Je suis venue vous proposer d'écrire ensemble une nouvelle page de notre histoire, faite de démocratie et d'écologie, en commun avec toutes les forces vives de notre pays, les citoyens comme les députés. Dans la crise que nous traversons, nous en avons besoin. Il y a urgence à construire l'avenir de nos territoires, à les protéger des conséquences du dérèglement climatique, à réinventer une civilisation dont l'inconséquence provoque aujourd'hui canicules, crues mortelles, cyclones et tempêtes ; urgence à conduire l'humanité à l'âge adulte face à la fragilité de notre planète, en écho à l'appel des 150, de notre jeunesse, du pays tout entier. Nous devons agir vite et bien, nous devons faire mieux. Ce grand défi est l'occasion de retisser des liens dans notre pays, de rassembler, de cesser d'opposer, de retrouver le goût d'un avenir partagé à construire ensemble ; c'est cela, faire Nation dans notre nouveau siècle.
C'est à cet exercice que se sont attelés les 150 membres de la Convention citoyenne pour le climat tirés au sort. Pendant neuf mois, ils ont donné de leur temps et de leur énergie pour apporter leur concours à notre vie collective. Ils n'étaient pas experts, pas toujours convaincus de la cause environnementale ; ils venaient de partout, de toutes les catégories sociales, de tous les métiers ; ils ont débattu ; ils ont fait des propositions, c'est toute la noblesse de la démocratie. Je veux dire encore ici ma fierté devant leur héritage.
Maintenant, le temps du Parlement est venu ; c'est à vous de concrétiser ce travail. Bien sûr, beaucoup critiqueront le rythme des transformations, le trouvant trop rapide ou trop lent. À mon sens, s'il faut assumer des ruptures, on ne transforme pas un pays dans la brutalité ; il faut doser entre contrainte et initiative et accompagner les acteurs concernés. Notre écologie est une écologie pragmatique, de terrain, de bon sens.
Tout commence à l'école de la République, c'est pourquoi cette loi fera entrer l'écologie dans les salles de classe. Elle va nous donner des moyens pour faire de chaque citoyen un acteur d'une consommation plus responsable en indiquant le bilan environnemental des produits et des services, en transformant les représentations véhiculées par la publicité et en définissant l'éco-blanchiment pour ce qu'il est : une pratique commerciale trompeuse. C'est l'ambition du titre I.
Cette loi va aussi porter la transition écologique au coeur des entreprises. Nous allons mobiliser la commande publique : les clauses environnementales seront obligatoires dans les marchés publics. Nous allons également mieux ancrer les énergies renouvelables dans les territoires pour renforcer l'acceptabilité des projets. C'est tout le sens du titre II.
Ce texte va nous permettre de protéger directement des milliers de nos concitoyens exposés chroniquement à un air irrespirable. Nous connaissons le coût humain de cette situation : 40 000 morts chaque année. Nous allons créer dans toutes les grandes villes de France des zones à faibles émissions pour mettre un terme à la circulation des véhicules les plus polluants sous les fenêtres de nos enfants. Cette loi, enrichie par l'Assemblée nationale, va permettre à nos concitoyens de bénéficier de la prime à la conversion, pour se tourner vers des vélos à assistance électrique. Le bon sens, c'est aussi reconnaître qu'il est absurde de prendre l'avion lorsque l'on peut faire le même trajet en train en moins de deux heures et trente minutes. Tels sont les objectifs du titre III.
Le titre IV vise, lui aussi, à restaurer le bon sens, afin de cesser d'engloutir la nature sous le béton, de construire des centres commerciaux dans les champs, pour diviser par deux le rythme de l'artificialisation des sols. Ce bon sens conduit également à agir pour mettre fin à la situation intenable de près de deux milliers de foyers français locataires de passoires thermiques. Nous pouvons éviter les factures exorbitantes qu'ils subissent et, du même coup, le rejet de millions de tonnes de CO2 dans l'atmosphère. Ce texte interdira la mise en location de tels biens afin de conduire les propriétaires à réaliser des rénovations de qualité. La trajectoire pour y parvenir est claire, de la classe G, la plus consommatrice, dont la location sera interdite en 2025, à la classe E, pour laquelle les travaux devront être réalisés avant 2034. L'objectif de ce calendrier est de laisser le temps aux propriétaires de s'adapter, tout en évitant la saturation des professionnels. Certains voudraient tout interdire dès demain, encore faut-il pour cela que la filière soit structurée et que les propriétaires aient la capacité de réaliser de tels travaux. Leur accompagnement est également garanti par ce texte, grâce à la création des accompagnateurs rénovation agréés. Grâce à ce dispositif, nous allons simplifier et sortir des procédures complexes. Nous avons conscience de l'effort que nous demandons à ces propriétaires, c'est pourquoi la loi doit fixer un principe d'engagement financier de l'État pour garantir aux ménages, notamment les plus précaires, un faible reste à charge. Cet engagement se traduira chaque année en loi de finances. La transformation de notre habitat est une question de cohérence et de prévisibilité.
