Intervention de Jean-François Husson

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 12 mai 2021 à 9h00
« comment sortir des prêts garantis par l'état pge ? » — Communication

Photo de Jean-François HussonJean-François Husson, rapporteur général :

Pour répondre à Marc Laménie, le PGE ne coûte rien à l'État s'il n'y a pas de défaillances. Le Gouvernement estimant ce risque à 4,6 % en début de crise, il est aujourd'hui évalué à plus de 6 %. Le dispositif diffère de l'Allemagne où des subventions ont été accordées aux entreprises touchées. J'ai expliqué les raisons pour lesquelles la France a choisi un dispositif différent.

S'agissant du secteur du BTP, j'ai rencontré, au cours de mes auditions à Nancy, deux acteurs de tailles différentes : une TPE et une PME. La TPE nous a fait état de sa grande satisfaction sur les facilités d'accès aux prêts et la rapidité de leur décaissement. La PME n'a, de son côté, demandé qu'un simple prêt de trésorerie, qu'elle a remboursé.

Christine Lavarde partage mes observations sur la question de l'aléa moral. J'irai plus loin que le simple propos budgétaire : la plupart des acteurs économiques auditionnés nous ont exprimé leur hostilité à une forme de laisser-aller quant à l'octroi de subventions en lieu et place du remboursement de ces prêts. En sortie de crise, elle se ferait au détriment des entreprises qui ont fait le plus d'efforts.

En ce qui concerne les CODEFI et leur ouverture aux acteurs privés, j'ai bien pris la mesure de la question de la confidentialité des informations qui peuvent y être échangées. Je relève cependant que celle-ci est déjà prégnante au sein des conseils d'administration des grandes entreprises, qui associent différents acteurs. Pour l'heure, les CODEFI ne sont pas structurés pour accompagner la sortie de crise. N'y laisser que des représentants de l'État leur donnerait par ailleurs un caractère presque hémiplégique. La proposition que j'ai formulée reprend le modèle du PGE où l'État apporte sa garantie et laisse ensuite aux banques le soin de formuler une offre de prêt. Je suis agréablement surpris par l'implication de la Fédération bancaire française ou de la Banque publique d'investissement dans l'accompagnement au plus près des entreprises, en dépassant le simple cadre de la filière pour nouer une relation directe avec les entreprises. Un changement de paradigme a été opéré.

Il s'agit aujourd'hui de poursuivre dans cette logique associant public et privé, cette fois-ci au niveau des CODEFI, en s'appuyant notamment sur la connaissance des entreprises acquise par les professionnels du chiffre. Les chambres consulaires pourraient également être associées. Il s'agit de s'adresser au maximum d'acteurs et de prendre en compte l'évolution constatée quant à l'utilisation de ces prêts. La longueur de la crise a, en effet, incité les entreprises qui y recourraient à repenser leur rapport au PGE, qui a été initialement envisagé comme une facilité de trésorerie pour faire face lorsque le premier confinement, particulièrement strict, a été décidé.

Pour répondre à Gérard Longuet, nous devons avoir le traitement le plus fin possible en ce qui concerne la sortie de crise et aller au-delà d'une approche par secteur d'activité, en prenant en compte les spécificités de chaque entreprise. L'exemple des traiteurs est assez éloquent. Il existe en la matière deux types de structures, selon qu'elles disposent ou non d'une boutique et de la part de chiffre d'affaires qu'elle représente. Pour une quarantaine d'entreprises du secteur, l'essentiel de leur activité tient aux grands évènements. Elles emploient pour cela une ou plusieurs centaines de collaborateurs afin de répondre à la demande. Leur activité s'est arrêtée du jour au lendemain en mars 2020, voire même un peu avant pour les plus grands événements. Il n'est pas possible pour elles d'opérer en vente à emporter. Un dispositif les visant a pu être mis en place au 1er janvier dernier mais pas avant. La situation n'est pas la même pour les artisans-traiteurs, qui ont pu garder leur boutique ouverte et reprendre une partie de leur activité après le premier déconfinement, pour des évènements moins importants.

Le caractère inédit de cette crise nous invite à revoir les acquis de la théorie économique sur la sortie de crise et privilégier des approches innovantes, en associant public-privé, afin d'éviter les défaillances, accélérer la reprise et écarter le spectre d'une hausse d'impôts.

Vincent Segouin évoque les entreprises non viables ayant bénéficié d'un PGE. Aujourd'hui, un nombre important d'entreprises est effectivement sous perfusion et certaines d'entre elles auraient dû cesser leurs activités. Ces dernières ont bénéficié d'un sursis, notamment pour les commerces. Dans nos villes, de nombreux locaux et fonds de commerce sont d'ailleurs déjà disponibles. Les COFISOC que je propose de mettre en place doivent permettre de répondre à ces difficultés.

En France, les conséquences économiques de la crise ont été supportées à 22 % par les entreprises. Les problématiques de compétitivité reviendront et, comme l'évoque Stéphane Sautarel, une part essentielle de la sortie de crise réside dans les fonds propres. Si l'on souscrit tous à l'idée de préserver notre souveraineté industrielle, les moyens dont nous disposons pour la garantir sont limités.

Numériquement, les TPE sont les principaux bénéficiaires des PGE. La crainte que l'outil soit cannibalisé par les grandes entreprises ne s'est donc pas réalisée, même si les constructeurs automobiles et le secteur aéronautique ont largement bénéficié de ce dispositif et risquent de rencontrer des difficultés supplémentaires du fait de l'évolution des mobilités à la fin de la crise sanitaire. Il faut donc mettre en place une sortie en sifflet des aides, qui ne concernera pas uniquement les PGE. Il faudra être pragmatique.

Comme l'a indiqué Michel Canévet, les services de l'État ne doivent pas être seuls pour traiter les difficultés rencontrées par les entreprises et négocier leur dette. Il est cependant logique qu'ils soient représentés autour de la table et c'est le sens de la proposition visant à créer de nouveaux comités, les COFISOC.

Concernant les effets d'aubaine, il faut bien comprendre que les entreprises ont simplement voulu prendre leurs précautions en début de crise, c'est dans l'utilisation et les décisions qui ont pu être prises ensuite qu'il faut distinguer les situations.

Pour répondre à Charles Guéné, il faut effectivement aller au-delà de la logique initiale des PGE et lever les blocages. En particulier, il faut s'assurer que les banques ne resserrent pas les conditions de crédit en sortie de crise. Les COFISOC que je propose doivent constituer le moyen d'un diagnostic partagé entre les acteurs.

S'agissant de la question posée par le président et du soutien public aux investissements privés en fonds propres, d'après les acteurs interrogés, des liquidités sont disponibles pour investir et la question est plutôt d'accompagner les entreprises dans leurs besoins de financement. De ce point de vue, les prêts participatifs sont une des réponses apportées par le Gouvernement.

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