Intervention de Barbara Pompili

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 5 mai 2021 à 16h45
Projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets — Audition de Mme Barbara Pompili ministre de la transition écologique

Barbara Pompili, ministre :

Nous voulons une définition aussi ambitieuse que possible au niveau international, notamment dans la perspective de la COP15 « Biodiversité » en Chine, qui tiendrait également compte des activités traditionnelles comme la pêche en Polynésie.

Monsieur de Belenet, entre le transfert de compétences prévu dans le projet de loi 4D et les réglementations relatives aux poids lourds mises en place par les régions, l'essentiel est la cohérence de l'action gouvernementale, peu importe le texte qui accueille ces dispositions. C'est une mesure de liberté pour les collectivités, une liberté à laquelle je suis particulièrement attachée.

Concernant les ordonnances relatives au transfert de compétences à la collectivité européenne d'Alsace, je vous apporterai une réponse ultérieurement.

Concernant la sécurisation des dispositions pénales comme pour les clauses environnementales dans la commande publique, je suis à l'écoute des propositions du Sénat.

L'Assemblée nationale a préféré à la notion d'artificialisation celle de consommation d'espace, mieux connue des collectivités. Cependant, les deux notions ne se recouvrent pas entièrement.

Le terme d'écocide recouvre à la fois un délit et un crime. En tant que crime, il ne peut être envisagé qu'au niveau international, pour des actes comme le fait de laisser brûler la forêt amazonienne. Au niveau national, je tiens au délit d'écocide : souiller, par des pollutions, un cours d'eau pour des années, tuer des écosystèmes, c'est bien une forme d'écocide. Il n'y a pas de petites atteintes à la biodiversité, car c'est par leur accumulation que nous en sommes arrivés là. Le processus d'artificialisation suit la même logique : il arrive que des maires viennent me voir pour défendre un lotissement, au prétexte qu'il ne s'agit que de quelques maisons ; mais, à force de laisser faire, nous ne maîtrisons plus le phénomène.

Monsieur Laugier, lutte contre le dérèglement climatique et défense du patrimoine sont compatibles. Concernant les pouvoirs donnés aux maires, nous leur laissons la possibilité, qui existait déjà, d'établir des règles en matière de publicité, en donnant également pouvoir aux EPCI de le faire de manière déléguée. C'est un acte de confiance. Un maire est plus à même de savoir ce qui est bon pour sa commune qu'un représentant de l'État. Dans une petite collectivité près de Lyon, avec un coeur de village excentré et une importante zone commerciale, la maire a réussi à faire disparaître la publicité dans le village et, dans la zone commerciale, obtenu une harmonisation des affichages et du graphisme. Le résultat, dont j'ai pu me rendre compte, était très convaincant.

Avec l'autorisation donnée aux maires de réglementer les vitrines des commerçants, on a dit que les maires allaient tuer le commerce. Mais je ne connais pas un seul maire qui ait de telles intentions ! D'autres estimaient au contraire qu'ils seraient livrés aux pressions de leurs commerçants. Le maire est l'élu le plus proche des habitants ; il saura trouver un équilibre. Laissons les maires et présidents d'EPCI agir comme ils le souhaitent.

Madame Bonnefoy, la restriction complète du trafic de poids lourds serait impossible : la jurisprudence du Conseil d'État est constante sur ce point. La présence d'une autoroute à proximité n'est pas un fondement suffisant pour interdire la circulation. Le rôle des services de l'État est de s'assurer du respect des réglementations, de contrôler le temps de conduite et de repos, de sécuriser le réseau routier national.

Le projet de loi prévoit une habilitation à légiférer par ordonnances pour la mise en place par les régions qui le souhaitent de la contribution spécifique assise sur le transport routier de marchandises. Cette contribution assurera la prise en compte des coûts liés à l'utilisation des infrastructures, mais aussi des nuisances, et le financer de la lutte contre celles-ci.

Il y a plusieurs manières de lutter contre l'impact environnemental des livraisons. La mission confiée à Anne-Marie Idrac permettra de faire émerger un certain nombre de propositions. Nous avons mis en place une prime à la conversion pour l'achat de vélos cargo. Ce mode de transport, qui résout nombre de problèmes, va devenir de moins en moins anecdotique. Nous améliorons aussi la prime à la conversion pour les véhicules électriques.

L'interdiction des livraisons gratuites est une proposition intéressante. Certes, selon un certain nombre d'études, ce n'est pas cette pratique qui est à l'origine des émissions de gaz à effet de serre les plus importantes. Mais nous pouvons y réfléchir.

Monsieur Pointereau, faire du recours à des modes massifiés un critère d'attribution des marchés publics est une idée intéressante, même si cela ne relève sans doute pas du domaine de la loi.

Je vous rejoins totalement sur l'importance des bornes électriques dans le développement de la mobilité électrique. Aujourd'hui, les freins à l'achat de véhicules électriques sont liés non plus aux coûts, car il existe plusieurs outils incitatifs, mais à la problématique des bornes. Nous avons lancé un plan à cet égard, notamment sur les gros réseaux. Mais nous avons besoin de mailler plus finement le territoire. À ce stade, près de 40 000 bornes sont d'ores et déjà installées, et 40 % des aires d'autoroutes seront équipées dès cet été de bornes rapides. Je suis en train de travailler pour qu'il puisse y avoir une cartographie. Il faut aussi un dispositif spécifique pour le transport de marchandises. Nous avons déjà des bornes de recharge plus puissantes, pour répondre à des personnes qui se retrouveraient en panne.

Je ne vous suis pas lorsque vous affirmez que ce serait la « triple peine » pour les familles modestes. C'est même l'inverse. Comme je l'ai indiqué, toute mesure est accompagnée. Ceux qui veulent changer leur chaudière ont droit à des aides. Pour une famille modeste, acheter une chaudière très performante en termes écologiques et énergétiques coûte moins cher que de racheter une chaudière au fioul. De toute manière, nous n'imposons pas aux ménages de changer leur chaudière tout de suite. Ils les changeront quand elles seront trop vieilles.

Il en va de même s'agissant des voitures diesel. D'ailleurs, les voitures concernées ne rouleront plus en 2030. Et ceux qui achèteront une voiture neuve pour se conformer aux règles applicables dans les zones à faible émission bénéficieront d'aides pouvant aller jusqu'à 14 000 euros. Même pour une voiture d'occasion, les aides peuvent aller jusqu'à 7 000 euros. Le projet de loi prévoit également des adaptations pour les familles nombreuses, car personne ne doit être sans solution.

L'accompagnateur Rénov' permettra de mobiliser toutes les aides possibles pour la rénovation thermique des logements. Ma Prime Rénov' a très bien marché l'an dernier, et nous avons encore plus de demandes depuis le début de l'année. Il suffira désormais de passer un coup de téléphone, et un professionnel viendra à domicile pour examiner les rénovations à effectuer, en estimer le coût et informer les personnes des aides dont elles peuvent bénéficier, voire leur indiquer quels sont les artisans les plus compétents pour ces travaux. Le reste à charge, s'il y en a un, pourra être financé par le « prêt avance mutation », qui sera garanti par l'État.

Nous avons donc beaucoup d'outils pour permettre aux familles les plus modestes de participer à la transition écologique. Personne ne doit se sentir laissé sur le bord du chemin, ce que les « gilets jaunes » avaient pu ressentir. Dès lors que nous vivons tous sur la même planète, nous sommes tous sur le même bateau ; chacun doit pouvoir y embarquer. C'est à la fois juste et plus efficace d'un point de vue purement écologique.

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