Cette loi est aussi l'occasion de donner une nouvelle impulsion à la transformation de notre modèle agricole et alimentaire en développant une agroécologie au service des territoires, des humains et de la nature, en donnant à chacun le droit à une alimentation plus saine et équilibrée, en ouvrant davantage le choix à un menu végétarien et en y associant des commandes de viande de bonne qualité. C'est le programme du titre V.
Ce texte acte donc un changement d'ère, le début d'une nouvelle époque dans laquelle la destruction volontaire de la nature, les dépôts sauvages, les pollutions évitables sont intolérables. La complaisance avec les pollueurs, c'est terminé. Nous renforçons notre droit, notre cadre juridique ; avec le titre VI, nous nous donnons enfin les moyens d'agir avec diligence et sévérité contre ceux qui portent gravement atteinte à l'environnement.
Je suis profondément attachée à ce temps que nous prenons ensemble, au débat parlementaire, au travail des élus de la Nation. Je sais combien il améliore les lois. J'ai mentionné les avancées notables de ce texte, dont certaines sont issues des plus de 200 heures de débat à l'Assemblée nationale. Le titre VII est venu enrichir la portée de ce texte dans le temps long. Pour relever le défi de la transition, nous avons besoin d'un cadre robuste pour nous assurer que notre exigence ne faiblit pas. Les évolutions de notre gouvernance climatique que les députés ont adoptées vont, à ce titre, dans le bon sens, avec l'évaluation annuelle de la mise en oeuvre de cette loi par le Haut Conseil pour le climat et la Cour des comptes, ainsi qu'avec la négociation de feuilles de route secteur par secteur. Mettre autour de la table les acteurs qui vont agir pour atteindre nos objectifs communs, c'est le gage d'une coordination efficace.
Bien sûr, une seule loi ne peut transformer un pays, aussi ambitieuse soit-elle. J'entends dire que ce texte ne serait pas suffisant pour aboutir aux objectifs de 40 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre - je le confirme. Ce projet de loi est une nouvelle pierre apportée à un édifice beaucoup plus large, avec des décisions que personne n'avait osé prendre auparavant, comme l'abandon de Notre-Dame-des-Landes, d'EuropaCity, de la Montagne d'or, du terminal 4 de Roissy ; elle accompagne un plan de relance historique qui consacre 30 milliards d'euros à la décarbonation de notre économie, de nombreuses mesures réglementaires et fiscales et notre mobilisation internationale sans faille pour faire de l'Europe une puissance susceptible de conduire nos partenaires à s'aligner sur le niveau de notre ambition.
Ce texte est désormais à vous.
Si je ne devais retenir que quelques mesures, ce seraient les mesures les plus structurantes, comme celle sur la rénovation des bâtiments, car le bâtiment représente 25 % de nos émissions de gaz à effet de serre, ou celle sur la mise en place des zones à faibles émissions, car il s'agit d'un effort sans précédent pour la santé publique qui concernera la moitié de la population française. Sa mise en oeuvre nécessitera un accompagnement social, comme j'ai eu l'occasion de le dire lors de mon récent déplacement à Marseille.
Je retiendrai également la mesure sur l'artificialisation des sols, car nous ne pouvons pas continuer à bétonner les sols à un rythme aussi fort. Notre objectif à long terme est d'atteindre l'objectif de zéro artificialisation net et notre objectif intermédiaire est de diviser par deux le taux actuel d'artificialisation des sols. Les maires me disent que les mentalités ont déjà évolué sur ce sujet. Un fonds Friches de 300 millions d'euros est prévu pour accompagner les collectivités.
Je conserverai d'autres mesures plus culturelles comme celles qui concernent les menus végétariens, le remplacement des trajets en avion par des alternatives en train, ou encore le fameux affichage environnemental, dont l'idée était portée par les membres de la Convention citoyenne sur le climat, et qui prévoit un étiquetage permettant au consommateur de voir si le produit qu'il achète est bon ou pas pour l'environnement.
Avec les députés, nous avons déjà commencé à traduire certaines ordonnances dans le corps de la loi. Au Sénat, je souhaite que nous examinions au cas par cas celles qui sont purement techniques et qui ne nécessitent pas d'être inscrites dans la loi.
Concernant le code minier et le trait de côte, nous profiterons de ce texte pour mettre en oeuvre certaines mesures que l'encombrement du calendrier parlementaire empêchait de mener à bien. La Montagne d'or a fait surgir des risques de contentieux qu'il nous faut traiter. Il en est de même pour le trait de côte, avec, notamment, l'exemple de l'immeuble du Signal qui montre la nécessité de réformer le code de l'environnement.