroviaires puisqu'il détermine notamment la trajectoire financière de SNCF Réseau et, dans ce cadre, les principes appliqués pour la détermination de la tarification de l'infrastructure et l'évolution prévisionnelle des redevances de l'utilisation de l'infrastructure. Le contrat 2017-2026 aurait dû, en application du code des transports, être actualisé en 2020. Interrogé sur la date de publication de ce document stratégique, le ministère de la transition écologique indique que la transmission du projet de contrat au Parlement est prévue pour l'automne 2021, soit avec un an et demi de retard.

Deuxièmement, il convient d'être particulièrement vigilant quant à l'utilisation des aides publiques au secteur ferroviaire, dans la perspective de l'ouverture à la concurrence, notamment en ce qui concerne les aides aux opérateurs de transport ferroviaire. À cet égard, l'Association française du rail (AFRA) a récemment fait part de ses inquiétudes quant au risque de distorsion de concurrence des aides publiques.

Troisièmement, je regrette, comme l'an dernier, qu'aucune des ordonnances publiées sur le fondement des habilitations prévues par la loi pour un nouveau pacte ferroviaire n'ait été ratifiée et qu'aucun des projets de loi de ratification n'ait été inscrit à l'ordre du jour.

Pour ce qui concerne la loi d'orientation des mobilités, adoptée il y a un an et demi, elle a réformé le cadre général des politiques de mobilités.

Lors du dernier bilan de l'application des lois, au 31 mars 2020, seules 3 mesures d'application avaient été publiées. Depuis lors, le Gouvernement a pris un certain nombre de mesures d'application, de telle sorte que, sur 123 mesures d'application attendues à ce jour, 75 d'entre elles ont été prises, portant ainsi le taux d'application de la loi à 61 % au 31 mars 2021. Plusieurs mesures, en particulier des ordonnances, ont été publiées depuis lors, notamment au mois d'avril. Notons tout de même que deux des habilitations prévues par le texte n'ont pas été utilisées par le Gouvernement et que leur délai d'habilitation a expiré. On se demande, parfois, à quoi sert notre travail.

Certaines mesures d'application particulièrement attendues ont été publiées lors de l'année écoulée, telles que le décret relatif au Conseil d'orientation des infrastructures, dont l'existence a été inscrite dans la loi à l'initiative de notre commission et qui sera amené à se prononcer sur les politiques d'investissement dans la mobilité et les transports, l'arrêté portant application du schéma national des véloroutes, dont notre commission a également la paternité, les différents décrets relatifs aux conditions d'application du forfait mobilités durables (FMD) dans les secteurs public et privé ou encore l'ordonnance relative aux classifications et aux rémunérations au sein de la branche ferroviaire -- une première habilitation avait été inscrite dans la loi pour un nouveau pacte ferroviaire et de nouveau dans la LOM.

Je me félicite également de la signature, la semaine dernière, du contrat d'objectifs et de moyens (COM) entre l'État et Voies navigables de France, également introduit à l'initiative de notre commission. Ce contrat fixe un cap à VNF pour les dix prochaines années en matière de performance, de qualité et de sécurité du réseau fluvial et repose sur une trajectoire d'investissements qui, si l'on ajoute les crédits prévus par le plan de relance, doit atteindre 220 millions d'euros par an en moyenne sur dix ans. Il s'agit là d'un signal particulièrement positif pour valoriser les fortes potentialités de la voie d'eau. Conformément à notre souhait, nous avons donc triplé les investissements qui se montaient, il y a encore peu de temps, à 60 millions d'euros.

Malgré tout, trop d'articles restent encore inapplicables, faute de mesures d'application.

Ainsi, la stratégie pour le développement du fret ferroviaire, prévue à l'article 178 de la LOM, qui devait être remise au Parlement au 1er janvier 2021, est toujours attendue. Alors que la part modale du fret ferroviaire de marchandises peine à dépasser les 9 % et afin de ne pas prendre davantage de retard par rapport à nos voisins européens, il est urgent de se donner les moyens de nos ambitions et de publier au plus vite cette stratégie.

Par ailleurs, je constate qu'une mesure qui revêt une importance particulière pour les gens de mer travaillant à bord des navires de pêche est toujours en attente d'application. L'article 135 de la LOM a habilité le Gouvernement à transposer dans le droit national une mesure issue de la réglementation européenne concernant l'obligation pour les armateurs de souscrire une garantie financière afin d'assurer les marins en cas de maladie, d'invalidité ou d'abandon. L'ordonnance prévue a bien été publiée en mai 2020, mais seule la garantie pour les navires autres que de pêche est aujourd'hui applicable. Celle qui concerne les navires de pêche est toujours lettre morte, faute de mesure d'application. Je rappelle qu'il s'agit d'une préoccupation ancienne déjà prévue par la loi du 16 juillet 2013 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable. Je ne peux qu'appeler le Gouvernement à mettre en oeuvre cette mesure qui permettrait une meilleure protection des marins travaillant à la pêche face aux risques et situations d'urgence qui peuvent survenir dans leur métier. En outre, seul un rapport a été remis au Parlement, sur les seize attendus.

Au-delà du retard de parution des mesures d'application, et pour vous livrer un bilan plus qualitatif de la mise en oeuvre concrète de la LOM, je souhaiterais partager avec vous certaines informations et interrogations.

S'agissant de la gouvernance en matière de mobilité, je vous rappelle la possibilité pour les communautés de communes de se voir transférer la compétence mobilités. Celles-ci pouvaient délibérer en ce sens jusqu'au 31 mars 2021. Pour votre information, je vous indique que, au 15 avril 2021, sur 918 communautés de communes non-autorités organisatrices de la mobilité (AOM), on dénombre 426 délibérations favorables pour la prise de compétence d'AOM, contre 256 délibérations défavorables. Pour celles qui ne se sont pas prononcées, la compétence sera mécaniquement transférée à la région, qui définira donc les bassins de mobilité.

Permettez-moi également de revenir sur la mise en place des premières zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m). La LOM a imposé leur création avant le 31 décembre 2020 dans 7 nouvelles agglomérations connaissant des dépassements chroniques des normes de qualité de l'air, en plus des quatre collectivités qui avaient déjà mis en oeuvre ce dispositif : métropole de Lyon, Grenoble-Alpes-Métropole, Ville de Paris et métropole du Grand Paris. Alors qu'il est question d'étendre les ZFE-m aux agglomérations de plus de 150 000 habitants et de prévoir des plans de restriction de circulation, je m'interroge sur le caractère opérationnel des dispositifs de contrôle automatisé prévu pour contrôler le respect des mesures édictées.

Enfin, la création du forfait mobilités durable a fait l'objet d'une évaluation dont les résultats ont été publiés très récemment. Ainsi, 20 % des 1 047 organisations ayant répondu avaient déployé ce forfait. Le plafond moyen choisi par les acteurs privés est de 400 euros -- à l'origine à 200 euros, nous l'avions doublé dans le cadre de la LOM. L'étude précise que 37 % des employeurs ayant déployé le FMD n'ont rencontré aucune difficulté, 23 % d'entre eux ont eu des difficultés liées à la collecte de preuves et 18 % ont eu un manque d'informations et de compréhension du sujet. Le ministère a d'ailleurs indiqué qu'il évaluerait l'opportunité de recourir à l'habilitation prévue à l'article 83 visant à définir les conditions de la prise en charge par l'employeur des frais de transport sur la base des résultats de ce baromètre.

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