Je complèterai les propos de Bruno Mettling pour répondre à Mme Puissat. Je suis complètement d'accord avec vous. Il existe un déficit de protection dans le domaine du chômage auquel il faut apporter une réponse. Doit-elle être une réponse spécifique aux travailleurs des plateformes fortement subordonnés ou bien doit-elle s'envisager dans un contexte plus large ? Cela doit faire partie des discussions qui devraient être engagées dans le domaine du travail et des travailleurs des plateformes. Je voulais toutefois insister sur le fait que, si la protection est un domaine dans lequel on observe un déficit de droits, il ne faudrait pas s'arrêter là. C'est plus global. Comme l'a souligné Bruno Mettling, le problème du revenu et de la rémunération minimale se pose, de même que le problème de l'amplitude des journées et de la semaine de travail, avec les spécificités de ces activités. La négociation collective peut être le levier pour dégager les normes les plus adaptées.
Pour répondre à M. Fichet, on sera tous d'accord pour dire que quelque chose d'horrible s'est développé dans le travail des plateformes : les différents étages de la dégradation des droits et des protections. Certains travailleurs de plateformes organisent une sous-traitance vis-à-vis d'autres travailleurs qui sont en situation de dépendance encore plus forte, car ils peuvent être irréguliers. Cela dépasse largement les préoccupations de cette audition. La requalification salariale ou le passage par la négociation collective pour élaborer des normes, que je préconise avec M. Mettling, ne répondent pas à ce problème-là. Cette question doit donc être l'un des sujets de la négociation collective qu'on doit encourager entre travailleurs des plateformes et plateformes.
Pour répondre à Mme Berthet, il ne faut évidemment pas complexifier. Et la meilleure façon de ne pas complexifier est de passer par la négociation collective. Si l'on veut que des dispositions réglementaires et légales essayent, dans la complexité de ces formes d'activités que constitue le travail via les plateformes, d'élaborer des normes réglementaires dans tous les domaines où on observe un déficit de droits et de protection, on va complexifier énormément. Si, en revanche, ces normes et ces protections sont issues de la négociation collective, cela signifie que les plateformes et les travailleurs des plateformes se seront appropriées la chose dans le contexte de la négociation. C'est ainsi qu'on parviendra à ne pas complexifier.
Monsieur Canévet, vous demandez s'il faut passer par la loi. Les technologies évoluent tellement vite que le droit sera toujours en retard par rapport à ces évolutions. Vous vous posez des questions maintenant sur un phénomène né il y a de nombreuses années. L'intérêt de passer par la négociation collective est que son renouvellement continu permettra un renouvellement continu des normes. Si on attend du droit et de la réglementation qu'ils s'adaptent à des changements technologiques d'une grande rapidité, on sera toujours en retard. Cela renforcera donc le déficit de droits et de protection qu'on essaie de réduire au maximum.
Enfin, sur le risque de requalification, l'objet des domaines de la négociation collective est celui qui est pris en compte par le juge dans le cadre de sa décision de requalification en salarié : le contrôle, notamment par les algorithmes, et le pouvoir de sanction. Ces éléments doivent faire partie de la négociation entre les travailleurs des plateformes et les plateformes. Le risque de requalification sera réduit par le fait que ce contrôle sera encadré par des normes issues de la négociation collective. Le pouvoir de sanction sera encadré, avec des possibilités de contestations élaborées par la négociation collective. Cela réduira l'instabilité juridique dans laquelle on se trouve, sans exposer les plateformes et les travailleurs des plateformes au risque de requalification.