Je concentrai mes questions sur le titre Ier et le titre VI du projet de loi. Je m'étonne que plusieurs articles du projet de loi reviennent sur des équilibres atteints lors de récents débats parlementaires, ce qui soulève d'importantes questions quant à la lisibilité de la norme et la qualité de la loi.
Je pense notamment aux articles 9 et 12 qui rejouent, en quelque sorte, la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) promulguée il y a un peu plus d'un an.
Concernant l'article 9, je m'interroge sur la capacité de l'expérimentation prévue à distinguer les résultats propres au « Oui Pub » de ceux de la loi AGEC, qui a introduit un régime de sanctions au « Stop Pub ». Ce chevauchement des initiatives a-t-il été pris en compte lors de la rédaction du projet de loi ?
Concernant l'article 12, je vous rappelle qu'à l'occasion de la loi AGEC, le Sénat avait permis au pouvoir réglementaire de faire obligation aux producteurs ou à l'éco-organisme dont ils relèvent de mettre en oeuvre des dispositifs de consigne autres que la consigne pour recyclage sur les bouteilles plastiques. La version de l'article 12 qui nous a été transmise par l'Assemblée nationale ne fait que décliner cette possibilité à la consigne pour réemploi sur les emballages en verre. Cet article est-il utile juridiquement ou ne constitue-t-il qu'un support de communication de la part du Gouvernement ?
Par ailleurs, l'article 1er, qui porte sur l'affichage environnemental, revient lui aussi sur une disposition introduite par la loi AGEC et dont l'évaluation est attendue pour le mois d'août 2021. Alors que plusieurs secteurs comme le textile, l'ameublement, l'aménagement touristique ou l'alimentaire sont engagés dans cette démarche depuis les lois Grenelle I et Grenelle II de 2009 et 2010, ce qui montre au passage que cette idée d'affichage environnemental n'est pas neuve, je m'interroge sur l'entrée en vigueur tardive du dispositif, après cinq ans d'expérimentation tel que cela est prévu par le projet de loi. Ne pensez-vous pas qu'il serait important de mettre en oeuvre ce dispositif plus rapidement, tant au service de l'information des consommateurs que de la compétitivité de nos entreprises ? L'affichage environnemental me semble en effet être un élément puissant pour accompagner la décarbonation de notre modèle économique et créer des avantages comparatifs pour les entreprises françaises. Par ailleurs, une précision a été introduite à l'Assemblée nationale pour tenir compte de la situation des entreprises de moins de 21 salariés. À quoi correspond ce seuil ?
À l'article 11, je partage la volonté d'accélérer le développement du vrac, qui répond à une aspiration de beaucoup de Français à la réduction des déchets d'emballages. Se fixer des objectifs, comme le fait cet article, peut à cet égard avoir un intérêt. Il me semble cependant que poser une obligation de résultat ne suffit pas : il y a de nombreuses barrières techniques et pratiques à lever pour pérenniser le vrac. Comment l'État peut-il mieux accompagner les acteurs, notamment par le biais d'expérimentations, par exemple pour limiter les risques de gaspillage alimentaire induits, pour adapter la réglementation relative à l'étiquetage des produits alimentaires, ou encore pour lever les contraintes techniques empêchant aujourd'hui la vente en vrac de certains produits de consommation ?
À l'article 11 toujours, contre l'avis du Gouvernement, plusieurs amendements ont été adoptés en séance publique afin d'interdire, à partir de 2025, les emballages constitués en polystyrène. Il n'existe certes pas aujourd'hui en France de filière opérationnelle de recyclage du polystyrène, mais plusieurs projets de recyclage chimique ont été récemment annoncés ou sont au stade du pilote technologique. Ne serait-il pas contradictoire d'interdire ces emballages, alors même que nous consacrons des millions d'euros à la recherche de solutions de recyclage, dans la perspective notamment de l'objectif de 100 % d'emballages recyclés d'ici à 2025, conformément à la loi AGEC ? Pouvez-vous nous en dire plus sur l'avancée de ces projets ?
J'aimerais également revenir sur l'article 6, qui prévoit une décentralisation du pouvoir de police de la publicité aux communes ou aux intercommunalités ne disposant pas d'un règlement local de publicité. J'ai des difficultés à comprendre l'objectif visé par cet article. Ne risque-t-il pas de mettre en difficulté les petites collectivités qui ne disposent pas de la capacité à contrôler et sanctionner les éventuelles atteintes au code de l'environnement ?
Enfin, s'agissant du titre VI du projet de loi consacré à la protection judiciaire de l'environnement, vous paraît-il souhaitable que le nouveau délit de mise en danger de l'environnement soit puni plus sévèrement que le délit de mise en danger de la vie d'autrui prévu par le code pénal, soit trois ans d'emprisonnement contre un an d'emprisonnement ? Comment les juges seront-ils amenés à apprécier la qualification juridique de l'atteinte durable, susceptible de durer au moins dix ans ? Si l'on considère la lisibilité et la proportionnalité de l'échelle des peines, vous paraît-il opportun de sanctionner plus sévèrement une mise en danger de l'environnement, qui n'a pas causé de dommage, que certaines « dégradations substantielles » de l'environnement visées à l'article L. 173-3 du code de l'environnement ?